Assomption 18/A
"Une femme ayant
le soleil pour manteau... "? nous
dit le livre de l'Apocalypse. Voilà une évocation pour le moins mystérieuse !
Cette
femme vêtue de soleil désigne-t-elle Marie, la Mère du Messie ? On peut,
à bon droit, le penser. Mais à lire le travail de gens compétents, certains
versets du passage que nous venons d'entendre donnent le sentiment qu'il peut
être également question ici du "peuple de Dieu", de l'Église,
de l'Eglise d'aujourd'hui personnalisés par cette femme. Alors... Marie ? Le peuple de Dieu ?...
L'Église ?
L'auteur
de l'Apocalypse n'est pas le seul à entretenir un certain "flou". St Luc,
lui aussi, prend plaisir à "brouiller les cartes" dans le Magnificat (Evangile). Est-ce la prière de Marie, ou
la prière d'un peuple ?
Marie
parle bien d'elle-même au début.
C'est elle dont l'âme exalte le Seigneur, dont l'esprit exulte en Dieu son
Sauveur. Elle parle d'elle quand elle évoque la servante sur qui le Seigneur
s'est penché, ce qui souligne la préférence de Dieu pour les humbles, les
petits. Elle a confiance en cet amour divin qui dure : "Tous les âges me diront bienheureuse !" - "Tous les
âges !"…
Mais
quand elle poursuit sa prière, ce n'est plus d'elle seule dont il est
question, mais d'un peuple. C'est sur un peuple que Dieu étend son
amour. "Son amour s'étend d'âge en
âge sur ceux qui le craignent". Un amour qui dure... "D'âge en âge" ! Et dans ce
peuple, il est question des puissants qui sont renversés et des humbles qui
sont relevés.
Ainsi,
dans la première partie du Magnificat, la servante, c'est Marie. "ll s'est penché sur son humble
servante...".
Et
à la fin du Magnificat, le serviteur, ce n'est plus Marie, c'est le
peuple de Dieu, Israël. "ll
relève Israël, son serviteur..."
Comme
si Luc, en mettant dans la bouche de Marie le Magnificat, voulait nous dire
avec la même ferveur que l'auteur du livre de l'Apocalypse : "Quand je
vous parle de Marie, je vous parle en même temps de vous... Allez ! Regardez
Marie, et prenez la route."
Regardez
Marie à l'Annonciation.
Marie est tout étonnée quand l'ange Gabriel vient à elle. Elle a autre chose en
tête que cet appel bousculant de son Seigneur. Beaucoup d'iconographies la représentent,
à cet instant solennel, occupée aux simples travaux quotidiens. Elle écoute
cependant l'appel. Elle interroge, cherche à comprendre. Mais elle fait
confiance avant d'avoir tout compris.
Regarder
Marie et prendre la route ...
Oh
! si aujourd'hui nous pouvions
nous
étonner des appels
si divers de Dieu,
nous
étonner davantage
des gens - souvent très différents mais complémentaires - que Dieu appelle,
nous
laisser surprendre par
sa préférence pour les petits, pour les humbles...
Et
pourquoi ne pas nous laisser déconcerter par les appels de Dieu en nos
vies, en particulier à ces moments où nous nous y attendons le moins : nous
avions d'autres projets, d'autres espérances, d'autres préoccupations. Voilà
que Dieu fait signe...! Une rencontre, un événement, une parole qui résonne au
plus intime de nous-mêmes.
Commençons
déjà alors par ne pas dire ou penser: "Je suis trop petit, je ne suis pas
assez compétent, je suis trop jeune, je suis trop vieux..." Comme Marie,
cherchons à comprendre. Interrogeons. Acceptons que le Seigneur puisse faire appel à des petits, à nous-mêmes.
Et alors, comme Marie, faisons lucidement confiance avant même d'avoir tout
compris.
Il
y a l'Annonciation. Il y a aussi la Visitation.
Regardons
Marie à la Visitation.
Marie s'émerveille... de ce que Dieu peut faire dans sa vie comme dans celle
d'Élisabeth, comme dans l'histoire de tout un peuple.
Et
alors Marie se met en route. Elle le fait rapidement. Une
traduction de mon enfance disait : "Marie
partit en diligence !". Et avec un humour inconscient, je comprenais que
Marie était partie en une diligence ! Aussi, en moi-même je m'écriais :
"Alors ! Fouette cocher !". Peut-être qu'en certaines circonstances,
le Seigneur nous recommande cette diligence-là !
En
tous les cas, la rencontre de Dieu met
Marie en route à la rencontre d'autres personnes pour partager leurs vies,
leurs espoirs, leurs inquiétudes, leurs Joies.
Regarder
Marie et prendre la route.
Oh!
Si aujourd'hui nous pouvions, à la manière de Marie,
nous
émerveiller davantage
de la présence de Dieu en nos vies comme en l'histoire des hommes,
vérifier
que la rencontre de Dieu
nous met bien en route vers d'autres, met l'Église en capacité de
partager joies, espoirs, angoisses, tristesses des hommes, nos frères.
Annonciation... Visitation... Deux
événements de la vie de Marie. Et pourtant il y est déjà question du terme de
sa vie terrestre. Il y est déjà question de l'Assomption que nous fêtons
aujourd'hui.
Cette
élévation de Marie au ciel n'est pas dans la foi de l'Église un geste simplement
merveilleux ! Au contraire ! Assomption veut dire "prendre avec soi".
Dès
l'Annonciation, Dieu a proposé à Marie de la prendre avec lui dans la
mesure où elle se laissait librement habiter par son amour.
Dieu
propose toujours ; l'homme répond librement. Et c'est la fidélité de cette
complicité, de cette alliance entre Dieu et Marie que nous fêtons aujourd'hui.
Regarder
Marie et prendre la route.
L'auteur
de l'Apocalypse, St Luc et la tradition de l'Église nous redisent aujourd'hui
que cette libre complicité peut être la nôtre, que cette proposition
d'alliance nous concerne. Nous sommes le peuple de l'alliance. Voulons-nous
répondre à la proposition de Dieu de "nous prendre avec lui".
Regarder
Marie et prendre la route,
nous aussi ! Dieu a appelé Marie. Il ne cesse de nous appeler, nous aussi, à
travers mille "annonciation" et mille "visitation", avant
d'opérer en nous une "assomption" qui nous fera "être avec lui pour toujours". St Paul avait cette
aspiration : "Je voudrais bien m'en
aller, disait-il, pour être avec le
Christ..." (Phil.
1.23) Allons-nous
répondre aujourd'hui à l'appel du Seigneur ?
Regarder
Marie et prendre la route,
nous aussi !
Tu
es belle, Marie. Avec toi, nous prions le Seigneur pour toutes celles et ceux
qui se laissent étonner par l'appel déroutant de Dieu dans leur histoire, un
appel à l'assomption de toute leur vie.
Te
regarder Marie, et prendre la route.
Je vous salue, Marie ! Veuillez nous aider à prendre la route avec le Seigneur
qui, un jour, nous prendra pleinement avec lui !