samedi 29 septembre 2018

Eglise et "Eglise" !


26e Dimanche du T.O.18.

Quel est celui d'entre nous qui n'a pas été témoin un jour ou l'autre du dévouement, de la générosité, ou de l'esprit de sacrifice d'un homme (ou d'une femme) complètement indifférent ou étranger à la foi chrétienne ?
             
Trois manières de réagir sont alors possibles.
             
La première, réaction de rejet, de méfiance, peut-être aussi de jalousie : "Cet homme n'est pas chrétien ; s'il agit ainsi, c'est par intérêt ; ou bien, il fait semblant, ce n'est qu'un hypocrite !".  C'est un peu la réaction de l'apôtre Jean dans l'évangile de ce jour.
             
Deuxième réaction possible : étonnement, émerveillement : "Cet homme est chrétien sans le savoir ! C'est un chrétien qui s'ignore !". Non ! Cet homme n'est pas chrétien sans le savoir, car un chrétien, c'est celui qui a fait connaissance avec le Christ et qui croit en lui ; on ne peut pas être chrétien sans le savoir, c'est contradictoire dans les termes.
             
Mais la troisième réaction est celle que nous suggère Jésus : réaction d'heureuse surprise et d'accueil : "Celui qui n'est pas contre nous est pour nous !". Voilà un homme qui se laisse animer par l'Esprit de Dieu, par l'Esprit d'amour qui remplit l'univers.

Nous avons toujours tendance, nous les chrétiens, et même les chrétiens pratiquants, à croire que nous avons le monopole du bien et du vrai, que nous sommes plus ou moins propriétaires du vrai Dieu, et qu'il faut être chrétien pour profiter des grâces divines, comme si Dieu ne s'intéressait qu'à ses fidèles. C'est la réaction d'un "cléricalisme" que dénonce le pape François.

Mais non ! Dieu est au travail dans le monde entier. "Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille" (Jn 5.17), disait N.S.  Dieu sème ses dons, sa lumière, son amour, dans le cœur de tous les hommes de bonne volonté. Il pousse tous les hommes quels qu'ils soient à mieux fraterniser, à se réconcilier et à mieux s'aimer.
Car le projet de Dieu, c'est l'union de tous les hommes en lui, c'est de réaliser la communication universelle des hommes, le rassemblement de tous les hommes en une seule immense famille, la famille des enfants de Dieu. C'est à cela que l'Église visible doit travailler.

Mais au-delà de cette Église visible (nous baptisés, prêtres, évêques, pape), il y a comme une Église invisible : peuple de tous ceux qui se laissent animer par l'Esprit de Dieu, peuple sans frontières, peuple répandu dans toutes les races, peuple immense de tous ceux qui s'efforcent de vivre dans l'amour de Dieu, dans l'amour et le respect des autres, dans un esprit de dévouement et de service.

L'Esprit de Dieu a des disciples partout ! C'est ce que nous suggérait déjà la première lecture de ce jour. Deux hommes, bien qu'ils ne soient pas venus à la tente de la réunion, furent remplis de l'Esprit de Dieu ! Et Moise de s'écrier : "Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son Esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes !"
Et de même, dans le livre des Actes des Apôtres, il y a un récit où l'on voit l'apôtre Pierre s'écrier tout émerveillé : "Même les païens ont reçu l'Esprit Saint !".

Chez tous ceux qui veulent bien écouter "avec un cœur noble et généreux", dit St Luc (Lc 8.15) - littéralement, "avec un cœur bel et bon", deux qualificatifs qui, pour un Grec, désignent l'homme de qualité -, Dieu suscite chez eux ces milliards de petits ou grands gestes d'amour qui se font chaque jour dans le monde entier et qui tendent à l'union à Dieu, qui tendent à rapprocher les hommes entre eux, à les unir en Dieu finalement. Le monde baigne dans cette action invisible de Dieu. "L'Esprit de Dieu souffle où il veut !", disait Jésus à Nicodème (Cf Jn 3.8)).

Oh non ! Nous les chrétiens, nous n'avons pas le monopole de l'amour de Dieu et des autres, le monopole du bien, de la justice, de la défense des droits de l'homme, de la solidarité... Beaucoup de non-chrétiens travaillent et agissent dans le même sens, sous la poussée de la grâce.

Bien sûr, comme en nous-mêmes, il y a, chez eux aussi, de l'ivraie mélangée au bon grain. Car partout, les forces du mal et du mensonge s'opposent aux forces de l'amour et de la vie.

Alors, nous les chrétiens qui croyons au Christ, nous Eglise visible du Seigneur, quel est notre rôle ?
             
Notre rôle, c'est d'abord de témoigner de ce vrai Dieu qui ne s'intéresse pas qu'à ses fideles, mais qui aime tous les hommes sans exception, quelles que soient leur langue, leur race, et qui les attire tous à lui.  "Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes",  a dit Jésus (Jn 12.32).
             
Naguère, je disais facilement aux enfants du catéchisme que l'Eglise est comme un immense iceberg. Or, ce que l'on voit d'un iceberg ne constitue que le dixième de l'ensemble. Les neuf-dixième sont invisibles, sous l'eau. Mais s'il n'y avait pas le premier dixième, l'Eglise visible, nous n'aurions pas le témoignage de cet amour de Dieu qui veut rassembler en lui tous les hommes de bonne volonté !
             
