dimanche 27 janvier 2019

St Luc !


 3e Dimanche 2018/C
             
Nous commençons aujourd'hui l'évangile  selon St Luc, qui va se poursuivre tout au long de cette année.
Nous avons trop l'habitude de mélanger les quatre Evangiles en un seul. En fait, l'image de Jésus est une image diversifiée. Et il est très intéressant de regarder chaque Evangile avec ses particularités. Et puisque nous abordons Luc, essayons de relever les teintes dominantes de son œuvre : Jésus selon saint Luc.
             
Relevons d'abord une caractéristique très intéres­sante pour nous. Luc n'est pas un Juif d'origine. C'est un chrétien de la "seconde génération" qui n'a jamais vu Jé­sus de ses yeux de chair, comme Matthieu ou Jean. Avec lui, nous entrons dans un univers culturel nouveau.
Luc était un païen qui habitait une des plus grandes villes de l'Empire romain, Antioche. C'était un homme cultivé, dont la langue n'était pas l'hébreu ou l'araméen, mais le grec. Il était médecin, dit-on.
Il fut converti, adulte, sans doute par St Paul, après avoir vécu sans doute de Jupiter, de Vénus et surtout d'Esculape, dieu de la médecine… avant de dé­couvrir le Christ ressuscité, qu'il n'a jamais rencontré  visiblement,… comme nous ! Comme nous !
Il a été ébloui seulement par la lumière du Ressuscité, ce qui ne veut pas dire qu'il négligera ses aspects très humains. Car, étant proche des événements de Jésus, il a recherché le contact de ceux qui l'avaient connu. Il nous le dit lui-même : "Je me suis informé soigneusement auprès des témoins ocu­laires…".
             
Cependant, écrivant pour des Grecs, Luc expurge soigneusement de l'Evangile de Marc qu'il utilise, tous les usages juifs qui auraient été incompréhensibles à ses lecteurs. Ainsi parle-t-il non de "Gethsémani", mais du "jardin des olives"…, ce qui est compréhensible pour tous. Même le mot "Amen" est supprimé par Luc. Quand nous le trouvons en Matthieu ou Marc, il est gommé dans les passages parallèles de Luc.
C'est un très bon exemple que nous devrions  poursuivre aujourd'hui. Il faut que la "Bonne Nouvelle" du Christ soit dite dans toutes les langues et dans toutes les cultures. En ce sens, le récit de Luc est très "moderne". Il nous invite à continuer à «traduire» dans nos mots et usages actuels cet Evangile qui a d'abord vu le jour en milieu juif, puis en milieu hellénistique.
Puisse St Luc nous aider à "traduire" le message de Jésus dans notre propre langue, dans notre propre culture. Ce fut l'un des buts du Concile Vatican II.

Mais quelles sont les couleurs dominantes que Luc utilise pour peindre le portrait de Jésus ?
             
L'Evangile de St Luc est d'abord l'Evangile de la joie ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, Marc ne prononce ce mot qu'une fois, et Matthieu huit fois. Quant à Luc, vingt-neuf fois il écrit les mots "kairo", se ré­jouir, ou "kaira, joie!
Le premier mot de Dieu, dans l'Evangile de Luc, est adressé à Zacharie : "Ne crains pas, tu vas avoir un fils, il te donnera beaucoup de joie»"
Le deuxième mot de Dieu aux hommes, c'est à Marie: "Réjouis-toi, favorisée de Dieu !".
Et tout l'Evangile de Luc sera comme une traînée de joie. La joie sera encore son dernier mot : Alors que les Apôtres venaient de voir Jésus disparaître au jour de l'Ascension, il écrit : "Ils retournèrent à Jérusalem, pleins de joie".
Tout ceci n'est pas un hasard. Luc avait sans doute expérimenté cette joie dans sa propre conversion au Christ Ressuscité. Notre foi est-elle ainsi ?  Sommes-nous heureux de croire ? Voilà ce à quoi nous invite Luc.             
             
