Sainte Famille 18/C
Aucun
événement spectaculaire ne marque le passage d'une année à l'autre. Changer
d'agenda n'a rien de bouleversant.
Et
pourtant, ce franchissement conventionnel du calendrier invite toujours à une
réflexion faite à la fois de bilan et de projet, d'un regard en arrière et
d'un regard sur demain.
Hier : on connaît. Ce fut peut-être un
mélange de choses heureuses et de lourdes épreuves, depuis la naissance d'un
enfant jusqu'à la perte d'un être cher, depuis le succès professionnel jusqu'aux
ennuis économiques.
Demain : c'est l'espoir, mais traversé
d'inconnu.
Pour
un chrétien, ce passage d'une année à l'autre revêt une dimension plus profonde.
C'est
d'abord la conscience qu'au-delà du temps qui s'écoule, il y a le Dieu
fidèle et puissant en amour qui transcende les époques et voit d'un même
regard ce qui fut, ce qui est et ce qui sera, qui voit ce que chacun devient
dans la succession des années et comment il s'approche ou s'éloigne de Lui.
Alors,
le passé devient pour les croyants l'objet d'une méditation : quand, où
et comment avons-nous bien ou mal répondu au dessein d'amour de Dieu manifesté
en Jésus-Christ ?
Et
considérer l'avenir, ce n'est pas d'abord tenter d'en déceler le secret
auprès d'une Madame Soleil, mais c'est la volonté, sans cesse exercée et
soutenue par la grâce, d'une renaissance spirituelle et d'une
croissance de l'esprit de service au travers des tâches quotidiennes. Le
regard sur l'avenir devient une espérance qui se fonde sur la force du
Saint-Esprit pour franchir les épreuves de demain avec la croix du Seigneur et
accueillir les instants heureux dans la joie du Christ.
Et
voici qu'à l'approche d'une nouvelle année, I'Eglise offre à notre
contemplation la plus émouvante des icônes : celle de la Sainte Famille,
source et modèle de toute famille humaine.
Pour
nous associer a sa propre vie, Dieu a choisi de nous rejoindre en son Fils,
devenu comme nous enfant des hommes. Issu de la famille trinitaire, le Fils de
Dieu s'incarne au sein d'une famille humaine. Il comble celle-ci de l'amour
qu'il tient du Père en retour de la tendresse qu'il reçoit de ses parents de
Nazareth.
Et
lorsqu'il quittera la famille de son enfance, ce sera pour fonder, sur le
modèle de celle-ci, une nouvelle famille : celle de ses disciples, laquelle
deviendra la première Communauté, matrice de la grande Assemblée de l'Eglise,
dont la table familiale restera celle du pain et du vin partagés : la table
eucharistique, celle qui nous réunit en cet instant.
Oui,
un jaillissement d'amour est parti du ciel. Il touche la terre à Bethléem, s'y
enfonce à Jérusalem jusqu'à rejoindre la mort dont il resurgit par la puissance
de l'Esprit, de cet Esprit qui désormais fait exister l'Eglise. Et cette Eglise
incorpore, au passage, dans sa débordante fraternité, les familles humaines
dispersées pour les entraîner dans ce tourbillon d'amour qui reflue vers sa
source divine.
La
vocation de la famille est donc d'être, à l'image de la Sainte Famille, épanouissante
pour les personnes et créatrice de communautés.
Creuset
d'amour, de cet amour divin qui s'insinue jusque dans l'instinct d'aimer, la
famille chrétienne ne saurait se replier sur elle-même. L'amour vrai, qui
fait le bonheur des époux et des enfants, trouve spontanément à se répandre, à
se diffuser : il devient créateur de liens pour constituer, en communautés
fraternelles et pourquoi pas ecclésiales, les groupes humains rencontrés sur le
chemin de l'existence, là où l'o, vit et en toutes circonstances. S'aimer en
Jésus-Christ et en éprouver joie et bonheur, c`est vouloir que nos frères et
nos amis puissent s'aimer de la même manière.
Dans
la mesure où de nombreuses familles ou communautés d'amitié réalisent ainsi
leur mission, le monde lui-même prendra, de proche en proche, le visage d'une
immense famille : celle des enfants de Dieu réunis en Jésus-Christ, pour un avenir
à la fois humain et divin
C'est
le regard tourné vers la Sainte Famille et en m'appuyant sur les projets
qu'elle nous inspire, que je me permets, dès aujourd'hui, de vous présenter mes
vœux les plus fraternels en Jésus Christ et les plus fervents pour l'année qui
s'ouvre: vœux de bonheur, bien sûr, mais tout en sachant qu'il n'y a de vrai
bonheur, capable de traverser et d'assumer les épreuves et les peines, que
celui qui s'affirme et grandit en se communiquant, à l'exemple de la Sainte
famille du Christ...
Bonne
et heureuse année !