Christ-Roi 2018/B
Si
nous pouvions, ne serait-ce qu'un instant, à la manière des saints, vraiment
ressentir la scène que l'évangile d'aujourd'hui nous rapporte, nous ne saurions
plus que penser tant elle est émouvante, déconcertante.
Jésus,
le seul vraiment saint, juste, innocent, qui n'a dit que la vérité, qui
n'a fait que le bien, le voilà traduit devant le gouverneur romain comme un
coupable méprisable. Bientôt, il sera condamné au supplice de la flagellation,
avant d'être conduit à la crucifixion. Et c'est à ce moment-là que Jésus, avec
une force souveraine, affirme qu'il est roi !
De
même, c'est devant la cour haineuse du Grand-Prêtre, au moment où tout va
basculer pour le perdre, qu'il ose s'attribuer la fameuse prophétie de
Daniel qui fait de lui le Messie attendu, dont la place est à la droite
du Tout-Puissant.
C'est
au moment où tout semble perdu, où il est comme écrasé, que le Christ affirme
ce qu'il n'avait jamais encore dit clairement : il est le Messie, il est
vraiment le Roi de justice et de paix, dont David et Salomon étaient les
ancêtres et qui doit, enfin, faire régner éternellement la vérité sur la terre.
L'énormité
de la prétention, à laquelle personne ne comprend rien, est encore soulignée
par les circonstances accablantes que traverse Jésus.
Jean
médite et il se souviendra aussi de l'épisode du couronnement d'épines
où les soldats se livrent à une odieuse parodie en s'inclinant devant celui
qu'ils appellent le "Roi des Juifs", alors qu'il est
complètement écrasé par la souffrance et l'humiliation. Voilà notre Roi !
Voilà la logique terrible du péché et la réponse indicible de l'amour : "Je suis né et venu dans le monde pour
rendre témoignage à la vérité.
Tout homme qui appartient à la vérité
écoute ma voix".
Jésus
proclame la vérité et nous voyons à quel point la vérité est exigeante : c'est
précisément parce qu'il dit la vérité
qu'il va mourir, car, bien souvent, les hommes ne la supportent pas.
Proclamer
la vérité ! On peut penser à tous ces martyrs
de tous les temps ; On peut penser à toutes ces missions impossibles comme
celle de la petite voyante de Lourdes en face de tous ses contradicteurs, ou
celle de Jeanne d'Arc en face de ses juges ;
On
peut penser à ces prisonniers politiques modernes, à tous ceux qui luttent avec
désintéressement pour arracher leurs frères à l'esclavage, à l'ignorance, à la
misère. Tôt ou tard, ils seront avertis, menacés, inquiétés.
La
vérité est une force vivante qui
dérange toujours, c'est le don de l'Esprit-Saint lui-même : ."Toute vérité, écrivait St Ambroise, quelle que soit la bouche qui la prononce,
vient de l'Esprit-Saint !"
Toute
vérité vient de l'Esprit-Saint, donc de Dieu; tout mensonge
conscient doit être rattaché à celui que Jésus appelle "le père du mensonge".
La vérité nous introduit
dans le monde de la réalité divine qui est éternelle ; le mensonge, dans le
monde de l'illusion, de la folie et de la mort.
Il
n'y a que la vérité qui intéresse
Dieu. Il ne
connaît, contrairement aux hommes, aucune étiquette, aucune classification
toute faite. Et Jésus propose la vérité
à tous, riches et pauvres, Juifs ou païens, percepteurs corrompus ou pécheurs
de tous acabits… Pour lui, seul compte le cœur qui s'ouvre à la vérité. "Celui qui appartient à la vérité écoute ma voix !". Admirable parole qui va se
vérifier de manière étonnante à travers Zachée, Marie-Madeleine, le bon larron
! etc...
Il
faut qu'elle se vérifie en chacun de nous!
Oui,
il nous faut marcher dans la Vérité, "marcher dabs la lumière", comme dit encore St Jean dans sa
première lettre si admirable : "Marchons
dans la lumière, comme Dieu lui-même est dans la lumière" (I Jn 1.7). Dieu est Vérité, Dieu est Lumière. Et nous marchons dans la Vérité, dans la Lumière quand nous
posons des actes qui sont conformes à Dieu qui est Vérité, Lumière. Alors, nous imitons Dieu. Et, en marchant dans la
Lumière, dans la Vérité, nous
tendons à l'unité de notre vie, nous sommes en train de nous faire à l'image de
Dieu, en imitant Dieu qui est UN.
Et
cette conduite, cette marche dans la Vérité
a des conséquences visibles, insoupçonnées. Remarquez ce que St Jean
écrit. Il ne dit pas : Si nous marchons dans la Lumière comme Dieu lui-même est
dans la Lumière, nous sommes en communion avec Lui". Il n'écrit pas cela.
Mais il dit : "Si nous marchons dans
la Lumière comme Lui-même est dans la lumière, nous sommes en communion les
uns avec les autres".
Ce
qui fait l'unité d'une Communauté chrétienne, paroissiale, ce qui fait l'unité
de l'Eglise, ce n'est pas un je ne sais quel élan fraternel plus ou moins
authentique, exprimé de façon plus ou moins sentimentale ; c'est cet effort de
tous pour faire la Vérité en
accomplissant la volonté de Dieu-Vérité. Ce qui fait notre fraternité, c'est
cette obéissance prompte qui nous modèle à Dieu, Lumière, Vérité. Voilà la véritable Communion entre chrétiens (la
"Communion des Saints"). Et c'est en cela que les Communautés chrétiennes ont quelque chose d'original. En étant conformes à la grâce reçue au baptême,
nous rejoignons les autres qui en font autant.
Nos
Communautés chrétiennes ne sont pas des sociétés juridiques pus ou moins bien organisées
et unies par je ne sais quelle sensibilité ; elles sont une polarisation des
cœurs, une connivence des volontés, une convergence progressive des manières
de juger et d'apprécier. Et à la source de cette communion fraternelle, il y a "le sang de Jésus qui nous purifie de
tout péché" :"Nous sommes
en communion les uns avec les autres, et le sang de Jésus nous purifie de tout
péché" , ajoute l'Apôtre. Voilà bien
pourquoi la Rédemption du Christ est l'acte fondateur de sa Royauté.
Ainsi,
suivre Jésus, aimer le Christ, ce n'est pas autre chose que de chercher la Vérité en toute chose. C'est
simple, mais également très difficile. C'est très simple parce que la vérité est très simple, et c'est difficile parce que nous ne sommes pas simples. Il faut, pour cela, devenir comme des
enfants, c'est à dire recevoir ce que nous ne trouverons pas par nous-mêmes.
Seuls ceux qui se laissent enseigner par l'Esprit du Christ peuvent manier le "glaive de la vérité" avec douceur et humilité.
Une
des plus belles paroles de la littérature spirituelle est ce mot de Thérèse de
l'Enfant-Jésus, le jour même de sa mort : "J'ai
cherché la vérité ; et je
crois savoir ce que c'est que l'humilité !". Elle ne dit pas qu'elle a cherché
la gloire de Dieu, la sainteté, le salut des âmes ou autre chose. Elle dit
qu'elle a cherché la vérité, parce que la vérité contient tout.
Et
comme Thérèse d'Avila, elle voit clairement que la vérité va avec l'humilité et que rien n'est plus contraire à la
vérité que la plus petite trace d'orgueil. L'orgueil va de pair avec le mensonge,
avec le monde de l'Ennemi, le monde de la destruction et du néant.
Soyons
sûrs que Dieu fait tout concourir, comme dit St Paul, au bien de ceux qu'il
aime. Toutes les paroles bibliques, tous les événements de notre vie, tout
spécialement les épreuves, que tout permette au Sang du Christ de nous faire
découvrir et aimer la vérité
de plus en plus. Notre vie et celle du monde en dépendent.