jeudi 25 juin 2009

Scandale ! ? - T.O. 12 imp. – Jeudi - (Gen 16.1 sv)

En parcourant la lecture de la Genèse, vous avez peut-être pensé : c’est quand même une histoire quelque peu scabreuse. Une telle histoire dans la Bible ! Scandale ! Vous n’avez sans doute pas tort, d’autant que lorsque j’étais collégien, la Bible, dans son intégralité, n’était pas à la disposition des élèves, tant elle recèle pas mal d’histoires peu recommandables, scabreuses !

Pourtant, je trouve cet épisode à propos d’Abraham, “notre Père dans la foi“, merveilleux (avec d’autres du même genre). Il illustre l’un des thèmes les plus fondamentaux qui se développe tout au long de la Bible jusque dans le Nouveau Testament et encore dans l’histoire de l’Eglise ! Et comme je souhaiterais que ce thème soit bien connu et reconnu par tout chrétien et également par tout homme d’où qu’il vienne et quel qu’il soit, à l’exemple d’Agar, une servante - une esclave - égyptienne !

Ce thème est celui-ci : Dieu prend toujours l’homme, prend chacun d’entre nous, “tel qu’il est et là où il en est“. Si Dieu attendait que l’homme soit parfait pour faire alliance avec lui, et bien l’éternité ne lui suffirait pas pour attendre ! Non, Dieu prend l’homme fait “de chair et de sang“, “tel qu’il est et là où il en est“ avec ses qualités et aussi avec ses défauts qui, souvent, ne sont pas minces !

Penser le contraire est d’ailleurs une hérésie : le pélagianisme, du nom de son propagateur : Pélage (4-5ème siècle), cet austère moine breton (à la tête un peu dure sans doute ; en fait c’était sans doute un Irlandais !). Pour faire court, il soutenait que l’homme peut par sa seule volonté, par ses forces humaines, mener une vie vertueuse et mériter ainsi le ciel. Nul besoin de la grâce de Dieu réduite aux dons naturels accordés par le Créateur (le libre arbitre, la raison, la conscience…). Remarquons au passage que cette hérésie n’est pas tout à fait éteinte : certains ne sont pas loin de penser - inconsciemment, certes - qu’ils sont en “alliance“ avec Dieu du seul fait de leurs observances vertueuses ou - pire encore - du fait de leurs louables intentions humaines libérées, à leurs yeux, de toute loi trop servile !

Et bien Non ! Il nous faut toujours le secours, la grâce de Dieu. Et c’est la raison pour laquelle le Fils de Dieu s’est fait homme pour que de sa pauvreté, nous devenions riches, comme dit St Paul. Oui, Dieu prend l’homme “tel qu’il est et là où il en est“ - et ce n’est pas toujours joli - pour le rendre saint, le faire “marcher“ (“marche devant ton Dieu !“) vers lui, le “Trois fois Saint“ !

Dans cette optique, vous pourrez reprendre l’épisode d’Abraham, de Sara et d’Agar.
  • D’abord, Sara, stérile, met Agar, sa servante, dans les bras d’Abraham afin d’obtenir une descendance. On pardonnerait cela encore en disant : autres temps, autres mœurs ! Quoique ! Ces mœurs furent encore celles de bien des empereurs du “Saint Empire germanique“ et de nombreux rois de France… !
  • Mais de plus, lorsque Agar est enceinte de par la faute de Sara, celle-ci devint fortement jalouse. C’est quand même un peu fort !
  • De plus, Abraham lui-même, notre “père dans la foi“, n’a quand même pas un comportement très noble face à la jalousie de Sara : “Ta servante est entre tes mains ; fais-lui comme il te semblera bon !“. Quand même !

Agar, tellement maltraitée, est obligée de fuir. C’est plus qu’une dispute de femmes, qu’un crêpage de chignons, ce qui, déjà, n’est pas généralement très joli !

Alors là, il y a un épisode merveilleux : “L’ange du Seigneur rencontre Agar près d’une source salvatrice. Il faut savoir quand hébreu source se dit “ein“ ce qui veut dire “œil“. La source, c’est “l’œil de l’eau !“. Alors, l’ange, près de cette “source“ qui pour elle devient un “œil“ de vie, un regard, une vision de vie, lui dit : “Tu auras un fils ! Il s’appellera : “Ismaël“, ce qui veut dire : “Dieu écoute“ (ta plainte).

Et Agar, intelligente, comprend vite et s’exclame : “Tu es El Roî“ (“El“, c’est Dieu ; et “Roï“, c’est la racine du mot voir) ; autrement dit : “Tu es le Dieu qui me voit !“ (telle que je suis et là où j’en suis !). Et après, sans doute, un moment de réflexion, elle se demande : “Est-ce qu’ici j’ai vu (Dieu) après qu’il m’ait vu ?“ (1). Aussi appela-t-elle le puits “Lahaï Roï“, ce qui veut dire : “Au vivant qui me voit !“ (2).

“Etre vu“ et “voir“ ! C’est la réflexion qui traverse toute la Bible. Nous sommes comme le pèlerin du psaume 83ème qui monte vers le temple de Dieu et demande : “Quand irai-je et verrai-je la face de Dieu.“ (3).

Nous nous mettons en route comme Abraham, notre “père dans la foi“, sans trop savoir où nous allons, vers la montagne de Moriah (encore une racine du mot “voir“). Et nous ferons l’expérience, peut-être dans l’absurde apparent (comme au moment du sacrifice d’Isaac !), en tous les cas au milieu même de nos fautes, de nos égarements (comme Abraham lui-même vis-à-vis d’Agar) que Dieu ne nous a pas quitté du regard.

Et, un jour, nous serons au seuil de cette expérience, de cette vision de Celui qui nous voit maintenant : nous le verrons alors comme il nous voit. Nous seront alors “divinisés“, disaient les Pères de l’Eglise ! Oui, Dieu prend l’homme “tel qu’il est et là où il en est“. Il est Celui qui sans cesse nous voit. Et nous sommes destinée à “voir celui qui nous voit sans cesse !“.

Notes :
  1. Après le verbe “voir“, il manque le complément. Ce fut sans doute le Nom de Dieu qui était écrit mais que l’on a supprimé par la suite car, selon la Loi mosaïque, “l’homme ici-bas ne saurait voir Dieu et vivre“ (Cf. Ex. 33.20).

  2. Il faut remarquer un autre passage de la Bible : le serviteur qu’Abraham, préoccupé d’assurer sa descendance, avait envoyé pour trouver une épouse à son fils Isaac, revint avec Rebecca. Or, c’est au puits de “Lahaï Roï“ que les futurs époux se rencontrent (Gen. 24.62) : Au puits “du Vivant qui voit“…, qui prévoit, qui guide son peuple vers l’avenir.

    A remarquer encore que dans la Bible les difficultés de la vie, tous ces “combats de vie“, comme celui de Jacob, se terminent souvent par cette interrogation : “Ai-je vu celui qui me voit ?“. Jacob, après son combat avec l’ange, appelle le lieu “Penouël“, ce qui veut dire : “J’ai vu la face de Dieu !“. J’ai vu la face de Dieu et ma vie a été sauve ! (Cf. Gen. 32.30-31).

  3. Ce n’est pas ainsi, naturellement, que la Tradition juive a compris ce verset. Voir Dieu ici bas ! Non, ce n’est pas possible. Aussi les Juifs ont corrigé par le passif tout en gardant le complément d’objet direct : “Quand irais-je et serais-je vu la face de Dieu ?“ ! Curiosité à remarquer !

mercredi 24 juin 2009

Jean-Baptiste – 09 – 24 Juin

Vous connaissez l'histoire de la naissance de Jean-Baptiste. Dieu promet à Zacharie, son père, comme autrefois à Abraham (il y a un parallèle à faire !), le plus merveilleux cadeau, celui d'un enfant. Mais le vieillard reste sceptique ; il s'oppose à cette annonce : Il est trop vieux; il n'a plus de force… Aussi, réclame-t-il un signe. Et il n'obtient que le signe de son doute : il est réduit au silence ; il ne peut plus parler puisqu'il n'a pas cru ! Oui, le manque de foi rend sourd à la Parole de Dieu ; et alors les lèvres de l’incrédule sont paralysées. En coupant la communication avec Dieu, il réduit Dieu au silence : Il ne peut plus en témoigner !

Mais malgré notre surdité, Dieu, lui, agit toujours. Voici qu’un père radieux tient dans ses mains le "Don de Dieu" - c'est la signification du nom de Jean. Et ce père reconnaît enfin ce "Don de Dieu. Du coup, l'Esprit-Saint ouvre ses lèvres. Il peut parler de Dieu ! Il bénit Dieu ! Il témoigne ! Oui, l’homme, réconcilié avec Dieu, peut à nouveau communiquer. Il peut communiquer Dieu aux autres hommes grâce à un “Don de Dieu“.

Et cette réconciliation de Zacharie avec Dieu ne peut être vécue finalement que dans une profonde communion entre le père et son enfant. Zacharie revit la même aventure qu'Abraham, celle d'une véritable paternité. [et ce que je dis là de la paternité, je le dis aussi, et plus fortement peut-être, de la maternité !]. Tous deux, Abraham et Zacharie ont connu la plus grande épreuve d’une vie, celle de la stérilité, de la solitude. Cependant, l'un et l'autre, comme tout homme, ont été visités par la grâce de Dieu : Je te donnerai un enfant : Isaac, "Dieu a ri", Jean-Baptiste, "Don de Dieu".

Ainsi, réconciliés avec Dieu grâce à l'extraordinaire miracle de la paternité (et une paternité peut être charnelle ou spirituelle), Abraham et Zacharie tiennent leur petit garçon dans leurs bras et s'écrient : “Je suis vraiment père. Gloire à Dieu ! De par Dieu, je suis père ! Et je rends grâce à Dieu en marquant cet enfant du signe de l'Alliance avec Dieu, en le marquant d’un signe de communion avec Dieu…, du signe de la circoncision…, du signe du baptême !“. Tant il est vrai que toute paternité vient de Dieu, que toute communion avec son enfant (charnel ou spirituel) ne peut donc être véritablement vécue que dans la communion avec Dieu-Père. C’est le même geste que poseront Marie et Joseph ! Le signe d’une Alliance avec Dieu, grâce à leur enfant, Jésus !

Mais cette communion du Père avec son enfant, vécue dans la communion avec Dieu-Père, ne peut se réaliser sans une communion parfaite du père avec son épouse, mère de l’enfant ! Certes, Elisabeth était toute donnée à son époux ; ils étaient unis ! Mais ils ne pouvaient plus profondément communiquer, Zacharie étant devenu muet. Tant il est vrai que la communion entre époux se détériore quand l’un ou l’autre ou tous les deux s’enferment plus ou moins dans la sphère close de leurs égoïsmes réciproques, de leurs “moi“ humain. Ne communiquant plus avec Dieu, on n’arrive plus à communiquer véritablement même entre personnes qui s’aiment ! Il faut alors, d’une manière ou d’une autre, une grâce divine. Il faut qu’arrive un “don de Dieu“ - et reconnu comme tel -, de sorte que tous puissent s’exclamer : “C’est un don de Dieu !“. C’est en reconnaissant le “don de Dieu“ en bien des circonstances qu’on communie encore davantage les uns avec les autres et que tous peuvent, en famille si je puis dire, lier ce “don de Dieu“ !