Ainsi, chacun de nous rassemblés en Eglise visible, L'Esprit de Dieu nous pousse à dire à ceux qui nous entourent :  "Vous aussi, Dieu vous connaît, Dieu vous aime, et chaque fois que vous vous laissez animer par l'amour désintéressé des autres, vous êtes tout proches de lui".  "Dieu est Amour" aimait à répéter St Jean. Aussi, "Là où est l'Amour, Là est Dieu !".

Notons-le bien : s'il n'est pas question d'imposer aux autres notre foi, nous n'avons pas, non plus, à avoir peur d'en témoigner. Pourquoi seules les voix de la violence, de la haine ou du mensonge auraient-elles le droit de se faire entendre ? Nous n'avons pas à rougir de notre foi, mais à en témoigner joyeusement, car elle va dans le sens de la vraie réussite de nos vies et de la vie du monde.

Et n'oublions pas que notre témoignage de foi, pour être efficace, doit se faire par notre manière de vivre autant que par nos paroles. Si notre style de vie contredisait nos paroles, comment pourrions-nous être crédibles ?

C'est l'enseignement de la seconde partie de l'évangile de ce jour : Si ta main..., ou ton pied..., ou ton œil t'entraîne au mal..., alors, n'hésite pas, coupe, arrache...

Le cœur de Dieu est sans frontières et ouvert à tous. Et, nous-mêmes, chrétiens, avons-nous un cœur assez, accueillant, ouvert, compréhensif... ?

Nos anges !


Saint-Michel - 2018

Un soir, Guillaume - cinq ans et demi - n'arrivait pas à s'endormir. Gabrielle, sa grande amie qui est aussi l'amie de sa maman, est allée se pencher sur le petit lit.
- Pourquoi ne dors-tu pas, Guillaume ?
- Parce que j'ai peur…, parce que, la nuit, les gens meurent...
Elle lui a dit que Dieu l'aimait et le regardait pendant qu'il dormait.
- Il m'aime autant que Gabrielle ?
- Oh ! Bien plus...
Elle a ajouté :
- Et puis, tu sais, quand on dort, les anges font le ménage.
- Avec l'aspirateur ?
- Oh ! non ! Ils n'en ont pas besoin...
La conversation s'est arrêtée là, car le petit Guillaume venait de s'endormir.

Le lendemain, il a bien regardé dans sa chambre, et l'après-midi, il a fait quelques tas de sable fin à proximité de son lit. Il se disait : “Je verrai bien si les anges ont fait le ménage...”

Dans la nuit, personne n'a pu aider les anges et, le jour suivant, Guillaume a proclamé à la cantonade : “Cette nuit, les anges ont fait la grève, ils n'ont pas fait le ménage dans ma chambre...”.
Il a regardé tout son monde avec des yeux brillants de malice. Après un silence, il a esquissé un sourire très fin et il a murmuré : “J'ai compris ce qu'elle voulait dire Gabrielle, c'est dans la tête que les anges font le ménage...!”

 Oui, c’est dans la tête que les anges - Sts Michel, Gabriel, Raphaël… et tous les autres, nos anges gardiens -, c’est dans notre tête que les anges font le ménage !

Car c’est dans notre tête qu’il y a une sorte de sale guerre, et qu’il nous faut implorer St Michel de nous mener à la victoire pour accéder à la propreté, à la pureté de Dieu, à l’innocence des enfants de Dieu que nous avons commencé à être depuis notre baptême.
Invitons pour ce combat St Michel qui pousse en nous son cri : “Qui est comme Dieu ?”. Surtout pas l’homme, surtout pas le “moi” égoïste, orgueilleux. Dieu seul ! Dieu qui en Jésus Christ a mené le bon combat par son mystère pascal dont la puissance nous est offerte, si nous le voulons.

Oui, c’est d’abord dans notre tête qu’il faut faire le ménage, mener le “bon combat”… et cela jusqu’au bout, jusqu’au terme, jusqu’à cette fin que nos anciens qualifiaient de “naissance”.
Et St Michel est là, toujours : c’est lui qui nous introduit - c’est sa mission également -, c’est lui qui veut nous introduire en la gloire du Christ ressuscité. Prions-le donc avec ferveur !

C’est dans notre tête que les anges font le ménage. Et si le monde va mal, c’est que le combat est rude, très rude. N’en soyons pas étonnés ! Aussi, en ce jour de fête, prions Saint Michel de mener le monde vers la paix, cette paix que Dieu seul peut donner.

Prions les uns pour les autres… pour nos familles… pour notre pays… Prions à l’occasion de la crise que traverse le monde… à l'occasion des secousses que subit l'Eglise..., pour les victimes des attentats, des catastrophes diverses…

Ne cessons pas de prier… et en paroles et en actes, en menant le bon combat avec St Michel !

samedi 22 septembre 2018

Comme un enfant !


25e Dimanche du T.O. 18/B 

Tandis que Jésus annonçait : "Le Fils de l'homme sera livré aux mains des hommes", les disciples discutaient entre eux pour savoir qui était le plus grand !

Contraste saisissant entre cette préoccupation sordide des disciples et cette perspective de la croix pour Jésus. Tandis qu'ils se demandent auquel d'entre eux est réservée la première place, le Christ se prépare à prendre la toute dernière.
             
