samedi 12 mars 2011

Formalisme

Samedi après Cendres - Formalisme (Is 58.9-14 - Lc 5.27-32)

La première lecture fait suite à celle d’hier. Il s’agit toujours de savoir quel est le jeûne qui plaît à Dieu et, en général, de chasser de la religion le formalisme, toutes les pratiques (et en carême, elles peuvent exister !) par lesquelles on rassure notre conscience tout en continuant d’assouvir notre volonté propre, tout en continuant à faire des fautes que l’on qualifie de vénielles pour nous tranquilliser… ! Notre délicatesse de baptisés ne devrait pas si facilement faire cette distinction entre “fautes graves“ et “fautes vénielles“, toute faute consciente étant une offense à l’amour de Dieu !
Surtout en St Matthieu, Jésus se montre très sévère sur ce point : “Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui versez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, alors que vous négligez les points les plus graves de la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité !“ (Mt 23.23). Tout le chapitre 23ème de l’Evangile de Mathieu est rempli de terribles malédictions de ce genre envers ceux qui filtrent le moustique et avalent le chameau.

Isaïe, lui, homme de grande foi, condamne surtout les attitudes de violence : “Faire disparaître du pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante“. Nous ne le savons que trop : on peut faire beaucoup de mal par la parole, lorsqu’elle n’est pas constructive et lorsqu’elle n’est pas dite en temps opportun. Il faut se souvenir que le Créateur nous a donné deux oreilles pour mieux écouter et qu’une seule langue (fort heureusement !)… Il nous a donné aussi deux murailles à notre langue : celles des dents et celles des lèvres ! “Qui placera une garde sur ma bouche ?“ demandait le Siracide (22.27). Et le psalmiste de supplier : “Seigneur, mets une garde à ma bouche, surveille la porte de mes lèvres“ (Ps 141.3). Il est vrai cependant qu’on peut, en sens inverse, transformer l’atmosphère d’une communauté, d’un groupe quand on cultive le respect, la courtoisie, l’amabilité et la délicatesse.

Peut-être - une supposition tout à fait gratuite de ma part - a-t-on gardé les derniers versets de ce chapitre 58ème d’Isaïe pour un samedi afin de nous rappeler l’importance du Shabbat (action de grâces), l’importance du Dimanche pour nous qui commence ce soir. Car en ce jour-là aussi peut particulière-ment se glisser le formalisme. Je pense à la scène que nous rapporte St Marc : “Jésus entra dans une synagogue ; il y avait là un homme qui avait la main desséchée. Et ils l'épiaient pour voir s'il allait le guérir, le jour du shabbat, afin de l'accuser. Il dit à l'homme : " Lève-toi !" Et il leur dit : " Est-il permis, le jour du shabbat, de faire du bien plutôt que de faire du mal ?". Mais eux se taisaient. Promenant alors sur eux un regard de colère, il dit à l'homme : "Étends la main". Il l'étendit et sa main fut remise en état. Étant sortis, les Pharisiens tinrent conseil avec les Hérodiens contre lui, en vue de le perdre“. ( 3.1-6)

L’importance du Shabbat, du Dimanche est de se rappeler, mieux que tous les autres jours, que nous sommes des créatures, que nous sommes gratuitement bénéficiaires d’un salut éternel, manifesté par le Fils de Dieu fait homme en son mystère de mort et de vie qu’actualise toute Eucharistie. Le Dimanche n’est pas un jour où on se repose pour mieux travailler après (ce qui n’est certes pas défendu !) ; mais c’est surtout un jour qui préfigure le repos éternel de Dieu en lequel nous sommes appelés à entrer, ce repos où le Christ, lui qui ici-bas n’avait pas où reposer la tête, est entré avec son humanité, par puissance divine, en manifestant que lui seul avait les “issues de la mort“, de toute mort ! Et depuis lors, il entraîne tout homme en ce repos de Dieu qui n’est rien moins que le repos en la Vie de Dieu, en l’Amour que s’échangent les trois Personnes divines !!!

L’Evangile, lui, nous parle de la conversion du douanier, Lévi. Etait-ce un jour de Shabbat le jour où cet homme d’affaire, sur l’invitation de Jésus, abandonnant tout, se mit à le suivre ? Le texte ne le dit pas ! Il précise que Lévi organisa un grand repas et qu’on était scandalisé de voir Jésus manger avec des pécheurs (surtout si c’était un jour de Shabbat). Ce à quoi Jésus répliqua : “Je ne suis pas venu appeler les justes, mais les pécheurs !“. Et si d’aventure vous entendez : “Alors, qu’en est-il alors des justes ?“, je crois que cette pensée est incurable ! … Il est bon de s’en souvenir en Carême ! … “A bon entendeur, salut !“. N.S. dirait : “Qui a des oreilles, qu’il entende !“

De toutes façons, Shabbat ou pas, Dimanche ou pas, il faut se convaincre qu’il doit y avoir pour nous une couleur dominicale en chaque jour de la semaine, quand toute affaire cessante, on consacre à Dieu seul ne serait-ce que quelques instants pour nous mettre sous son regard. En terre chrétienne, on ne devrait pas dire : lundi, mardi mercredi,…etc., noms qui se reportent à des astres ou à des divinités. Lune (lundi), Mars (Mardi), Mercure (Mercredi), Jupiter (Jeudi), Vénus (Vendredi). C’est très païen tout cela ! En latin, on dit : féria prima, secunda, tertia…. Par ce mot de férie, on signifie qu’il y a une coloration dominicale en chaque jour, une référence à ce jour où le Christ, par sa résurrection, a créé une tête de pont par delà l’absurdité de la mort. Incorporés que nous sommes à Lui par le baptême, par Lui et en Lui, dans l’Esprit Saint, toute la vie peut devenir une liturgie dominicale à la gloire du Père. Chaque matin à la messe, nous devons ranimer en nous une flamme du feu pascal qui ne doit jamais s’éteindre. Comme dit Isaïe aujourd’hui “ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi“.
Et n’est-ce pas ainsi que nous dépasserons tout formalisme ?

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