dimanche 30 décembre 2018

De famille en famille


Sainte Famille 18/C

Aucun événement spectaculaire ne marque le passage d'une année à l'autre. Changer d'agenda n'a rien de bouleversant.
Et pourtant, ce franchissement conventionnel du calendrier invite toujours à une réflexion faite à la fois de bilan et de projet, d'un regard en arrière et d'un regard sur demain.
Hier : on connaît. Ce fut peut-être un mélange de choses heureuses et de lourdes épreuves, depuis la naissance d'un enfant jusqu'à la perte d'un être cher, depuis le succès professionnel jusqu'aux ennuis économiques.
Demain : c'est l'espoir, mais traversé d'inconnu.

Pour un chrétien, ce passage d'une année à l'autre revêt une dimension plus profonde.
C'est d'abord la conscience qu'au-delà du temps qui s'écoule, il y a le Dieu fidèle et puissant en amour qui transcende les époques et voit d'un même regard ce qui fut, ce qui est et ce qui sera, qui voit ce que chacun devient dans la succession des années et comment il s'approche ou s'éloigne de Lui.
           
Alors, le passé devient pour les croyants l'objet d'une méditation : quand, où et comment avons-nous bien ou mal répondu au dessein d'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ ?
Et considérer l'avenir, ce n'est pas d'abord tenter d'en déceler le secret auprès d'une Madame Soleil, mais c'est la volonté, sans cesse exercée et soutenue par la grâce, d'une renaissance spirituelle et d'une croissance de l'esprit de service au travers des tâches quotidiennes. Le regard sur l'avenir devient une espérance qui se fonde sur la force du Saint-Esprit pour franchir les épreuves de demain avec la croix du Seigneur et accueillir les instants heureux dans la joie du Christ.

Et voici qu'à l'approche d'une nouvelle année, I'Eglise offre à notre contemplation la plus émouvante des icônes : celle de la Sainte Famille, source et modèle de toute famille humaine.
Pour nous associer a sa propre vie, Dieu a choisi de nous rejoindre en son Fils, devenu comme nous enfant des hommes. Issu de la famille trinitaire, le Fils de Dieu s'incarne au sein d'une famille humaine. Il comble celle-ci de l'amour qu'il tient du Père en retour de la tendresse qu'il reçoit de ses parents de Nazareth.
Et lorsqu'il quittera la famille de son enfance, ce sera pour fonder, sur le modèle de celle-ci, une nouvelle famille : celle de ses disciples, laquelle deviendra la première Communauté, matrice de la grande Assemblée de l'Eglise, dont la table familiale restera celle du pain et du vin partagés : la table eucharistique, celle qui nous réunit en cet instant.

Oui, un jaillissement d'amour est parti du ciel. Il touche la terre à Bethléem, s'y enfonce à Jérusalem jusqu'à rejoindre la mort dont il resurgit par la puissance de l'Esprit, de cet Esprit qui désormais fait exister l'Eglise. Et cette Eglise incorpore, au passage, dans sa débordante fraternité, les familles humaines dispersées pour les entraîner dans ce tourbillon d'amour qui reflue vers sa source divine.

La vocation de la famille est donc d'être, à l'image de la Sainte Famille, épanouissante pour les personnes et créatrice de communautés.
Creuset d'amour, de cet amour divin qui s'insinue jusque dans l'instinct d'aimer, la famille chrétienne ne saurait se replier sur elle-même. L'amour vrai, qui fait le bonheur des époux et des enfants, trouve spontanément à se répandre, à se diffuser : il devient créateur de liens pour constituer, en communautés fraternelles et pourquoi pas ecclésiales, les groupes humains rencontrés sur le chemin de l'existence, là où l'o, vit et en toutes circonstances. S'aimer en Jésus-Christ et en éprouver joie et bonheur, c`est vouloir que nos frères et nos amis puissent s'aimer de la même manière.
           
Dans la mesure où de nombreuses familles ou communautés d'amitié réalisent ainsi leur mission, le monde lui-même prendra, de proche en proche, le visage d'une immense famille : celle des enfants de Dieu réunis en Jésus-Christ, pour un avenir à la fois humain et divin

C'est le regard tourné vers la Sainte Famille et en m'appuyant sur les projets qu'elle nous inspire, que je me permets, dès aujourd'hui, de vous présenter mes vœux les plus fraternels en Jésus Christ et les plus fervents pour l'année qui s'ouvre: vœux de bonheur, bien sûr, mais tout en sachant qu'il n'y a de vrai bonheur, capable de traverser et d'assumer les épreuves et les peines, que celui qui s'affirme et grandit en se communiquant, à l'exemple de la Sainte famille du Christ...
Bonne et heureuse année !

lundi 24 décembre 2018

Avec et par Marie : Sainte fête de Noël !


NOEL  2018
           
Méditons ce soir cette réalité de la naissance de Dieu parmi les hommes ! Méditons avec Marie, la mère de Jésus, l'Emmanuel", de "Dieu avec nous". Car il est dit que les Rois-Mages "trouvèrent Jésus avec Marie sa mère ". On ne peut séparer Jésus de sa mère, et Marie de son Fils.
Oui, Marie est toute relative à Jésus, son fils. A cause de cela, elle demeure le "modèle" de tout chrétien. Et si nous sachions davantage découvrir "Jésus avec Marie sa mère ", elle ne pourrait que nous redire : "Faites tout ce qu'il vous dira ". Comme pour moi-même, que tout se fasse en vous "selon sa Parole".. Oui, sachons trouver Marie..
                                              
...Car Marie a toujours dit "Oui" à Dieu !
           
A l'Annonciation, Dieu se fait proche de Marie pour de faire proche des hommes, de nous ! A ce projet impensable, Marie dit "Oui" à Dieu, "Oui" à l'Amour de Dieu-Père,  "Oui" au Fils de Dieu qui veut se faire proche de tout home, "Oui" à leur "Esprit d'amour' - l'Esprit-Saint - qu'ils veulent nous communiquer. A ce projet divin, Marie répond : "Que tout se fasse pour moi selon ta Parole !".   

Dès lors, la vie, notre vie, toute notre vie se présente, en chacun de ses instants, comme l'annonce faite à Marie de la part de Dieu. Ce "Oui"  qui a été formulé au jour de notre baptême, renouvelé au jour de notre mariage ou à celui de notre consécration religieuse, sacerdotale, et en bien des circonstances..., ce "Oui", redisons-le ce soir avec Marie. 

Oh ! Il y a mille façons de dire "Oui" :    
- Il y a le "Oui" paisible du vieillard Siméon : "Tu peux laisser partir en paix ton Serviteur " ;
- Il y a le "Oui" de Pierre dans le doute : "Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je jetterai mon filet " ; 
- Le "Oui" de Pierre encore qui croit : "A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la Vie éternelle "  !
- Le "Oui" de Pierre à nouveau qui regrette sa faute : "Il sortit et pleura amèrement " ; 
- Il y a également le "Oui" du Centurion qui, au pied de la croix de Jésus, se convertit : "Celui-là était vraiment le Fils de Dieu! " ; 
- Et il y a le beau "Oui" de Jean tout jeune qui "vit Jésus, le suivit et demeura avec lui..."           

Qui que nous soyons, Marie nous engage à dire comme elle et en elle :  "Je suis la Servante - le Serviteur - du Seigneur".
                                              
Mais elle nous avertit : ce "Oui" engage toute la personne. L'Amour vrai ne peut rester inactif. Il s'exprime par le service.  

Après son "Oui", Marie va visiter  sa cousine Elisabeth pour se mettre à son service et lui apporter la présence de Jésus, chanter avec elle les "merveilles de Dieu" : "Mon âme exalte le Seigneur... Il fait en moi de grandes choses ".           
Comme Marie, ayant répondu à l'Alliance que Dieu propose, portons aux autres la "Bonne Nouvelle" que Dieu "vient parmi les hommes" : "Il est venu chez les siens " - Il vient toujours. Il veut venir par nous comme il est venu par Marie, là où nous sommes : en famille, en notre paroisse, en notre milieu de travail, de loisir. - Chrétiens, nous devons être, comme Marie, des "Christophores", des porteurs du Christ.
                                                                                  
Portant le Christ en nous-mêmes à chaque instant, nous l'engendrerons alors dans le cœur de nos frères, nouvelle crèche vivante où Dieu veut aujourd'hui encore se faire proche de tout homme.
 Là encore Marie est notre modèle :             
Elle a mis au monde Jésus
-par son corps dont la tendresse maternelle a éveillé les premiers sentiments de Jésus.
- par son cœur à travers lequel Jésus, comme tous les petits enfants, a découvert le monde des relations humaines ;
- par son âme ; car c'est de Marie et de Joseph que Jésus apprit les gestes et les mots humains de la prière et les expressions de la véritable fraternité.

Quelle extraordinaire mission que d'être mère et éducatrice. Le sommes-nous tous spirituellement par tout notre être  - corps, cœur, âme -  auprès de tous ceux qui nous sont confiés ?   - Que Marie nous aide à être véritablement père, mère humainement et spirituellement tout à la fois.
                                  
Et comme tout enfantement est "don de soi", Marie offre Jésus : "Ils allèrent à Jérusalem le présenter au Seigneur ". Déjà Marie sait que son enfant n'est pas pour elle, qu'il doit être "la Lumière des nations ", " le salut pour tous les peuples ".  Marie offre déjà Jésus.
           
Or, que faisons-nous ce soir et tous les dimanches, en venant participer à l'Eucharistie ?   - Là encore, imitons Marie...
+ Celui que nous "présentons" au Père, c'est celui-là même que Marie venait présenter au Temple : Jésus, le seul Saint, le seul qui puisse offrir au Père "le sacrifice pur et saint ".
+ Et si Jésus nous permet, par l'Eucharistie, de continuer, tout au long des siècles, à offrir à Dieu son sacrifice "pur et saint", il nous est plus facile, alors, d'œuvrer en disant : "Par le sacrifice qui nous réconcilie avec toi, étends au monde entier le salut et la paix " (P.E. n° 3).
+ Et en offrant Jésus, on ne peut, en même temps, que nous offrir avec lui au Père : "Que l'Esprit-Saint fasse de nous une éternelle offrande à la louange de ta gloire " (P.E. 3
En communiant au Christ qui s'offre, nous faisons de toute notre vie, de toutes nos activités, un "sacrifice vivant, saint et agréable à Dieu ", comme disait St Paul (Rom 12/1).

