8ème Dim. Ord. 14
"Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent !"
Il est toujours difficile de parler d'argent !
Entre Suisses, dit-on, - mais il y a des Suisses partout ! - on parle souvent d'argent, mais on se garde bien de citer des chiffres précis, même s'il s'agit de les inscrire sur sa feuille d'impôts. Notre pudeur, aujourd'hui, n'est plus sentimentale - on le voit tous les jours -, mais bien plutôt financière !
Et à entendre les conversations d'affaires, on a toujours l'impression qu'il y a deux catégories de citoyens :
- Certains ont trop d'argent, mais ils refusent de l'avouer. On les accuse même de gloutonnerie, car ils en veulent toujours davantage, s'enlisant, inconsciemment parfois, dans un matérialisme épais au risque d'étouffer sous l'édredon de leur avoir !
- D'autres, par contre, crient de ne pas avoir assez de ressources, sans savoir pour autant s'ils les utilisent convenablement. Et ils sont rongés par les soucis du lendemain, obsédés par les fins de mois et les dettes à rembourser.
Bref, à écouter à droite et à gauche, on peut se dire que nul n'est heureux avec son porte-monnaie, soit parce qu'il pèse trop lourd, soit parce qu'il est trop plat !
Or, Jésus nous dit aujourd'hui que pour servir Dieu - et c'est bien l'essentiel de notre vie à nous, chrétiens -, il faut avoir une liberté intérieure à l'égard de tout le reste, surtout des richesses. Car il faut se souvenir que "la racine de tous les maux, comme dit St Paul, c'est l'amour de l'argent !" I Tm 6.10).
Bien sûr, on va s'écrier : la
leçon des oiseaux qui trouvent leur nourriture sans autre effort que de picorer
au hasard, et ces fleurs qui tissent leur robe de parade en flirtant avec le
soleil et la rosée, n'est-ce pas là un évangile de clochards ? N'est-ce pas
vouloir transformer les hommes en cigales imprévoyantes ?
Sans doute, Notre Seigneur parle ici par paradoxes. Car lui-même
qui fut pauvre n'a jamais canonisé la misère ni exalté l'indigence qui
sont, la plupart du temps, les fruits de l'injustice et les causes de la
deshumanisation. Et là, nous avons le devoir - un devoir strict - de lutter
contre, d'une manière ou d'une autre ! En d'autres endroits de l'Evangile,
Jésus traite de cette question de façon très catégorique : la misère qui
sévit tant de par le monde est l'un des plus grands scandales auquel on semble
parfois trop s'habituer. Devant cette question, il y aurait certainement
beaucoup à dire aujourd'hui, en un temps de chaumage important, en un temps où
bien des hommes n'ont pas de quoi vivre honnêtement. Question difficile à
appréhender, certes, mais question qui doit tarauder toute conscience humaine !
Mais l'évangile d'aujourd'hui s'adresse plutôt à ceux qui
possèdent, qui possèdent grandement, suffisamment ou très modestement, peu
importe. Car la question est plutôt celle-ci : comment utiliser nos
richesses ? Quel regard porter sur l'argent Et les paradoxes de Notre
Seigneur dans l'évangile sont à prendre comme.des coups de poing sur la table
par lesquels le Maître réveille l'attention de ses élèves.
St Paul semble avoir bien compris lui qui affirmait que
l'important est d'être de ceux "qui
usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas véritablement !" (I Co. 7.31).
Autrement dit, il nous faut accueillir cet évangile des oiseux et
des fleurs comme une contestation de notre société de consommation qui
transmet à quiconque, riches ou plus démunis, la contagion de la possession.
Jésus sait combien est dangereux le piège qui enferme notre vie dans la cage
plus ou moins dorée de nos avoirs et surtout de notre égoïsme ; ce piège
devient une source d'inquiétude pour ce que l'on a, pour ce que l'on est ; une
source d'accaparement, d'oppressions multiples, d'envies incessantes. Telle est
le cancer de la civilisation occidentale dans laquelle on peut vendre très
facilement son âme pour quelques pièces d'argent supplémentaires.
Mais alors quel remède à tout ce matérialisme qui risque de
gangréner nos cœurs, nos familles, des peuples entiers ? Comment soigner ceux
qui ont fait de l'argent la pire des drogues ? - Jésus nous répond simplement :
"Cherchez d'abord le Royaume et
sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît".
Autrement dit, il nous faut nous comporter avec les biens de ce monde comme des
enfants de Dieu. Et voilà qui change tout : et notre regard, et notre cœur, et notre
conduite.
Autrement dit, quel temps, quelle attention, quels moyens
consacrons-nous à la recherche du Royaume de Dieu en comparaison de ceux
que nous vouons à la quête du bien-être et de l'enrichissement matériel ?
Franchement qui est mon maître ? A quel trésor mon cœur est-il attaché ?
Qu'est-ce qui le fait battre ? Où mène mon existence ? A l'abri trompeur de mon
bien-être ou dans la sécurité du Royaume des cieux, là où nous serons tous pauvres
de tout parce que tous riches de Dieu seul, Lui-même se partageant entre tous
pour la joie éternelle de chacun ?
Le Seigneur nous dit aujourd'hui : prenez mon évangile de ce dimanche
dans une main et un billet de banque dans l'autre. Lisez, méditez, priez
surtout. Peut-être, les lys des champs et les oiseaux du ciel vont-ils vous paraître
alors plus évangéliques que l'image chiffrée d'un bien matériel !
Nous allons, Mercredi prochain, entrer dans le temps du Carême,
période de réflexions par excellence. Et bien réfléchissons :
- Combien de temps consacrons-nous à Dieu par la prière : quelques
secondes par jour, à la dérobée ; quelques minutes le dimanche accordées
parcimonieusement si l'on arrive régulièrement en retard à l'église.
- combien de temps consacrons-nous à nos semblables en comparaison
du temps que nous réservons à notre bien-être. Et pourtant, c'est avec eux que
nous jouirons un jour d'un même bien : Dieu, et Dieu seul !
Cherchons tous, d'abord, le Royaume de Dieu et sa justice !
"Il
faut que l'on nous regarde seulement, nous disait St Paul, comme
les serviteurs du Christ et les intendants des mystères de Dieu !".
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire