jeudi 24 mars 2011

Espérance

Carême 2. Jeudi - Espérance ! (Jérémie 17.5-10)

Jérémie (lecture) reprend pratiquement le langage et les images du psaume 1er. En ces deux textes est résumé le message de toute la Bible : La vie est un combat en lequel nous sommes tous impliqués ! Un combat entre les ténèbres et la lumière. Il englobe l’universalité du réel, se perpétue à travers le temps et l’espace et se manifeste en tous les déchirements de l’histoire… Les deux grands généraux de ce combat sont “le Saint de Dieu“ et le “Révolté“ :
- L’un refuse la route de la lumière. Il dit “Non“ à Dieu. “Maudit soit l’homme qui se détourne du Seigneur“, disait Jérémie !
- L’autre se détourne du mal. Sa seule force, c’est le Seigneur : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“, disait Jérémie.
- Le premier va vers son malheur : “Il sera comme un buisson dans la steppe!“.
- Le second marche vers son bonheur : “Il sera comme un arbre planté au bord des eaux. Il ne craint pas la chaleur ; son feuillage reste vert… et il porte du fruit !“. Quelle image très parlante que cet arbre verdoyant pour un oriental en pays chand ! C’est le “paradis“, mot d’origine perse qui veut dire justement “jardin“ !

La route des ténèbres est toujours ouverte. Notre société va vers sa perte, dirait Jérémie ! Non point que nous soyons tous des “méchants“, mais parce que nous avons raté le train de l’Espérance. (Pourtant : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance !“). On a dit naguère : “Nous entrons dans la société industrielle !“, puis : “Nous sommes dans la société de loisirs !“ ; et maintenant, nous constatons que notre société est largement dépressive, sans espérance ! Et pourquoi donc ?
- Parce que nous manquons d’intériorité en ne faisant confiance qu’au thermomètre très fantasque de l’opinion publique et des médias !
- Parce que nous n’avons plus de mémoire comme si le monde n’avait commencé qu’hier soir ou ce matin. Nous nous enfermons dans la cage de l’aujourd’hui sans grande communication ni avec le passé, ni avec le présent, sans regard vers les autres et… vers Dieu… L’homme se déclare dieu et s’isole, sans Espérance !
- Parce que chacun, se retrouvant seul, se persuade à lui-même : “Ma vérité est la vérité !“. Et comme nous sommes des milliards, il y a alors des milliards de vérités… qui, bien sûr, s’opposent les unes aux autres. Et c’est le combat !

Oui, Jérémie avait raison : Maudit soit l’homme qui met sa confiance en lui seulement, en l’homme, uniquement ! Même si cet homme cherche et recherche de multiples thérapies (C’est très à la mode, croyez-moi !) aux malheurs qu’il engendre lui-même.
Il n’y a qu’une thérapie : “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“ ! L’espérance est le muscle cardiaque, le myocarde, de notre cœur spirituel. Et si ce muscle arrête de fonctionner, la vie s’arrête !

Et n’allez pas dire que cette image engage à une utopie. Une utopie est une espérance qui ne se fonde que sur les propres forces de l’homme. L’utopiste attend quelque chose de neuf, convaincu qu’il va lui-même le réaliser. L’homme d’espérance sait que Dieu seul peut lui porter secours pour qu’il fasse du neuf !

Toute la Bible crie cette Espérance, Espérance plus vivace que tous les défaitismes, Espérance qu’entretenait Jérémie malgré tous les malheurs de son temps ! (Et il en a connus !). Non pas l’espoir qu’inventent les hommes pour ne pas mourir. L’espérance vient au secours de l’espoir comme on greffe un rameau sauvage. L’espérance dit à l’espoir : “Tu ne te trompais pas. Le seul tort de ton rêve, c’est d’attendre trop peu“. Peut-être, parfois, faut-il que l’espoir craque pour que commence l’Espérance. La foi est peut-être un doute surmonté, l’espérance un désespoir surmonté ! “Heureux l’homme dont le Seigneur est l’espérance“, disait Jérémie.

Certes, les motifs de découragements sont toujours innombrables sur la ligne d’affrontement entre les ténèbres et la lumière !
- Oui, le monde est pourri quand quelques généraux de tous bords peuvent faire disparaître des milliers d’hommes. Mais le monde est béni quand le pardon peut répondre à la haine, la foi en la vie au massacre.
- Oui, il y a des conflits d’intérêts qui cherchent une solution par l’assassinat individuel ou collectif. Mais ils sont millions ceux qui prennent le risque de la non-violence, cassent le cercle vicieux et la spirale des vengeances.
- Oui, les médias multiplient le visage de l’horreur jusqu’à la nausée ; mais ils pourraient aussi multiplier le visage de l’Espérance en mettant le projecteur sur les générosités qui ne prennent parti d’aucune douleur.

Oui, il faut savoir regarder les ombres de notre monde et celles, plus cachées, de notre vie pour y discerner, dans la foi, les signes annoncia-teurs d'Espérance. Il faut savoir regarder nos vies à la lumière du Ressuscité que l'on célèbre chaque dimanche. Et nous nous apercevrons comment nos nuits peuvent voir poindre l'aurore, comment nos croix peuvent devenir des brèches vers une Résurrection, comment, humiliés par les épreuves les plus amères, nous pouvons sentir notre cœur devenir tout brûlant sur notre chemin d'Emmaüs. Alors, nous expérimentons qu’avec l’Espérance, nous ne risquons plus une “crise cardiaque“. Car nous aurons, comme dit St Luc, “un cœur noble et généreux“ ! Kalos agathos, disaient les Grecs : un cœur bon et beau à la fois, le “beau“ devant être toujours l’éclat du “bon“ : le bonheur ! “Moi, je scrute le cœur…“, disait Jérémie de la part de Dieu !

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