21 Mars 2014 - "Transitus"
de St Benoît ("Mort-naissance" de St
Benoît)
Messe propre aux Bénédictins !
La première lecture, en cette
fête de St Benoît, nous redit cet appel que Dieu a lancé à Abraham, qu'il a
lancé à St Benoît, qu'il ne cesse lancer à chacun d'entre nous : "Pars" - ou plutôt
littéralement, comme j'ai eu l'occasion de le souligner déjà -, "Pars pour toi !" ; "Pars pour ton bonheur !".
Notre Dieu n'est pas un Dieu
captatif comme peut l'être parfois un amour humain - paternel, maternel,
conjugal ou même amical -, ce genre d'amour que nous pouvons manifester parfois
nous-mêmes, ce genre d'amour fraternel qui n'est qu'un prétexte, voire une
occasion à n'aimer que soi-même ! L'amour de Dieu n'est pas un amour qui dit en
quelque sorte : "Viens ici ; tu m'appartiens !". L'amour divin,
au contraire, est un amour qui s'exprime ainsi : "Va pour toi ! Va
librement ton chemin ; épanouis tout ce que j'ai mis en toi quand je t'ai créé
à ma ressemblance !".
Certes, ce
chemin, parce qu'il est "chemin de liberté" - Dieu nous disant
toujours : "Si tu veux !"
- n'est pas sans embûches, sans dangers de toutes sortes, sans fatigues
multiples. St Paul qui en a fait fréquemment l'expérience, le répète souvent
dans ses lettres.
Et le grand
Bossuet, dans son panégyrique de St Benoît, le souligne en son grand style : "Toute la perfection de l’Evangile,
toute la discipline chrétienne, toute la perfection monastique est entièrement
renfermée dans cette seule parole : “Egredere”, “Sors”. - "Pars
!", Pars pour toi !"...
La vie du chrétien est un long et infini voyage durant le cours
duquel, quelque plaisir qui nous flatte, quelque compagnie qui nous divertisse,
quelque ennui qui nous prenne, quelque fatigue qui nous accable, aussitôt que
nous commençons à nous reposer, une voix s’élève d’en haut qui nous dit sans
cesse et sans relâche : “Egredere” – “Sors”, et nous ordonne de marcher
plus outre. - Telle est la vie chrétienne,
et telle est par conséquent la vie monastique. Car qu’est-ce qu’un moine
véritable, un moine digne de ce nom, sinon un parfait chrétien ? Faisons donc voir aujourd’hui dans le Père et
le législateur et le modèle de tous les moines, la pratique de ce beau précepte".
Et Bossuet
de remarquer les trois pays où nous sommes tentés de nous arrêter :
- le pays
du plaisir des sens auquel on doit résister par l'esprit de pénitence
auquel nous convie St Benoît dès l'entrée au monastère ;
- le pays
de la satisfaction de soi-même que doit combattre la pratique de
l'obéissance ;
- et enfin le
pays de l'orgueil à la vue de ses propres progrès spirituels, ce qui doit
être radicalement anéanti par une véritable humilité et devant Dieu et devant
ses frères !
C'est alors
que nous pouvons partir - "Pars !" - et faire le grand pèlerinage de
notre vie terrestre avec ce conseil d'un grand pèlerin ("Parabole du pèlerin"
de Hilton) d'avoir
toujours en son cœur et parfois sur les lèvres ces seuls mots : “Je ne suis rien, je n'ai rien, je ne désire
qu'une seule chose, et c'est Notre Seigneur Jésus ; et d'être avec lui dans la
paix, à Jérusalem !”.
L'humilité
dit : “Je ne suis rien, je n'ai
rien” ; et l'amour : “je ne
désire que Jésus !”.
Le chrétien
- et a fortiori le moine - traversera alors soucis, souffrances, tentations
même, avec la joie dans le cœur ! St Paul nous le dit dans la seconde
lecture (Phil.
4.4-9). Et notre
pape François ne cesse de le répéter et par sa parole - son "Evangile de
la joie" - et par le témoignage de son attitude toujours souriante. Comme
St Paul, il nous redit : "Réjouissez-vous
dans le Seigneur, en tout temps. Je le répète : réjouissez-vous ! ...
Le Seigneur et proche !".
Pour
l'apôtre, la source de cette joie, c'est la proximité du Seigneur ! Le
Seigneur est toujours là, près de nous, avec nous, en nous ; et, un jour, il
nous sera pleinement manifesté. Ce ne sera pas un jour de deuil, mais un jour
de naissance - "dies natalis", disaient les Anciens ! -, le jour de
notre naissance plénière en la vie même de Dieu ; c'est ainsi que nous fêtons
aujourd'hui celui de St Benoît !
Alors,
ajoute l'apôtre, "la paix de Dieu
qui surpasse toute intelligence gardera vos cœurs et vos pensées en
Jésus-Christ !". Il précise même : "Tout
ce que vous avez appris - ce qui est noble, juste, tout ce qui mérite
l'éloge -, tout ce que vous avez reçu
(du Seigneur), mettez-le en pratique. Et
le Dieu de la paix sera avec vous !".
Lorsque l’unité, l’harmonie et
l’ordre sont établis dans l’âme, lorsque le désaccord avec Dieu, avec nos
frères, avec nous-mêmes a cessé, alors nous avons la paix ! La paix n’est pas la paresse, ni un faux
désintéressement ; c’est l’attitude que prend spontanément notre âme unie
à Dieu dans la charité. La paix est le fruit de l'amour, de la charité.
Oui, la paix, comme la joie,
n’est pas précisément une vertu, mais le fruit de la plus haute des
vertus : la paix est la fille de la charité. Il faut la chercher
comme un trésor caché. Il faut la poursuivre au besoin. Parfois elle a l’air de
fuir ; il ne faut pas s'en irriter, s’irriter de ses lenteurs qui
d’ailleurs ne sont peut-être que nos lenteurs à nous. Il n’y a jamais motif à
sortir de cette paix : ni événements, ni souffrances, ni fautes
même ; car on ne corrige pas des erreurs avec du désordre ; et le
repentir n’est pas le trouble.
L’apôtre Paul envisage la paix
comme un lien très fort qui maintient notre âme près de Dieu : “la paix de Dieu qui surpasse toute
intelligence gardera vos cœurs et vos pensées en Jésus Christ”. La paix est
tout à la fois récompense, fruit, indice et facteur de notre vie intérieure
ancrée en Dieu !
C'est alors
que nous pouvons comprendre cette parole de Jésus s'adressant à son Père : "Je leur ai fait connaître ton nom et je le leur ferai
connaître, pour que l'amour dont tu m'as aimé soit en eux et moi en eux". La paix qui est le signe de notre intimité avec le Seigneur,
nous fait déjà entrer en la vie de Dieu-Amour, en la vie de Dieu-Trinité, avant
d'y parvenir plainement, à l'exemple de St Benoît dont nous fêtons, avec joie,
son entrée au ciel !
Si nous savions vraiment le don de Dieu !
"Il est une créature, s'écriait la Bienheureuse Elisabeth de la Trinité (de Dijon), il est une créature qui connut ce don de
Dieu, qui n'en perdit pas une parcelle, une créature qui fut si pure, si
lumineuse qu'elle semble être la lumière elle-même : "Speculum
justitiae" (miroir de justice) ; une créature dont la vie fut si simple, si perdue en Dieu que
l'on ne peut presque rien en dire : "Virgo fidelis", c'est la Vierge
fidèle, celle qui "gardait toutes choses en son cœur" !"...
Aussi, en ce
Prieuré "La Paix Notre-Dame", en union avec St Benoît, prions
Marie, comme le faisait Marthe Robin
"O Mère bien-aimée,
toi qui connais si bien les voies de la sainteté et de l'amour,
apprends-nous à élever souvent notre esprit et notre cœur vers la Trinité,
à fixer sur elle notre respectueuse et affectueuse attention.
Et puisque tu chemines avec nous sur le chemin de la vie éternelle,
ne demeure pas étrangère aux faibles pèlerins que nous sommes...
toi qui connais si bien les voies de la sainteté et de l'amour,
apprends-nous à élever souvent notre esprit et notre cœur vers la Trinité,
à fixer sur elle notre respectueuse et affectueuse attention.
Et puisque tu chemines avec nous sur le chemin de la vie éternelle,
ne demeure pas étrangère aux faibles pèlerins que nous sommes...
Que rien ne puisse jamais troubler notre paix ni nous faire
sortir de la pensée de Dieu ;
mais que chaque minute nous emporte plus avant dans les
profondeurs de l'insondable mystère, jusqu'au jour où notre âme, pleinement
épanouie aux illuminations de l'union divine, verra toutes choses dans l'éternel
amour et dans l'unité !".
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