mercredi 12 mars 2014

Le signe de Jonas !

Carême 1 - Mercredi 14/A -

Je crois avoir eu l'occasion de parler plusieurs fois du livre de Jonas. C'est un petit livre merveilleux d'une théologie peu académique, plutôt "humoristique" parce qu'il nous fait rire avec son invraisemblable histoire de poisson et les réactions du prophète face aux gens de Ninive. Oui, il peut nous faire rire, ce petit livre et sourire, mais "sourire jaune" comme l'on dit !

Car son enseignement frôle la pensée des évangiles, cette pensée exprimée aujourd'hui par notre passage d'évangile selon St Luc. Et cette pensée est celle-ci : des païens d'aujourd'hui - comme la reine du midi dont il est question, comme les gens de Ninive, comme ceux qu'a rencontrés St Luc en ses voyages apostoliques avec St Paul - bref des païens peuvent nous devancer dans le Royaume de Dieu et nous condamner lors du jugement, nous qui faisons "profession de foi" au Christ en étalant trop facilement parfois, et avec orgueil, suffisance, notre consécration à Dieu ! Tout orgueil, quel qu'il soit, nous éloigne de Dieu et éloigne de Dieu nos frères ! Dans toute la Bible, c'est le péché par excellence ! 

D'après les "savants" - les exégètes - ce livre de Jonas aurait été publié à une époque où le peuple élu, de retour d'exil après l'édit de Cyrus, était faible et avait tendance à se replier sur lui-même pour mieux défendre son identité. Attitude psychologique compréhensible ! Mais le repliement sur soi est toujours un "mauvais conseiller" ; car cette attitude est le contraire même de Dieu qui, nous dira St Paul dimanche prochain, "nous a donné une vocation sainte, non pas à cause de nos propres actes, mais à cause de son projet à lui - un projet d'amour - et à cause de sa grâce" (2 Tm 1.9). Ainsi donc, ce petit livre de Jonas - un livre d'une ouverture de vue peu commune - aurait été écrit à l'époque où avec Esdras, Néhémie..., on expulse les femmes étrangères et où on multiplie les règlements pour se mettre à l'abri des influences étrangères !

On le voit : à cette époque, se manifestent deux courants absolument antagonistes : celui d'un repliement sur soi avec rejet des autres, et, au contraire, avec le livre de Jonas, celui d'une ouverture aux autres... appelés, eux aussi, à connaître le Seigneur de l'univers !

Et il est bon de remarquer que souvent au cours de l'histoire, Dieu s'arrange pour que sa révélation se fasse par des courants antagonistes. On les croit totalement opposés, parallèles. En fait, ils sont légèrement convergents. Et ils se réunissent à un niveau où notre intelligence a encore du mal à parvenir !
C'est tout le problème - très agaçant apparemment - de ceux qu'on appelle avec plus ou moins de justesse, les "intégristes", et les "progressistes". 
Les "intégristes sont des égoïstes orgueilleux ; 
les "progressistes" sont des orgueilleux égocentriques ! 
Et Dieu n'aime pas les orgueilleux ; il n'aime pas que l'on se mette à sa place avec orgueil, ni par "intégrisme", ni par "progressisme" ; il s'agit d'être toujours de humbles "progressants" dans l'amour de Dieu manifesté par le mystère pascal du Christ que nous fêterons prochainement. Le pape Benoît XVI, face à bien des difficultés, fut, me semble-t-il, un grand modèle de cette humilité constructive !
Certes, il faut avoir des convictions, celles que Dieu nous manifestent avec grande pédagogie tout au long de l'histoire - ce que les Orientaux appelle "l'économie divine" - ; mais il faut, en même temps, respecter les autres, tous les autres, être ouverts aux autres ; car eux aussi - quels qu'ils soient - sont appelés à la communion avec Dieu ! 

Ainsi donc, au retour d'exil - période très difficile -, il y a des prophètes inspirés - tels Esdras, Néhémie - qui ont, disons, une "politique de préservation". Et en même temps, Dieu suscite l'auteur de livre de Jonas qui montre que même aux païens, Dieu leur envoie un petit prophète, un tout petit prophète. Et les païens se convertissent humblement, tandis que le peuple a tendance à se retrancher, par orgueil, en des convictions égoïstes.

Tous, nous avons beaucoup à apprendre sur ce sujet, me semble-t-il. Car on est tous aux prises avec des courants antagonistes, même à l'intérieur d'une Communauté. Ces courants ne pourront se résoudre que dans l'humilité, cette humilité manifestée par le Christ jusque sur la croix. Lui, de condition divine, du haut de cette croix, il nous redit de n'être animés par aucun orgueil, de n'être ni "intégristes", ni "progressistes", mais d'être sans cesse de humbles "progressants" dans l'amour de Dieu. Ste Thérèse de l'Enfant Jésus avait bien compris cela avec son âme immensément missionnaire : elle priait pour les "prophètes" que Dieu envoyait - comme il avait envoyé Jonas - dans le monde entier !

Ainsi donc, le livre de Jonas, ce n'est pas l'histoire d'une baleine ! C'est l'histoire de la conversion des païens
Et si on lit attentivement les évangiles, on voit Jésus, le "Prophète" de Dieu par excellence, aller en Décapole où il convertit un païen qui parle aussitôt de la "Bonne Nouvelle" en son pays ! Revenu à Capharnaüm, "carrefour des nations", il parle des veuves de Sarepta qui sont à l'ouest ; il parle de Naaman, le Syrien, pays qui est à l'est. Il entraîne ses disciples jusqu'au pied de l'Hermon, au nord, terre païen s'il en fût ! Et c'est là que l'Eglise est fondée avec la profession de foi de Pierre... !

Et l'Eglise sera toujours, doit toujours être le "Signe de Jonas" qui s'exprime et s'explicitera jusqu'à la fin des temps !
Et si notre petite intelligence a du mal non pas tellement peut-être à comprendre intellectuellement, mais à transmettre l'amour de Dieu en tous lieux et en toutes circonstances comme Jonas et surtout comme le Christ l'a fait lui-même, demandons fortement à Dieu, surtout en ce temps de Carême, de nous y aider !

Comme nous l'en avons prié dimanche dernier : "Accorde-nous, Dieu tout-puissant, tout au long de ce carême, de progresser dans la connaissance de Jésus Christ et de nous ouvrir à sa lumière...", lui qui est mort pour tous les hommes.

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