Alors Jésus fait venir au milieu d'eux un enfant : "Celui qui accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c'est moi qu'il accueille". St Matthieu est plus explicite : "Celui qui se fait petit comme cet enfant, voilà le plus grand dans le Royaume des cieux". (Mth 18.4).

On accepte facilement cette parole de Notre Seigneur en notre temps qui accorde beaucoup d'importance à l'enfant - importance que soulignait, par exemple, Victor Hugo : "Lorsque l'enfant paraît, le cercle de famille applaudit  à grands cris".
- L'enfance, c'est la nostalgie d'une période sans soucis.
- L'enfance, c'est la gaieté, la spontanéité, l'exubérance de vie. Et la souffrance d'un enfant - surtout si elle est causée par l'homme - est un scandale.
- L'apparition de l'enfant transforme l'amour d'un couple en faisant de deux époux un père et une mère.  Merveille ! Et cette apparition de l'enfant nous apparente à Dieu-Créateur !

Mais les Anciens - et surtout dans la civilisation juive - soulignaient davantage les défauts de l'enfant : son inconscience parfois cruelle, son inconstance, ses désirs capricieux, son audace facilement téméraire, sa franchise proche de l'insolence, son ignorance…, bref son immaturité.

Ni le Christ, ni le Nouveau Testament dans son ensemble, n'ignorent cette ambiguïté de l'enfance.
Notre Seigneur voulant exprimer un jugement sévère sur les gens de sa génération, dira : "A quoi ressemblent-ils ? Ils ressemblent à ces enfants assis sur une place et qui s'interpellent les uns les autres…". (Lc 7.12).

Et St Paul situera nettement l'enfance, en tant que telle, dans sa vérité d'imperfection :  "Lorsque j'étais enfant, je parlais en enfant, je pensais en enfant, je raisonnais en enfant. Une fois devenu homme, j'ai fait disparaître ce qui était le propre de l'enfant" (I Co. 13.11).
Pour l'Apôtre, notre vie présente, avec sa connaissance limitée, est comparable à un état d'enfance, au regard de l'éternité où, connaissant alors comme nous sommes connus, nous serons pour ainsi dire dans l'état adulte…

Et le livre des Proverbes avait été encore plus net : "Quittez la sottise de l'enfance, et vous vivrez !" (9.6).

Aussi vaut-il mieux chercher l'explication de la parole de Notre Seigneur non d'après les qualités ou défauts de l'enfant (sujet très discutable), mais plutôt d'après sa situation radicale et inévitable d'un être justement imparfait, incomplet.
             
Alors, l'enfance apparaît inévitablement comme un temps de dépendance, de croissance et de formation.

1. Dépendance.  -  L'enfant ne peut se suffire à lui-même; sa survie ne peut être assurée que par d'autres. En cela, l'enfant est l'image vivante de la condition de créature face au Créateur. Comme l'enfant reçoit l'être et la vie de ses parents, ainsi la créature reçoit-elle de Dieu "la vie, le souffle et toute le reste" (Actes 17/25). -
N'est-ce pas la grande tentation de l'homme que de refuser cette dépendance, de se croire autonome ? Et peut-être aujourd'hui plus qu'hier, parce que les progrès de la science étourdissent l'homme du 20e s., l'empêchant d'accepter cette attitude primordiale de dépendance. Le refus de cette dépendance n'est-il pas la cause du premier comme de tous les péchés.
Pourtant, le Christ, Dieu parmi les hommes, est l'exemple vivant de cette dépendance filiale à l'égard de son Père ?  Sans doute, en lui, nous faut-il "renaître d'en haut" (Cf. Jn 3.1-16) et accepter cette dépendance d'"enfant de Dieu" pour participer véritablement à la propre filiation du Christ et pouvoir dire comme lui : "Abba, Père". ?

2. Croissance - L'enfance est aussi croissance ; et cela irrésistiblement. Nos sciences l'affirment : l'enfance, stade nécessaire, doit être aussi un stade dépassé sans retour et sans regret, sinon l'adulte sera un éternel enfant. Mais qui dit croissance dit exigence, effort, discipline, mutation.

Grandir, c'est, là encore, un aspect essentiel de la vie chrétienne.
St Paul le dit en toutes ses lettres ; nous devons "grandir dans le Christ" (Ephes 4/15), "grandir dans la foi" (2 Thes 1/3), dans l'amour et la connaissance de Dieu (Col 1/10), et cela de plus en plus : "nous vous engageons à faire des progrès de plus en plus" (1 Thes 4/10) jusqu'à ce que nous parvenions tous ensemble… à l'état adulte, à la taille du Christ dans sa plénitude.( Cf Eph 3/19-Col 2/9-10 etc). C'est pour cela que le Christ nous a comme "plantés" telles des plantes nouvelles.
Portons-nous des fruits nouveaux pour le Royaume de Dieu?

La vie chrétienne, comme la vie naturelle, ne peut être qu'une exigence de croissance et de tension vers un état spirituel adulte qui nous assimile au Christ !

3.  Formation -   L'enfant est essentiellement celui qui ne sait pas, qui doit apprendre, être initié à la vie, à ses exigences, être formé à la liberté et à la responsabilité ; il doit accepter d'avoir sa volonté forgée, son jugement formé, sa conscience éclairée et son intelligence meublée.

En cela encore, il peut et doit être l'image de notre vie dans le Christ et de notre relation à Dieu. Le croyant est celui qui accepte d'être instruit par Dieu, donc de ne pas tout savoir, de ne pas être capable de tout juger. Le croyant, c'est celui qui est capable de s'en remettre à un plus grand que lui - le Christ -, à un plus sage que lui, à un plus savant que lui. Sans doute est-ce cela "recevoir le Royaume comme un enfant".

Dépendre, grandir, apprendre. Trois aspects de nos vies chrétiennes que l'évocation de l'enfant nous rappelle.
Puissions-nous comme nous le demande le Christ, devenir vraiment des enfants sous ce triple aspect. -
Prions : Que Dieu nous donne une âme d'enfant qui nous fera accéder au Royaume du Père.

dimanche 16 septembre 2018

Fidélité dans l'espérance


24e Dimanche du T.O. 18/B  - 

L'Evangile souligne souvent l'attitude déconcertante de Notre Seigneur.

Et aujourd'hui, nous comprenons facilement la réaction de Pierre lorsqu'il entend la première annonce de la passion.

Jusqu'alors Jésus avait annoncé la venue du Royaume de Dieu, règne de justice, de paix, d'amour. Et tous pouvaient s'accorder sur ce langage. Mais voici que Jésus parle désormais de souffrir, de subir le pire des supplices. Et Pierre proteste ; c'est logique. Nous aurions fait comme lui !

Alors, Jésus, lui, ne peut que réagir : inconsciemment, son apôtre remet en cause sa fidélité à la mission reçue de Dieu son Père.
 - Pour annoncer jusqu'au bout son Evangile,
- pour annoncer que Dieu aime tout homme sans distinction,
- pour annoncer que tous les hommes sont appelés à s'aimer,
- pour transmettre l'amour de Dieu-Père et combattre la haine,
Jésus est prêt à affronter aussi bien les chefs juifs que les autorités romaines.
Et il s'en remet à son Père de son destin final quoi qu'il lui en coûte.
   
Or, Pierre devient, par sa réaction, un tentateur
- comme Satan l'avait été au début de l'humanité,
- comme Satan l'avait été auprès de Jésus, dans le désert, au début de son ministère, de sa vie publique.

Aussi, en bon disciple, Pierre doit encore apprendre, et surtout accepter de renoncer à ses rêves d'un Messie triomphal, oublier ses vues personnelles pour accueillir celles de Jésus sur un Royaume qui ne sera pas de ce monde.
A celui qui lui disait : "Nous, nous avons tout laissé pour te suivre !" (Mth 19.27),  Jésus demande d'abandonner encore ce qui lui reste, c'est-à-dire son moi intérieur, fougueux et trop attaché à des ambitions humaines.

Ce sera pour Pierre un long chemin (comme pour nous !).
Lors de la passion de Jésus, Pierre sera éprouvé et épuré par l'expérience douloureuse de sa lâcheté.  
Même la victoire de Pâques sera pour lui autant une épreuve de sa foi qu'un signe de réconfort et de paix. C'est seulement à la Pentecôte que, éclairé, fortifié par l'Esorit-Saint, il percevra la grandeur de cette fidélité que Jésus lui avait demandé en le sollicitant : "Suis-moi !" (comme il sollicite tout disciple !) Alors, il demeurera fidèle jusqu' au martyre, comprenant parfaitement la vérité de cette mystérieuse parole : "Qui perd sa vie pour moi, la gagne !"

En accueillant, ce matin, ces paroles de Jésus, nous sommes invités à réfléchir sur notre fidélité à suivre Jésus.
Reconnaissons-le : en chacune de nos vies se succèdent des "hauts et des bas". - Nous vivons des moments de foi vive, de clarté ; et nous aussi, nous nous écrions : "Seigneur, tu es  le Fils du Dieu vivant!"" - Nous traversons aussi des heures de doute, de découragement ou de contestation.
  
Or, la fidélité appelle à la persévérance à travers années et circonstances diverses ! Le temps, les événements éprouvent, usent, remettent en cause bien des choses. L'institution du mariage, par exemple, qui, pourtant, doit être le signe de l'Alliance entre Dieu et les hommes, est souvent remise en question : "Pourquoi nous marier?", demande-t-on, puisque nous ignorons ce que, plus tard, seront nos sentiments". De même on conteste l'engagement définitif du prêtre, du religieux. "Le monde change, dit-on, les hommes aussi et même l'Église ! Alors comment s'engager pour toujours ?"  Oui, la question est bien celle-ci : A quelle fidélité Dieu nous appelle-t-il ?

L'Évangile répond : face à la contestation de Pierre, il nous montre surtout la fidélité de Jésus,
- fidélité à la mission reçue de Dieu, son Père !
- fidélité envers ses disciples, fidélité envers ses amis. Et c'est peut-être cette fidélité que nous devons bien remrquer.
Lors de la dernière apparition du Seigneur au bord du lac de Tibériade, trois fois Jésus demande à Pierre: "M'aimes-tu ?"  Évidemment il lui offre ainsi le moyen d'effacer son triple reniement, mais il ne lui fait aucun reproche. Au contraire il le confirme dans sa mission : "Sois le berger de mon troupeau".  Oui, Jésus reste fidèle ! J'aime cette parole de St Jean : "Même si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre coeur et il discerne tout !" (I Jn 3.20)
Lorsque le Christ choisit quelqu'un pour en faire son ami, son choix est irréversible et, quand c'est nécessaire, son pardon demeure toujours offert. St Paul écrira : "Si nous sommes infidèles, lui reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même" (2 Tm 2.13).

Et l'Évangile nous enseigne encore que Dieu, toujours, se sert de l'histoire et du temps. Pierre n'a pu comprendre l'ampleur de la mission de Jésus qu'au fur et à mesure qu'il en vivait lui-même. Plus il en vivait, plus il comprenait que sa fidélité à Dieu ne consistait pas à rester tourné vers le passé glorieux d'Israël, mais, au contraire, à s'ouvrir sur l'avenir que Jésus voulait lui faire découvrir. Une fidélité ouverte sur l'avenir, c'est ce qu'on appelle l'espérance. Le pape François aime à le souligner.
           
Il en est de même pour nous. Nous devons vivre de cette fidélité pleine d'espérance, même si nous ne connaissons qu'une faible partie de ce que l'amour de Dieu a projeté pour chacun de nous.
En vérité, ni les jeunes qui se marient, ni les parents qui accueillent leur enfant, ni les jeunes religieux qui consacrent leur vie par des vœux ne savent pas exactement à quoi ils s'engagent.

Mais ils en savent assez pour faire confiance à Dieu, à l'avenir que Dieu leur prépare. - Leur fidélité n'est pas une crispation sur ce qu'eux-mêmes ont pu rêver à leur point de départ,  mais elle devient une ouverture à tout ce que Dieu veut déployer dans leur vie.

Voilà la fidélité évangélique : une ouverture pleine d'espérance, malgré parfois les circonstances contradictoires du moment ! Et cette espérance est toujours possible, car elle s'enracine dans la force du Christ qui, toujours, pardonne et sauve.  Et cette force, si nous la demandons, ne saurait nous manquer !

"Ce n'est pas la profondeur de notre misère qui compte, disait le Cal Journet, c'est la profondeur de notre espérance". Et Péguy faisait merveilleusement dire à Dieu : "La foi que j'aime le mieux, c'est l'espérance..., cette petite fille qui se tient entre ses deux grandes sœurs" - la foi et la charité -. "On ne prend pas garde à elle, mais c'est elle, la petite, qui entraîne tout". Aussi, le pape Paul VI aimait à demander : "Homme, où est ton espérance ?".

vendredi 14 septembre 2018

Croix glorieuse !


Croix !
Croix à la croisée de nos routes terrestres, de nos chemins d'humanité.
Croix ternies par les temps, noircies par nos mémoires ténébreuses.
Croix d'événements d'un passé que l'histoire a enfouis dans ses ombres.
Croix de douleurs que l'on s'accorde à oublier.
Croix disparues de leur socle  qui subsiste sans mémoire.
Croix que l'on entasse en nos cimetières comme pour leur offrir une dernière demeure.

Et pourtant, Croix glorieuse !
Croix qu'un rayon de lumière frappe soudainement, les retirant d'un oubli.
Croix qu'un soleil de matin inonde, enveloppe, réchauffe.
Croix de nos existences qu'un astre divin éclaire, lumineuses, éclatantes.
Croix que la Lumière divine transfigure d'une Vie insoupçonnée et insoupçonnable.

Croix ! Croix glorieuse !
Croix du Christ qui nous embrasse pour donner sens, valeur, à toutes nos croix !
Croix du Christ qui ruisselle d'Amour divin pour vivifier nos échecs, troubles et égarements.

Que Notre Dame des douleurs que nous fêterons demain nous aide à embrasser la Croix glorieuse du Christ comme elle la fait elle-même !
Marie se tenait près de la Croix !
Cette croix l'accablait, certes ! "Elle pleurait, disait Péguy, elle pleurait, elle pleurait… !".
"Elle pleurait sur le passé où elle avait été heureuse" avec son fils.
"Elle pleurait pour tout l'avenir"  de ses enfants.
"Elle pleurait", disait-il, parce que, avec son fils, "elle fondait, elle fondait de bonté, de charité !".
Elle pleurait comme une mère sait le faire !
Elle pleurait "devenant la mère de miséricorde !".

Cependant, elle restait debout ! "Stabat !"
Son âme "se tenait debout, pleine de force, d'intelligence, d'amour et toute droite, pleinement éveillée et regardante" (Claudel).
Apercevant déjà "le Règne de l''Agneau" en sont Fils crucifié, elle tressaille, elle vibre d'un éclat de résurrection !
"Que la terre tremble, que le soleil se voile, que le rideau du temple se déchire...". Marie, elle, reste debout ! "Elle sait, elle voit, elle regarde, elle témoigne, elle donne, elle accepte, elle approuve. La voici, pour de bon, « la servante du Seigneur » " ! ( Claudel).

Qu'à l'exemple de cette mère forte et pleine de miséricorde, soyons, nous aussi, « serviteurs du Seigneur » témoignant, malgré nos faiblesses, que les croix de nos existences peuvent devenir, avec le Christ, avec sa mère, semences de résurrection !