Et si on continuait la vie de Jean-Baptiste, on le verrait poursuivre sa mission de réconciliation, de communication des hommes avec Dieu et, de ce fait, des hommes entre eux ! C'est donc d'abord la famille ; et puis, ensuite, les voisins qui sont stupéfaits et qui commencent à annoncer la "Bonne Nouvelle" du “Don de Dieu“, dans la montagne de Judée. On racontait ces merveilles, on s'interrogeait sur l'avenir de cet enfant. La langue, ici, retrouve sa fonction : ce ne sont ni commérages, ni médisances ou calomnies, mais proclamation de "Dieu avec nous". Oui, la communion avec Dieu engendre la communion entre les hommes !

Et ce fut toute la mission de Jean-Baptiste par son baptême de conversion dans le Jourdain. Communiant avec Dieu, il met les hommes en communion et avec Dieu et les uns avec les autres !

Certes, il y aura l’échec apparent avec Hérode. Et Jean-Baptiste sera décapité. Mais sa passion en cachera une autre, sa mort annoncera le martyre suprême de Jésus-Sauveur. Et, en un juste retour, la résurrection de Jésus et son entrée dans la gloire annoncent celle de Jean. Oui, en Jésus, tous les hommes peuvent être réconciliés avec Dieu. Et, en cette réconciliation, tous les hommes peuvent véritablement communiquer entre eux.

Voilà ce qu'annonçait Jean-Baptiste depuis sa naissance jusqu'à son martyre en étant le précurseur de Jésus. Puissions-nous continuer son œuvre de réconciliation, de communion, de communication. Et ainsi, nous aussi, nous proclamerons les merveilles de Dieu en Jésus-Christ, les dons de Dieu pour chacun d’entre nous !

mardi 23 juin 2009

Foi et pauvreté – T.O. 12 Imp. - Mardi - (Gen. 13.2 sv.)

Abraham, notre “Père dans la foi“, reçoit l’appel de Dieu : “Pars de ton pays… vers le pays que je te ferai voir“ (Gen 12.1) ! En mot-à-mot, il faudrait traduire : “Pars pour toi“, pour ton épanouissement, ton bonheur !

Et Abraham part. Il arrive au pays de Canaan (Gen 12.7). Or, il y eut une famine dans le pays ! Curieuse coïncidence ou épreuve de la foi ? C’est que Dieu donne ; et il donne toujours. Mais il donne au-delà de ce que nous peut penser, imaginer humainement. Et comme pour nous faire percevoir un bien divin, inimaginable, il promet par-delà des apparences qui paraissent très contradictoires.

C’est souvent la “pédagogie“ de Dieu à l’égard de l’homme trop terre-à-terre ! Il donne à Abraham un pays ; or, en ce pays, il y a la famine ! Curieux don ! - Les hommes demandent du pain ; et Dieu donne une mystérieuse nourriture que les Hébreux appelle “manne“, ce qui veut dire : “qu’est-ce que c’est ?“. Car c’est une nourriture qui vient non d’en bas, de la terre, mais d’en haut. - Les hommes ont faim. Et Jésus, tout en multipliant pain et poisson, leur promet “le Pain de Vie qui vient du ciel“ : il veut se donner lui-même en nourriture. Et la réaction est la même : “qu’est-ce que cela veut dire ?“. Tant il est vrai que ce n’est que dans la foi que l’on peut comprendre et accueillir le “Don de Dieu“, une foi qui corrige nos yeux de myopes trop rivés sur les choses de la terre. - Les exemples sont nombreux : à un paralytique qui se présente pour être guéri, Jésus lui dit d’abord : “Tes péchés son pardonnés !“. On n’est pas tout à fait sur le même “registre“, si je puis dire ! En nous sommes toujours tentés d’être déçu et de nous éloigner !

Et il est dit qu’Abraham quitte le pays que Dieu lui a promis et va en Egypte ! Et là, il y a un épisode curieux (Gen 12.10sv) qui se répète deux fois dans la Bible (Gen 20 et 26). Par crainte d’être tué à cause de Sara son épouse qui était très belle (v/11), il la fait passer pour sa sœur. Les exégètes sont très partagés sur le sens de cette pratique.

Peu importe d’ailleurs. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’Abraham, sans doute comblé par le pharaon (peut-être à cause de la méprise sur l’identité réelle de Sara) revient très riche au pays de Canaan. Aussi, il y a cette phrase remarquable : “Ils (Abraham et son neveu Loth) avaient de trop grands biens pour pouvoir vivre ensemble“ (12.6). Ce sera souvent un refrain dans la Bible : l’amélioration du “standing de vie“ ne résout pas tous les problèmes de la condition humaine ! D’ailleurs, la richesse est souvent encombrante. Et plus on est riche, plus on a tendance à se “recroqueviller“ sur son avoir, sur soi-même. Car plus on est riche, moins on a envie de partager, l’autre, quel qu’il soit, apparaissant facilement comme un gêneur potentiel.

Alors, Abraham et Loth décident de se séparer ! C’est toujours triste une séparation surtout quand la raison n’est pas très glorieuse : “Nous n’allons pas nous disputer, se disent-ils ; nous sommes frères !“. Et Abraham, magnanime, propose : “Si tu vas à droite, j’irai à gauche ; si tu vas à gauche, j’irai à droite !“. Loth va vers une région alors paradisiaque. (L’oncle est très gentil ; je l’aime bien ; mais, les affaires sont les affaires, n’est-ce pas ?). Abraham va donc vers une région plus austère.

Certes, la pauvreté n’est pas à rechercher pour elle-même. Etre pauvre, ce n’est pas enviable. Je n’ai encore jamais rencontré un pauvre qui me dise le contraire ! - Mais il faut aussi savoir être riche des biens dont on sait pouvoir se passer. Car cette sorte de richesse-là contient le secret de l’espérance. Elle nous fait refuser facilement ce qui est de l’ordre du fini pour nous ouvrir à l’infini. Et cette sorte de richesse est acquise non pas spécialement en vidant nos mains, nos têtes, nos cœurs (comme dit Madeleine Delbrel), mais en creusant nos mains, nos têtes, nos cœurs en vue du Royaume de Dieu qui ne passe pas !

Rappelons-nous la réflexion de l’évangéliste à propos du jeune homme riche : Jésus le regarda et l’aima. Mais lui, tout triste, s’en alla, car il avait de trop grands biens ! Tant la richesse des biens de ce monde peut éloigner si facilement et de Dieu et de nos frères !

Mais pour comprendre cette leçon, il nous faut la foi d’Abraham qui lui a permis de surmonter l’épreuve d’une famine, d’une pauvreté. Et alors, même devenu riche par la suite, il était resté avant tout un “mendiant de Dieu“ !

vendredi 19 juin 2009

Ouverture de l'Année sacerdotale – Vendredi 19 Juin 2009

Aujourd’hui c'est, dans l'Eglise, l'ouverture de l'année sacerdotale… Je voudrais commencer par un extrait de la lettre de Benoît XVI qu'il nous adresse à cette occasion : "… Le Sacerdoce, c'est l'amour du cœur de Jésus, avait coutume de dire le Saint Curé d'Ars. Cette expression touchante nous permet avant tout d'évoquer avec tendresse et reconnaissance l'immense don que sont les prêtres non seulement pour l'Eglise, mais aussi pour l'humanité elle-même. Je pense à tous ces prêtres qui présentent aux fidèles chrétiens et au monde entier l'offrande humble et quotidienne des paroles et des gestes du Christ, s'efforçant de lui donner leur adhésion par leurs pensées, leur volonté, leurs sentiments et le style de toute leur existence. … Que dire de la courageuse fidélité de tant de prêtres qui, bien que confrontés à des difficultés et à des incompréhensions, restent fidèles à leur vocation… ?

… Mais l'expression utilisée par saint Jean-Marie Vianney évoque aussi le Cœur transpercé du Christ et la couronne d'épines qui l'entoure. Et notre pensée se tourne alors vers les innombrables situations de souffrance dans lesquelles sont plongés bien des prêtres, soit parce qu'ils participent à l'expérience humaine de la douleur dans ses multiples manifestations, soit parce qu'ils sont incompris par ceux qui bénéficient de leur ministère : comment ne pas nous souvenir de tant de prêtres bafoués dans leur dignité, empêchés d'accomplir leur mission, parfois même persécutés jusqu'au témoignage suprême du sang?".

Il existe aussi malheureusement des situations, jamais assez déplorées, où l'Eglise elle-même souffre de l'infidélité de certains de ses ministres. Et c'est pour le monde un motif de scandale et de refus…

…A cet égard, les enseignements et les exemples de saint Jean-Marie Vianney peuvent offrir à tous un référence forte: le Curé d'Ars était très humble, mais il avait conscience, comme prêtre, d'être un don immense pour son peuple. Un bon pasteur - disait-il -, un pasteur selon le cœur de Dieu, c'est là le plus grand trésor que le bon Dieu puisse accorder à une paroisse, et un des plus précieux dons de la miséricorde divine. Il parlait du sacerdoce comme s'il ne réussissait pas à se convaincre de la grandeur du don et de la tâche confiés à une créature humaine : Oh ! que le prêtre est quelque chose de grand ! S'il se comprenait, il mourrait... Dieu lui obéit : Il dit deux mots et Notre Seigneur descend du ciel à sa voix et se renferme dans une petite hostie! Et, pour expliquer à ses fidèles l'importance des sacrements, il disait : Si nous n'avions pas le sacrement de l'ordre, nous n'aurions pas Notre Seigneur. Qui est-ce qui l'a mis là, dans le tabernacle? Le prêtre. Qui est-ce qui a reçu notre âme à son entrée dans la vie? Le prêtre. Qui la nourrit pour lui donner la force de faire son pèlerinage ? Le prêtre. Qui la préparera à paraître devant Dieu, en lavant cette âme pour la dernière fois dans le sang de Jésus-Christ ?

Le prêtre, toujours le prêtre. Et si cette âme vient à mourir à cause du péché, qui la ressuscitera, qui lui rendra le calme et la paix ? Encore le prêtre. Après Dieu, le prêtre c'est tout. Le prêtre ne se comprendra bien que dans le ciel. Ces affirmations, jaillies du cœur sacerdotal du saint curé, peuvent nous sembler excessives. Elles manifestent toutefois en quelle haute considération il tenait le sacrement du sacerdoce. Il semblait submergé par le sentiment d'une responsabilité sans bornes : Si l'on comprenait bien le prêtre sur la terre, on mourrait non de frayeur, mais d'amour. Sans le prêtre, la mort et la passion de Notre Seigneur ne serviraient de rien. C'est le prêtre qui continue l'œuvre de rédemption, sur la terre. A quoi servirait une maison remplie d'or, si vous n'aviez personne pour ouvrir la porte? Le prêtre a la clef des trésors célestes. C'est lui qui ouvre la porte, il est l'économe du Bon Dieu, l'administrateur de ses biens. Laissez une paroisse vingt ans sans prêtre: on y adorera les bêtes. Le prêtre n'est pas prêtre pour lui, il est pour vous".

Il était arrivé au petit village d'Ars, prévenu par son évêque qu'il y aurait trouvé une situation religieuse précaire: Il n'y a pas beaucoup d'amour de Dieu dans cette paroisse, vous l'y mettrez. Il était donc pleinement conscient qu'il devait y aller pour y incarner la présence du Christ, témoignant de sa tendresse salvifique: Mon Dieu, accordez-moi la conversion de ma paroisse. … Ce que nous devons apprendre en tout premier lieu c'est (chez le curé d’Ars) sa totale identification à son ministère… Dans une humble mais réelle analogie, le prêtre lui aussi doit tendre à cette identification. Il ne s'agit pas évidemment d'oublier que l'efficacité substantielle du ministère demeure indépendante de la sainteté du ministre. Mais on ne peut pas non plus ignorer l'extraordinaire fécondité produite par la rencontre entre la sainteté objective du ministère et celle, subjective, du ministre. Le Curé d'Ars se livra immédiatement à cet humble et patient travail d'harmonisation entre sa vie de ministre et la sainteté du ministère qui lui était confié, allant jusqu'à décider d'habiter matériellement dans son église paroissiale : A peine arrivé, il choisit l'église pour être sa demeure. Il entrait dans l'église avant l'aube et il n'en sortait qu'après l'angélus du soir. C'est là qu'il fallait le chercher si l'on avait besoin de lui, peut-on lire dans sa première biographie. …"

mercredi 17 juin 2009

Bienfait de la générosité – T.O. 11 imp. Lundi – (II Co. 9.6.-11)

Je dois l’avouer ! Je prépare mes “petits mots“ bien avant de les vous adresser ! Et ce matin, en voulant reprendre ce que j’avais préparé…, - que s’est-il passé ? – mon ordinateur affichait une page quasi vierge ! Panique ! Mais après quelques secondes, j’ai ri ! Il vaut mieux rire de soi, n’est-ce pas ? Celui qui ne sait pas rire de lui-même s’amuse rarement ! Aussi, je vous prie de rire avec moi de ma mésaventure !

Et comme ce matin, je n’ai guère de temps, - c’est toujours ainsi en ces cas-là ! - j’écris rapidement à bâtons rompus – car je pense mieux avec ma plume qu’avec ma langue ! On ne se refais pas ! -, me souvenant plus ou moins de ce que je voulais dire. Vous m’en excuserez. Aussi, vous pouvez continuer à rire !

D’autant qu’en voulant suivre avec vous la 2ème épître de St Paul aux Corinthiens, il est toujours question de la fameuse quête qu’organise l’Apôtre en faveur des chrétiens de Jérusalem. Il s’agit donc d’argent, un sujet qui ne m’a jamais passionné…

Après en avoir exposé les raisons, Paul recommande donc chaudement la collecte pour cette Eglise plus ou moins sinistrée (persécutions, famine… etc). Il le fait de deux manières :
  • en exaltant les avantages généraux de la libre bienfaisance qui assure la protection de la Providence divine aux donateurs.

    Pour cela, il avait invoqué l’exemple suprême : l’abnégation du Fils de Dieu incarné. Maintenant, pour se mettre à la portée des chrétiens les plus ordinaires, incapables d’oublier tout à fait leur propre intérêt - normal, n’est-ce pas ? -, il recourt à des motifs capables de toucher immédiatement tous les hommes. Jésus n’avait-il pas dit : “Donnez et il vous sera donné !“ ? Oui, donnez et vous recevrez. De la mesure que vous donnez, il vous sera donné à vous aussi.
  • et puis il dira également (suite de notre lecture) qu’il y a toujours un grand profit à donner, à la fois humainement et spirituellement. Il y a plus de joie à donner qu’à recevoir.

Je ne m’étendrai pas aujourd’hui, à nouveau, sur ce sujet. On en parle tellement ! De plus, Jésus ne dit-il pas dans l’évangile : “Le Père voit dans le secret“. Jésus nous encourage à situer notre action dans le domaine des choses qui ne se voient pas, même s’il s’agit de donner matériellement. C’est dans le cœur que tout se joue ! D’ailleurs l’homme n’est-il pas grand surtout par le cœur ? Le cœur, dans la Bible, c’est à la fois la sensibilité et l’intelligence. C’est le laboratoire de nos décisions. Que vais-je faire ? Que vais-je donner ? Et comment donner ? Mère Térésa disait à propos de ses religieuses: “Je préfère de beaucoup qu’elles commettent des erreurs avec amour que de faire des travaux prodigieux avec méchanceté“.

Oui, l’argent, il en faut. Mais pour multiplier sa valeur, il faut l’assaisonner d’amour. Ensuite, tel un boomerang l’amour revient vers celui qui le dispense. C’est par le cœur que l’on est généreux, même si l’on ne donne qu’un centime ! Un poète musulman et très spirituel, Rumi (moine derviche qui vivait au 13ème siècle à Konya, Iconium), disait : “Si tu ne veux pas mourir, vis dans l’amour. Si tu meurs dans l’amour, tu vivras !“ Faire tout avec un véritable amour, à l’exemple de Dieu lui-même. Il a tellement aimé le monde qu’il a envoyé son Fils…

Et puis, il n’y a pas que l’argent que l’on peut donner. Notre Seigneur disait : un simple verre d’eau… mais donné avec amour. Le cœur a tellement de palettes, dans sa façon de donner, ne serait-ce qu’un simple sourire, un effort d’écoute, de compréhension…, de disponibilité, d’amabilité (malgré nos propres souffrances physiques ou morales…). Car il ne s’agit pas seulement de se détacher des biens matériels. Il s’agit de se détacher de soi-même pour donner… ! C’est le plus important et le plus difficile. Et puis, il y a aussi notre foi, notre espérance à partager. Savons-nous partager cette richesse suprême qu’est notre relation au Christ. Certes, c’est parfois difficile (surtout dans certains milieux de travail). Mais en avons-nous le désir. Partager davantage ce que l’on est que ce que l’on a ! Et cela, c’est parfois la richesse du prêtre : c’est tellement réconfortant de découvrir la présence de Dieu dans une âme. C’est la plus grande richesse que l’on peut recevoir !

Aussi, je terminerai par un raisonnement “a contrario“ en citant Madeleine Delbrel : “Etre pauvre, ce n’est pas intéressant ; tous les pauvres sont bien de cet avis. Ce qui est intéressant, c’est de posséder le Royaume des cieux ! Mais seuls les pauvres le possèdent. Aussi ne pensez pas que notre joie soit de passer nos jours à vider nos mains, nos têtes et nos cœurs. Notre joie est de passer nos jours à creuser la place dans nos mains, nos têtes et nos cœurs pour le Royaume des cieux qui ne passe pas !“. Et alors nous pourrons donner ce que nous recevrons… et avec quel joie : Dieu lui-même… qui déjà nous rassemble, nous unit plus qu’on ne le pense !

mardi 16 juin 2009

Une quête peu ordinaire – T.O. 11 Imp. Mardi - (II Co. 8. 1-9)

Vous l’avez remarqué : St Paul organise une quête ! C’est de tout temps, la quête, dans l’Eglise ! Et l’Apôtre de féliciter les églises de Macédoine pour leur générosité… Elles sont un exemple. Comme autre exemple, Paul, si féru de l’histoire de son peuple, aurait pu citer la quête qui fut organisée dans le désert pour l’érection du sanctuaire. C’est un cas unique dans l’histoire ! La générosité fut telle que les sages du peuple vinrent dire à Moïse : “Le peuple en apporte trop !“ (Ex 36.8) ; et Moïse ordonna de cesser la quête. Je n’ai jamais encore entendu un curé dire à ses paroissiens : “Arrêtez ! Trop, c’est trop !“. C’est plutôt le contraire qui se passe avec ce souhait que la quête se fasse sans trop de bruit… dans la corbeille !

Quoi qu’il en soit de ce fait unique dans les annales de l’histoire sur ce sujet, Paul, lui, après avoir louer la générosité des Macédoniens, sollicite les Corinthiens en faveur de l’Eglise de Jérusalem et recommande ceux qu’il a préposés à cette collecte et exalte les bénédictions de cette bienfaisance pour ceux qui la pratique et pour l’union de toute l’Eglise.

Ce “sermon de charité“ est un modèle du genre par la limpidité des idées exprimées dont celle-ci, hautement doctrinale : “Vous connaissez la générosité de Notre Seigneur Jésus Christ qui, pour vous, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour vous enrichir de sa pauvreté“. Tout le mystère de l’Incarnation et de la Rédemption est exprimé, là, par cette phrase lapidaire avec son balancement binaire : De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour que nous, pauvres, nous devenions riches !

Cependant, le style général paraît tortueux, difficile à transcrire. On sent que Paul n’est pas tout à fait à son aise. Il est vrai que c’est toujours difficile d’aller quémander ! Peut-être que cette affaire de collecte n’a pas été (comme souvent) sans susciter quelques critiques amères, voire des calomnies que l’Apôtre veut étouffer un peu plus loin (v/ 20-21).

Mais cette collecte pour Jérusalem lui tient à cœur. C’est comme un devoir pour lui ; il en parlera quatre fois (I Co. 16.1-3 ; II Co. 8-9 ; Rm 15.25sv ; Gal. 2.10 et aussi Actes 24.17). La lettre aux Galates en donne l’origine : lorsqu’il s’est rendu à Jérusalem (en 49 sans doute) pour résoudre en partie la situation des pratiques juives pour les païens devenus chrétiens, les “colonnes de l’Eglise“ (Pierre, Jacques…) lui demandèrent de “se souvenir des pauvres“, c’est-à-dire des chrétiens de l’Eglise-mère.

“Se souvenir des pauvres“ ! Belle expression encore pour la mémoire ; elle contient toute une pensée doctrinale et morale. A supposer une grande générosité en leur faveur, il restera toujours à se “souvenir des pauvres“, à avoir “la mémoire du pauvre“. A travers toute la Bible, Dieu est un Dieu qui “se souvient du pauvre“ et qui l’assiste de différentes façons. Et puis, si Dieu est un Dieu qui “se souvient“, le croyant est appelé à “se souvenir de Dieu“. Il y aurait toute une méditation à prolonger sur ces deux expressions parallèles : “se souvenir de Dieu“ et “se souvenir du pauvre“ !

Les raisons de la demande des apôtres sont sans doute multiples et diverses :
  • L’Eglise de Jérusalem a été fortement perturbée par la persécution d’Hérode Agrippa (mort de Jacques le Majeur ; départ précité de Pierre avec d’autres chrétiens…)
  • Il y a eu une famine que signalent les Actes des apôtres (11.27).
  • Certainement, les autorités juives marquèrent un certain ostracisme vis-à-vis des chrétiens (cf. Jac. 2.6-7) qui fut peut-être l’origine d’une certaine “cassure“ entre Juifs et chrétiens, cassure consommée lors de la dernière révolte juive organisée par Bar Kokhba (135) durant laquelle les chrétiens Juifs furent accusés de n’avoir nullement aidé leurs compatriotes…
  • Et puis, il faut le dire : Paul est assez malin pour ne pas prendre, là, occasion d’une attitude politiquement habile : ses adversaires sont surtout des chrétiens judaïsants. Alors, il veut s’en venger en vainquant le mal par le bien (cf. Rm 12.21).
  • Plus encore, c’est la solidarité universelle de l’Eglise qui est en jeu !

Enfin dernière et importante réflexion à propos de cette quête en faveur des pauvres. Paul est trop marqué par la pédagogie de Dieu à l’égard de son peuple ; il se souvenait certainement du don divin de la manne dans le désert à propos de laquelle il est écrit : “Qui avait beaucoup recueilli n’eût rien en trop ; et celui qui avait peu recueilli ne manqua de rien“ (Ex. 16.18). La première des tentations, c’est de faire des provisions pour soi ! “Ne faites pas de trésor ici-bas, disait Jésus… Là où est ton trésor, là est ton cœur“ ! Cette réflexion est grave ! Nous sommes créés pour faire un bon usage de la création dans l’action de grâce et le partage. C’est ainsi que s’exprime notre condition chrétienne, indissociablement royale et sacerdotale. On prend possession du monde et on l’élève vers Dieu en disant : “Donne-nous notre pain de ce jour“. Et obligatoirement, il y en a pour tout le monde ! N’est-ce pas à ce partage profond que nous engage le signe du “Pain de Dieu“ qu’est l’Eucharistie : le Christ se donne à nous pour que nous nous donnions à nos frères afin que tous ensemble nous nous donnions à Dieu ! “Par lui, avec Lui, en Lui !“.

lundi 15 juin 2009

L’Apôtre du Christ – T.O. 11 imp. Lundi – (II Co. 6.1.-10)

Paul, après s’être expliqué sur son comportement qui, selon lui, a pu entraîner quelques malentendus ou incompréhensions chez les Corinthiens, a très vite élevé le débat sur sa mission, sur la mission de tout apôtre, de tout missionnaire, de tout disciple du Christ :
  • Pour écarter les déviances qui peuvent s’infiltrer dans la proclamation de l’Evangile, il faut toujours s’en remettre au Christ qui, seul, ouvre l’esprit à l’intelligence des Ecritures (“la lettre tue, mais l’esprit vivifie), en envoyant son Esprit.
  • Avec le Christ se réalise comme un dévoilement de l’Alliance avec Dieu. Celle-ci était encore “voilée“ avec Moïse (allégorie du “voile“). Avec le Christ, elle est transparente alors même que le missionnaire (tout baptisé) vit parfois difficilement le contraste entre la condition de son existence humaine vouée à la mort et sa condition de fils de Dieu (baptême) qui lui donne accès déjà à la Vie éternelle avec Dieu. Mais ce contraste manifeste finalement la puissance victorieuse du Christ contre les forces de mort qu’il rencontre ici-bas et contre la mort elle-même.
  • Ce dévoilement de l’Alliance avec Dieu, opéré par le Christ expose chacun à être à nu, à découvert non pas tellement devant les hommes, mais devant le Christ qui connaît les replis de chaque conscience. Et c’est dans cette pensée (uniquement) que Paul a agi, même si son comportement n’a pas toujours été compris.
  • Mais l’amour du Christ manifesté dans le mystère pascal de mort et de vie le submerge, “l’étreint“ à tel point qu’il ne peut connaître le Christ à la manière humaine, “selon la chair“ (comme certains l’affirment). Avec le Christ, il est déjà “créature nouvelle“ ; le monde et les manières du monde (les “apparences“), c’est déjà du passé, même s’il faut encore en tenir compte pour mieux communiquer le message du Christ ou pour se défendre face à ses adversaires.

On pourrait résumer sa pensée : En recevant l’Esprit qui donne l’intelligence des Ecritures et nous dévoile le mystère d’Alliance avec Dieu opéré par la victoire du Christ sur la mort, Paul vit déjà, en toute transparence, de la Vie du Ressuscité, l’amour du Christ le submergeant.

Arrivé à ce moment de réflexion, conscient d’être l’instrument de l’œuvre du Christ en chacun, Paul exhorte ses lecteurs (c’est notre lecture) avec enthousiasme et presque passion : le temps se fait court, dit-il. C’est le moment favorable. C’est le jour du salut. De tout son être, Paul ne cesse de tendre vers le Christ en sa gloire, tant il désire ce jour éternel, le Jour de Dieu ! Ce sera après cette vie d’ici-bas… c’est-à-dire après demain…, demain…, Non ! C’est déjà aujourd’hui… !

Il l’affirme d’autant plus - et là, il se répète – que s’il fallait fournir des lettres de créance auprès des Corinthiens, elles ne consisteraient pas en des attestations de grands personnages (comme certains le font), elles ne feraient que décrire la puissance de Dieu qui se déploie dans sa faiblesse :
  • Malgré les épreuves (afflictions, contraintes, détresses, prison… etc…), il ne cesse de recevoir vertus et grâces (pureté d’action, science de Dieu, patience, bonté…).
  • Dieu lui donne, par sa justice, des armes défensives et offensives pour le combat de la Vie.
  • Jusque dans le contraste de sa vie, il est sûr de Dieu :
    • Certains le tiennent pour imposteur, mais il est reconnu véridique et devant les Corinthiens et surtout devant Dieu.
    • Certains parlent de lui comme d’un inconnu, mais il est bien connu et devant les Corinthiens et surtout devant Dieu.
    • Certains le tiennent pour mort alors qu’il est bien vivant et devant les Corinthiens et surtout devant Dieu.
    • Certains le méprisent parce que pauvre alors qu’il est riche de Dieu… etc

C’est toujours le mystère de Pâques que Paul contemple en le découvrant en sa propre existence. Il affirmera un peu plus loin : le Christ, qui, de riche qu'il était, s'est fait pauvre, afin que, par sa pauvreté, je devienne riche ! (Cf. 8.9).

vendredi 12 juin 2009

Mystère pascal au quotidien – T.O. 10 imp. Jeudi – (II Co. 4.7-15)

Dans sa lettre, St Paul - regardant toujours le Christ, “Lui seul“ : “Pour moi, vivre, c’est le Christ“, avait-il dit -, considère que tous les chrétiens (et principalement les apôtres) sont appelés à imiter le Christ, à le suivre jusqu’en son mystère pascal de mort et de vie.

Certes, déjà, le Christ nous donne sa VIE, sa Vie divine ; notre baptême en fut le signe. Mais, dit St Paul, ce “trésor“ de Vie, nous le portons ici-bas en des vases d’argile, en des poteries fragiles, en des cruches… L’apôtre fait certainement allusion au geste créateur de Dieu qui fit l’homme comme le potier son vase (Gen. 2.7). L’expression fait penser également (pour moi, c’est évident) à la curieuse victoire nocturne de Gédéon face aux Madianites. Gédéon avait demandé que chaque soldat ait une cruche en laquelle se cachait une torche lumineuse. A son signal, les soldats, cassèrent, comme un seul homme, leur cruche en criant : “Pour le Seigneur et pour Gédéon !“ (Juges 7-8). Les ennemis virent alors la montagne où se trouvaient les Hébreux comme s’embraser soudainement au son d’une clameur qui leur semblait venir du ciel. Pris de panique, ils s’enfuirent !

Et bien, dit Paul, chacun des soldats du Christ est comme une cruche fragile. Mais à l’intérieur, il y a une lumière de Vie éternelle, car cette lumière sera toujours victorieuse comme la lumière du matin de Pâques ! (Dès lors, si vous me dites : “Vous êtes une cruche !“, je n’en serai pas offensé !)

Oui, ici-bas, la vie du chrétien est à double face :
  • un aspect de mort continue qui rappelle la passion rédemptrice du Christ.
  • et un aspect de vie continuelle par l’épanouissement de la grâce en lui et en ceux qu’il rencontre, jusqu’à la consommation totale de la résurrection qui mettra définitivement les croyants au côté du Sauveur ressuscité.

Même si St Paul s’est vu souvent traqué, poursuivi au point de se voir “perdu“, il savait cependant que toutes les embûches et les attaques qu’il rencontrait se heurteraient au Christ qui est près de nous, en nous et nous accueillera en sa gloire de Ressuscité ! Paul croit fermement à l’action salvifique du Christ en lui et, par lui, en ses frères. Aussi, malgré ses souffrances, il ne cesse de parler ouvertement et avec hardiesse. Comme le psalmiste : même au milieu d’une situation désespérée, sa crainte de la mort se change, quand il invoque le Christ, en certitude de Vie dans l’attente de la Résurrection.

Et St Paul de détailler quelque peu : pressés mais non écrasés, pourchassés mais non rejoints, terrassés mais non achevés, nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus afin que la vie de Jésus soit manifestée.

Oui, la mort est à l’œuvre ; mais la Vie est là, en nous et en vous ! Et en cette foi, Paul affirme son espérance finale, sachant que Celui qui a ressuscité Jésus nous ressuscitera !

Et dans ce cadre là, Paul contemple. Sa vision devient ample, majestueuse : toutes les passions du Christ communiquées à tous ceux qui le suivent sont présentées comme un bienfait pour le monde entier…

Comment alors Paul et tous les croyants en Jésus Christ pourraient-ils craindre les peines de cette vie et même la dernière et la plus effrayante de toutes, la mort, la mort corporelle ? C’est le sujet de sa réflexion qui suit et que je vous invite à méditer chez vous.

Alors St Paul terminera sa méditation : prenons courage. Pour moi, finalement, je préfère quitter la demeure de ce corps pour aller demeurer près du Seigneur !

jeudi 11 juin 2009

L’Esprit… et … l’esprit - T.O. 10 imp. Jeudi - (II Co. 3 .15-4.6)

Le langage de St Paul est toujours un peu difficile. Si l’idée est souvent lumineuse, la forme reste parfois obscure, enchevêtrée tant l’objet de sa méditation provoque en lui moult flashs de lumière sur les interventions divines tout au long de l’histoire, et qui viennent diversement éclairer son propos. Aussi, il se reprend, se répète, diverge parfois sans nul souci d’un style académique, comme un improvisateur à qui vient une grande idée dont il n’a pas mûri l’expression. Il faut ajouter encore, pour excuser l’Apôtre, que, probablement, il dictait ses lettres. Et son “secrétaire“ devait peiner pour synthétiser, résumer, ordonner les multiples idées qui se bousculaient au portillon de ses lèvres !

En tous les cas, il a grande conscience de n’être que le serviteur d’une œuvre dont la gloire durera jusque dans l’Eternité (du fait de la résurrection du Christ. - Vivre pour lui, c’est le Christ ressuscité ! C’est son leitmotiv !). Aussi, il ne veut enseigner et agir qu’à “visage découvert“, comme il dit, c’est-à-dire sans compromis (comme les Judaïsants le font), sans marchandage non plus (comme le font trop les chrétiens hellénisants qui ont tendance à enfermer le Christ dans des raisonnements philosophiques).

Face aux Judaïsants d’abord, Paul s’explique au moyen d’une comparaison. Après sa rencontre avec Dieu, Moïse, rappelle-t-il, avait le visage si divinement irradié que personne ne pouvait le regarder. Aussi mettait-il un voile sur son visage. Mais cela n’était que provisoire, remarque-t-il, non sans quelque ironie ! Le visage du Christ, lui, apparaît de façon permanente en sa lumière divine depuis le matin de Pâques. Désormais, pour nous, comme pour les apôtres au jour de la Transfiguration, il n’y a plus que “Jésus seul“ ! Lui seul est LUMIERE divine ! Alors, demande-t-il, pourquoi en rester au voile de Moïse qui est devenu comme un voile sur notre cœur et notre intelligence et qui nous empêche de contempler le visage glorieux du Christ ? Depuis Pâques, tout voile est enlevé, à la façon du rideau du temple qui s’est alors déchiré de haut en bas !

C’est pourquoi Paul s’écrie : “Le Seigneur est esprit !“. Autrement dit, Paul semble se répéter : “la lettre tue“, avait-il dit. Tant qu’on en reste à la lettre, tout demeure voilé. Il faut savoir ouvrir son esprit pour entrer dans la compréhension des Ecritures ! - “Esprits sans intelligence, reprochait Jésus aux disciples d’Emmaüs… Et, partant de Moïse et des prophètes, il leur expliqua dans toutes les Ecritures, ce qui le concernait“. Oui, “ la lettre tue“. “Jésus est esprit“ parce qu’il nous donne cet esprit pour comprendre…, son visage de lumière illuminant nos intelligences et nos cœurs…

Et Paul ajoute : “Où est l’Esprit du Seigneur, là est la liberté !“. Ici, comme souvent, Paul dévie quelque peu de sa pensée : le même mot “esprit“ qui d’abord signifie cette ouverture de notre esprit au vrai sens des Ecritures exprime également cette “puissance“ que le Christ nous donne pour agir. Or cette puissance en nous est l’Esprit Saint qu’il a promis de nous envoyer.

Autrement dit, Jésus nous donne tout à la fois cet esprit d’intelligence qui nous permet de comprendre les Ecritures ; et il nous donne son Esprit, l’Esprit Saint qui nous permet d’accéder de plus en plus à la vérité toute entière et d’y conformer toute notre vie, en tant que fils de Dieu, à l’exemple de Jésus Fils de Dieu. “Seuls sont enfants de Dieu ceux qui se laissent mouvoir par l’Esprit de Dieu“, dira encore St Paul.

