samedi 8 mars 2014

Shabbat - Dimanche - Férie... !

Samedi après les Cendres 2014 - 

La lecture de ce jour fait suite à celle d’hier. Il s’agit toujours de savoir quel est le jeûne qui plaît à Dieu et, en général, de chasser de la religion tout formalisme, toutes pratiques par lesquelles on rassure notre conscience tout en continuant à faire des fautes plus ou moins importantes, à nous ancrer dans des habitudes peu salutaires !
"Malheur à vous, scribes et Pharisiens hypocrites, qui acquittez la dîme de la menthe, du fenouil et du cumin, après avoir négligé les points les plus graves de la Loi, la justice, la miséricorde et la bonne foi" (Mt 23.23).
Tout le chapitre 23ème de l’Evangile selon St Mathieu est plein de terribles malédictions de ce genre contre ceux qui filtrent le moustique et avalent le chameau !

Isaïe condamne surtout les attitudes de violence : "Faire disparaître du pays le joug, le geste de menace, la parole malfaisante". On peut faire beaucoup de mal par la parole, lorsqu’elle n’est pas constructive et lorsqu’elle n’est pas dite "en temps opportun" (in tempore opportuno", dit St Benoît !). On peut, en sens inverse, transformer l’atmosphère d'une famille, d’une communauté quand on cultive le respect, la courtoisie, l’amabilité et la délicatesse. Il faut cependant ajouter que le silence peut être parfois pire que la parole : se taire de façon hypocrite ou par intérêt, timidité... Cela arrive même en Eglise... ! Et on en connaît les conséquences !

Peut-être a-t-on gardé les derniers versets de ce chapitre 58ème d’Isaïe pour un "samedi", afin de nous rappeler l’importance du Shabbat, du dimanche pour nous. Là encore peut se glisser le formalisme. Je pense à la scène que nous rapporte St Marc en son chapitre 3ème  :
"Jésus entra de nouveau dans une synagogue, et il y avait là un homme qui avait la main desséchée.  Scribes et pharisiens l'épiaient pour voir s'il allait le guérir, le jour du shabbat, afin de l'accuser. Il dit à l'homme qui avait la main sèche : "Lève-toi, là, au milieu !". Et il leur dit : "Est-il permis, le jour du shabbat, de faire du bien plutôt que de faire du mal, de sauver une vie plutôt que de la tuer ?". Mais eux se taisaient. Promenant alors sur eux un regard de colère, navré de l'endurcissement de leur cœur, il dit à l'homme : "Étends la main". Il l'étendit ; et sa main fut remise en état. Étant sortis, les Pharisiens tenaient aussitôt conseil avec les Hérodiens contre lui, en vue de le perdre" (Mc 3.1-6).

L'importance du Shabbat, du Dimanche, est de se rappeler, mieux que tous les autres jours, que nous sommes des créatures, que nous sommes bénéficiaires d’un salut éternel. Le Dimanche n’est pas un jour où on se repose pour mieux travailler le lendemain ; c’est un jour qui préfigure le repos éternel de Dieu en lequel nous sommes appelés à entrer totalement un jour.

L’Evangile nous parle de la conversion du douanier. Etait-ce un jour de Shabbat, ce jour où cet homme d’affaire, sur l’invitation de Jésus, abandonnant tout, se mit à le suivre ? En tous les cas, il organisa un grand festin pour ses amis, publicains et pécheurs, au grand scandale des biens pensants, évidemment. Le texte ne dit pas que ce fut un jour de Shabbat. Mais peu importe finalement !

Car - il faut se le dire et se le redire -, il peut y avoir une couleur de Shabbat (une couleur du Dimanche) chaque jour de la semaine, quand, toute affaire cessante, on consacre à Dieu seul ne serait-ce que quelques instants, quelques instants pour nous mettre sous son regard.
D'ailleurs, traditionnellement en terre chrétienne, on ne dit pas lundi, mardi mercredi,…etc. ! C'est une façon très païenne de désigner ainsi les jours de la semaine : lundi, c'est le jour de la Lune ; Mardi, celui de Mars ; Mercredi, celui de Mercure ; Jeudi, celui de Jupiter ; Vendredi, celui de Vénus ! Elle est affreuse cette appellation des jours de la semaine quand on a compris la signification du chapitre premier de la Genèse, cette structuration du temps en fonction du shabbat, du repos (actuel et surtout à venir) en Dieu !

Chrétiennement on dit "féria prima, secunda, tertia…." etc. Par ce mot de férie (1), on signifie qu’il y a un peu de la coloration du Shabbat (du Dimanche) chaque jour de l’existence surtout depuis que le Christ par sa résurrection a créé une "tête de pont" par delà l’absurdité de la mort jusque dans le "repos de Dieu". (2)
En ce repos, le Christ est entré éternellement, ce qui a été manifesté par la fulgurante lumière du matin de Pâques. Or, étant incorporés à lui par le baptême, nous sommes en train, avec lui, par lui, en lui, d'entrer dans ce jour lumineux du "repos" en Dieu. Aussi, Isaïe nous redit aujourd'hui, en ce temps ténébreux du Carême : "Ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera comme la lumière de midi".

(1) "Férie qui veut dire d'abord "libre", libre de toute fête du sanctoral, puis conséquemment libre de tout travail... On parle alors de "jour férié !".

(2) Personnellement, j'aime bien les jours de férie, les jours que j'appelle "sans religion", entendons sans la "religion particulière" de la fête d'un Saint. Parce que - je le dis avec humour - les jours de fête sont quand même plus fatiguants. Prenez la fête de St Benoît. Il faut alors se rappeler sa vie, sa vocation, ses fondations, et surtout son enseignement ; d'ailleurs, tout l'office de sa fête nous y porte. C'est bien, très bien, magnifique, mais fatiguant. Si c'est St François d'Assise que l'on honore, il faut quand même creuser la signification de son mariage avec Dame Pauvreté ! C'est bien, très bien, magnifique, mais fatiguant. Tandis qu'avec les jours de férie, les jours "sans religion particulière", nous entrons déjà, nous sommes déjà dans "le repos de Dieu" ! Et cela me ravit ; mais c'est une opinion tout-à-fait personnelle que j'exprime...

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