Carême
1 Vendredi (Ez 18, 21-28 - Ps 129 - Mt 5, 20-26)
"Mes
pensées ne sont pas vos pensées !", dit Dieu par son prophètes Isaïe (55.8). Et aujourd'hui,
avec Ezéchiel, il nous répète : "Est-ce
ma conduite qui est déroutante ? N'est-ce pas plutôt la vôtre ?". Car
la conduite éternelle de Dieu, dit encore Isaïe (61.10) est de vouloir nous "draper dans le manteau de sa justice
!".
Et il est bien vrai que la justice de
l'homme n'est pas la justice de Dieu ! Dans la première, quand un homme a
commis une faute, un délit, on note tout dans un casier judiciaire ; et
même quand la peine encourue pour la faute a été purgée, le dossier reste, ne
bouge pas. Le coupable a pu s’amender, bien se réintégrer dans la société, le
casier judiciaire reste indélébile.
Ezéchiel nous affirme que les voies de Dieu
sont différentes ! Dieu n’a qu’un but : la vie du pécheur ! Et,
s’il se repend loyalement, tout est effacé. Dieu ne se souvient plus de
rien.
Ezéchiel est totalement dans la ligne du
prophète Osée qui affirme que le pardon divin est une véritable“
re-création“ (au
désert !),
peut être à l’origine d’une alliance, d’un amour plus beau que celui des
origines, que celui des fiançailles. Dieu est véritablement "le Dieu des pardons" (Neh. 9.17).
Et le catéchisme
de l'Eglise nous enseigne : “Le pardon que nous recevons au baptême est si
plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la
faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune
peine à subir pour les expier“ (§ 978). Et il répète ce même enseignement à
propos du sacrement de réconciliation (§ 982 ; § 983).
Le saint Curé
d’Ars avait bien raison d'affirmer : “Le plus grand plaisir de Dieu est
de nous pardonner !“ - “Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu
pour lui demander pardon ; mais c’est Dieu lui-même qui court après le
pécheur et qui le fait revenir à lui !“. Il est comme le berger qui
porte la brebis retrouvée ; bien plus, il devient, en Jésus, l’agneau qui porte
le péché du monde !
Croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à
son pardon absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres,
pécheurs ; nous sommes tellement "pure
vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu est notre seul recours, selon
l'expression des psaumes ! Dieu faisait comprendre à Catherine de Sienne : Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui
qui suis ! Si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te
tromper ; tu échapperas à tous ses pièges ; tu acquerras sans difficulté toute
grâce, toute vérité, toute clarté !".
Ce qui est merveilleux dans la Bible, c'est
que Dieu prend toujours les hommes tels qu'ils sont et là où ils en sont. Et,
grâce à son pardon incessant, gratuit, il les amène peu à peu à la perfection,
à cette perfection d'être "à son
image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité !
Et cette certitude est le
contraire de ce que l'on appelle le "perfectionnisme". Les
psychologues disent qu'une des pires maladies dont nous sommes victimes, c'est
le perfectionnisme : il s'agit de ceux qui manient un beau langage et surtout
de beaux principes. Ils ne se rendent pas compte qu'ils se "mettent le
doigt dans l'œil", parce qu'ils ne les pratiquent pas eux-mêmes. Et quand ils
s'aperçoivent qu'ils ne les pratiquent pas, ils deviennent "mauvais"
; ils passent leur temps à faire leur "mea culpa" ; et toutes les
énergies qu'ils devraient employer à progresser avec le pardon et la grâce de
Dieu, ils les retournent contre eux avec un incessant sentiment de culpabilité
qui est très loin du véritable repentir ; c'est une sorte de masochisme
spirituel ! Et comme ils n'arrivent pas à s'aimer comme Dieu les aime, tels
qu'ils sont et là où ils en sont, ils n'arrivent pas non plus à aimer les
autres ! Et cette attitude empoisonne toute l'atmosphère. Et cela est grave !
Et si la Bible nous apprend la conduite de
Dieu à notre égard, elle nous apprend également à faire comme lui : à prendre
les hommes de chair et de sang quels qu’ils soient, tels qu'ils sont et là où
ils en sont, et leur apprendre à concentrer de plus en plus, à polariser leurs
énergies dans l'amour infini de Dieu en vue d'une construction d'un monde de
justice et de paix, prélude au Royaume éternel ! L'évangile nous le rappelle
aujourd'hui !
Oui, il y a cette règle d'or que Notre
Seigneur nous a laissée : nous devons être pour les autres ce que Dieu est
pour nous ; nous comporter avec les autres avec la même gratuité miséricordieuse
que Dieu manifeste à notre égard ! C'est d'ailleurs le seul moyen
d'accueillir pour nous-mêmes le pardon de Dieu : “Lorsque tu vas présenter
ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose
contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec
ton frère, et ensuite
viens présenter ton offrande”. (Mt 5, 23-24).
"Dieu
pardonne beaucoup, a-t-on
dit, sauf à ceux qui ne savent pas
pardonner !". Et le Saint curé d'Ars d'affirmer catégoriquement : “Le
Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la
loi !“.
Je crois que nous avons tous un effort à
faire pour rétablir cette hiérarchie des valeurs. Les auteurs spirituels disent
tous que le meilleur moyen de nous faire pardonner les fautes que nous
commettons tout au long de notre existence, est d’adopter pour les autres le
comportement de bienveillance, d’accueil, et de gratuité de Dieu à notre égard,
de faire pour eux ce que Dieu fait pour nous. C'est alors que nous ressemblons
à Dieu. Car si l'erreur, la faute sont humaines, le pardon, lui, est divin
!
Il me plaît, pour terminer, de souligner
qu'ici-bas, nous sommes tous finalement de grands pauvres devant Dieu. Mais
puissions-nous être des pauvres qui nous donnons réciproquement ! En Provence,
m'a-t-on dit un jour, on appelle l'aumône qu'un pauvre peut faire à un autre
pauvre une "aumône fleurie". Soyons donc des mendiants qui
nous faisons l'aumône les uns les autres. Alors, quel bouquet merveilleux
devant Dieu !
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