"Oh ! Si nus savions ce qu'est l'Eucharistie...!", disait le Curé d'Ars. L'Eucharistie est comme une nouvelle crèche pour Jésus et pour tous les temps. L'Eucharistie ré-actualise la réalité de l'Emmanuel, de "Dieu parmi les hommes" !

Et parce que Marie offre le Christ et s'offre avec lui, elle peut présenter sa prière pour tous les hommes, comme à Cana  :  "Ils n'ont plus de vin ", dira-t-elle, c'est-à-dire : "ils n'ont pas de vraie joie" ;  "ils n'ont pas de vraie paix" ; "ils n'ont pas de vrai bonheur".  La prière de Marie est intercession. Intervenir en faveur de quelqu'un, c'est faire de son cœur un lieu de rencontre entre la misère de l'un et la miséricorde de l'autre.

Aussi n'est-il pas étonnant de retrouver Marie au pied de la Croix  où il lui fut dit : "Femme, voici ton fils ". à propos de Jean qui nous représentait.
Tout l'amour maternel que l'Esprit Saint a mis en son cœur, ne pouvant plus l'exercer directement au service de Jésus, elle le met au service des disciples de Jésus, et elle l'exerce jusque dans la souffrance. Elle devient reflet de la tendresse maternelle de Dieu.
           
Comme Marie et avec elle, sachons, par l'Eucharistie, offrir, nous offrir nous aussi, intercéder pour nos frères et traduire en nos vies l'Amour même de Dieu pour les hommes. N'est-ce pas tout cela Noël ?
                                  
Confions-nous à Marie. Car, bien plus que St Paul, elle peut nous dire légitimement : "Petits enfants...  Dans le Christ, vous n'avez pas plusieurs mères. Car c'est moi qui, de la crèche au Golgotha et par ma prière incessante, vous ai engendrés dans le Christ Jésus. Je vous en prie: montrez-vous mes imitateurs, comme je le fus moi-même du Christ "  (Cf. I Cor 4/16;11/1).

Aussi, en ce soir, c'est ce "saint Noël" que je vous souhaite !

samedi 22 décembre 2018

Du service de Dieu au service de l'homme


 4e Dimanche de l'Avent C/18

 Au cours de son entretien avec l'Ange Gabriel, lors de l'Annonciation, Marie apprend que sa cousine Elizabeth va, elle aussi, enfanter dans sa vieillesse.

Marie, alors, semble n'avoir plus qu'une pensée : sa cousine, en de telles circonstances, a besoin d'elle. Et aussitôt, nous dit St Luc, elle part en grande hâte vers le Haut-Pays de Judée. Elle n'a égard ni à ce qu'elle est, ni à celui qu'elle porte..., elle part !  Sans regrets apparents et sans hésitation, elle abandonne sa retraite de Nazareth où l'Ineffable s'est accompli ! Elle part ! La longueur et l'incommodité du déplacement ne la rebutent pas; elle part !   
Retenons cet exemple de service, tant il est vrai que plus Dieu se fait proche, plus on se fait proche !
              
Elle part vers les régions montagneuses de la Judée ; c'est là une précision géographique, qu'avec finesse symbolique, St Ambroise réinterprète : "Celle qui est déjà remplie de Dieu vers où pourrait-elle se diriger avec empressement, sinon vers les hauteurs ?" Oui, avec Dieu, la vie ne cesse d'être une montée.

La première caractéristique de cette visite, c'est qu'elle s'effectue dans la pure spontanéité humaine. Le geste de Marie est d'une grande liberté humaine !
- Marie ne se plie pas à un événement politique - comme ce sera le cas à Noël où elle obéira à un édit de l'empereur -.
-  Marie n'obtempère pas non plus à un ordre divin - comme pour la fuite et le retour d'Egypte -
-  Marie ne se conforme même pas à une prescription de la Loi - comme pour la présentation de Jésus au Temple -.

Marie se dirige vers les hauteurs, vers sa cousine parce que, simplement, elle veut répondre librement au besoin d'être là où il y a à servir. Demandons à Marie cette spontanéité dans nos divers services fraternels. Que nos gestes de solidarité ne soient jamais obligation ou calcul d'intérêts !

...Et, lors de la rencontre, Marie et Elisabeth ressentent le besoin de pouvoir chanter la Miséricorde du Seigneur : "Comment ai-je ce bonheur…?", s'exclame Elisabeth - "Mon âme exalte le Seigneur… " chante Marie.
Car cette visite de Marie à sa cousine, cette rencontre des deux femmes leur rappelle la visite de Dieu à chacune d'elle. St Luc le souligne : c'est en liaison avec la manifestation de Dieu à Marie et à Elisabeth que s'accomplit la visite de Marie qui se hâte vers les hauteurs du pays de Judée.
Et toutes les visites, toutes les rencontres dont l'Evangile de Luc est émaillé ne sont, finalement, que l'explicitation multiforme de la visite de Dieu aux hommes. Apprenons de ce passage de la "Visitation", apprenons nous-mêmes à voir en toute rencontre, une manifestation de la visite de Dieu en nos vies. Notre existence personnelle et collective en serait transformée !

Remarquons d'ailleurs que la visite de Marie à sa cousine est bien à l'image de celle que Dieu s'apprête à faire aux hommes en s'incarnant : puisque c'est la plus grande qui se dérange, la plus digne qui vient servir, portant en elle celui qui est venu pour servir et non pour être servi.
Et Elizabeth est bien consciente de l'aspect inouï de cette démarche : "Comment m'est-il donné que vienne à moi la Mère de mon Seigneur !" Quelle leçon Dieu lui-même nous donne avec Marie ! A nous qui, trop souvent, attendons que l'on fasse envers nous le "premier pas" !

St Luc termine le récit de la Visitation en signalant que Marie demeura près d'Elizabeth environ trois mois au terme desquels elle retourne chez elle. Ainsi Luc tient-il à signaler discrètement qu'au moment précis où la joie de la naissance miraculeuse va éclater dans le petit pays de Judée, Marie ne sera déjà plus là ! Dès lors qu'Elizabeth arrive à son terme, le service de Marie s'achève.
           
Tant qu'il y avait à servir, Marie était là ; quand il n'y a plus qu'à se réjouir elle s'efface et rentre dans un silence et une solitude qui sont comme sa patrie. Toute la vie de la Vierge sera comme sous le signe de cette sorte de dialectique : du service et de la solitude, de la présence aux besoins des hommes et de l'attention à la présence invisible de Dieu. Un exemple encore à méditer.

Située entre l'Annonciation et la Nativité, la Visitation est pour nous une exhortation à préparer la venue du Seigneur en imitant dans nos vies ce que Marie manifesta ce jour-là : à savoir que tout entiers à Dieu il nous est possible aussi d'être totalement disponibles aux hommes. La visite de Dieu ne saurait mieux être préparée que par celle que nous consentons aux hommes.

le langage de Dieu !


Avent 21 Décembre          (Cant 2.8sv)

“J’entends mon bien-aimé qui vient ! Il escalade les montagnes ; il franchit les collines. Il accourt comme une gazelle…“. Même à l'approche de Noël, savons-nous reconnaître le langage de Dieu qui est venu, qui vient, qui viendra ? “J’entends mon bien-aimé qui vient !".

Il est une chose qu'on trouve fréquemment dans les traditions juive et chrétienne : le péché a émoussé la fine pointe de l'intelligence humaine ; l'intelligence n'est plus capable de se mettre à l'écoute, de comprendre ne serait-ce que ce langage que Dieu parle dans la nature : l’intelligence (à cause du péché) “retient captive la vérité“, dit St Paul (Rm 1.18)... Les hommes se sont fourvoyés dans leurs vains raisonnements et leur cœur insensé est devenu la proie des ténèbres“.  (Rm 1.20-21).

Le livre de la Sagesse le disait déjà à sa façon: “… En partant des biens visibles, ils (les hommes) n'ont pas été capables de connaître Celui-qui-est ! En considérant les œuvres, ils n'ont pas reconnu l'Artisan…“.  (Sag 13.1sv).

Le 1er Concile du Vatican cite ces textes à l’appui de l’affirmation que Dieu peut être connu avec certitude par la raison humaine : L’Eglise “enseigne que Dieu, principe et fin de toutes choses, peut être connu avec certitude par la lumière naturelle de la raison humaine à partir des choses créées, car, "depuis la création du monde, ce qu'il y a d'invisible se laisse voir à l'intelligence grâce à ses œuvres" (Rm 1,20).

Toutefois,ajoute ce Concile, il a plu à Dieu de se révéler lui-même au genre humain par une autre voie, surnaturelle celle-là : "Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes parlé jadis à nos Pères par les prophètes, Dieu, tout récemment, nous a parlé par le Fils" (He 1,1) (Cf.  Denzinger 3004-5).

Oui, Dieu parle d'une manière nouvelle pour remédier à cette espèce d'abrutissement de notre intelligence !

Il parle d’abord comme en frappant sur la table, par des prodiges, par des merveilles…, des événements extraordinaires… !

Ce n'est pourtant pas sa manière normale de parler : Lui “qui Est”, selon l'expression du livre de la Sagesse, n'a pas besoin de “paraître“ !!!  Ceux qui n'ont pas de consistance dans l’être font beaucoup de bruit ; et ceux qui font beaucoup de bruit, souvent, n'ont pas beaucoup de consistance dans l’être ! Or, Dieu est“Celui qui est" par excellence..  ...  Il y a une espèce de proportion inverse entre l’“être“ et le “paraître“. Dieu “qui Est” n'a pas besoin de “paraître“. Et si on vit au plan du “paraître“, on risque de dire qu'Il n'existe pas alors que c'est nous qui sommes distraits… !

Alors, soudainement, Dieu parle, parfois, par des prodiges… :
I Co.1:21 : “Puisqu'en effet les hommes, par le moyen de la sagesse, n'ont pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu, c'est par la folie de la prédication qu'il a plu à Dieu de sauver les croyants“.  Et Dieu prend alors un autre langage : “Je perdrai la sagesse des sages”. (cf  Is. 29.14). 

Et ainsi commence cette histoire biblique, notre “Histoire Sainte“ où, - c'est curieux - il y a comme des paradoxes, “des vérités, selon le mot de Chesterton, qui marchent sur la tête pour se faire remarquer”.     Ce sont :
- les femmes vierges qui enfantent (on le proclamera dans quelques jours)…,
- les puînés qui remplacent les aînés… (David…),
- les pécheurs qui deviennent des saints, comme ce Jacob (dont le nom signifie : “le tordu !“) qui devient “Israël“, père  de tous les Juifs,
- l’étrangère comme Ruth qui devient l’aïeule du Messie,
- etc. etc… 

Oui, Dieu, paradoxalement, marque sa liberté, pour accomplir son dessein d’amour, en accomplissant des choses invraisemblables, humainement !

Et finalement, il descend vers nous par des démarches insensées :
- du ciel à la crèche,
- de la crèche à la croix,
- de la croix au tombeau et au plus profond des enfers !  
- Et puis, il “rebondit“ jusqu'au ciel...

Bien plus, Dieu dit qu'Il veut non seulement se faire connaître à l'homme (par le langage de la création et le langage de ses prodiges…), mais s’unir à sa créature   
Cant. 2.8 : “J'entends mon bien-aimé. Voici qu'il arrive, sautant sur les montagnes, bondissant sur les collines“ : du ciel à la crèche, de la crèche à la croix ! etc.

Alors, n'est-ce pas par des démarches insensées que nous devrions répondre, nous aussi,  à cette démarche invraisemblable de notre Dieu ?
Car ce qui est folie de Dieu est plus sage que les hommes, et ce qui est faiblesse de Dieu est plus fort que les hommes. (I Co. 1.25).

dimanche 16 décembre 2018

Il est venu ! Il vient ! Il viendra !


3e Dimanche de l'Avent C. 18

La liturgie de l'Avent, dans la lecture de ce passage de l'évangile de St Luc, nous ramène encore  une fois à la période de l'attente : attendre "Celui qui vient" - "Le Seigneur est proche", nous dit St Paul !

Il est vrai que, pour nous, le Fils de Dieu s'est incarné. Le Christ est né, l'humanité tout entière a vu le salut. Et nous savons qu'en principe, nous sommes déjà sauvés ! "Nous sommes sauvés en espérance", dira St Paul (Rm 8.24).

Mais nous savons également que le Règne de Dieu n'a pas atteint sa plénitude, qu'il est toujours en croissance. Notre rencontre définitive avec Dieu ne s'est pas accomplie encore : ici-bas, c'est dans le mystère et "comme dans un miroir" (2 Cà. 3.18) que nous vivons cette rencontre. Le "face à face", nous l'attendons pour l'avenir.
Et le chrétien est tendu, sans cesse, vers cette heure où, totalement,  il rencontrera Dieu, vers cette heure où le monde entier, ayant retrouvé les dimensions que le Seigneur lui avait assignées en le créant, s'épanouira en Royaume de Dieu.

Ainsi, la fête de Noël manifeste à la fois
cette venue de Dieu parmi nous
et cette attente de sa venue en plénitude.
Et notre attente doit se concrétiser en accueillant aujourd'hui, actuellement, le Christ qui s'est incarné pour notre salut.
Alors, nous sommes un peu comme les foules qui venaient trouver Jean-Baptiste. Nous posons la question : "Que faut-il faire?"

Remarquons la question : "Que faut-il faire?" et non simplement: "Que faut-il penser ?". Confesser Jésus, comme Christ et Seigneur, n'a rien à voir avec un simple changement d'idéologie. L'homme total s'y trouve engagé, jusque dans ses comportements les plus quotidiens :  "Que faut-il faire?"
L'adhésion à Jésus ressuscité ne doit pas simplement transformer notre vision du monde, mais, d'abord et avant tout, la vie, toute notre vie. Reconnaître Jésus comme Seigneur et Christ, c'est vivre d'une vie nouvelle.

Alors, que faut-il faire ?  Jean-Baptiste répond à trois groupes de personnes qui viennent l'interroger.

Il y a d'abord la foule des braves gens dont, sans doute,  nous sommes. Jean les invite à partager, avec les nécessiteux, le pain et les vêtements, ce qui, à l'époque, représentait le minimum vital.
Aujourd'hui, il demanderait de leur assurer aussi largement instruction et secours de toutes sortes : amélioration des conditions économiques et sociales. La doctrine sociale de l'Eglise n'a pas changé : elle est la même qu'au temps des apôtres : "si un frère n'a rien à se mettre et pas de quoi manger tous les jours, et que l'un de vous lui dise : "Va en paix, mets-toi au chaud et bon appétit", sans que tu lui donnes de quoi subsister, à quoi bon? La foi qui n'aurait pas d'œuvres est une foi morte". (Jac 2.15-18).
Naturellement, il y a façon de donner et façon de donner qui doit correspondre aux conditions de notre société. Mais le but est le même.

Jean Baptiste s'adresse ensuite aux publicains qui représentent la classe des fonctionnaires et dont la tentation est d'abuser des gens qui ignorent lois et tarifs. Qu'ils soient simplement honnêtes ! Et même, que dans leur honnêteté à appliquer les lois avec justice, ils sachent comprendre la subtilité de certaines situations non pas avec l'intelligence froide de la législation, mais avec un cœur qui écoute et comprend.

Enfin, voici ceux qui ont la charge de faire respecter l'ordre public. Et le Précurseur leur demande de respecter avant tout chaque personne et de ne pas abuser de leur pouvoir pour maintenir le pouvoir !

Il est important de noter que Jean Baptiste ne demande à personne d'abandonner son métier, si méprisé soit-il. Il n'y a pas de sot métier. Il n'y a que des gens inférieurs à leur tâche. C'est au sein même de sa lutte pour la vie que le chrétien doit agir comme un être renouvelé :
- dans le travail souvent abrutissant pour arriver à se vêtir, à manger,
- dans la manipulation de l'argent,
- dans les rencontres et les interférences des relations humaines. Et que sais-je encore ?
La réalité humaine, même en ce qu'elle a de plus paradoxal et de plus ambigu, peut toujours être le lieu de la présence et de la rencontre de Jésus ressuscité.

Ainsi, à chacun qui l'interroge, Jean-Baptiste répond de procéder à une remise en ordre de sa conscience.
A notre tour de nous interroger. Le temps de préparation à Noël peut nous inciter à faire, en quelque sorte, un bilan de notre santé spirituelle. Il y a peut-être en nous telle ou telle petite anomalie presque imperceptible qui, en réalité, peut devenir un cancer de notre foi, de notre espérance, de notre amour.

Jean-Baptiste annonçait un baptême dans l'Esprit Saint et dans le feu. Nous, nous l'avons reçu, ce baptême !

Nous avons été baptisés dans l'Esprit Saint qui se manifeste depuis la Pentecôte pour renouveler toutes choses. Cet Esprit Saint nous fait fils de Dieu et nous enjoint de nous adresser à Dieu en disant "Père". Toutes nos actions doivent être des témoignages de l'amour de Dieu-Père qui nous aime.

Nous avons été baptisés dans le feu, ce qui signifie la purification spirituelle, le repentir du péché, l'acceptation de l'effort pour repousser le mal.
Nous devons accepter que quelque chose de nous-mêmes soit détruit, afin que le meilleur de chacun de nous soit magnifié dans la vie de l'Esprit Saint, de l'Esprit d'amour.

C'est le grand paradoxe qui domine l'Evangile : la vie à travers la mort, la gloire à travers la croix.
Par notre baptême, nous avons reçu l'Esprit comme un feu qui nous a purifiés d'abord et qui éclaire ensuite tout homme de bonne volonté
pour le conduire au berceau de l'Enfant-Dieu, le Verbe Incarné,
et pour le conduire à la gloire du Ressuscité.

samedi 8 décembre 2018

Le désert !


 2ème Dimanche de l'Avent C/18-19

Le temps de l'Avent nous met devant les yeux la grande figure de Jean le Baptiste. Et le Précurseur du Seigneur n'est-il pas pour nous un modèle très adapté à la situation que nous vivons.
Nous aussi, nous essayons de montrer le Christ à nos frères comme Jean Baptiste. Et comme lui, nous ne pouvons le montrer que de loin, en criant, à notre façon, certes : "Préparez-les chemins du Seigneur, rendez droits ses sentiers... tous verront le salut de Dieu."

La voix qui crie dans le désert était déjà celle d'Isaïe qui eut tant de mal à se faire entendre.
Ce fut aussi celle du Baptiste lui-même
et ensuite celle de Jésus comme il le déclare lui-même : "Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l'on dit : "Il a perdu la tête." - Alors, on ne l'écoute pas! - "Le Fils de l'Homme est venu, il mange, il boit, et l'on dit : Voilà un glouton et un ivrogne..." - Et on ne l'écoute pas plus ! -
Comme le Baptiste, comme Jésus lui-même, nous avons parfois l'impression de parler dans le désert, nous avons parfois l'impression qu'il est difficile pour un chrétien de se situer dans le monde d'aujourd'hui.
On nous reproche, à nous aussi, d'être trop proches ou trop lointains. On nous dit tout à la fois : "Vous ne savez pas ce que c'est que la vie" ; mais aussi : "Vous ne parlez pas assez de Dieu !"

Et cette situation crée notre propre désert, à nous aussi, car le désert n'est pas un endroit que l'on pourrait localiser : si Jean se tient dans le désert, au bord du Jourdain, Jésus, lui, se tient partout. "J'ai parlé ouvertement au monde, j'ai toujours enseigné dans les synagogues et dans le temple où tous les Juifs se rassemblent...". 
Le désert n'est-il pas d'abord ce lieu du manque, ce lieu où chacun, au creux de sa conscience, ressent le vide, le silence qui reste, malgré tout, dans sa vie et autour de lui ?
Le désert n'est-il pas ce besoin, ce désir que nous portons d'une vie que nous n'arrivons pas véritablement à communiquer, d'un sens que nous voudrions donner à notre existence et à celle de nos frères ?

De plus, nous vivons dans le désert d'un monde difficile, dans le désert d'un monde marqué par bien des désarrois : difficulté de vivre sa foi, de trouver du travail et d'organiser sa vie de famille, d'orienter les jeunes… … et que sais-je encore ! Oui, il est vrai : nous, chrétiens de ce 21ème siècle, nous pouvons nous reconnaître comme citoyens de ce désert qui existe en tout homme, en toute société, en toute Eglise.
Un désert qui pourrait ressembler à celui que traversèrent les Hébreux à la sortie d'Egypte, mais un désert aussi où peut se faire entendre la voix du Bien-aimé, comme le disait le prophète Osée : "Je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur" (Osée 2/16)..

Dieu nous conduit au désert et c'est justement parce que nous sommes dans le désert que nous avons des chances d'entendre la voix du Père qui redira comme jadis à Moïse : "J'ai vu la misère de mon peuple." 
Ce n'est pas le malheur qui nous rapproche de Dieu mais la conscience de nos fragilités, de nos manques et de notre attente. Oui, le désert peut devenir lieu de renouvellement, de ressourcement. Sachons profiter du désert pour refaire sans cesse alliance avec le Seigneur !

Mais les avantages du désert ne peuvent pas nous faire oublier ses inconvénients. Dans le désert d'un monde qui perd ses points de repère, il est difficile de proposer clairement une démarche de la foi, de faire entendre la parole toujours nouvelle de l'Evangile.

C'est en ceci que nous nous trouvons comme Jean Baptiste, dans la nécessité de montrer le Christ mais de le montrer de loin. Ceux à qui nous proposons quelque chose de sa parole brûlante et exigeante n'en pourront parfois recevoir que les premières ébauches. Ils acceptent de venir à l'église pour les grands moments de la vie, ou  ne serait-ce qu'aux grandes fêtes, à Noël, par exemple, et d'en parler quelque peu… 

Mais remarquez : ceux qui sont venus écouter le Baptiste quand il parlait aux foules devaient se trouver dans la même situation. Ils avaient déjà essayé d'autres voies et ils venaient vers lui parce qu'ils espéraient - sait-on jamais ? - trouver une réponse plus adéquate à leurs attentes. Et Jean ne fait que leur désigner Jésus qui passe au loin. Nous aussi, de très loin nous montrons ce jour où le désert deviendra fertile (Isaie 41/17-20).


Cela nous oblige à une infinie patience : les gens que nous rencontrons, - et c'est parfois ceux de notre propre famille - avec lesquels nous faisons un bout de chemin, auquel nous avons peut être fait entrevoir quelque chose de Jésus, nous ne pourrons pas les mener jusqu' au terme.
D'autres circonstances interviendront, d'autres nous succéderont et pourront, peut être, désigner clairement ce que nous leur avons permis d'entrevoir.
Notre rencontre, notre conversation, une fête religieuse n'ont été pour eux qu'une étape. D'autres étapes viendront et d'autres prophètes seront là pour en montrer la signification. "Autre est celui qui sème et celui qui moissonne.". Ne perdons pas courage. Ils verront peut être un jour que celui que nous avions montré de loin, s'est maintenant rapproché d'eux et qu'il chemine avec eux sur la route d'Emmaüs.

Nous sommes dans le temps de l'attente et du dénuement, dans le temps de l'Avent.
D'autres bergers viendront qui annonceront qu'ils ont découvert dans une étable obscure le sauveur;
d'autres femmes reviendront du tombeau vide pour annoncer qu'il est toujours vivant.
Nous n'assisterons peut être pas à ces révélations mais nous les aurons préparées par notre marche au désert, dans l'espérance.

Et en pensant à ceux qui nous sont si proches par le cœur et qui nous paraissent loin du Seigneur, nous pouvons prier en murmurant comme St Paul : "Puisque Dieu a si bien commencé en eux son travail, je suis persuadé qu'il le continuera jusqu'à son achèvement au jour où viendra le Christ Jésus".

samedi 1 décembre 2018

Manifestation du Seigneur


1er  Dimanche de l'Avent C/18-19

Pourquoi reprendre, en ce premier dimanche de l'Avent, ce curieux discours sur la fin du monde dont nous a déjà parlé St Marc, il y a 2 semaines ?
Certes, il y a toujours eu des prophéties de catastrophe universelle. Et avec le péril nucléaire, les méfaits de la pollution… etc., il y en a toujours.
Mais est-ce vraiment là le message de l'Evangile, mot qui veut dire "Bonne Nouvelle" ? Non pas ! Alors pourquoi ces terribles visions ? Oui, elles demandent explications.

"IL Y AURA DES SIGNES DANS LE SOLEIL, LA LUNE ET LES ÉTOILES"
Ces signes cosmiques constituaient, dans toute une littérature judaïque appelée "apocalypse", le décor classique de la "manifestation" ("Epiphanie") de Dieu aux hommes.

A l'origine de cette littérature, il s'agissait d'une polémique entretenue par les prophètes contre les tenants des cultes idolâtriques, des astres surtout : l'homme a toujours été fasciné par les astres dont les cycles réguliers mesurent notre temps. Pour bien des peuples anciens, ces corps célestes apparaissent comme des êtres surnaturels dominant le monde, déterminant nos destins. On pouvait donc lire l'avenir dans leurs diverses progressions ; surtout, il fallait s'assurer la faveur de ces mystérieuses puissances en leur rendant un culte.
Oui, du temps des prophètes, le soleil, la lune, les étoiles sont des divinités qu'on redoute, qu'on adore. (Avant de sourire, songeons aux succès que connaissent chez nous l'astrologie et les horoscopes!). Aussi, à tous ceux qui sont tentés par cette idolâtrie, les prophètes déclarent : le jour vient, "Jour du Seigneur", où ces pseudo-divinités astrales vont s'évanouir s'effondrer lamentablement ; Alors tous les hommes verront bien qu'il n'y a pas d'autre Dieu que le Seigneur.

Ainsi, dans le langage des prophètes, ces signes cosmiques qui nous paraissent effroyables, ne sont pas visions d'effroi, mais au contraire promesse et annonce d'une victoire définitive de Dieu sur tous les faux-dieux qui écrasent l'homme.

Certes, nous n'adorons plus le soleil et les étoiles…  Même si nous déifions, parfois, la fatalité, le destin et toutes sortes d'idéologies…, n'y-a-t-il pas encore en nous, autour de nous, des faux-dieux qui aveuglent l'homme, disait Isaïe, qui le distraient, répétait Pascal : argent, recherche exclusive de son plaisir et encore  cette boulimie d'activités qui l'étourdit … et l'accable en le détournant de Dieu, du vrai Dieu.
Alors, reprenant les images anciennes, Jésus nous dit : ces astres qui brillent au firmament de votre imagination charnelle ou spirituelle tomberont, éclateront.

Au fond, ces vieilles images d'apocalypses, reprises par Jésus, ne sont pas des descriptions de fin du monde ; elles forment des indicatifs pour rappeler l'intervention définitive de Dieu sur notre monde qu'il va délivrer de toute peur, de tout mal…  et surtout de ce mal qui nous éloigne de lui.
Et St Luc qui s'adresse pourtant à des Grecs, moins friands que les Juifs de ces images d'apocalypse, ne craindra pas de placer une éclipse de soleil au moment où Jésus expire sur la croix : une façon pour lui de signifier que c'est dans cet événement du Calvaire que s'accomplit l'intervention salvatrice de Dieu en notre histoire. Dans le mystère pascal du Christ, tous les faux-dieux de tous les ciels sont déjà anéantis !
N'est-ce pas là notre foi ?

"LES NATIONS SERONT AFFOLÉES"
Les apocalypses, là encore, avaient développé cette idée que la manifestation de Dieu serait marquée par un terrible déchaînement des faux-dieux, des forces du mal. Et pour un Juif qui n'a jamais eu le pied marin, le mal était symbolisé par la mer et la tempête : "Les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête". C'était une manière de dire : plus les faux-dieux déchaînent ennuis, persécutions sur les serviteurs du vrai Dieu, plus certaine est la manifestation du Seigneur et éclatante sa victoire.  Comme au matin de Pâques !
N'est-ce pas là notre foi ?

Et les premiers chrétiens reprendront ce langage. Si l'Eglise subit tribulations de toutes sortes, c'est le signe de cette espérance : la victoire du Christ, totalement acquise au jour de Pâque, va rapidement se déployer de façon éclatante.

C'est dans cette pensée que l'on peut comprendre ce paradoxe que l'on rencontre dans l'Evangile et chez St Paul, ce paradoxe de la joie dans les persécutions : si les forces du mal se déchaînent, c'est que le Seigneur va se manifester. Aussi, restons malgré tout dans la joie !

Et, en affirmant cette vérité de foi, St Luc songe sans doute à la persécution de Néron, à la ruine de Jérusalem, à bien des tribulations de son temps qui ont précédé l'extension et l'affermissement de la foi chrétienne.

Mais, finalement, quelle génération n'a-t-elle pas eu le sentiment de vivre une époque troublée ? Quelle vie n'a pas ses épreuves, ses tribulations ?  Au milieu de nos adversités avons-nous cette foi, cette espérance pour considérer nos souffrances comme des ouvertures à la venue du Christ, mort mais vivant, et qui veut nous sauver…  Là où le mal a abondé, dira St Paul, la grâce a surabondé ! (Rm 5.20 - I Tim.1.14)

"ALORS lLS VERRONT LE FILS DE L HOMME..."
Oui, on verra le "Fils de l'homme" dans sa gloire divine. Dans la vision de Daniel auquel est emprunté ce terme, le "Fils de l'homme" représente "le peuple des saints du Très-haut" qui reçoit "empire, honneur et royaume" au terme de ses épreuves.
En s'appliquant ce titre, surtout quand il parle de son mystère pascal, Jésus se présente lui-même comme celui qui porte et résume en sa personne tout le destin de l'humanité. En lui, tout homme est déjà sauvé par sa mort et sa résurrection !

Et Luc veut centrer toute l'attention sur cette victorieuse manifestation du Seigneur. C'est cela qui importe. L'Évangile ne veut pas tant nous enseigner que le monde aura  une fin, mais d'abord nous annoncer la Bonne Nouvelle que le monde a  une fin, c.-à-d. une finalité, un but, un sens ; pour le chrétien, la fin du monde n'est donc pas spécialement pour demain ou un après-demain définissable ; elle est pour aujourd'hui, puisque c'est dès aujourd'hui, et depuis toujours, que le Christ est fin, finalité de tout homme, Celui pour qui tout a été créé et vers qui tout retourne.
           
Aussi est-ce un message d'espérance que Luc adresse à ses lecteurs : "Quand ces événements (ce terrible affrontement entre le vrai Dieu et les faux dieux) commenceront d'arriver, redressez-vous et relevez la tête". Autrement dit, ce qui pourrait nous plonger dans la peur et l'angoisse doit, pour le chrétien, être signe de la victoire finale : La croix du Christ n'est-elle pas notre unique espoir?

Et St Luc de terminer - et c'est un beau programme pour le temps de l'Avent - de terminer par une invitation à la prière incessante : "Restez éveillés et priez en tout temps" : c'est bien en effet la prière qui peut entretenir en nous cette courageuse attente et cette active espérance.

St Jean l'avait bien compris, lui aussi, lui qui terminait son Apocalypse par ces mots - et c'est ainsi que se termine le Nouveau testament - :"L'Esprit et l'Épouse (l'Eglise) disent : "Viens" !... Et que celui qui écoute dise : "Viens!"..."  Et il entendra Celui qui est commencement et fin de toutes choses lui déclarer : "Oui, je viens bientôt."  - Oui, viens, Seigneur Jésus ! ".