En second lieu, l'Evangile de Luc est un Evangile social où les petites gens, les défavorisés de l'époque sont mis en valeur:  les femmes, les enfants, les pauvres, les pécheurs, les exclus. Jésus, selon Luc, est l'ami des pauvres, des petits, "l'ami des publicains et des pé­cheurs"  (Luc 7/34).
Et nous avons entendu comment, dans son premier sermon, Jésus déclarait : "L'Esprit de Dieu est sur moi… Je suis venu… pour libérer les opprimés, rendre la liberté à ceux qui sont en prison, dire une joyeuse nouvelle aux pauvres…".
Jésus, par Luc, nous demande de transformer la société dans laquelle nous vivons pour qu'elle améliore le sort des plus délaissés de nos frères. Cela signifie que l'Evangile a des implications profondes dans la société. Notre foi est-elle ainsi ? Sommes-nous attentifs aux plus pauvres ?

Une troisième caractéristique de l'évangile de Luc, c'est la miséricorde de Dieu. Bien sûr, tous les Evangiles nous parlent de cette tendresse inépuisable de Dieu pour les pécheurs.
Pourtant, c'est un fait, Marc ne nous raconte qu'une seule fois un "pardon de Jésus", et encore c'était à un homme paralysé qui ne demandait pas d'être pardonné.
Luc, lui, nous transmet neuf fois des "paroles de Pardon" de Jésus. Seul Luc nous rapporte la scène où Jésus pardonne à une prostituée (Luc 7/36-50). Seul Luc nous raconte la scène de Zachée, cet exploiteur public  qui se convertit dans la joie (Luc 19/1-10). Seul Luc nous dit que Jésus a pardonné au bon larron. Seul Luc nous rapporte trois paroles essentielles, comme si elles n'avaient pas frappé Matthieu, Marc et Jean, qui n'en disent rien : La Brebis perdue, la Drachme perdue, et l'Enfant prodigue. "Il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour un juste qui n'a pas besoin de pénitence". Avec Luc, nous savons que Jésus présentait Dieu comme ce merveilleux père qui accueille son enfant parti au loin vivre une vie de débauche.

Enfin, l'Evangile de Luc est l'Evangile de la prière. Marc ne nous montre que deus fois Jésus en train de prier : à la multiplication des pains et à la dernière Cène. Luc, lui, en plus de ces deux cas, nous montre Jésus en prière : - A son baptême -  Avant de faire le choix de ses apôtres - Au jour de la Transfiguration - Avant la Confession de Pierre à Césarée - Au retour des disciples de leur première mission - Avant de donner le "Notre Père"  - Au repas avec les disciples d'Emmaüs.
Pour Luc, la prière n'est pas d'abord un sujet dont Jésus "parle", c'est un "acte" qu'il accomplit. Quand Jé­sus parle de la prière, c'est à partir de sa propre expérience. La parabole de l'ami importun qui finit par obtenir ce qu'il demande, seul Luc nous la rapporte.

Ces quelques notations nous auront fait découvrir combien l'Evangile de Luc est original. Evangile de joie, de promotion sociale, de miséricorde et de prière…
             
N'est-ce-pas une extraordinaire invitation qui nous est faite de "traduire", à notre tour, à notre manière à nous, la "Bonne Nouvelle". Qui que nous soyons, nous avons à transmettre la "Bonne Nouvelle" de Notre Seigneur. il devrait y avoir mille et mille Evangiles : l'Evangile écrit par un médecin, comme Luc ; celui du païen converti, de la sténodactylo; de la mère de famille;  l'Evangile du conducteur d'engins, de l'étudiant, de l'agriculteur, du professeur, du commerçant  etc…

Que St Luc nous apprenne à dire l'Evangile avec toute notre vie… et avec nos mots, avec ceux de nos contemporains.

samedi 19 janvier 2019

Une histoire d'Amour !


2e T.O. 19/B -
             
Quand nous écoutons, dans l'évangile, des récits de miracles, il faut toujours se demander ce qu'ils signifient pour nous ; car les miracles sont avant tout des signes dont Dieu se sert pour nous dire quelque chose. St Jean le dit lui-même : "Tel fut le premier des SIGNES que Jésus accomplit".  Qu'est-ce que Dieu nous dit à travers ce SIGNE ?
             
Ce récit est un peu comme une parabole qui nous fait découvrir le sens profond du mystère de Noël. Si St Jean ne raconte pas la naissance de Jésus (comme Matthieu et Luc), c'est pour nous en révéler le sens à travers ce récit des noces de Cana qu'il est seul à nous transmettre.

"IL Y EUT UNE NOCE A CANA EN GALILEE".
Une noce  ! Cela peut paraître banal ! Il n'en est rien, car, tout au long de la Bible, Dieu nous est précisément présenté comme Celui qui fait ALLIANCE avec son peuple, qui s'est engagé vis-à-vis de lui comme un homme s'engage par le mariage vis-à-vis de son épouse (et réciproquement).
La Bible est pleine de ces pages où Dieu se présente à Israël comme son époux qui le chérit d'un amour jaloux : "Je te fiancerai à moi dans la justice et le droit, dans la tendresse et l'amour… dans la fidélité. Tu feras la joie de ton Dieu et ton Dieu sera ta gloire !". (Osée 2/21) -  ".…Comme la jeune mariée est la joie de son mari, ainsi tu seras la joie de ton Dieu". (Isaïe 1ère lecture) - Ainsi, Dieu propose de partager sa propre vie, comme deux époux qui s'aiment et qui mettent tout en commun.
             
Malheureusement, Israël n'a pas été fidèle à son Dieu. Mais Dieu, lui, restera toujours fidèle. St Paul l'affirmera explicitement   "Si nous sommes infidèles, Dieu reste fidèle, car il ne peut se renier lui-même" (2 Tim 2.13)..Aussi, par les prophètes, Dieu a-t-il annoncé une nouvelle alliance avec l'humanité : "Des jours viendront où je conclurai avec vous une alliance nouvelle. Elle sera différente de la première... Je serai votre Dieu, et vous serez mon peuple!" (Jer. 31.33).

C'est pourquoi Israël attendait le Messie, un peu comme une jeune fille attend son bien-aimé. La Bible est pleine de cette attente, de ces appels vers Dieu : "Ah ! si tu déchirais les cieux, et si tu descendais vers nous...!" (Is. 64.1)
             
Justement, à Noël, Dieu a, en quelque sorte, déchiré les cieux ; les cieux se sont ouverts, et Dieu est descendu vers l'humanité pour conclure avec elle la nouvelle alliance, l'union définitive entre Dieu et les hommes.

LE CHRISTIANISME, MYSTERE D'AMOUR
Le petit enfant de la crèche de Bethléem, Jésus, est tout à la fois Dieu et homme. Il est "le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles; il est Dieu, né de Dieu, Lumière née de la lumière, vrai Dieu né du vrai Dieu". Mais, en même temps, "par l'Esprit-Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s'est fait homme". En lui sont donc unies parfaitement et définitivement la divinité et l'humanité. En Lui, la nouvelle alliance est scellée : par son amour gratuit qui ne se reprendra jamais, Dieu est venu épouser notre nature humaine.
"Il y eut une noce à Cana... Et la mère de Jésus y était !". Bien sur ! Puisque ces noces de Cana symbolisent le mystère de Noël, la nouvelle alliance, les noces de Dieu avec nous, il fallait bien que Marie soit là, comme elle était là à Noël.

LE VIN, SYMBOLE DE L'AMOUR
Et Marie dit à Jésus : "ls n'ont plus de vin !". - Le vin symbolise l'amitié, l'amour, la joie. Jésus change en vin l'eau destinée aux purifications juives. Pour Jean, la religion juive avec ses rites, l'ancienne alliance a pris fin. C'est maintenant la nouvelle Alliance, symbolisée par le vin, ce vin qui servira au repas du Jeudi-Saint, celui de la nouvelle Alliance.

Si la religion, en général, relie l'homme à Dieu, la religion chrétienne, c'est vraiment l'alliance, le mariage d'amour qui relie Dieu à l'homme : Dieu nous aime, nous appelle, et attend une réponse libre et aimante.
Comme deux fiancés, le jour de leur mariage, se disent "OUI" l'un à l'autre, "Oui" à l'amour, à la fidélité mutuelle, un "OUI" rempli de tendresse et de joie, un "OUI" qu'ils se rediront ensuite tout au long de leur vie, ainsi la vie chrétienne est un "OUI" à l'amour de Dieu, un "OUI" à la fidélité, un "OUI" à renouveler sans cesse jusqu'au bout.
Ce "OUI", c'est la Vierge Marie qui l'a prononcé la première le jour de l'Annonciation : "Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi selon sa volonté!"  Ce "OUI", c'est à chacun de nous à le redire, à la fois par nos paroles et par nos actes.

LE VIN SYMBOLE DU SACRIFICE.
Si le vin symbolise la joie, l'amour, il est aussi, dans le N.T., le symbole du sacrifice. Le Jeudi Saint (chacune de nos Eucharisties le rappelle), le vin du repas pascal devient sang de Jésus : "Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l'alliance nouvelle et éternelle, qui sera versé pour la multitude".

Quand la Bible nous parle de Dieu sous les images de la tendresse et du pardon, cela ne veut pas dire qu'on peut en prendre "à son aise" avec Lui. Tous les époux qui s'aiment le savent parfaitement : plus il y a d'amour et de tendresse entr'eux, plus aussi il y a d'exigences ; plus on aime, plus on est porté à tout donner, à tout sacrifier, pour celui ou celle qu'on aime.

Le Christ le savait bien : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime". (Jn 15.13). Il doit en être de même pour nous vis-à-vis du Seigneur. Le Christ nous appelle à nous dépasser, à aller toujours au-delà dans le don de nous-mêmes ; il sait encore mieux que nous de quoi nous sommes capables. Dans sa tendresse pour nous, il nous veut grands, il nous veut saints. Ses exigences ne sont pas celles d'un maître ou d'un tyran, mais celles de l'amoureux qui veut pour sa bien-aimée un bonheur authentique, et non un bonheur de pacotille.

LE VIN SYMBOLE DE LA VIE PARTAGEE.
Vous connaissez ce rite des jeunes mariés qui boivent le vin à la même coupe le jour de leur mariage : ils veulent signifier ainsi qu'ils mettront tout en commun: joies, soucis, enthousiasmes, souffrances.
Il en est de même, il doit en être de même entre Dieu et nous. Dieu, en la personne de son Fils, vient partager notre vie humaine dans sa totalité : Jésus connaîtra nos joies, nos souffrances, nos limites, nos lassitudes ; il connaîtra tout ce qui fait notre vie d'homme, tout sauf le péché (Jeb 4 .15). Mais c'est pour nous appeler à partager, nous, sa propre vie divine ; depuis notre baptême, c'est sa vie qui coule en nous ; chaque fois que nous communions, c'est comme une nouvelle transfusion en nous de sa propre vie divine. St Paul et St Jean l'appellent LA VIE ETERNELLE, mais ils précisent bien : cette vie éternelle nous l'avons dès maintenant ; nous en vivons dès maintenant;  nous ne voyons pas sa splendeur parce qu'elle est cachée avec le Christ en Dieu,  "mais quand le Christ paraîtra, alors, nous aussi, nous paraîtrons avec lui en pleine gloire". (Col 3/4)

Si Dieu nous a tant aimés au point de faire de nous ses partenaires et ses confidents, alors, sachons lui répondre. Mettons-y toute notre ardeur, pour la joie de notre Dieu : "Comme la jeune mariée fait la joie de son mari, ainsi tu feras la joie de ton Dieu".( (s 62. 1-5)

lundi 14 janvier 2019

Baptême - du Christ et le nôtre - !


Baptême de Notre Seigneur 18/C

Jésus a donc connu lui-même l'expérience du baptême.
Il faut le souligner : Jésus vivait à une époque et au sein d'un peuple qui attendaient de grands changements : bientôt se tournerait la page du passé, bientôt viendraient des cieux nouveaux et une terre nouvelle ! C'est pourquoi les Prophètes, depuis longtemps, appelaient le peuple à la transformation des esprits et des cœurs.
Et, à leur suite, Jean-Baptiste proclamait l'importance et la nécessité de se convertir personnellement, de renoncer au mal et de s'engager résolument à vivre selon la Loi du Seigneur. Il invitait ses compatriotes à manifester leur désir de conversion par le geste du baptême qui exprimait à la fois la rupture avec le passé et l'engagement dans une vie nouvelle. Leur vie devait devenir prophétique !
             
Aussi,  Jésus, comme bien d'autres, reçoit le baptême de Jean-Baptiste. Et, sortant du Jourdain, se manifeste alors en lui non pas un être nouveau, converti, mais sa véritable identité : il est vraiment Fils de Dieu, de Dieu son Père, qui le désigne comme l'Enfant de sa joyeuse tendresse : "C'est toi, mon Fils bien-aimé ; en toi, j'ai mis tout mon amour !"

Bien sûr, après le baptême d'un enfant, par exemple, nous n'entendons nulle voix du ciel, nous ne voyons aucune colombe manifester la présence d'amour et de tendresse de Dieu sur le baptisé. Et pourtant, dans la foi, nous savons fort bien que Dieu dit en cette circonstance : "Tu es mon fils, tu es ma fille, que j'aime de toute ma tendresse : ma joie est de t'avoir pour enfant... tu es précieux à mes yeux et à mon cœur".

Où prenons-nous pareille certitude de notre foi ? Dans le fait que le geste du baptême, choisi par Jésus, est le signe par lequel se crée une alliance définitive entre Jésus et chaque baptisé : nous faisons corps avec Lui. St Paul le dit magnifiquement :  "Il en est ainsi dans le Christ : tous, dans l'unique Esprit, nous avons été baptisés pour former un seul corps.". (I Co 12.13). Lui, Jésus, il est le Premier-Né de Dieu, le Père ; nous, nous lui sommes attachés ; et nous portons sa marque, comme des frères et sœurs d'une même famille.

Évidemment, nous sommes adoptés par Dieu : nous ne sommes pas de sa nature, comme l'est Jésus. Pourtant, "tous les membres, bien qu'ils soient plusieurs, ne forment qu'un seul corps", précise encore St Paul (I Co 12.12).. Marqués par Jésus, portant son "air de famille", nous héritons avec lui du Royaume, nous partageons avec lui la tendresse du Père.
             
Les parents savent combien ils aiment l'enfant à qui ils donnent le jour. Pensons également à quel point il est aimé par un Père : Dieu lui-même... Après le baptême, l'enfant est bien plus que l'enfant de ses parents :  il a dignité d'enfant du Père, de frère du Christ.
Cette réalité, il faudrait toujours en avoir conscience joyeuse et émerveillée pour apprendre à l'enfant à vivre, à acquérir un "style de vie" conforme à ce qu'il est devenu depuis son baptême. Un style de vie où les valeurs du cœur auront la première place, où l'attachement à la Personne de Jésus s'exprimera à travers l'amour du prochain vu comme un frère, et à travers une présence fidèle à la vie de sa famille qu'est l'Église.

Car il en va de même de la vie divine comme de la vie humaine : si l'enfant n'est pas conscient de ce qui lui arrive au moment de son baptême, il ne l'était pas plus lorsqu'il vit le jour et son arrivée sur la terre des hommes ; seuls ses parents et son entourage en ont perçu le sens. Pourtant sa vie à lui a réellement commencé bien qu'il fut le seul à ne pas le savoir.

On le sait : en chaque être humain qui naît, il y a mille possibilités et mille dépendances. Un bébé laissé à lui-même a toutes les chances de ne pas survivre. Personne ne pense que l'on brime sa liberté si on ne le consulte pas pour organiser sa vie. Jusqu'à l'âge de l'indépendance,  l'homme est façonné par ses aînés : l'enfant pense par ses parents ; et, pour son bien, on prend des décisions à sa place ; c'est une question de survie. Pour exercer sa liberté, un homme doit d'abord se soumettre à la pensée des autres, des années durant.

Il en va de même pour la vie de Dieu en lui. Pour croire personnellement, l'homme doit vivre longtemps de la foi de ses parents, de ses parrain et marraine, de son entourage. La vie de Dieu est aussi fragile dans l'homme que sa vie humaine. Ce n'est pas brimer sa liberté que de lui apprendre à vivre en fils de Dieu sans le consulter. La foi prend les mêmes chemins que l'intelligence et le cœur.

Le baptême devient donc une responsabilité pour tous ceux qui y participent. La naissance ne se termine pas avec l'accouchement ; autrement ce serait la mort. Elle commence et elle engage durablement le père et la mère.
La renaissance baptismale ne finit pas avec la signature des registres, elle débute par ce rite ecclésial et elle exige beaucoup de ceux qui l'ont voulue. Il serait injuste et mensonger de demander la vie de Dieu pour son enfant et de laisser à ce dernier le soin de la développer.
             
Il y a longtemps que l'humanité serait disparue si les hommes avaient laissé la nature à elle-même.
De même, le Royaume des cieux aurait disparu avec la première génération des chrétiens s'ils ne l'avaient pas transmis à leurs descendants.

Aussi, retenons aujourd'hui : le baptême apporte à la vie des hommes une autre dimension que nous ne pouvons nous donner nous-mêmes, la dimension de l'immortalité, de la Vie divine. Il ne détruit rien de ce qui est humain, mais il apporte à toute vie ce supplément qui la transfigure, le supplément de l'Eternité, le supplément de la Vie divine. Depuis Jésus, l'humanité est entrée dans un autre âge, celui que prophétisait Jean-Baptiste, l'âge de Dieu dont le nom est Vie, Amour, comme aimait à le répéter l'apôtre St Jean.

"Celui qui croit en moi, même s'il est mort vivra." (Jn 11.25-26). - "Celui qui mange ma chair aura la vie éternelle." (Jn 6.54) - "Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient pleinement." (Cf Jn 10.1-18).
Voilà ce que doit signifier le baptême et toute vie chrétienne !

dimanche 6 janvier 2019

Croyants et incroyants


EPIPHANIE  88 / B

Il y a quelque chose de profondément mystérieux et même de dramatique dans ce récit de l'Epiphanie : les mages, des païens, arrivent à Jérusalem d'un pays lointain et, sans avoir jamais entendu parler du vrai Dieu, ils reconnaissent dans le petit enfant de Bethléem son envoyé, le Sauveur promis par Dieu.
Et au même moment, les responsables religieux de Jérusalem qui sont sur place, qui sont croyants, qui connaissent le vrai Dieu, restent parfaitement indifférents à la nouvelle de la naissance de Jésus : ils ne se dérangent même pas ; plus tard, ils rejetteront le Messie.
           
Ce récit est donc un peu comme une prophétie, comme une annonce de ce qui se passera par la suite : globalement, le peuple juif, le peuple croyant rejettera Jésus ; 
En revanche, ce sont des étrangers, des païens, qui se convertiront au Christ et qui constitueront par la suite le nouveau Peuple de Dieu.
           
Il y a là comme un mystère : le mystère de la foi et le mystère de l'incroyance;: ce sont les plus lointains qui découvrent Jésus, et ce sont les plus proches - disons les croyants traditionnels -, ceux qui semblaient les plus prêts à l'accueillir, qui finalement le rejettent.
           
Et cette situation ne doit-elle pas nous interroger ? Car ne sommes-nous pas, nous aussi, de ces croyants traditionnels : nous croyons en Dieu, mais accueillons-nous véritablement Jésus et son message ?
           
Dans ce récit de l'Evangile, une première chose est frappante, me semble-t-il: les Mages, tout païens qu'ils sont, sont en recherche du vrai Dieu qu'ils ignorent. Les croyants de Jérusalem, eux, s'imaginent le posséder, le connaître une fois pour toutes: ils sont satisfaits, contents d'eux-mêmes, sûrs de leurs certitudes, sûrs de leur savoir religieux. On leur demande où doit naître le Sauveur; ils ont immédiatement la réponse ; ils estiment ne rien avoir à apprendre des autres…, ni même du Saint-Esprit.
           
Et pourtant, la Bible ne leur dit-elle pas sans cesse : "Cherchez le Seigneur, recherchez toujours sa face!… Cherchez le Seigneur et vous vivrez!… Recherchez le Seigneur, il se laisse trouver!" (Ps 68 - Is 55/6).
           
Les Mages, eux, ont faim et soif de  Dieu ; ils cherchent à le découvrir: "J'ai soif de Dieu, du Dieu vivant! Quand pourrais-je découvrir sa face?"
           
Pour trouver quelque chose ou quelqu'un, il faut le chercher. Si je ne cherche pas, je passerai à côté sans le voir. Ce jeune homme qui a remarqué une jeune fille, va-t-il attendre passivement qu'elle vienne vers lui ? Au contraire, il cherchera à la rencontrer à nouveau, à faire sa connaissance et à la fréquenter. C'est ainsi que s'établit toute relation.
           
Pour trouver Dieu, pour découvrir le Christ, il faut chercher. Les autorités juives de Jérusalem s'imaginaient avoir trouvé Dieu parce qu'elles connaissaient leur doctrine religieuse. Mais Dieu n'est pas une doctrine ; Dieu n'est pas une idéologie. Dieu est quelqu'un ; et on n'a jamais fini de le connaître. Comme dit St Paul, ici-bas, nous ne le connaissons que d'une manière confuse, comme à travers un mauvais miroir. D'ailleurs, même entre nous, qui nous connaît parfaitement? Personne. A plus forte raison pour Dieu!

Une deuxième chose est frappante à propos des Mages : ils avaient certainement leurs croyances personnelles, leur manière de penser, leur mentalité. Or, ils n'hésitent pas à "se remettre en question", comme on dit, pour aller à la recherche du vrai Dieu. Ils quittent leur pays, ils quittent leur famille, ils partent pour un long voyage qui les mènera ils ne savent où. Ils ne sont pas prisonniers de leurs idées personnelles ; ils sont conscients d'avoir bien des choses à découvrir. Alors, ils sont prêts, ils sont ouverts à la lumière.
           
Les croyants de Jérusalem, au contraire, sont prisonniers de leurs certitudes ; ils sont fermés à tout ce qui leur viendrait de l'extérieur, ils prétendent tout savoir ; ils se prennent pour Dieu.
           
Pour découvrir le vrai Dieu, pour découvrir Jésus-Christ, il nous faut un peu d'humilité, être convaincus que la vérité nous dépasse, que Dieu nous dépasse, et Jésus-Christ aussi. Personne ne détient toute la vérité, nul n'en est propriétaire; ceux qui croit en avoir découvert quelques lueurs, qu'ils continuent donc à chercher humblement avec les autres, avec tous ceux qui, eux aussi, croient en avoir découvert quelque chose.
           
Le vrai Dieu est surprenant. Il ne correspond pas toujours à nos idées toutes faites.
Le message de Jésus, de même, ne répond pas toujours à ce que nous attendrions, quand il parle par exemple des pécheurs et des prostituées qui parviendront avant les autres dans le Royaume.
Et l'Esprit de Dieu bouscule souvent également les "bons principes" qui sont les nôtres.
           
La découverte du vrai Dieu, la rencontre de Jésus-Christ, c'est le début d'une aventure jamais terminée, une aventure qui mène on ne sait où. Mais comme les Mages, il ne faut pas avoir peur, pour s'y lancer, de quitter nos certitudes un peu trop confortables.

Mais il y a surtout une troisième chose nécessaire pour découvrir Jésus-Christ; une troisième chose toute simple, mais c'est la plus difficile. Il faut faire comme les premiers apôtres de Jésus : se mettre à son écoute, le contempler et commencer à le suivre sans attendre d'avoir parfaitement découvert qui il est.
           
Oui, c'est ce qu'ont fait les premiers apôtres: ils ont suivi Jésus, ils se sont attachés à Lui; ils sont devenus ses disciples; et c'est longtemps après qu'ils ont vraiment découvert que cet homme Jésus, c'était le Messie, l'Envoyé de Dieu, et même le Fils de Dieu.
           
Jésus disait un jour: «Celui qui fait la vérité vient à la lumière».
Cela veut dire: Pour trouver la pleine lumière, pour découvrir qui est Jésus-Christ, commence donc par le suivre dans ses solidarités avec les petits, les pauvres, tous ceux qui souffrent et tous ceux qu'on rejette !
           
Pour découvrir peu à peu qui est Dieu, commence donc par suivre Jésus-Christ dans sa prière à Dieu son Père, en priant toi-même avec Lui et comme Lui dans le secret de ton cœur, et tu viendras à la lumière !
           
Pour découvrir ce qu'est l'Eglise, commence donc par rejoindre quelques chrétiens pour créer avec eux une communion agissante de foi et d'amour; et tu parviendras à la lumière!
           
Oui pour découvrir ce que c'est que d'être chrétien, il faut commencer par suivre Jésus-Christ en essayant de vivre comme Lui.
           
La lumière de Dieu, la lumière de Jésus… n'est pas au bout de discussions ou d'idées savantes ; elle vient dans la foulée de l'amour et de la vie ; elle jaillit de ce que l'on fait, des engagements que l'on prend, et de la manière dont on aime, à la suite de Jésus-Christ!

Aujourd'hui, c'est la fête des Mages, c'est la fête de tous ceux qui cherchent Dieu et qui se mettent en route à la découverte de Jésus-Christ!
           
Demandons au Seigneur de creuser en nous cette soif de Dieu qui stimulera notre recherche.
           
Prions surtout pour nos frères incroyants qui, comme les Mages, sont attirés par Jésus et cherchent à le connaître.

Prions pour les Jeunes qui nous entourent. Comment pourront-ils découvrir et rencontrer la vraie lumière, Jésus et son message ? N'avons-nous pas, là, une responsabilité ?