Oui, prions Marie !
Seul l'Amour a tenu Jésus en croix, prenant sur lui fautes et souffrances des hommes. Sa croix rompt la logique du mal et fait basculer dans la Vie – la Vie divine – ce qui conduisait à la mort, parce que sa croix est le signe de son Amour pour nous.
C'est le même Amour qui a poussé Marie à suivre son Fils jusqu'au calvaire. Et c'est ce même Amour qu'elle veut nous obtenir, l'Amour de l'Esprit Saint, de l'Esprit d'Amour qui a "irradié" tout son être.
Seul cet amour est vainqueur, et, seul, il peut, en pénétrant en nos cœurs, transformer nos existences aussi misérables et souffrantes soient-elles !

dimanche 9 septembre 2018

S'ouvrir !


23e T.O.  18/B.

"Il fait entendre les sourds et parler les muets !".
Cette exclamation achève le récit d'une guérison miraculeuse opérée par Jésus en pays païen. Elle exprime la réaction des témoins : "Tout ce qu'il fait est admirable !"
             
Et la foule s'émerveille de la puissance de cet homme ! C'est sans doute pour cela que Notre Seigneur a tenté de cacher à l'entourage cette guérison. Car, dans ses miracles, la foule ne voit qu'une preuve de puissance, alors que Jésus voudrait qu'on les considère comme des signes de sa mission et qu'on en cherche le sens. Et nous-mêmes, savons-nous interpréter les signes de Jésus ?
             
Les infirmités dont Jésus délivre les hommes sont le symbole d'un mal plus profond.
Qu'est-ce qu'un sourd-muet ? C'est un homme privé des moyens de communiquer les plus fondamentaux : il ne peut entendre, ne peut s'exprimer ; il est enfermé en lui-même et ne peut en sortir.

Or une telle infirmité symbolise la situation du pécheur avec cette différence que le pécheur s'est enfermé lui-même dans son "moi", dans son égoïsme.
- En péchant, il a refusé d'obéir aux paroles de Dieu parce qu'il a refusé de les écouter comme l'expression de son amour.
- En péchant, il a refusé de répondre aux appels des hommes qui exprimaient leur besoin d'être aimés.
Il n'a voulu ni s'ouvrir à l'amour de Dieu, ni s'ouvrir aux hommes en les aimant gratuitement. Il n'a voulu admettre d'autre loi que son indépendance et son intérêt.
             
Cependant, si, captif de son égoïsme, le désespoir le guette, le salut est encore possible, parce que Dieu veut le délivrer.
C'est ce qu'exprimait la prophétie du livre d'Isaïe que nous avons entendue. Cette prophétie annonçait aux exilés que pas même les handicapés, les aveugles, les sourds, les boiteux ne seront exclus du retour à Jérusalem, dans la Patrie.
             
Mais c'est Jésus qui donne à la prophétie sa vraie réalisation… "Ouvre-toi", dit Jésus au sourd-muet. Mais ces mots, en fait, expriment le but réel de la mission du Christ : rétablir les communications là où le péché les avait interrompues !
             
Et notre baptême est le signe de cette action du Christ dans le cœur de ceux qui croient en lui : les baptisés doivent être, sont des gens "ouverts",
"ouverts" à Dieu par la foi avec laquelle ils se mettent à son écoute,
"ouverts" aux hommes par l'amour avec lequel ils cherchent, en les servant, à leur communiquer leur expérience de l'amour de Dieu !
             
De plus : non seulement le baptême ouvre le baptisé, mais il l'introduit dans une Communauté que l'ouverture doit caractériser. Comment cette Communauté, qui est l'Eglise, pourrait-elle se refermer sur elle-même, elle dont tous les membres ont entendu le Christ leur dire :
Ouvre-toi au Père dont je suis le Fils, aux hommes dont je suis le frère. Ouvre-toi au Père qui m'a envoyé, et aux hommes à qui je t'envoie.
             
A chacun des croyants revient donc la responsabilité du visage de l'Eglise. Chacun des membres de l'Eglise doit être ouvert aux autres ; chacun doit veiller à ce que, dans la Communauté dont il est membre, il y ait une réelle communication entre tous les membres, et qu'aucun clan ne se forme et que personne ne soit exclu.

A cette communion, à cette communication il y a, certes, bien des obstacles. Le principal est sans doute celui dont St Jacques nous parle (2de lecture) : l'argent, la richesse quelle qu'elle soit !
             
En cela, St Jacques se fait l'écho du Seigneur qui a dit, de façon explicite et répétée, combien l'asservissement à l'argent, à la richesse s'opposait au service  de Dieu. - Pour un supplément d'argent, on oublie si facilement Dieu ! -

Dans cette lecture, St Jacques décrit une assemblée liturgique ; riches et pauvres y sont accueillis ensemble. Mais la place d'honneur est réservée aux riches. Une telle scène ne se produirait plus de notre temps, dans nos assemblées du dimanche où, heureusement, tous voisinent sur un pied d'égalité, égalité devant Dieu.
Mais faut-il en conclure que la leçon donnée par St Jacques ne soit plus actuelle ? Car ses paroles ne visent pas uniquement le comportement des fidèles dans l'assemblée liturgique. Au delà de cet exemple très significatif, c'est l'esprit des Communautés chrétiennes, des chrétiens eux-mêmes qui est mis en question.
             
Car la richesse ne vient pas uniquement de l'argent. Il existe une certaine richesse de l'intelligence, de l'instruction, des relations, de la réputation, de sa profession… Et le monde honore spontanément les diverses formes de richesses. St Jacques ne veut pas que l'esprit du monde pénètre les chrétiens et qu'on retrouve entre les frères du Christ les préséances, les préférences, les considérations de personnes que les gens du monde pratiquent entre eux.

En définitive, que doivent ambitionner tous les chrétiens ?
N'est-ce pas simplement ceci : Que leur commune présence au sacrifice du Christ, mort pauvre sur la croix,
- les dépouille de l'attachement à quelque richesse que ce soit,
- suscite en eux une égale estime mutuelle,
- les provoque à l'ouverture aux autres et à la justice dans toute la mesure du possible.
             
Au sortir de la messe, nous avons l'habitude de nous saluer sans qu'il y ait - je l'espère - esprit de clan ou acception de personne. Mais durant toute la semaine, est-ce vraiment notre attitude au point que l'on puisse dire de nous comme du Christ : "Tout ce qu'il fait est admirable : il fait entendre les sourds et parler les muets", c'est-à-dire il ouvre les cœurs à Dieu et aux autres.

Alors, le Royaume de Dieu ne serait pas loin !

dimanche 2 septembre 2018

Ecoutez !


22ème Dim. T.O. 2018/B            

Nous voici rassemblés, une fois de plus, pour prendre force à la table du Seigneur..., la force de vivre en chrétiens.
Or, il nous arrive de constater que, malgré notre fidélité à participer à l'Eucharistie, nous restons faibles et nous n'arrivons pas à progresser ! D'où vient cette faiblesse ? Elle ne vient pas de la nourriture que nous recevons : la Parole de Dieu et le Pain Eucharistique sont "nourrissants". Mais il faut les assimiler. Nous n'y arrivons qu'imparfaitement ! Pourquoi ? Les lectures d'aujourd’hui nous donnent une réponse !

Cette réponse tient en un seul mot qui se retrouve dans les trois lectures d'aujourd'hui : ECOUTER
- Dans le Deutéronome, c'est Dieu qui parle à son peuple : "ECOUTE, maintenant, Israël, les commandements que je t’enseigne". -  C'est aujourd'hui que Dieu parle ; à cet appel renouvelé chaque jour, il attend toujours que nous prêtions l'oreille : "ECOUTE MAINTENANT" !
- Et St Jacques dit : "Soyez prompts à ECOUTER", ajoutant : "Accueillez humblement la parole semée en vous. Mettez-la en application".
- Enfin, c'est Jésus lui-même qui prépare la foule à l'entendre : "ECOUTEZ tous, et comprenez". C'est dire : "Demeurez dans cette attitude d'ECOUTE pour mieux pénétrer le sens de mes paroles".

Chaque page de la Bible, d'ailleurs, ne fait que répéter : "ECOUTEZ donc, ECOUTEZ Dieu !"
- la grande prière des Juifs, dans le Deutéronome, commence ainsi : "ECOUTE, Israël : Dieu est le seul Dieu". (Deut 6.4).
- C'est ce qu'avait bien compris le petit Samuel qui fit un jour cette belle prière : "Parle, Seigneur, ton serviteur ECOUTE". (I Sam 3.10).
- Ou encore Salomon qui suppliait Dieu : "Donne à ton serviteur un cœur qui ECOUTE" (I Rois 3.9).
- Et le prophète Isaïe allait répétant : "Tous les matins, le Seigneur éveille mon oreille pour que j'ECOUTE comme un disciple. Le Seigneur m’a ouvert l'oreille" (Is 50.1).
- Et Dieu nous dit toujours, par son prophète Jérémie : "ECOUTEZ ma voix ; alors je serai votre Dieu et vous serez mon peuple. " (Jer. 7.23).
- Et il nous est dit dans un psaume : "Aujourd'hui puissiez-vous écouter sa voix : n’allez pas endurcir votre cœur" (Ps 95.7-8)

Il nous faut ECOUTER.   Si nous voulons que la Parole de Dieu soit pour nous une nourriture qui nous fortifie, nous devons ECOUTER. Voilà la première condition. La remplissons-nous ?
             
Tout le monde comprend ce que signifie le mot. ECOUTER : c'est être attentif à ce qu'on entend, attentif à celui qui la prononce. Il ne s'agit pas seulement d'entendre...
Ecouter suppose entrer en relation, accueillir une présence, accueillir une personne au-delà même de ce qu'elle dit : "Nous avons deux oreilles, a-t-on dit, une pour écouter ce qui est dit, l'autre pour écouter ce qui n'est pas encore dit !". Ecouter, c'est accueillir une personne !
Ainsi, écouter Dieu, c'est s'ouvrir à Lui, faire silence en nous pour mieux l'accueillir ! Dieu-Père, disait St Jean de la croix, "ne dit qu'une Parole, à savoir son Fils" - "Verbe de Dieu". "Et cette Parole, dans un silence éternel, il la dit toujours. L'âme doit aussi l'entendre dans un silence". Ecouter la Parole de Dieu, c'est toujours actuel. "Ecoute maintenant", nous est-il dit.

Mais il faut aller encore plus loin : notre écoute doit encore se traduire en nos actes. Il me semble qu’en hébreu, les mots "parler" et "agir" ont les mêmes racines. Aussi la Parole de Dieu, dans la Bible, est toujours agissante. Ainsi, à propos de la création. "Dieu dit : "Que la lumière soit ! Et la lumière fut". Mais, parce que Dieu nous a créés libres, sa Parole, pour qu’elle soit efficace, a besoin de notre cœur, d’un cœur qui ECOUTE et met en pratique.
+ "ECOUTE, Israël, les lois que je prononce à vos oreilles. Apprenez-les et gardez-les pour les mettre en pratique".
+ Et St Jacques nous disait : "Accueillez la Parole semée en vous. Mettez-la en pratique ; ne vous contentez pas de l’entendre".

Dans les langues anciennes, - c'est significatif - "écouter" et "obéir", ont même racine. St Paul  pour dire obéissance et désobéissance utilise des mots qu'il emprunte au langage de l'écoute ! (ob-audire). "En effet, dit-il, comme par la désobéissance d'un seul homme - on pourrait traduire : par le fait qu'un homme n'a pas "écouté" -, la multitude a été constituée pécheresse, ainsi par l'obéissance d'un seul - on pourrait traduire : par "l’écoute" d'un seul -, la multitude sera-t-elle constituée juste" (Rom 5/19).
             
Ainsi, désobéir, pour St Paul, c'est littéralement se mettre en dehors de l'écoute, là où l'on n'entend plus. Obéir, au contraire, c'est se placer sous le haut-parleur de la Parole de Dieu. Il n'y a que deux attitudes que l'on peut prendre : se placer dans cette acoustique divine ou hors de cette acoustique !
             
On comprend ainsi que ces notions - obéir, désobéir, écouter, ne pas écouter - dépasse de beaucoup ce que nous pourrions entendre avec  seulementun esprit de discipline, quand on observe une discipline, une loi -  ce qui est signifié, par exemple, dans un rapport de police à propos d'un contrevenant : "Il n'a pas obtempéré !"… -. Il n'a pas obéi.
C'est bien davantage encore que la soumission même amoureuse de la créature à son Créateur. "ECOUTER", c'est le retour total de l'homme sauvé par son Dieu et qui entre en dialogue avec Lui, qui s’ouvre à Lui pour tout recevoir de Lui.
             
Ainsi donc, notre péché, ce n'est pas tellement d'être pécheur, - nous le sommes tous ; et Jésus est venu pour nous sauver -, mais c'est de ne pas ECOUTER ce Dieu qui appelle. Il est bien significatif de constater qu'après la faute d’Adam, Dieu est obligé de l'appeler : "OÙ es-tu ?". Et Adam de répondre finalement : "J'ai entendu - mais il n'a pas écouté - j'ai entendu ton pas dans le jardin ; et j'ai eu peur !". Le Juste, lui, n'a pas à être appelé ; il est toujours avec le Seigneur, il vit avec lui en l’ECOUTANT sans cesse !
             
C'est pourquoi Jésus pouvait dire : "Mon Père ne me  laisse jamais seul, car je fais toujours ce qui lui plait" (Jn 8.29). Il est, lui, le grand "ECOUTANT" de son Père. Il a été "obéissant" jusqu'à la mort - là encore on pourrait traduire : "Il a écouté jusqu'à la mort - et à la mort sur une croix". (Phi. 2.8).

De même, la gloire de Marie, c'est, avant tout, d'avoir écouté la Parole de Dieu : "Bienheureuse, celle qui t'a nourri et allaité", disait-on à Jésus ; et lui de répondre : "Bienheureux plutôt ceux qui écoutent la Parole de Dieu et la mettent en pratique!" (Lc 11.27-28)

Voilà pourquoi St Jacques nous recommande : "Recevez avec docilité la Parole qui a été implantée en vous et qui peut sauver vos âmes"! C'est une véritable greffe, un implant ; car implanter la Parole en nous, ce n'est pas la laisser comme un corps étranger. Il dira un peu plus loin : "Mettez la Parole en pratique. Ne soyez pas seulement des auditeurs qui s'abusent eux-mêmes ! Qui écoute la Parole sans la mettre en pratique, ressemble à un homme qui observe sa physionomie dans un miroir. A peine s'est-il observé qu'il part et oublie comment il était"!

Pourquoi donc n'écoutons-nous pas toujours ? Jésus nous répond dans l'évangile d'aujourd'hui : la condition de l'écoute, c’est la pureté du cœur ! L’impureté foncière, c’est de se détourner de Dieu et chercher son bonheur en dehors de lui. C’est uniquement s’arrêter à des biens incapables de nous combler véritablement. Et l’unique désir de ces biens souvent trop terrestres conduit à oublier Dieu, à se fermer à ses appels, à sa Parole. On devient comme l'aspic qui - selon le psaume 58e, et selon certaines sculptures de cathédrale -  se bouche une oreille en la plaquant contre terre, et l'autre avec sa queue ! On s’enferme alors dans un cercle dont on ne peut sortir seul ! C’est ainsi que l'on voit, dans l'évangile, les pharisiens se fermer à la parole de Jésus qui dénonce leur hypocrisie et le caractère purement apparent de leur pureté !

Aussi, est-il très important de répondre aujourd'hui à une autre parole de Jésus : "Pourquoi m'appelez-vous 'Seigneur, Seigneur', et n'écoutez-vous pas ce que je vous dis là ?"  (Lc 6.46) Ecoute maintenant. Maintenant !