lundi 28 mars 2011

Descendre... pour remonter

Carême 3. Lundi - (II Rois 5.1-13)

Pour comprendre la geste, l’épopée de ce fier Syrien, Naaman, qui fut guéri de sa lèpre en se jetant sept fois dans le Jourdain, il faut se souvenir de la première démarche de Notre Seigneur, au seuil de sa vie publique : son baptême par Jean-Baptiste !

Jésus, lui aussi, accepte de descendre dans ce fleuve du Jourdain (dont le nom “Yaredèn“ vient d’une racine qui signifie : “descendre“). “Lui qui était de condition divine“, dira l’une des premières hymnes liturgiques reprise par St Paul (Phil.2), “il n’a pas craint de s’anéantir (de descendre) en prenant la condition d’homme. Devenu semblable aux hommes, il s’est fait obéissant jusqu’à la mort sur une croix. Aussi, Dieu l’a-t-il exalté (l’a fait remonter) dans les cieux, lui conférant le Nom qui est au-dessus de tout nom !“.

Oui, Jésus descend en ce “fleuve-descendre“, il descend en quelque sorte au point le plus bas du globe jusqu’à la mer morte (symbole du péché du monde). Lui, le sans péché, il descend prendre la lèpre de l’humanité, “l’Agneau de Dieu qui prend sur lui le péché du monde“, disait Jean-Baptiste.

Et il “remonte“, traversant ce Jourdain comme Moïse autrefois la mer rouge ; il remonte vers le temple de Jérusalem qu’il veut détruire pour le rebâtir en son propre Corps (“Détruisez ce temple ; et je le rebâtirai en trois jours…“). Aussi, à sa mort, du côté droit de ce nouveau Temple qu’est son Corps coule une nouvelle source, un nouveau Jourdain pour que tout homme puisse y descendre, et, purifié, puisse remonter pour “voir déjà - le voile de l’ancien Temple se déchirant - Celui qui nous voit sans cesse“ !

C’est tout le sens de l’épopée de ce général Syrien que Jésus a repris dans la réalité de son Incarnation et de sa Pâques. Et désormais cette réalité doit s’achever en chacun d’entre nous : le temps du Carême nous aide à reprendre cette démarche : de notre baptême jusqu’à la vision céleste !

Il nous faut pour cela une condition : l’humilité, tant recommandée par St Benoît ! Accepter de descendre dans le Jourdain, ce que n’a pas compris, en un premier temps, notre “fier Sicambre“, Naaman le Syrien : les fleuves de son pays ne valaient-ils pas le fleuve du Jourdain. Les fleuves de notre monde qui coulent abondamment - celui de l’argent, du pouvoir… etc - ne sont-ils pas capables de nous guérir de tout mal et de nous donner “bonheur et prospérité“ ? Naaman accepta finalement l’humble sagesse de descendre dans le Jourdain pour y être purifié. “Sept fois“, car il s’agit d’une nouvelle création ! “Il descendit dans le Jourdain !“. Cette phrase, lourde de signification, est intraduisible : “wayorèd bayareden“ : “Il descendit dans le Yaredèn“ traduit André Chouraqui, “il descendit dans le descendre“.

Lui aussi, Jésus, lors de son baptême, il “descendit dans le Yaredèn, dans le descendre“, qui descendait jusqu’au point le plus bas du globe - la mer morte -, jusque dans les régions de Sodome et Gomorrhe, ces lieux du péché du monde, jusque dans ces régions d’ossements desséchés, selon Ezéchiel, jusque dans le lieu macabre de la mort elle-même, jusque dans les enfers : “Il descendit aux enfers !“. Et il est remonté, nous entraînant avec lui, pour une nouvelle création en la gloire de son Père !

Plongés dans un nouveau Jourdain par le baptême, Il nous faut descendre au point le plus profond de nous-mêmes, comme David après sa faute. C’est toujours là, dans ce mouvement d’humilité, que le Christ veut nous rencontrer “tels que nous sommes et là où nous en sommes“. N’est-ce pas à cette démarche que nous sommes tous invités durant le Carême ? C’est la première condition de toute conversion : l’humilité du fier Naaman ! Et c’est alors que le Christ nous fait remonter, comme Lui-même est remonté jusqu’en la gloire divine !

Jésus le signifiait à Zachée ! A cet homme qui d’abord se reconnaissait “petit de taille“, Jésus dit : “Descends vite, Zachée ! (Descends de ton arbre !). Aujourd’hui, il me faut demeurer (descendre) chez toi !“. Jésus veut toujours descendre en ce fleuve “Yaredèn“, dans ce “fleuvre-descendre“ qui coule dans le lit de notre existence mortelle et mortifère pour nous faire remonter vers le Temple céleste, vers le lieu de la VIE divine et immortelle.


C’est encore ce que disait Jésus à Nicodème. Avec lui, il va directement au fond du problème : “A moins de naître d’en haut (ou : de nouveau, comme pour Naaman, plongé sept fois dans le Jourdain pour une nouvelle création), nul ne peut voir le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair ; ce qui est né de l’Esprit et esprit !“. (David ne disait-il pas : “Vois, mauvais, je suis né… Crée en moi un cœur pur !“).

Dieu reste toujours fidèle à son Alliance première : il nous veut, purs de toute lèpre, “à son image et ressemblance“. Et cette Alliance éternelle prend désormais, depuis Naaman, depuis Jésus…, l’aspect d’une nouvelle naissance, d’une nouvelle création (signifié par le baptême). Nul n’entrera dans le Royaume s’il n’est pas bénéficiaire de cette nouvelle création (cf. Gal 1.3 - Rm. 7.14 sv, etc…).

Nous avons tous besoin de méditer cela (surtout en Carême) pour toujours et chaque jour prendre un nouveau départ durant notre “exode“ vers la “Terre promise“ !

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