26e Dimanche du T.O.18.
Quel
est celui d'entre nous qui n'a pas été témoin un jour ou l'autre du dévouement,
de la générosité, ou de l'esprit de sacrifice d'un homme (ou d'une femme)
complètement indifférent ou étranger à la foi chrétienne ?
Trois
manières de réagir sont alors possibles.
La
première, réaction de rejet,
de méfiance, peut-être aussi de jalousie : "Cet homme n'est pas chrétien ;
s'il agit ainsi, c'est par intérêt ; ou bien, il fait semblant, ce n'est qu'un
hypocrite !". C'est un peu la réaction
de l'apôtre Jean dans l'évangile de ce jour.
Deuxième
réaction possible :
étonnement, émerveillement : "Cet homme est chrétien sans le savoir
! C'est un chrétien qui s'ignore !". Non ! Cet homme n'est pas chrétien
sans le savoir, car un chrétien, c'est celui qui a fait connaissance avec le
Christ et qui croit en lui ; on ne peut pas être chrétien sans le savoir, c'est
contradictoire dans les termes.
Mais
la troisième réaction est celle que nous suggère Jésus : réaction
d'heureuse surprise et d'accueil : "Celui
qui n'est pas contre nous est pour nous !". Voilà un homme qui se
laisse animer par l'Esprit de Dieu, par l'Esprit d'amour qui remplit
l'univers.
Nous
avons toujours tendance, nous les chrétiens, et même les chrétiens pratiquants,
à croire que nous avons le monopole du bien et du vrai, que nous sommes plus ou
moins propriétaires du vrai Dieu, et qu'il faut être chrétien pour profiter des
grâces divines, comme si Dieu ne s'intéressait qu'à ses fidèles. C'est la
réaction d'un "cléricalisme" que dénonce le pape François.
Mais
non ! Dieu est au travail dans le monde entier. "Mon Père travaille toujours, et moi aussi je travaille" (Jn 5.17), disait N.S. Dieu sème ses dons, sa lumière, son amour,
dans le cœur de tous les hommes de bonne volonté. Il pousse tous les
hommes quels qu'ils soient à mieux fraterniser, à se réconcilier et à mieux
s'aimer.
Car
le projet de Dieu, c'est l'union de tous les hommes en lui, c'est de
réaliser la communication universelle des hommes, le rassemblement de tous les
hommes en une seule immense famille, la famille des enfants de Dieu. C'est
à cela que l'Église visible doit travailler.
Mais
au-delà de cette Église visible (nous baptisés, prêtres, évêques, pape), il y a
comme une Église invisible : peuple de tous ceux qui se laissent animer par
l'Esprit de Dieu, peuple sans frontières, peuple répandu dans toutes les
races, peuple immense de tous ceux qui s'efforcent de vivre dans l'amour de
Dieu, dans l'amour et le respect des autres, dans un esprit de
dévouement et de service.
L'Esprit
de Dieu a des disciples partout ! C'est ce que nous suggérait déjà la première
lecture de ce jour. Deux hommes, bien qu'ils ne soient pas venus à la tente de
la réunion, furent remplis de l'Esprit de Dieu ! Et Moise de s'écrier : "Ah ! Si le Seigneur pouvait mettre son
Esprit sur eux, pour faire de tout son peuple un peuple de prophètes !"
Et
de même, dans le livre des Actes des Apôtres, il y a un récit où l'on voit
l'apôtre Pierre s'écrier tout émerveillé : "Même
les païens ont reçu l'Esprit Saint !".
Chez
tous ceux qui veulent bien écouter "avec
un cœur noble et généreux", dit St Luc (Lc 8.15) - littéralement, "avec un cœur bel et bon",
deux qualificatifs qui, pour un Grec, désignent l'homme de qualité -, Dieu
suscite chez eux ces milliards de petits ou grands gestes d'amour qui se font
chaque jour dans le monde entier et qui tendent à l'union à Dieu, qui tendent à
rapprocher les hommes entre eux, à les unir en Dieu finalement. Le monde baigne
dans cette action invisible de Dieu. "L'Esprit
de Dieu souffle où il veut !", disait Jésus à Nicodème (Cf Jn 3.8)).
Oh
non ! Nous les chrétiens, nous n'avons pas le monopole de l'amour de Dieu et
des autres, le monopole du bien, de la justice, de la défense des droits de
l'homme, de la solidarité... Beaucoup de non-chrétiens travaillent et agissent
dans le même sens, sous la poussée de la grâce.
Bien
sûr, comme en nous-mêmes, il y a, chez eux aussi, de l'ivraie mélangée au bon
grain. Car partout, les forces du mal et du mensonge s'opposent aux forces de
l'amour et de la vie.
Alors,
nous les chrétiens qui croyons au Christ, nous Eglise visible du Seigneur, quel
est notre rôle ?
Notre
rôle, c'est d'abord de témoigner
de ce vrai Dieu qui ne s'intéresse pas qu'à ses fideles, mais qui aime tous les
hommes sans exception, quelles que soient leur langue, leur race, et qui les
attire tous à lui. "Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les
hommes", a dit Jésus (Jn 12.32).
Naguère,
je disais facilement aux enfants du catéchisme que l'Eglise est comme un
immense iceberg. Or, ce que l'on voit d'un iceberg ne constitue que le dixième
de l'ensemble. Les neuf-dixième sont invisibles, sous l'eau. Mais s'il n'y
avait pas le premier dixième, l'Eglise visible, nous n'aurions pas le
témoignage de cet amour de Dieu qui veut rassembler en lui tous les hommes de
bonne volonté !
Ainsi,
chacun de nous rassemblés en Eglise visible, L'Esprit de Dieu nous pousse à
dire à ceux qui nous entourent : "Vous
aussi, Dieu vous connaît, Dieu vous aime, et chaque fois que vous vous laissez
animer par l'amour désintéressé des autres, vous êtes tout proches de lui".
"Dieu
est Amour" aimait à répéter St Jean. Aussi, "Là où est l'Amour,
Là est Dieu !".
Notons-le
bien : s'il n'est pas question d'imposer aux autres notre foi, nous n'avons
pas, non plus, à avoir peur d'en témoigner. Pourquoi seules les voix de la
violence, de la haine ou du mensonge auraient-elles le droit de se faire
entendre ? Nous n'avons pas à rougir de notre foi, mais à en témoigner
joyeusement, car elle va dans le sens de la vraie réussite de nos vies et de la
vie du monde.
Et
n'oublions pas que notre témoignage de foi, pour être efficace, doit se faire
par notre manière de vivre autant que par nos paroles. Si notre style de vie
contredisait nos paroles, comment pourrions-nous être crédibles ?
C'est
l'enseignement de la seconde partie de l'évangile de ce jour : Si ta main...,
ou ton pied..., ou ton œil t'entraîne au mal..., alors, n'hésite pas, coupe,
arrache...
Le cœur de Dieu est sans frontières
et ouvert à tous. Et,
nous-mêmes, chrétiens, avons-nous un cœur assez, accueillant, ouvert,
compréhensif... ?