vendredi 18 mars 2011

Ecouter !

Carême 1. Vendredi Ezéchiel 18.21sv

“Ecoutez donc, fils d’Israël !“
“Ecouter !“, c’est la racine de toute foi, et donc de toute prière.

La prière chrétienne - notre prière - est une prière où l’homme n’a pas l’initiative. C’est Dieu, le premier, toujours !
Dans la prière, ce n’est pas l’homme qui cherche peu à peu comme à tâtons dans les ténèbres, qui cherche à démasquer un Dieu muet et invisible ; c’est Dieu qui cherche l’homme ! Et l’homme se livre à un appel entendu, en écoutant de plus en plus, de mieux en mieux : “Tous les matins, disait le prophète Isaïe (50.4-5), Dieu éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple ! Le Seigneur m’a ouvert l’oreille !“. A mon avis, la prière est un commerce intime d’amitié avec Dieu dont on se sait aimés et qui veut nous parler de cet amour qu’il nous porte : “Seigneur, disait St Augustin, dis-moi ce que tu es pour moi… Voici les oreilles de mon cœur devant toi ; Seigneur, ouvre-les ; et dis à mon âme : « Moi, je suis ton salut ! » (ps 35.3). Je veux courir après cette voix et te saisir…“.

St Paul souligne que le Christ lui-même, en sa prière, n’était que écoute de son Père ; et cela d’une façon parfaite jusqu’à obéir, et obéir jusqu’à la croix. Quand il oppose Adam au Christ, il met en contraste l’action de mal entendre du premier (“marakoè“) et donc sa désobéissance, avec l’écoute du second (“upakoè“) et donc son obéissance - ces deux mots (“marakoè“ - “upakoè“) ayant même racine que celle du verbe “écouter“ (“akouô“) -. (cf Rm 5.19). Le Christ s’est fait “upèkoos“, littéralement “celui qui prête l’oreille“, et donc obéissant jusqu’à la mort sur la croix. (Phil 2.8).

C’est dans ce même sens que St Benoît qui commence sa Règle par “Ausculta !“ (“écoute !“) poursuit ainsi : "Que celui qui a des oreilles pour entendre, écoute ce que l'Esprit dit aux églises. Et que dit-il ? Venez mes fils, écouter-moi !...“ (Prologue)

Ecoutez donc ! "Ecoute, mon peuple, que je parle " (Ps 5O/7) - Ecoutez donc, nous dit encore Jésus "avec un cœur noble et bon " (Lc 8/15)

Mais trop souvent, nous détournons notre oreille… Et notre prière est vide ! Et vides, tous nos projets… ; et notre vie elle-même manifeste finalement une absence, l’absence de Dieu ! Faut-il s’étonner alors que trop souvent nos attitudes émoussent considérablement la fine pointe de notre intelligence qui n’est plus capable de se mettre à l’écoute de Dieu.
Mais “si nous sommes infidèles, lui, le Seigneur reste fidèle“ (2 Tm 2.13). Et il ne cesse de nous parler, de nous interpeller !

Oui, Dieu ne cesse de nous parler :

- Il nous parle par la nature, langage qu’un St François d’Assise savait si bien déchiffrer. Prions-le !

- Dieu parle par les Ecritures, les évangiles…, par son Fils ! A propos de l’épisode de la Transfiguration (dont nous entendrons le récit dimanche), St Augustin prêchait : "Ecoutez le Christ quand Elie parle, écoutez-le quand parle Moïse ; quand les Prophètes parlent, quand parle la Loi, écoutez-le, lui qui est la voix de la Loi et la langue des Prophètes. Lui-même s'est fait entendre en eux ; et quand, il l'a daigné, il s'est montré en personne !" (Serm. 79 ; P. L. 38,493)

- Il parle par la liturgie qui nous fait ruminer la Parole de Dieu ! Dans la liturgie, c’est l’Esprit-Saint lui-même qui nous "rassasie de la fleur du froment" ( Ps 147/14) qu’est la Parole de Dieu, et qui sans cesse nous rappelle la miséricorde et la tendresse infinies de notre Dieu.

- Il nous parle par la vie des saints qui ont vécu dans l'amitié divine ; et ils peuvent nous aider à y pénétrer toujours mieux, à notre tour. Fréquentant leurs écrits, contemplant leurs exemples, nous apprenons à converser intimement avec Dieu et à demeurer dans l'atmosphère bienfaisante de son Amour...

- Il nous parle par tous les événements de notre vie (En hébreu, le mot “dâbâr“ signifie autant “parole“ que “événement“). Même et surtout peut-être par les événements douloureux. Les auteurs païens de l’Antiquité grecque employaient souvent un jeu de mots, repris par l’épître aux Hébreux (5.8) : “pathêmata - mathêmata“ : “souffrances - leçons“. C’est souvent par la souffrance qu’on apprend ce qu’il y a de plus important et qui ne s’apprend pas dans les livres. Et nous pensons - c’est normal, en un premier temps - : “Cette parole est dure, et qui peut l’entendre ?“ (Lc 8.15). Accueillons-la cependant avec “un cœur noble et généreux“ (Lc 8.15).

- Dieu parle aussi au-dedans de nous : “Je veux écouter ce que le Seigneur Dieu dit au-dedans de moi“ (Ps 85.9 Vulgate).

- Dieu parle par des signes qui vont au-delà des paroles humaines : “Souvent, dit un poète allemand, il faut se taire : les mots sacrés nous font défaut ; les cœurs battent, et pourtant le langage reste en arrière“ (F. Hölderlin). Comme pour Abraham, au moment terrible de l’offrande de son fils, qui “frémissait d’Elohim“, est-il dit selon l’hébreu (Gen 22.12).

- Dieu parle jusque dans son silence : La mort du Christ en croix par amour silencieux n’est-il pas le signe le plus éloquent ? St Ignace d’Antioche appelle la mort du Christ “un mystère retentissant qui fut accompli dans le silence de Dieu“, littéralement “un mystère qui crie“…, si nous savons écouter…

Ayons donc un cœur qui écoute ! "En vérité, en vérité, je vous le dis celui qui écoute ma parole... est passé de la mort à la vie" (Jn 5,24).

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