dimanche 20 mars 2011

Transfiguration

2ème Dimanche de Carême A.11

Ce texte d'évangile que nous venons d'entendre, vous le connaissez bien ! On l’entend tous les ans au 2ème Dimanche de Carême, à la fête de la Transfiguration et en d’autres circonstances… Vous le connaissez ! Mais ne paraît-il pas un peu étrange et même, disent certains, étranger à notre vie ?
Étrange, oui, mais pas incompréhensible ! Etranger à notre vie ? Je ne le pense pas.

Comment comprendre ce texte? Pour dire l'indicible, les mots toujours nous manquent. Mathieu procède par allusions et par images. Une accumulation d'images qui disent toutes la même chose.
Il y a l'image de la montagne. Et puis, le visage de Jésus brillant comme le soleil, ses vêtements blancs comme la lumière. Il y a encore l'image de la nuée.
Montagne, lumière, splendeur, nuée, c’est l'accompagnement traditionnel des apparitions divines, principalement au moment de l’Alliance au Sinaï !
- “Le Seigneur, dit le texte de l’Exode, dit à Moïse : « Monte vers moi sur la montagne pour que je te donne les tables de pierre » (de la Loi)“. (Ex 24.12).
- Et sur cette montagne, il y avait “des éclairs et une nuée pesant sur la montagne“ (Ex. 19.16). “La montagne du Seigneur n’était que fumée parce que le Seigneur y était descendu dans le feu d’une fournaise ; et toute la montagne trembla violemment“ (Ex 19.18).
- Et quand Moïse redescend de la montagne “la peau de son visage rayonnait“ (Ex 34.30).

Montagne, splendeur, nuée, visage de lumière… Autrement dit, le récit de Matthieu présente Jésus comme le “Nouveau Moïse“ annoncé par Moïse lui-même juste avant de mourir : “C’est un prophète comme moi que le Seigneur suscitera… C’est lui que vous écouterez !“ (Deut. 18.15).

C’est donc Jésus qui est le médiateur d’une “alliance bien meilleure“ (Heb 8.6), conclue en son sang, “le sang de l’Alliance versé pour la multitude“ (Mth 26.28), “le sang d’une Alliance éternelle“ (Heb 13.20), mais Alliance écrite désormais “non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur vos cœurs“, dira St Paul (2 Co. 3.3), des cœurs “qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique !“ (Lc 8.21). Aussi nous est-il dit particulièrement aujourd’hui : “Ecoutez-le !“.

Et il y a aussi la présence du prophète Elie qui, “brulant de zèle pour la Loi“ (I Mac 2.58) s’était “levé comme un feu“ (Si. 48.1). C’est lui qui devait revenir “pour tout rétablir“, dira Jésus lui-même (Mth 17.11).

Moïse et Elie, personnages essentiels de l'histoire du peuple de Dieu qui résument la Loi et les Prophètes, sont là pour signifier que Jésus est bien celui dont tout l'ancien Testament préparait la venue, celui qu'on attendait ! Et pour qu'on en soit sûr, la voix du Père proclame : “C’est lui, C’est bien lui mon fils bien-aimé, écoutez le !“.

Notez que cette apparition du Christ glorieux vient à point : Jésus transfiguré avant d'être défiguré ! La foi des apôtres, Pierre, Jacques et Jean, sera tellement ébranlée, quand ils verront Jésus défiguré, couronné d'épines, affublé d'un manteau de carnaval. Jésus mourra en croix, sous les rires moqueurs des passants et dans le silence et l’apparente non-intervention de Dieu. Au point qu’on se demandera : Dieu l’a-t-il abandonné ? Jésus n’était-il qu’un “imposteur“, comme diront les grands Prêtres à Pilate (Mth 27.63). C’est à cette question que le récit de la Transfiguration veut répondre par avance. Jésus, sur le point de prendre le chemin cruel de la montagne de Sion, la montagne de l’Alliance en son sang - “durcissant sa face vers Jérusalem“, dira littéralement St Luc (9.51) reprenant, là, une expression du prophète Isaïe à propos du “serviteur souffrant“ - … Jésus fait entrevoir à ses apôtres sa résurrection. Il leur laisse deviner à quelle lumière, à quelle splendeur, à quelle hauteur conduit la fidélité envers Dieu, jusqu'au bout. Il mourra en croix, mais cette mort se changera en lumière et en vie !

