vendredi 14 mars 2014

Pardonné et pardonner !

Carême 1 Vendredi        (Ez 18, 21-28 - Ps 129 - Mt 5, 20-26)

"Mes pensées ne sont pas vos pensées !", dit Dieu par son prophètes Isaïe (55.8). Et aujourd'hui, avec Ezéchiel, il nous répète : "Est-ce ma conduite qui est déroutante ? N'est-ce pas plutôt la vôtre ?". Car la conduite éternelle de Dieu, dit encore Isaïe (61.10) est de vouloir nous "draper dans le manteau de sa justice !".

Et il est bien vrai que la justice de l'homme n'est pas la justice de Dieu ! Dans la première, quand un homme a commis une faute, un délit, on note tout dans un casier judiciaire ; et même quand la peine encourue pour la faute a été purgée, le dossier reste, ne bouge pas. Le coupable a pu s’amender, bien se réintégrer dans la société, le casier judiciaire reste indélébile.

Ezéchiel nous affirme que les voies de Dieu sont différentes ! Dieu n’a qu’un but : la vie du pécheur ! Et, s’il se repend loyalement, tout est effacé. Dieu ne se souvient plus de rien.
Ezéchiel est totalement dans la ligne du prophète Osée qui affirme que le pardon divin est une véritable“ re-création“ (au désert !), peut être à l’origine d’une alliance, d’un amour plus beau que celui des origines, que celui des fiançailles. Dieu est véritablement "le Dieu des pardons" (Neh. 9.17).

Et le catéchisme de l'Eglise nous enseigne : “Le pardon que nous recevons au baptême est si plein et si entier, qu’il ne nous reste absolument rien à effacer, soit de la faute originelle, soit des fautes commises par notre volonté propre, ni aucune peine à subir pour les expier“ (§ 978). Et il répète ce même enseignement à propos du sacrement de réconciliation (§ 982 ; § 983).

Le saint Curé d’Ars avait bien raison d'affirmer : “Le plus grand plaisir de Dieu est de nous pardonner !“ - “Ce n’est pas le pécheur qui revient à Dieu pour lui demander pardon ; mais c’est Dieu lui-même qui court après le pécheur et qui le fait revenir à lui !“. Il est comme le berger qui porte la brebis retrouvée ; bien plus, il devient, en Jésus, l’agneau qui porte le péché du monde !

Croire à l'infinie miséricorde de Dieu, à son pardon absolu, c'est notre seul salut ! Nous sommes si faibles, pauvres, pécheurs ; nous sommes tellement "pure vacuité", disait le P. Sertillanges, que Dieu est notre seul recours, selon l'expression des psaumes ! Dieu faisait comprendre à Catherine de Sienne : Tu es celle qui n'est pas ; je suis Celui qui suis ! Si tu gardes en ton âme cette vérité, jamais l'ennemi ne pourra te tromper ; tu échapperas à tous ses pièges ; tu acquerras sans difficulté toute grâce, toute vérité, toute clarté !".

Ce qui est merveilleux dans la Bible, c'est que Dieu prend toujours les hommes tels qu'ils sont et là où ils en sont. Et, grâce à son pardon incessant, gratuit, il les amène peu à peu à la perfection, à cette perfection d'être "à son image, à sa ressemblance", dès maintenant et pour l'éternité !

Et cette certitude est le contraire de ce que l'on appelle le "perfectionnisme". Les psychologues disent qu'une des pires maladies dont nous sommes victimes, c'est le perfectionnisme : il s'agit de ceux qui manient un beau langage et surtout de beaux principes. Ils ne se rendent pas compte qu'ils se "mettent le doigt dans l'œil", parce qu'ils ne les pratiquent pas eux-mêmes. Et quand ils s'aperçoivent qu'ils ne les pratiquent pas, ils deviennent "mauvais" ; ils passent leur temps à faire leur "mea culpa" ; et toutes les énergies qu'ils devraient employer à progresser avec le pardon et la grâce de Dieu, ils les retournent contre eux avec un incessant sentiment de culpabilité qui est très loin du véritable repentir ; c'est une sorte de masochisme spirituel ! Et comme ils n'arrivent pas à s'aimer comme Dieu les aime, tels qu'ils sont et là où ils en sont, ils n'arrivent pas non plus à aimer les autres ! Et cette attitude empoisonne toute l'atmosphère. Et cela est grave !

Et si la Bible nous apprend la conduite de Dieu à notre égard, elle nous apprend également à faire comme lui : à prendre les hommes de chair et de sang quels qu’ils soient, tels qu'ils sont et là où ils en sont, et leur apprendre à concentrer de plus en plus, à polariser leurs énergies dans l'amour infini de Dieu en vue d'une construction d'un monde de justice et de paix, prélude au Royaume éternel ! L'évangile nous le rappelle aujourd'hui !

Oui, il y a cette règle d'or que Notre Seigneur nous a laissée : nous devons être pour les autres ce que Dieu est pour nous ; nous comporter avec les autres avec la même gratuité miséricordieuse que Dieu manifeste à notre égard ! C'est d'ailleurs le seul moyen d'accueillir pour nous-mêmes le pardon de Dieu : “Lorsque tu vas présenter ton offrande à l'autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande là, devant l'autel, va d'abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens  présenter ton offrande”. (Mt 5, 23-24).
"Dieu pardonne beaucoup, a-t-on dit, sauf à ceux qui ne savent pas pardonner !". Et le Saint curé d'Ars d'affirmer catégoriquement : “Le Bon Dieu ne pardonnera qu’à ceux qui auront pardonné : c’est la loi !“.

Je crois que nous avons tous un effort à faire pour rétablir cette hiérarchie des valeurs. Les auteurs spirituels disent tous que le meilleur moyen de nous faire pardonner les fautes que nous commettons tout au long de notre existence, est d’adopter pour les autres le comportement de bienveillance, d’accueil, et de gratuité de Dieu à notre égard, de faire pour eux ce que Dieu fait pour nous. C'est alors que nous ressemblons à Dieu. Car si l'erreur, la faute sont humaines, le pardon, lui, est divin !

Il me plaît, pour terminer, de souligner qu'ici-bas, nous sommes tous finalement de grands pauvres devant Dieu. Mais puissions-nous être des pauvres qui nous donnons réciproquement ! En Provence, m'a-t-on dit un jour, on appelle l'aumône qu'un pauvre peut faire à un autre pauvre une "aumône fleurie". Soyons donc des mendiants qui nous faisons l'aumône les uns les autres. Alors, quel bouquet merveilleux devant Dieu !

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