mardi 29 mars 2011

De délivrances en Délivrance

Carême 3. Mardi - (Daniel 3.25sv)

Les livres de la Bible écrits au cours des trois derniers siècles avant Jésus Christ sont assez peu connus (Zacharie (2ème), Baruch…, Daniel… etc). Il est vrai qu’ils nous sont transmis dans une composition parfois compliquée (tradition hébraïque - tradition grecque…) et souvent dans un langage et un style qui nous sont peu familiers. Tels les écrits “apocalyptiques“ et celui de Daniel en particulier émaillé de songes, de visions irréelles.

Pourtant, le contexte historique de ces écrits est tellement comparable au nôtre ! La foi des Juifs est affrontée à une culture païenne, très éloignée du culte qui doit être rendu au véritable et unique Dieu !

Non seulement, les croyants en ce Dieu qui s’est révélé à Abraham et à toute sa descendance en souffrent (comme nous-mêmes parfois), sont persécutés, mis à mort…, mais encore le mal est tellement présent que leur foi en est ébranlée (comme la nôtre parfois). Alors, certains prophètes se lèvent. Ils affirment : C’est vrai, notre époque est terrible ; c’est le règne du “prince de ce monde“ (ou démon) ! Mais ils proclament tout à la fois et fortement : Dieu est fidèle ! Il va “se révéler“, il va “écarter le voile“ (sens du mot “apocalypse“). Il va nous délivrer !

C’est toute l’espérance que manifeste la prière de la lecture d’aujourd’hui (qui, elle, est d’un langage très accessible).

Même si les croyants ne peuvent plus rendre un culte à Dieu “ (…“plus d’holocaustes, d’offrandes, d’encens…“), le sacrifice de leur vie (…“cœur brisé, esprit humilié…“) monte vers Dieu qui ne peut que les délivrer : “Délivre-nous, Seigneur par tes merveilles“. (Et nous-mêmes, ne disons-nous pas lors de l’Eucharistie : “Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps…“).

Il l’a déjà fait par le passé… Il le fera encore ! Dieu nous a déjà délivrés… ; Il nous délivrera ! Notre Dieu est un Dieu fidèle ! Et même si on vous tue, Dieu est capable de vous faire sortir vivants de vos tombeaux (Cf. ch. 6 du livre de Daniel). Dieu seul a les issues de la mort (cf. Ps. 48.25). Il est le Dieu de toute délivrance !

A travers toute la Bible, il y a un langage de délivrance qui souligne toutes les délivrances que le peuple de Dieu a expérimentées au cours de l'histoire ; et nous sommes en route vers la “dernière délivrance“ qui sera le grand “passage“ : celui de la mort à la vie déjà réalisé par le Christ, mort mais toujours vivant !

Nous-mêmes, si nous réfléchissons (surtout les plus anciens, et c’est normal), en nous retournant sur notre propre existence, ne constatons-nous pas que Dieu nous a “délivrés“ de multiples fois et qu’il nous achemine vers cette “dernière délivrance“, “par lui, avec lui, en lui“ ? Il y a, me semble-t-il, une pédagogie de Dieu qui se développe à travers notre propre histoire comme à travers l’Histoire Sainte. Et au fur et à mesure qu'elle se développe, nous prenons conscience des servitudes et de l'esclavage dont nous sommes victimes ; nous prenons conscience également de la liberté à laquelle nous sommes appelés pour nous acheminer nous-mêmes vers l’union avec Dieu et, en lui, avec tous nos frères ! Ce sera alors le “ repos“ en Dieu !

Et au fur et à mesure que nous prenons conscience de la servitude et de la liberté en notre vie, nous prenons également conscience des multiples “passages“ que nous avons à franchir avant la “Pâques éternelle“ ! N’est-ce pas tout ce sens du Carême que nous vivons ?

Il nous faut être docile à cette pédagogie divine qui nous fait prendre conscience :

- des véritables et diverses aliénations dont nous sommes victimes (le péché et la mort elle-même),

- de la véritable liberté à laquelle nous sommes appelés pour parvenir “à voir Dieu comme il nous voit présentement”,

- de ces passages que nous avons à faire et à refaire constamment, de ce “passage“ que nous avons déjà fait par le baptême mais que nous avons à toujours refaire !

Les événements de la Bible - plus ou moins exacts, historiquement, mais peu importe - qui se sont déroulés dans des contextes chronologiques, temporels et spatiaux différents, révèlent, dans la méditation du peuple juif, avoir une signification identique : ils se fusionnent dans un langage de délivrance qui trouvera sa plénitude de signification, comme une symphonie en son accord final, dans l'Evangile, dans la Pâque du Christ.

Et il en est de même si nous savons scruter, sous le regard de Dieu, les événements de notre propre vie ; ils prennent de plus en plus une signification qui nous fait véritablement expérimenter la puissance de ce Dieu “capable de mener par delà la mort”, l'expérimenter au point de pouvoir proclamer : “Non, je ne mourrai pas, je vivrai, je chanterai...” (Cf. Ps 118.17).

C’était la prière de Daniel : “Délivre-nous par tes merveilles ; et glorifie ton Non, Seigneur !“.

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