Cette intelligence de l’esprit des Ecritures et cette communication de l’Esprit du Christ donnent la liberté, liberté que Paul exalte par ailleurs (I Co. Rom. Gal.), liberté qui est non point le pouvoir de faire n’importe quoi, mais le pouvoir de nous déterminer nous mêmes selon le dessein de Dieu (en comprenant mieux le sens des Ecritures !). C’est alors que nous pourrons dire, nous aussi, comme les apôtres en certaines circonstances : “Nous et l’Esprit Saint avons décidé que…“.

Et c’est ainsi que nous refléterons en toute notre vie la gloire du Christ, comme Moïse reflétait sur son visage - mais de façon passagère, lui, - la gloire de Dieu ! Et dans cette gloire toujours plus grande sur nous et en nous, nous sommes peu à peu métamorphosés, transfigurés dans le Christ. Cette assimilation du croyant au Christ sera toujours une des grandes idées de St Paul.

Oui, le texte de St Paul est quelque peu torturé tant il veut dire plus qu’il ne le peut.

Retenons simplement : En ne regardant que le visage divinement illuminé du Christ - “Lui seul !“-, sans biaiser ni à droite ni à gauche, notre esprit ne peut que s’ouvrir à une véritable intelligence des Ecritures ; et l’Esprit Saint vient en nous pour nous conduire, par les mérites de Jésus, vers Dieu son Père et notre Père. Et nous parviendrons à partager parfaitement la gloire même du Christ ressuscité.

mercredi 10 juin 2009

L’Apôtre ! – T.O. 10 imp. Mercredi – (II Co. 3.1.11)

Nous le savons ! La Communauté de Corinthe connaît quelques remous. Certains s’opposent à l’apôtre Paul ; et ils déforment le message du Christ, “Fils de Dieu“, le rabaissant à un enseignement plus rationnel d’un “fils d’homme“ !

C’est la tentation de tous les temps, ce que j’appelle “l’inversion sacrilège“ : refusant d’accueillir humblement la Vie même de Dieu, on veut enfermer Dieu en la vie de l’homme qui ainsi pense facilement, avec orgueil, pouvoir posséder la connaissance du bien et du mal (c’était déjà la tentation d’Adam et Eve!). - Isaïe avait cette comparaison : c’est le pot qui dit au potier : “Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Moi, j’aurai fait autrement !“.

Paul pressent ce danger permanent. Il va répondre. Il a déjà affirmé : “Grâces soient à Dieu qui, par le Christ (ressuscité), nous emmène dans son triomphe (de la victoire sur la mort) et qui, par nous, répand le parfum de sa connaissance !“ (Cf. 2.14).

Le “triomphe“ du Christ ! C’est toujours par la lumière du matin de Pâques que non seulement notre propre vie s’éclaire mais irradie la connaissance du vrai Dieu. “Si le Christ n’est pas ressuscité, vaine est notre prédication“.

Aussi Paul est plein d’enthousiasme en considérant les grandes choses que Dieu accomplit au moyen d’un faible instrument comme lui !

Si vous saviez la joie de tout missionnaire de constater le chemin que Dieu se fait dans une âme, par son entremise pourtant si défaillante ! Le grand St Augustin en avait conscience : “Je ne suis, disait-il, que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs“, au point que celui que ce “Maître intérieur“ instruit dépasse parfois de beaucoup le simple répétiteur ! Deo Gratias !

De ce fait, Paul réprouve ceux qui altèrent l’Evangile d’une manière ou d’une autre : “Nous ne sommes pas, a-t-il déjà dit (2.17) comme tant d’autres qui sont des trafiquants de la “Parole de Dieu“ qui ne savent pas, va-t-il préciser, dégager “l’Esprit qui vivifie“ de “la lettre qui tue !“. (3.6).

Et, suivant sa méthode instinctive, il part des principes pour mieux discuter ensuite des faits et s’adonner au balayage des pratiques et calomnies de ses opposants !

Il commence par exalter la grandeur du ministère apostolique qu’il exerce lui-même en sa pureté à la différence de ces “brocanteurs“ qui judaïsent tout et toujours, et de “certaines gens“ qui ne comprennent pas la transcendance de l’Evangile.

Ces derniers, surtout, se targuent de diverses lettres de recommandation pour accréditer leur ministère. Paul, lui, en une métaphore hardie, ne se réfère qu’à une seule lettre, mais une lettre du Christ écrite dans les cœurs par l’Esprit du Dieu vivant, le Père !

Dieu-Père ; le Fils, Christ ; et l’Esprit Saint ! En quelques mots, Paul souligne que la gloire de la Sainte Trinité éclaire tout son ministère à cause de cette lettre écrite dans le cœur des Corinthiens et que tous peuvent lire. - On devine aussi qu’en s’exprimant ainsi, Paul garde une grande affection pour cette Eglise de Corinthe même plus ou moins divisée !

Aussi, St Paul peut-il parler avec assurance (début de notre lecture) à cause de cette lettre écrite par le Christ et non à cause de ses capacités humaines ou ses mérites. Non ! Tout vient de Dieu ! Paul et ses collaborateurs n’ont aucune capacité pour revendiquer quoi que ce soit ! C’est Dieu qui, par sa grâce, leur permet d’accomplir un tel ministère, celui d’une Alliance Nouvelle avec Dieu, Alliance dégagée des vieilleries et des ignorances d’autrefois, Alliance que le Christ a promulguée à la dernière Cène !

Aussi, sont-ils devenus les ministres de cette Nouvelle Alliance, chargés seulement d’en faire une réalité vivante dans les cœurs et les intelligences désormais pénétrés d’un “Esprit“ qui les transforme à l’image même du Christ.

Leur tâche n’est donc pas de faire des gloses d’une Loi gravée sur la pierre (comme le Décalogue), mais de dégager cette lettre que le Christ écrit dans les cœurs, par son Esprit ! Autrement dit, sans l’Esprit, la lettre tue ; mais également, sans la lettre écrite dans les cœurs, l’Esprit serait aphone !

Aussi, moi-même, humblement je l’espère, je m’efforce, avec l’aide de la grâce de Dieu, de déchiffrer sans cesse cette lettre du Christ que son Esprit ne cesse de graver dans le cœur de chacun ! Et, souvent, alors, cette lettre est merveille !

mardi 9 juin 2009

La veritable communication. T.O. 10 imp. Mardi – (II Co. 1.18sv)

On le sait : la Communauté de Corinthe bien vivante, et parce que vivante, était traversée de divers courants provoquant divers remous, entraînant des relations parfois difficiles entre ses membres, entre la Communauté et St Paul, leur apôtre et évangélisateur ! Dans ce contexte, deux faits, semble-t-il, avaient compliqué la situation :
  • Paul n’avait pas rendu la visite qu’il avait promise : on l’accuse donc de manquer de parole !
  • Et en lieu de cette visite, il leur avait écrit une lettre dont certaines mises au point avaient sans doute été reçues très diversement…

Aussi, l’apôtre réagit ! C’est vrai, semble-t-il dire, même s’il y avait quelques incompréhensions entre nous, je voulais vous rendre visite pour vous manifester toute mon estime, mais une estime (une “grâce“, pourrait-on traduire) joyeuse dans le Christ !

Et St Paul d’élever immédiatement le débat comme toujours : car ma démarche n’était pas simplement humaine. Si elle avait été telle, il est vrai qu’on aurait pu la soupçonner de légèreté, de cette légèreté propre à la seule affectivité ou à la simple défaillance humaine. – Mais, dit-il, ce n’est pas le cas ; le langage que j’ai employé jusqu’ici n’a jamais été “oui“ et “non“. Pourquoi ? Parce que ma parole s’est toujours inscrite dans la Parole du Christ - “Verbe de Dieu“ -, Parole qui est toujours un “OUI“ à Dieu son Père ! C’est ainsi que toutes les promesses de Dieu - telle sa promesse d’être un “Dieu avec les hommes“, pourrait-on commenter - ont trouvé leur “Oui“ en la personne du Christ, Dieu fait homme !

Or c’est lui, dans le Christ que je parle, que mes promesses s’inscrivent. C’est par le Christ que je dis, moi aussi, notre “Amen“ commun, notre “Oui“ pour la gloire de Dieu. Voilà mon langage, celui-là même que le Christ nous recommandait : “Quand vous parlez, dites “Oui“ ou “Non“ ; tout le reste vient du Malin !“. (Mth 5.13). -- Finalement, c’est toujours le même principe chrétien : parler dans le Christ, avec lui, en lui !

Aussi, est-il juste de soupçonner St Paul d’indécision, de petits calculs humains, lui qui a toujours parlé avec la franchise et la fermeté du Christ lui-même qui est l’“AMEN“, “le témoin fidèle et véritable“ (Apoc 3.14), en qui il n’y a pas de compromis, qui n’inspire aucun faux-fuyants… ?

Autrement dit, pour Paul, le Christ est plus que son modèle. (“Pour moi vivre, c’est le Christ“). Aussi veut-il s’exprimer avec la droiture et la ferme affirmation du Christ à propos des promesses de Dieu lui-même à l’égard de tout homme, à l’égard des Corinthiens. Quand Paul parle, c’est le Christ qui parle aux Corinthiens en qui, dit-il, “l’Esprit de Dieu habite !“. Il n’y a donc aucune duplicité possible puisque “celui qui nous donne, dit-il, cette véracité avec vous, c’est Dieu qui nous a marqué de son onction par son Esprit“.

C’est un idéal chrétien qui nous est proposé là ! Parler à ses frères comme le Christ lui-même parlerait ! Nos échanges n’en serait-il pas meilleurs ?

Et puis, il est très réconfortant que ce langage d’échanges proposé par St Paul soit trinitaire et prophétique : ce sera, au jour de l’Eternité, notre langage à l’intérieur des relations entre les trois Personnes divines : Le Père donnera son Onction, comme dit l’Apôtre, en nous unissant à son Fils par le lien de son Esprit déjà répandu en nos cœurs ! Notre parole sera alors parfaite au Nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit !

Aussi, Paul termine : ce n’est donc pas par versatilité ou manque d’affection réelle, mais par délicatesse dans le Christ que j’ai modifié le projet de mon voyage. Si je ne l’avais pas fait, j’aurais pris le risque - à cause des circonstances que vous savez (et dont je vais m’expliquer) - de prendre une attitude que l’on n’aurait pas comprise et d’anéantir ainsi notre amical dialogue dans le Christ, ce dialogue qui s’exprime déjà quand tous ensemble nous répondons “Amen“ aux prières liturgiques - ce mot qui est une louange à la véracité de Dieu qui, lui, ne peut mentir (“Il ne peut y avoir de mensonge de la part de Dieu“ (Heb. 5.18). Aussi, il est impensable qu’un envoyé du Dieu fidèle mente ou dissimule, même en matière profane (Cf. Gal 1.20 ; II Co. 11.31 ; Rom 9.1 : “Je dis la vérité dans le Christ ; je ne mens pas !“). Et s’il y a un changement d’attitudes ou de paroles (comme celui de différer une visite), c’est toujours normalement pour un chrétien en vue d’un bien supérieur : mieux transmettre la Parole du Christ, “Verbe de Dieu“, qui ne peut mentir !

Comme il est bon de nous souvenir de tout cela à l’occasion de nos échanges !

N.B. : “Amen“ : La racine du mot (hmm) signifie : stabilité, solidité ; elle évoque l’idée de soutien, d’appui, de support durable (Cf. Deut 7.9 ; 32.4 ; Is. 49.7 etc…). Il est à remarquer d’ailleurs le jeu de mots en Is. 7.9 : “Si vous ne croyez pas (ta’ aminu), vous ne subsisterez pas (té’ aménu)“, vous ne pourrez être stables et dans vos attitudes et paroles et donc en votre foi).

Selon certains exégètes, le premier emploi transitif (qal) et profane de cette racine hébraïque signifie : porter un nourrisson (Cf. Nomb. 11.12… Is. 49.23) : le petit enfant s’appuie sur les bras qui le soutiennent, s’abandonne à leur protection, reçoit les soins de la nourrice… Ce sens évoque l’attitude requise par Jésus pour entrer dans le Royaume des cieux : “devenir comme de petits enfants“. La foi qu’exprime ce mot “Amen“ consiste à se tenir ferme en vertu de la relation à une autre personne, le Christ, et à se relier solidement à elle, en lui faisant confiance par un “Amen“ de toute la vie.

lundi 8 juin 2009

Communion des Saints - Souffrance - T.O. 10 imp. – Lundi – (II Co. 1.1 svsv)

Nous savons en quel contexte St Paul écrit sa 2de lettre aux Corinthiens. Il est à Ephèse et en extrême souffrance. Il parle même d’une épreuve telle qu’il désespérait de conserver la vie (cf. 1.8sv). Quel fut donc son épreuve ?
  • Une maladie ? C’est bien possible !
  • Un emprisonnement à Ephèse ? C’est fort probable, même s’il fut court.
  • Une forte opposition de la part de ses compatriotes ? C’est certain. Ce problème des relations Juifs-Chrétiens et des manœuvres sournoises des Judéo-chrétiens fut toujours pour lui comme un écartèlement entre l’amour du Christ et l’amour de ses frères de race. Il s’en expliquera dans sa lettre aux Galates écrite à la même époque.
  • Les nombreuses préoccupations pour l’évangélisation des villes d’Asie mineure, telles Colosses, Laodicée, Hiérapolis ? Bien sûr ! Les fondations de nouvelles Communautés sont toujours source de grandes inquiétudes.
  • Les mauvaises nouvelles qu’il reçoit de Corinthe où les divisions s’accumulent, les interprétations de doctrine se multiplient, les mœurs elles-mêmes se dégradent ? Là encore, c’est certain.

En tous les cas, Paul est accablé physiquement et moralement, mais non spirituellement. Et c’est ce point qu’il nous faut retenir lorsque pour nous-mêmes les ouragans surviennent à répétition et risquent de nous anéantir.

En cette circonstance, Paul commence par louer Dieu, en bon Juif (le mot “Juif“ vient de la racine “louer“). Cette attitude de toujours dire “merci“ contient un acte de foi très profonde dans la “Communion des Saints“ et la valeur de la souffrance.

La “Communion des Saints“ (de notre “Credo“) est une réalité qui se construit dès ici-bas et qui se manifestera pleinement quand nous“ verrons Dieu tel qu’il est“ (I Jn 3.2). C’est la réalité d’une famille liée par une profonde solidarité spirituelle qui nous unit non seulement avec nos frères défunts, mais également, plus que nous le pensons, à tous ceux qui sont en marche vers la “Cité dont Dieu seul est l’architecte et le constructeur“. Une solidarité mystérieuse mais réelle alimentée par la prière - l’Eucharistie principalement -. C’est toujours dans le Christ que nous nous rencontrons véritablement, en franchissant bien des barrières, en s’échangeant nos richesses. Avec les Jeunes, je disais facilement que la “Communion des Saints“, c’est un “Web spirituel“ ! “Web“, ce sont les initiales d’une formule qui veut dire “toile d’araignée“. Et bien, si la toile est touchée à tel ou tel endroit, c’est toute la toile qui vibre. C’est ainsi que Thérèse de Lisieux, malade, pouvait dire : “Je marche pour un missionnaire !“.

Et bien dans le même sens, Paul écrit (en m. à m. et toujours avec son style difficile parce que répétitif) :

“Béni soit Dieu de tout réconfort, lui qui nous réconforte pour que nous devenions capables de réconforter, grâce au réconfort dont nous sommes réconfortés nous-mêmes par Dieu. (Ce n’est peut-être pas bien dit, mais c’est clair !)
De même, en effet, que les souffrances du Christ surabondent en nous, de même, par le Christ, surabonde aussi notre réconfort.
Que nous soyons affligés, c’est pour votre réconfort et votre salut, à vous ;
Que nous soyons réconfortés, c’est pour votre réconfort qui vous fait supporter les mêmes souffrances dont nous aussi souffrons.
Et notre espérance à votre égard est ferme, sachant bien que, comme vous êtes associés à nos souffrances, vous l’êtes également à notre réconfort“.

Quel est donc le réconfort de Paul ? Le Christ n’explique pas, rationnellement, la souffrance. Il dit simplement : Si tu souffres, prends ta part (communie) à cette œuvre que j’ai accomplie pour tous les hommes par mon mystère pascal de mort et de vie. La souffrance ne peut être acceptée qu’en union (qu’en communion) à la souffrance du Christ qui nous a ainsi rétablis dans l’Alliance avec Dieu, et, de ce fait, avec tous nos frères. Et c’est notre réconfort !

Par cette communion dans la foi et le réconfort qui en résulte, non seulement nous surmontons les sentiments d’inutilité de la souffrance - qui humainement ronge le cœur de l’homme et est souvent un poids pour son entourage -, mais nous découvrons la perspective spirituelle de l’œuvre d’amour du Christ. La souffrance devient, avec le Christ et dans la “Communion des Saints“, une source de bienfaits indispensables au salut du monde. En ce sens, elle peut même devenir un chemin de grâce et même de réconfort joyeux.

Oui, l’Evangile de la souffrance ne cesse de s’écrire et de s’exprimer en nous toujours par ce paradoxe étrange : les sources de la force divine jaillissent au cœur de la faiblesse humaine du croyant. Voilà notre réconfort !

Que le Seigneur nous donne cette vision de foi en nos épreuves diverses!

NOTE : Pour mieux comprendre les lettres de St Paul aux Corinthiens.

St Paul est à Ephèse. C’est son second séjour, plus long que le premier. Nous sommes sans doute au printemps 54 ! De Corinthe, des nouvelles arrivent ! Elles sont mauvaises.

Les échanges entre Corinthe et Ephèse étaient nombreux ! Des gens faisant partie du personnel d’une entrepreneuse de commerce, une certaine Chloé, étaient arrivés à Ephèse et avaient mis l’Apôtre au courant des dissensions qui avaient éclaté dans la communauté de Corinthe.

Un des fauteurs, bien involontaire, du trouble était Apollos.

Ce Juif helléniste, instruit des Ecritures et éloquent (Act 18/24), était bien fait pour plaire à Corinthe plus que Paul qui, non seulement n’avait ni “le prestige de la parole ni celui de la sagesse”, mais loin d’avoir été habile pour “les discours persuasifs de la sagesse” (l’échec d’Athènes !) semble bien, en outre, avoir eu un abord “timide, craintif et tout tremblant” (I Co. 2/3).

Aussi s’engoua-t-on, à Corinthe, pour le brillant Apollos, et certains firent des comparaisons déplaisantes avec Paul : “Moi, disaient-ils, je suis pour Apollos” (I Co 1/12)

Etait-ce uniquement son éloquence qui faisait ainsi préférer Apollos et l’opposer à Paul ? Ne serait-ce pas le fond de son enseignement lui-même, mélange original de conceptions hellénistiques et judaïques. Il semblait être revêtu de la “connaissance des sages”, c’est-à-dire de la connaissance de la volonté de Dieu à propos de diverses questions et des mœurs du temps…, connaissance qui donne la “liberté” du “spirituel”. D’où, parmi les fidèles, des divergences doctrinales qui risquent de diviser la Communauté, les uns se réclamant d’Apollos, d’autres de Paul.

Et, pour comble, étaient sans doute survenus les inévitables prédicateurs judaïsant la doctrine !

Ils critiquèrent les libertés, à l’égard de la Loi mosaïque, de ceux qui se réclamaient autant d’Apollos que de Paul. Eux, ils se réclamaient de Pierre, de “Cephas” comme l’appelle Paul. Non que Pierre ait mandaté ces intrus. Mais, naguère, n’avait-il pas semblé avoir gardé, à propos des pratiques juives, une attitude timorée, hésitante (Cf Gal 2/11 sv)… Aussi, ces “conservateurs” sectaires avaient beau jeu de dire dans les Communautés pauliniennes : cette façon de faire n’est pas celle de Pierre ; si Pierre voyait cela, il ne serait certainement pas d’accord !

Si bien que plusieurs, à Corinthe, furent pris de scrupules et se mirent à pratiquer les prescriptions mosaïques, critiquant ceux qui s’y refusaient. D’où le slogan : “Moi, je suis pour Cephas !”

Bien plus, dans chaque “obédience”, si l’on peut dire, on se targuait de posséder la seule vraie formule de doctrine et de vie qui permettait de se dire du Christ. D’où cet autre slogan : “Moi, je suis pour le Christ ! C’est nous qui sommes au Christ !” Tout cela, c’est tellement courant !

La communauté de Corinthe tendait à se briser en sectes !

Lorsque l’on se réunissait pour le “repas du Seigneur”, il se formait des groupes séparés. On prenait son propre repas à part, sans s’attendre mutuellement. Peut-être même, tandis que les “judaïsants“ s’abstenaient et jeûnaient, d’autres, se réclamant de la liberté au nom de Paul ou d’Apollos, s’empiffraient jusqu’à l’ébriété, ou bien se vantaient d’avoir mangé de la viande offerte aux idoles pour scandaliser les Juifs et leur manifester leur largeur de conscience. “Tout m’est permis”, disaient-ils, révoquant, par cette formule rabbinique, tout ce qui était juif !

Et certains d’entre eux appliquaient même ce principe pour excuser certaines de leurs pratiques plus ou moins scandaleuses dans une ville dédiée à la déesse Aphrodite… Certains baptisés étaient-ils tentés de retrouver des mœurs païennes ?

De part et d’autre, surtout dans le camp de la “connaissance des sages”, on rivalisait de transports mystiques, vrais ou simulés, pour manifester dans quel parti soufflait l’Esprit du Christ. C’était une débauche de “glossolalie”, gens qui, en extase, parlaient une langue incompréhensible. Les femmes s’en mêlaient. Les assemblées tournaient à la cacophonie et au ridicule !

Apprenant tout cela, Paul écrit à l’Eglise de Corinthe une lettre “sévère” qui ne nous a pas été conservée.

Cette lettre produit son effet, du moins dans l’immédiat.

L’Eglise de Corinthe rédige une missive et la fait porter à Ephèse. Paul y répond durant le temps pascal de l’an 57. C’est la première épître aux Corinthiens qui nous fait entrer dans les remous auxquels la vie chrétienne s’affrontait alors. Nous assistons aux premiers pas d’une Communauté qui s’efforce de vivre l’Evangile dans un milieu païen auquel elle se sent encore très attachée et dont elle dépend. Libéré du légalisme juif, le christianisme s’acclimatait en sol païen, mais il courait de gros risques. Paul en a parfaitement conscience : il ne va pas condamner systématiquement ; mais il soumet les audaces et les richesses d’une Communauté pleine de vie et de faiblesses à un sens chrétien authentique…

Cependant, le calme ne fut que de courte durée.

Si Apollos, lui, avait su déjà s’effacer, et, revenu à Ephèse, “refusait catégoriquement de se rendre à Corinthe”, certains prédicateurs, eux s’obstinaient. Ils se prévalaient de leur qualité d’Hébreux, de vrais Israelites, de la “postérité d’Abraham”, véritables ministres du Christ, ayant entendu la prédication originelle de Jésus. Se prétendant d’authentiques apôtres, par délégation ou succession, contrairement à Paul qualifié d’usurpateur du titre d’apôtre, ils réussirent à séduire des chrétiens de Corinthe…

Paul, informé, et jugeant la situation grave, quitte Ephèse précipitamment et se rend à Corinthe.

Que se passa-t-il ? Dieu le sait. Mais Paul en gadera une souvenir pénible (2 Co. 2/1).

Il y a une atmosphère vague de soupçons, d’insinuations cauteleuses, indirectes et presque insaisissables, dirigées contre sa prééminence dans l’apostolat, contre ses œuvres taxées d’exagération ou d’orgueil.

Il y a des réserves silencieuses, des sourires fugitifs dont Paul n’augure rien de bon. De plus, il sent qu’il y a un relâchement d’esprit chrétien et de mœurs chrétiennes.

Il se rend compte que la situation est devenue délicate ; il voudrait agir avec beaucoup de prudence… Aussi use-t-il de modération qui le fera taxer plus tard de faiblesse. S’il parle de ses droits spéciaux, c’est sans insister pour ne pas entrer en conflit… Il promet de revenir… Cependant, il semble bien avoir dû repartir très vite, après une scène douloureuse où il n’est pas exclu qu’il ait été insulté !

Mais il voulait manifester confiance, espérance. Il comptait que les choses allaient s’arranger et que les Corinthiens, peut-être même ses adversaires, auraient été touchés de son attitude modeste et conciliante.

Il rentre à Ephèse mais avec une lourde préoccupation qu’il ne pouvait chasser de son cœur, et une grande peine.

Après son départ, les intrigues se donnent libre carrière. Ses adversaires triomphent : “Vraiment, disaient-ils, ce Paul qui écrit des choses si fortes n’est pas si terrible quand on le regarde en face”… … Et c’est sans doute dans ce contexte qu’eut lieu un grave incident où l’autorité de l’Apôtre fut battue en brèche. (2 Co 2/5 ; 7/12).

On ne saura pas la nature de cette faute. Simplement elle bafouait, semble-t-il, l’autorité apostolique et mettait en péril la Communauté chrétienne.

D’Ephèse, alors, Paul, “dans une grande affliction et angoisse de cœur” écrit aux Corinthiens, “parmi bien des larmes”, une lettre enflammée, “non pour leur faire de la peine, mais pour qu’ils sachent l’extrême affection qu’il leur porte”, “ne se proposant que de les mettre à l’épreuve et de voir si leur obéissance est entière en exigeant réparation de l’offense”.

Cette lettre, la troisième que Paul écrivit aux Corinthiens, est perdue comme la toute première, à moins que ce ne soit elle, du moins en partie, qui constitue les chapitres 10, 11, 12 et 13 de celle qui nous est parvenue sous le titre de 2e épître aux Corinthiens.

Ces chapitres brûlants détonnent brusquement avec les précédents, où tout n’est qu’apaisement, la crise étant surmontée, tandis que ces chapitres sont exactement dans le ton de situation explosive… Il suffit de les relire pour se rendre compte de l’indignation et de la vivacité de l’Apôtre.

samedi 6 juin 2009

Homélie : Notre-Dame de Charité (Bon Pasteur) – Jubilé de trois Religieuses.

L’Église aime bien regarder Marie, mère de Jésus. Elle voit en elle la fleur de l'humanité. Elle a bien raison ! Aussi aime-t-elle faire mémoire de Marie le Samedi de chaque semaine. Car c’est avec elle, en elle, que nous pouvons regarder notre vie consacrée à Dieu depuis notre baptême, depuis notre profession religieuse !

Une littérature mariale ambiguë nous la présente toujours venant du ciel. Et, facilement, on a donné à Marie - très légitimement, certes - les plus beaux titres de gloire ! (cf. litanie de la Vierge Marie).

Cependant, je voudrais ajouter un titre qu’on ne trouve pas facilement, un titre un peu étonnant mais si réel. Ce titre serait celui-ci : “Marie, femme de la terre !”.
  • Celle que toutes les générations appellent “bienheureuse” a été d'abord cellule minuscule, fruit de l'amour de ses parents : mystère de la conception voulu par le Créateur. Comme pour nous !
  • Elle a été embryon vivant, tissé cellule après cellule, dans le sein d'une mère : mystère de la naissance ici-bas destinée à s’épanouir en naissance au ciel ! Comme pour nous !
  • Celle que la terre et le ciel proclament “bienheureuse et bénie” a été ce bébé fragile, ébloui par la lumière du jour, entièrement confiante en ses parents. Merveilles de l'éducation en même temps que merveille des grâces divines reçues jour après jour ! Comme pour nous !
  • Petite juive de Palestine, elle grandissait dans l'espérance et la solidarité du peuple de l'Alliance. Elle vivait avec lui, comme lui.
Elle était solidaire de ses compatriotes qui travaillaient dur pour vivre ou qui cherchaient, angoissés, de quoi survivre. Elle les aimait ; elle partageait leurs joies, leurs inquiétudes et leurs peines, toujours prête à rendre service. Et c’est ainsi qu’elle pourra alors dire “oui” à la demande de l'ange. Merveille de vocation ! Comme pour nous !

Elle aimait voir sont fils Jésus travailler avec Joseph, parce que lui aussi avait voulu être pleinement “fils de la terre”. Elle sera peinée de le voir se détacher d’elle comme toutes les mères quand leurs enfants grandissent. Mais elle apprenait ainsi que sa famille, son peuple, c’étaient tous les “fils de la terre” :

“Qui sont mon père, ma mère, mes frères, mes sœurs ?… ”, demandera un jour Jésus. Sa famille, c’était tout le peuple de Dieu, dans barrières sociales… : Mystère de communion ! Comme pour nous !

Et maintenant, Marie est devenue “parfaite image de l'Église à venir, aurore de l'Église triomphante” (préface). Aussi l'Église aime présenter à l'humanité entière le signe de cette “femme de la terre“ élevée désormais dans la gloire du ciel, transfigurée par la résurrection de son fils Jésus. A la suite du Christ, premier de cordée, Marie est la première sur le chemin de la Résurrection.

Oui, élevée dans la gloire du ciel, Marie est “l'image parfaite de l'Église à venir”. Ce qu'elle est, nous le deviendrons. L'aurore qui l'éclaire, éclaire déjà l'humanité. En contemplant Marie, l'humanité peut découvrir ce qu'elle deviendra elle-même. Avec Marie, elle peut déjà se préparer à cette transformation et chanter son Magnificat ! “Mon âme exalte le Seigneur, son amour s'étend d'âge en âge sur ceux qui le craignent... Il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères...”. (Luc 1, 39-56).

Malgré les difficultés d’ici-bas, l’Espérance et la louange ne devraient pus nous quitter. Une espérance qui toujours nous engage dans un réel combat spirituel jusqu’au terme. Nous sommes sûrs du chemin, du sommet et du guide ; mais nous ne sommes pas encore arrivés. Nous sommes sûrs de la victoire du Christ sur toutes les forces du mal ; mais actuellement encore, ces forces font rage dans tous les domaines.

L’Apocalypse nous présente une femme qui porte la vie, menacée par un dragon rouge feu voulant dévorer l'enfant : dragon de la violence et de l'intolérance, de la maladie et de la mort ; dragon d'un système économique dévoreur d'hommes et d'innocents... Et que sais-je encore ? Les forces de vie sont sans cesse menacées. Mais le dragon ne pourra rien contre cette “femme de la terre“ qui donne la vie et guérit les cœurs blessés.

Aussi Marie nous invite toujours à rejoindre notre Dieu libérateur qui veut renverser ceux qui dominent au lieu de servir, ceux qui accumulent au lieu de partager, à rejoindre notre Dieu Libérateur qui élève et éduque les humbles, nourrit les affamés et guérit les cœurs blessés.

Oui, en ce jour anniversaire de professions religieuses qui rappellent à tous notre engagement baptismal, gardons espérance ferme, une espérance qui éclaire le chemin et l’horizon, une espérance qui engage à “tenir bon jusqu’au terme“, comme dit St Paul, face aux adversités que nous pouvons rencontrer. – Et il est toujours urgent de nous aider les uns les autres en nous souvenant sans cesse de cette “femme de la terre“ qui nous donne le secret du ciel : “Faites tout ce que mon fils vous dira“ !

vendredi 5 juin 2009

Les anges synchronisateurs - T.O. 9 - Vendredi impair. - (Tobie)

On pose parfois la question : Faut-il croire aux anges ? Même si je ne me souviens plus très bien de mes études sur ce sujet, je répondrai : Non ! Il ne faut pas croire aux anges ! Car l’existence des anges, c’est tellement évident que ce ne peut être un objet de foi !

Voyez dans les lectures de cette semaine !

Le vieux Tobit est désespéré. Il a une immense douleur. Il dit : “Mieux vaut pour moi mourir que vivre !“. Et à l’autre bout du pays, il y a une jeune fille - très belle à n’en pas douter - qui s’appelle Sara. Certes, elle a de gros problèmes ; mais, de plus, elle se fait insulter par ses servantes. Elle aussi fait une très noire dépression, comme le vieux Tobit : “Mieux vaut pour moi mourir que vivre !“.

Comme par hasard, le jeune Tobie sollicité par son père pour trouver un compagnon de voyage, tombe sur l’ange Raphaël (nom qui veut dire : “Dieu prend soin“. Il le présente à son père et tout s’organise se synchronise : le jeune Tobie, sur les conseils de Raphaël, prend un gros poisson aux vertus médicinales ; il rencontre Sara ; il se marie ; il revient chez son père qu’il guérit d’après l’ordonnance de Raphaël…, etc. Certains disent que tout cela, c’est le hasard. Si l’on veut ; mais le hasard, pour moi, est formé des circonstances de temps et de lieux que les anges mettent en place quand Dieu veut agir incognito.

Ils ont cette double fonction : chanter, louer Dieu et tout coordonner, synchroniser … Sans cesse, comme sur l’échelle de Jacob, ils descendent et montent, montent et descendent. Ils font le lien entre Dieu et les hommes et les hommes entre eux au nom de Dieu !

Il serait trop long de les évoquer tous : depuis les gardiens du paradis terrestre jusqu'aux redoutables sonneurs de l'Apocalypse, en passant par les chérubins et séraphins des visions de Daniel ou d'Ezéchiel, jusqu'aux anges de l'Évangile, le Gabriel de l'Annonciation et les hommes en blanc du matin de Pâques, sans oublier les anges gardiens.
Ils nous invitent à toujours louer Dieu à l’exemple du psalmiste : “ Je te chante, Seigneur, en présence des anges“ (Ps 137). Lorsque l'Église prie, lorsqu'un simple croyant prie, mais c'est le ciel tout entier qui s'unit à sa prière. Si je chante, souffre, prie, aime, voudrais aimer, les anges vibrent à ce tout ce que je vis comme joies et comme souffrances, comme désirs et comme combats dans la foi. Jésus n’a-t-il pas dit : “Il y a de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit“ (Luc 15, 10). C'est dire qu’il y a de la joie pour Dieu, mais aussi pour tous les anges et les saints.

Et lorsque l'auteur de l'Épître aux Hébreux s'adresse aux nouveaux baptisés en déclarant : “Vous êtes venus vers la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, vers des milliers d'anges en fête et vers l'assemblée des premiers-nés dont les noms sont inscrits dans les cieux“, déjà il veut évoquer, avant même de parler de l'Église d’ici-bas, la participation des nouveaux baptisés à la cité céleste, à leur entrée en l’Eglise du ciel en présence des anges. Aussi, on peut penser que les anges ne cessent d’exprimer devant Dieu ce que nous sommes et ce que nous vivons ici-bas : “Gardez-vous, disait Jésus, de mépriser un seul de ces petits, car leurs anges dans les cieux voient sans cesse la face de mon Père qui est aux cieux“ (Mt 18,10). Ils nous portent dans leur contemplation ; ils nous voient en Dieu !

Puisque je suis déjà au ciel par le baptême, portés par les anges, alors, oui, Seigneur, que sans cesse, dès ici-bas, je puisse te bénir et te chanter “en présence des anges“. Que toute ma vie, unie à l'offrande eucharistique, “soit portée par ton ange en présence de ta gloire sur ton autel céleste“ (Canon romain).

Aussi, n’hésitons pas à prier les anges de Dieu, nos compagnons : “Dans ta sagesse admirable, Seigneur... fais que nous soyons protégés sur cette terre par ceux qui, dans le ciel, servent toujours devant ta face“, Daigne envoyer tes anges pour nous garder et nous assurer “la joie de vivre en leur compagnie pour toujours“. (oraisons des 29 Sept. et 2 Octobre).

jeudi 4 juin 2009

Mariage - T.O. 9 imp. Jeudi - (Tobie 6.10sv)

La lecture nous fait assister à un mariage ! Ce ne fut sans doute pas fréquent en cette chapelle des Visitandines, même si elles étaient sollicitées, comme bien des Communautés religieuses aujourd’hui, de prier à l’intention de futurs mariés ! Alors, faisons de même ! Prions pour les mariés, les familles.

Au moment de s'unir, ils consacrent un moment à la prière parce qu'ils ont conscience d'être "les descendants d'un peuple de saints". Or, ce qui est vrai pour les descendants des patriarches, l'est davantage encore pour des fils de l'Eglise qui appartiennent au peuple de Dieu, peuple saint par consécration, par vocation, quelles que soient les faiblesses et même les défauts des individus qui le composent.

Cette prière commence, comme toute vraie prière, par une élévation vers Dieu, une action de grâce. Le terme “action de grâces“ est particulier en hébreu. Il s’apparente au terme “holocauste“ qui signifie : “faire monter des choses qui montent“. Autrement dit : recevoir de Dieu ses dons qui normalement, parce qu’ils viennent “d’en-haut“ doivent remonter à leur source, vers Dieu ! Recevoir pour redonner ! Recevoir tout - et principalement cette puissance d’aimer – pour tout redonner. C’est la fonction “sacerdotale“ de tout baptisé. "Seigneur, Dieu de nos pères, que le ciel et la terre te bénissent, avec toutes les créatures". – “Qu’as-tu que tu n’aies reçu ?“, demandait St Paul. Et l’amour lui-même !

Et, justement, Tobie rappelle la création de l’homme et de la femme, qui est au principe de tout union.

Enfin, il affirme l'intention religieuse qu'il a en se mariant : "si j'épouse cette fille d'Israël,… c'est pour fonder une famille qui bénira ton Nom dans la suite des siècles". - Autrement dit, Tobie se marie pour obéir à la loi de Dieu et pour donner à Dieu une longue dynastie d'adorateurs, fruits de cet amour donné par Dieu-Amour. Si la théologie, à partir de Vatican II spécialement, a quelque peu évolué sur ce point, cette affirmation reste cependant valable “mutatis mutandis“. Ce qui n’empêche pas d’ailleurs Tobie d’aimer Sara très vivement, et réciproquement. A plusieurs reprises, dans les passages qui précèdent, nous voyons son impatience d'obtenir la main de cette jeune fille ; et comment comprendre cette impatience autrement que comme un signe d'amour très profond ? Mais cet amour vient de Dieu et doit retourner à Dieu comme une “action de grâces“ !

Et c'est dans cette pensée que nous pouvons rejoindre la prière de Jésus lui-même entendue les semaines passées, cette prière prononcée le Jeudi-Saint. Jésus disait : "Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi". A ce moment-là, Jésus pensait à nous tous. Mais il pensait bien davantage - on peut le supposer - à tous ceux dont la vie doit être un signe permanent d’unité, car il ajoute : “Qu’ils soient un“, comme il avait déjà rappelé qu’au matin de la création, Dieu avait créé l’homme et la femme pour qu’ils ne fassent plus qu’un. Et - chose extraordinaire -, Jésus prie pour que ce projet du Créateur s’épanouisse, au soir de notre vie, de façon plus merveilleuse : "qu'ils soient un, demande Jésus, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu'ils soient un en nous, eux aussi".

Et Jésus insiste : "Je leur ai donné la gloire que tu m'as donnée, pour qu'ils soient un comme nous sommes un". On sait que la gloire, dans la Bible, c’est la manifestation de Dieu lui-même, son rayonnement. Autrement dit, c’est en constatant l’unité des chrétiens et principalement l’unité de l’homme et de la femme que l’on doit pressentir Dieu lui-même qui est Amour ! Quelle vocation et quelle responsabilité ! "Qu'ils soient un, eux aussi, pour que le monde croie que tu m'as envoyé".

Car l’unité, le véritable amour doivent être avant tout comme des émanations de l’Etre même de Dieu. Plus que n'importe quelle démonstration, une telle unité, un tel amour sont des preuves discrètes mais puissantes qu'il existe un Dieu, un Dieu qui est Amour, un Dieu qui nous aime et en qui les chrétiens s'aiment les uns les autres. Et cela est plus signifiant pour ceux qui, par le mariage, ont la merveilleuse et difficile vocation de manifester la gloire de Dieu en transformant leur amour en un signe et un rejaillissement de l'amour divin.

C'est ainsi que Jésus conclut sa prière suprême: "Que leur unité soit parfaite ! Ainsi le monde saura que tu m'as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m'as aimé !". On comprend l’exclamation de St Paul : “Ce mystère est grand… ! Je le dis en pensant au Christ et à l’Eglise !“.

Humour : Avec plaisanterie, j’ajouterais : on m’a fait remarquer que si des deux mots hébreux “homme“ (“ish”) et “femme“ (“isha”), on enlève - avec respect, évidemment - les deux lettres : le “yod“ et le “hé“ qui forment le début du tétragramme divin (Yahwé) et que l’on fasse ensuite l’union de ce qui reste de ces deux mots (“homme“ et “ femme“), il en résulte le mot “éche“ qui veut dire « FEU ». Tant il est vrai finalement que sans la présence verticale de Dieu dans la relation horizontale de l’homme et de la femme, l’amour humain peut facilement devenir un “feu“ qui dévore ce dont il se nourrit ! Si je prenais cette remarque - simplement linguistique - comme thème d’une homélie de mariage, je me ferai certainement “étriper“. Heureusement le « Cantique des Cantique » - cantique nuptial - annonce déjà ce “Feu“ que le Christ voulait allumer sur la terre et qu’il nous est si difficile de répandre, ce Feu divin qui réchauffe corps et âme, en les épurant cependant comme un feu… et Oui !

mercredi 3 juin 2009

Confiance dans l’adversité - T.O. 9 imp. Mardi-Mercredi - (Tobie 2.10sv)

J’aime assez ce conte de mille et une nuits qu’est le livre de Tobie qui se termine comme tous les contes dans le merveilleux bonheur… de Dieu !

Il faut simplement se souvenir du contexte : il y a dans notre Bible en français : Tobie et Tobie ! Le premier que j’appellerai Tobit (avec un “t“ comme en hébreu), c’est le papa ; et il y a Tobie (avec un “e“), c’est le fiston. Ils vivent, déportés à Ninive, avec les heurs et malheurs de cette condition.

Tobit, le papa, fils de Tobial, de la tribu de Nephtali, est un “Juste“ : “J’ai marché sur le chemin de la vérité et des bonnes œuvres tous les jours de ma vie…“, dit-il. Aussi, malgré les interdits du roi de Ninive, il ne cesse d’enterrer les morts. C’est normalement un devoir sacré selon la Loi juive ! Cela lui a causé déjà bien des ennuis. Et, naturellement, certains de son entourage, politiquement plus pragmatiques, se moquent de lui. La police du roi “l’a déjà recherché pour le mettre à mort à cause de ce genre d’affaire. Il a du s’enfuir. Et voilà qu’il recommence !“.

Bien davantage, un jour, après avoir accompli pieusement le rite de funérailles religieux, Tobit est frappé accidentellement de cécité. Et évidem-ment, la moquerie se fait encore plus vive : “Où est-elle donc ton espérance pour laquelle tu faisais l’aumône et ensevelissais les morts ?“. Mais Tobit persévère inébranlablement dans la crainte de Dieu, car, disait-il, “nous attendons cette vie que Dieu donnera à tous ceux qui lui restent fidèles !“.

Cependant, sa grande foi, sa ferme espérance, son inlassable piété l’inclinent - cela arrive parfois - à voir le mal là où il n’est pas ! C’est quand même énervant, cela ! On a fait le cadeau d’un chevreau à sa femme ; et lui de croire que c’est un vol ! Il l’en accuse. Naturellement, celle-ci est furieuse ; et la conséquence, c’est une belle scène de ménage ! Tellement que son épouse cède à une tentation classique en ce cas : la rancune, cette noire rancœur qui ne résiste pas à trouver du plaisir à voir celui qui vous a blessé subir à son tour, comme une revanche savourée, revers et malheurs : “Vois comme tu es, pauvre aveugle ! Ta foi, ton espérance sont creuses ! Bigre ! Et tes bienfaits se retournent contre toi… Alors avec ta morale ??? On imagine bien le spectacle !

Que nous faut-il retenir de tout cela ?
  • D’abord ne pas entretenir cette rancune qui cultive facilement et amèrement les blessures du cœur et de la mémoire. Savoir pardonner, ce que n’a pas fait l’épouse de Tobit !

    Il y a le pardon que l’on reçoit de celui que l’on a blessé et dont les larmes sont d’autant plus bouleversantes qu’elles sont larmes engendrées par l’amour qui nous est porté.

    Et il y a le pardon que l’on donne à celui qui nous a blessé parce qu’il est aimé à l’infini.

    Parce qu’il est totalement gratuit, le pardon est rare, infiniment rare, tant il est le signe de l’amour porté à la perfection. On ne sait comment s’est terminée la scène de ménage entre Tobit et son épouse. Mais on peut le supposer…

  • Et puis - 2ème réflexion - : savoir garder fidélité, espérance à l’exemple de Tobit, malgré les adversités et les échecs. “Chrétiens, disait Mère Térésa, nous ne sommes pas appelés à réussir, mais à être fidèles !“.

    Tobit est de ces croyants qui disent parfois que Dieu est un peu long à agir. Mais, ce Dieu “lent à la colère et plein d’amour, est long pour nous parce qu’il est patient et ne désarme jamais. Dieu prend son temps, mais ne perd jamais son temps ! Il sera clair un jour que ce sera lui qui sans cesse nous aura guidés. L’Eglise affirme cela ; et elle a raison !
    Et j’illustrerai cette confiance par une petite parabole que vous connaissez peut-être :

    « Ma vie ressemble à un tissage entre mon Seigneur et moi !
    Je ne peux pas en choisir les couleurs. Il travaille sans cesse.
    Quelquefois, il tisse de la tristesse ; et moi, dans mon orgueil insensé, j’oublie qu’il voit l’endroit et moi l’envers !
    Ce n’est que lorsque le métier à tisser est devenu silencieux et que les navettes ont cessé de voler, que Dieu déroule la toile et en donne l’explication.
    Les fils noirs sont aussi utiles dans la main habile du tisserand que les fils d’or et d’argent pour le motif qu’il a prévu.
    Il sait. Il aime. Il prend soin : cette vérité n’estompe rien.
    Oui maintenant j’ai vu l’autre côté et cette réalité valait bien tout cela ».