C'est cela le message essentiel de ce récit qui n'est pas si étrange que cela ! Ni étrange et ni étranger à notre vie !
Car je vous poserais une question - mais la réponse appartient au Seigneur seul ! - : N’y-a-t-il pas eu en votre vie des moments - fugaces ou plus lents - qui comportaient comme des signes de Transfiguration :
- Lieu élevé, un peu comme St Paul : “Je connais un homme qui - avec ou sans son corps, je ne sais - fut enlevé jusqu’au troisième ciel…“. (2 Co 12.2sv).
- Lumière, quand le Seigneur ouvre notre cœur à sa lumière, dit St Paul (Cf. Eph. 18), de sorte que nous devenons, malgré nous parfois, “des sources de lumières“ (Cf. Ph. 2.15).
- Splendeur, nuée : quand nous ressentons vivement la présence - une présence cachée - de Dieu en notre cœur, même - et je dirais surtout - aux moments difficiles comme pour Abraham qui offrait son fils et à qui il fut dit : “Je sais maintenant que tu frémis d’Elohim“ (Gen 22.12 – traduction Chouraqui).

Bref, chacun a ses “moments de transfiguration“ qui ne sont ni étranges ni étrangers à la vie, qui, au contraire, favorisent une plénitude de vie !

D’ailleurs, en méditant ce récit de la Transfiguration, j'entends quelque chose de très important pour notre vie de croyant. Deux mots, deux mots seulement...

Le premier mot est celui-ci : “écoutez-le !“. Ce mot n’est pas du tout étranger à notre vie. Oui, chacun, s’il le veut, entend la voix du Père lui dire, ce matin : Celui-ci est mon Fils, tu peux l’écouter en toute confiance.
Cette parole me rassure, j'ai besoin, nous avons besoin de l'entendre souvent ! Surtout au moment des difficultés que nous pouvons traverser, en ces temps où les chrétiens sont facilement présentés comme des naïfs qui se font illusion et que l’objet de leur foi n’est qu’une invention des hommes pour être consolé artificiellement des malheurs du temps. Qui d'entre nous n’a pas été sensible à cette question qui monte en nous aux heures de détresse, orchestrée par tant de voix de la culture contemporaine ?

Oui, il nous est bon d'entendre aujourd'hui cette parole du Père, comme une caution divine : “Ecoutez-le, suivez son chemin, ; c’est un chemin de vie“. Avoir la foi pour un chrétien, c’est écouter le Christ, faire confiance à sa parole et, touché par son message et son exemple, choisir d'y adhérer.

Et puis, il y a une deuxième parole que j'entends dans ce récit de la Transfiguration, pas étrangère, elle non plus, à notre vie, une deuxième parole très importante pour notre vie de croyant : “Tu es mon fils bien-aimé !“. Oui, la parole que Mathieu met dans la bouche de Dieu : “celui-ci est mon fils bien-aimé“ s’adresse également à chacun de nous. C’est Jésus qui nous l'a dit : tout homme est aimé de Dieu, tout homme est une histoire sacrée, tout homme est à l'image de Dieu. Tout homme a en lui cette lumière de Dieu qui peut transfigurer sa vie.

Vous objecterez : cela ne se voit guère ! L'humanité n'est pas belle, l'homme est capable du pire. L'actualité le démontre. C’est vrai, l'homme est souvent défiguré par la violence, l'égoïsme, la laideur, la médiocrité. Et l'histoire des horreurs n'est hélas pas terminée, il faut rester lucide.
Mais il est vrai aussi que l'humanité est belle, que l'homme est capable du meilleur. La lumière qui veille dans le secret du cœur de chaque homme transparaît parfois. Que de femmes, que d'hommes célèbres ou ignorés montrent cette lumière à travers leur courage, leur force d’aimer, le don quotidien de leur vie. Ils luttent, ils protestent, ils bâtissent, ils secrètent paix et amour. La Transfiguration, ne se manifeste-t-elle pas, chaque jour, en tous lieux de la terre.

Il est temps de conclure. Mais, dites-moi, si tout homme est à l'image de Dieu, si tout homme est un fils bien-aimé du Père, tout homme est mon frère ! Jésus nous dit que Dieu ne fait pas de différence entre les hommes. Et nous-mêmes ?

Je vous laisse sur cette question à laquelle chacun répondra, cette question qu’à sa manière un vieux Sage d’Orient posait à ses élèves :
- “A quoi peut-on reconnaître, demandait-il, le moment où la nuit s'achève et où le jour commence ?“.
- “Est-ce lorsqu’on peut reconnaître de loin un chien d'un mouton ?“, lui dit-on.
- “Non“, dit le stage.
- “Est-ce quand on peut distinguer un dattier d’un figuier ?“
- “Non“, dit encore le stage.
- “Mais alors, quand est-ce donc ?“, demandent ses disciples.
Le sage répondit : “C'est lorsque, regardant le visage de n'importe quel homme, tu reconnais ton frère ou ta sœur. Jusque-là, il fait encore nuit dans ton cœur !“.

Aucun commentaire: