3e
Semaine de Carême - Jeudi 2014.
La
lecture et le psaume d'aujourd'hui ne font que commenter les textes de dimanche
dernier. Ils nous rappellent l'importance de l'"écoute" !
Ecouter la voix du Seigneur pour suivre ses conseils. "Ecouter" et
"obéir" ! C'est le même mot en hébreu (comme pratiquement en grec
et latin (1).
Ne
pas suivre la voix du Seigneur, ses conseils, c'est, avant tout, la conséquence
d'un manque d'écoute : "Ils
ne m'ont pas écouté, ils n'ont pas prêté l'oreille, ils ont raidi leur cou !".
Je
me souviens que c'est le P. Bernard Couroyer (2) qui a démontré que le
contraire de "prêter l'oreille", c'est, en effet, d'"avoir la nuque raide", de
ne pas savoir s'incliner humblement "pour tendre l'oreille",
de se raidir !
Israël
est ainsi souvent désigné comme "un peuple à la nuque raide".
Il est comme l'homme qui ne s'incline pas pour tendre l'oreille, qui se tient
"droit dans ses bottes", comme l'on dit, "raide comme la
justice", comme s'il avait avalé un parapluie qu'il sait très bien
déployer d'ailleurs en cas de danger, regardant hommes et évènements de sa
hauteur (même
s'il est tout petit !).
Ne
pas écouter, c'est toujours le propre de l'orgueilleux, de l'infatué qui,
parfois, devient arrogant, toujours fier de lui-même et, de ce fait, dédaigneux
et de Dieu et des hommes... ! Il est le seul "parfait" et veut
surtout qu'on le reconnaisse... ! Bref, il se prend pour Dieu lui-même ! Ce fut
l'attitude d'Adam et de tous les "Prométhée" à travers les siècles.
Pourtant,
"prêter l'oreille", c'est l'une des attitudes les plus importantes
! La tradition philosophique (3) et rabbinique souligne que nous avons bien
deux oreilles et qu'une seule bouche. Vous pourrez vous-mêmes en tirer
bien des conclusions ! Aussi, St Benoît avait-il raison de commencer sa
"Règle" par cette recommandation : "Ecoute, mon fils, les préceptes du Maître et tends l'oreille
de ton cœur !".
Il
est vrai, comme le soulignaient les textes de dimanche dernier, que nous
sommes souvent découragés comme les Hébreux à l'étape de Rephidim où il n'y
a pas d'eau, comme la Samaritaine désabusée de sa vie et pourtant assoiffée. Ou
comme les Hébreux encore à l'étape des "eaux amères" qu'ils ne
peuvent boire (Ex
15).
Aussi récriminent-ils : "Qu'allons-nous
boire ?".
Et
la vie elle-même devient alors "amère".
Comme
pour Noémie (4) qui demande : "Ne
m'appelez plus "Noémie l'agréable" ; appelez-moi : "Mara",
car Dieu m'a rendu la vie amère !" (Rth 1.20).
Ou
encore comme le roi Ezéchias très malade. Le prophète Isaïe (Is 38) vient le visiter ;
et pour toute consolation, il lui dit qu'il n'en a plus pour très longtemps à
vivre. Comme consolation, ce n'est pas terrible ! Alors, le roi lui répond : "Amère, pour moi, est mon amertume
!" - "Mar li mar !" - ce qui pourrait se traduire : "J'en ai marre, mais vraiment marre
!". C'est notre langage, n'est-ce pas ? "Mar li mar !".
Au
fond, quand, assoiffé, l'homme se trouve "dans un désert de vie", il
est normal qu'il râle... et qu'"il en a marre" ! Il ne faut quand
même pas trop s'en étonner ! Nous ne sommes pas encore arrivés au but de notre
vie ; nous ne sommes qu'en chemin. Et il est normal que les "dura et
aspera" (les
duretés et aspérités)
du chemin nous fassent mal et nous fassent crier parfois notre amertume ! "Mar li mar !" - "J'en ai
marre" en mes eaux de "mara" !
Alors,
que nous répond Dieu ? Le psaume nous le dit : "Aujourd'hui, si vous écoutez Sa voix, ne soyez pas comme à Mara...!". - "Oui, il est notre Dieu et il nous
conduit...". Il est notre "rocher",
ce "rocher", nous a rappelé la lecture de dimanche dernier, d'où va
couler une eau abondante en notre désert de vie. Alors, "approchons de lui en rendant grâce !"
A
Moïse, est-il dit, "Dieu montra un
morceau de bois". [Etait-ce déjà le bois de la croix ?]. "Moïse le jeta dans l'eau" [était-ce déjà l'eau
du baptême ?] ; "et l'eau devint douce !".
Et,
ajoute le texte : "Là, il leur
donna un précepte !" - "Sham sam lo rok !". - Quand on
rencontre ainsi des onomatopées qui se suivent, on sent qu'elles veulent
traduire un enseignement qui devait trouver son application en bien des
situations tout au long des âges. Aussi, cet enseignement se transmettait-il
oralement et facilement par ces procédés sonores de langage [comme chez nous
quand on appelle le coq le "cocorico", mot d'orgueil, compréhensible en bien des
langues].
Ce n'est qu'ensuite que ces onomatopées furent enchâssées, comme un refrain,
dans des récits qui décrivaient des situations analogues !
Et
c'est souvent qu'il nous est dit dans nos découragements : "Sham sam lo rok !" -"Là, Dieu leur donna un précepte !".
A travers nos amères amertumes qui nous font crier : "Mar li mar !" - "J'en ai marre !".
Et
quel fut ce précepte ? La suite le dit formellement comme notre psaume : "Si tu écoutes bien la voix du
Seigneur ton Dieu..., je ne t'infligerai aucune des maladies que j'ai
infligées à l'Egypte, car c'est moi le Seigneur qui te guéris !".
Ici, c'est le mot "rapha" d'où vient le prénom de l'ange dans le
livre de Tobie : "Raphaël" - "Dieu guérit !". C'est lui
notre véritable médecin !
Autrement
dit, si l'on écoute bien la voix du Seigneur, - surtout en nos
difficultés de vie -, nous sommes assurés que Dieu vient nous guérir. Il vient nous
guérir et nous guider tout au long de nos étapes de vie, comme il l'a fait pour
son peuple dans le désert.
Une
des images de Dieu qui revient le plus souvent dans la Bible, c'est l'image de
Dieu-Berger : "Le Seigneur est mon
Berger ; rien ne me manque ; sur des prés d'herbe fraîche, il me fait reposer ;
vers les eaux du repos, il me mène ; il y refait mon âme !" (Ps. 23).
"Si tu écoutes
sa voix... !". Alors, nous faisons l'expérience d'un Dieu qui, comme
le bon pasteur, s'occupe des brebis qu'il connaît chacune par son nom propre !
Oh
! Si nous pouvions dire, chaque jour, avec grande conscience, les mots du
prophète Isaïe : "Le Seigneur Dieu
éveille chaque matin mon oreille pour que j'écoute comme un disciple. Le
Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille ; et moi, je n'ai pas résisté, je ne me suis
pas dérobé !" (Is
50.4).
Et
le psaume 40ème nous fait chanter : "Tu ne voulais ni sacrifice ni oblation, tu m'as ouvert l'oreille
!". Chose curieuse : dans les Septante et dans la lettre aux Hébreux (10.7-8), là où il est
écrit : "Tu m'as ouvert l'oreille,
tu m'as creusé l'oreille", on lit : "Tu m'as formé un corps !". Comment est-on passé de
l'oreille au corps ? Je ne sais pas. Mais c'est une allusion, bien sûr, à l'Incarnation
du Verbe de Dieu, l'Incarnation de la "Parole de Dieu"
qu'il nous faut sans cesse accueillir !
C'est
dire finalement que pour bien écouter, devenir disciple du Christ, il faut,
comme l'a si bien recommandé le Concile Vatican II, nous nourrir
inlassablement aux deux "tables" : celle de la Parole et celle de
l'Eucharistie qui nous donne le "Corps du Christ" !
C'est
alors que nous aussi, nous deviendrons de plus en plus membres de ce
"Corps du Christ", membres du "Verbe de Dieu" venu sur
terre pour accomplir parfaitement la volonté du Père ! Et nous irons proclamant
: Seigneur, "que ta volonté soit
faite sur la terre comme au ciel !".
(1) Ecouter et obéir. En grec :
"akouein" et "upakouein" ; en latin : "audire" et
"obaudire".
(2)
o.p., professeur de copte et d'arabe à l'école biblique de Jérusalem au dernier
siècle
(3)
Aristote dans son "De natura rerum".
(4)
Cf. le beau livre de Ruth
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire