jeudi 27 février 2014

Richesse -Pauvreté !

7ème sem. du T.O. Jeudi

La lecture d'aujourd'hui est une forte diatribe contre les riches, contre la richesse !

On dirait que St Jacques reprend les grandes invectives du terrible Amos contre les riches de la cour de Samarie. Et il est vrai que Notre Seigneur lui-même sera d'une intense sévérité vis-à-vis de la richesse. Il suffit de nous rappeler la "parabole du riche et du pauvre Lazare".

Mais pour nous, pour vous qui avez fait "vœu de pauvreté", pour un chrétien, qu'est-ce que la richesse ?

En bien des endroits de l'Evangile, Jésus souligne que la racine de la richesse qui engendre moult injustices atroces, c'est l'amour de soi-même, c'est l'égoïsme, l'amour de soi au détriment de l'amour de Dieu et, par voie de conséquence, au détriment der l'amour du prochain. En ce sens, "le Moi est haïssable !".

Et toute la pédagogie de Dieu à l'égard de son peuple, toute la pédagogie du Christ à l'égard de chacun de nous consiste à nous faire sortir de nous-mêmes, de cet "ego haïssable" pour nous tourner vers l'Autre qu'est Dieu, et, en même temps vers les autres. Cette pédagogie divine inspirera St Benoît, une pédagogie qui consiste à nous faire progresser jusqu'à "aimer comme Dieu aime !".

Ce n'est que progressivement qu’on arrive à "aimer comme Dieu aime !".

Un enfant est d'abord un être "égocentrique". Il a besoin, pour croître, d’un égocentrisme nécessaire : s’il n'arrive pas à s’aimer lui-même, à cause de certaines circonstances familiales ou autres, il ne pourra jamais aimer les autres.
Mais au fur et à mesure qu’il grandit, sa personnalité prend de la consistance ; il devient accueillant, capable d’intégration.
Et alors normalement, l’état adulte, d’après ce que disent les psychologues, se caractérise par la relation, par l'oblation de soi-même !

Eh bien, chez le peuple de Dieu, il y a une croissance analogue tout au long de l'"Histoire Sainte" :
il y a d'abord un peuple qui, pour garder son identité (telle qu’il l’a acquise au Sinaï et dans la traversée du désert), ne trouve pas d’autres moyens que de pratiquer (à la façon égocentrique d'un enfant) le "ḥerem", l’anathème vis-à-vis des populations du pays dont il prend possession : les cananéens, par exemple, qui avaient des mœurs épouvantables.
Et puis, au fur et à mesure qu’il grandit, il devient capable d’intégration, d’accueil.
Et - en allant très vite - à la plénitude des temps, St Paul part répondre à l’attente des îles lointaines : "Tout est à vous, vous êtes au Christ. Et le Christ est à Dieu !". Une puissance d’intégration..., une puissance de tout récapituler dans l’unité posée au centre : le Christ... Dieu !

Et bien, nous sommes tous à des étapes semblables. Normalement, une personnalité se construit ainsi en suivant ces étapes. C’est important de voir cela ! Et, au fond, ce qui fait la perfection de l’Ancien Testament, c’est précisément son imperfection. Si Dieu avait donné d’un seul coup, à ce ramassis d’esclaves qui sortaient d’Égypte la Loi parfaite, cette "Loi d'amour" (aimer comme Dieu aime) aurait glissé comme de l’eau sur les plumes d’un canard.
Et c’est justement parce que Dieu a pris ce peuple tel qu’il était et là où il en était (c'est encore sa façon de nous prendre chacun d'entre nous!), qu’il l’a éduqué progressivement par cette pédagogie dont nous apprenons les lois…

Et dans le Nouveau Testament, c’est encore plus merveilleux : le Christ donne au fur et à mesure qu’on est capable de porter… Et même, il dit avant de quitter ses apôtres : "J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous n’êtes pas encore capables de les porter… l’Esprit vous mènera vers la vérité tout entière….".

Si l'on a compris que la Bible est une pédagogie irremplaçable, alors, à l’école des apôtres, des évangélistes, des Pères de l'Eglise, à l'école de St Benoît, à l'école de l'Eglise elle-même qui, grande éducatrice, nous fait suivre les progressions de cette pédagogie divine, nous arrivons peu à peu à nous détacher des richesses, c'est-à-dire à nous détacher de nous-mêmes pour nous offrir et à Dieu et à nos frères !

Voilà notre idéal. C'est l'idéal de la vie chrétienne et donc de la vie monastique : nous débarrasser des richesses de ce monde, c'est-à-dire nous débarrasser de nous-mêmes pour vivre de la vie même Dieu. Or "Dieu est Amour !", aimait à répéter St Jean.

Ne soyons pas étonnés parfois de nos lenteurs...!
Dieu est un grand pédagogue à notre égard. Il use de patience envers nous. Mais il nous mènera au but, à Lui-même.

Et nous allons répétant avec persévérance les mots de la célèbre parabole du "pèlerin russe" : "Je n'ai rien, Je ne suis rien ; Je ne désire qu'une chose : arriver à Jérusalem pour être avec le Christ, avec le Christ en gloire !".

Aucun commentaire: