2ème Dimanche de Carême 20.
A
Malgré les
apparences, l'évangile d’aujourd’hui n'est pas un récit incompréhensible.
Seulement, les images employées forment un bouquet d'allusions à l'Ancien
Testament, allusions qui veulent expliquer, éclairer…
De plus, ce
récit est un immense souvenir de ceux qui ont voulu raconter cet
indicible épisode de Jésus soudainement illuminé de divine lumière.
- Quelle
expérience ont-ils donc faite ce jour-là, Pierre, Jacques et Jean, ces trois apôtres choisis
pour être les témoins de cet événement extraordinaire ?
- Et nous,
en quoi cela nous concerne-t-il ?
D’abord, quelle
fut l’expérience des trois disciples ?
Pour
tenter de comprendre, faisons appel à nos propres expériences. Ne
connaissez-vous pas une femme, un homme, qui sont des êtres radieux. De leurs
yeux, de tout leur être, émane une joie lumineuse. Lorsqu'on les approche,
c'est lumineux.
On voit
... Qu'est-ce qu'on voit au juste ? C'est difficile à dire : une richesse
intérieure qui déborde ..., comme une certitude qui réconforte et donne sens à
la vie ! Oui, une certitude de vie !
Et bien, Pierre, Jacques et Jean ont fait une expérience analogue, mais
infiniment plus exceptionnelle encore !
Jésus
vient d’annoncer sa mort. Avant de prendre le chemin cruel de
Jérusalem, il emmène avec lui ses trois disciples. Il va sur la montagne pour
prier. Et c'est en ce moment d'intimité avec Dieu, son
Père, que
son visage devient autre.
Un
instant, celui qui va mourir laisse rayonner son mystère de vie, une vie
plus forte que la mort !
C'est pour
décrire cela que l'évangéliste a accumulé les images : blancheur éclatante,
lumière, gloire, nuée, montagne...
C'est,
dans l'Ancien
Testament, le décor habituel de toutes les apparitions divines.
De plus,
Moïse et Élie - ces deux
privilégiés des apparitions divines -
sont là pour signifier que Jésus est bien celui qu'on attendait, celui que le
grand législateur (Moïse) et le grand Prophète (Elie) avaient annoncé !.
Et pour renforcer
cette certitude, la voix du Père proclame : “C'est
lui, c'est lui mon Fils bien-aimé. Écoutez-le!”.
Les yeux des apôtres s'ouvrent :
- une
immense évidence se met à resplendir.
- Une
certitude se fait sentir. Oui, cet homme vient de Dieu. Il est celui qu'on
peut écouter avec foi, espérance, amour, même s'il a parlé de souffrir, de
mourir.
Car il
faut le noter : cette apparition du Christ glorieux vient au bon
moment : Jésus transfiguré avant d'être défiguré !
- La foi
des disciples avait bien besoin d'être fortifiée avant la tourmente de la
passion,
- leur espérance
accrue avant l’anéantissement apparent,
- leur amour
exalté avant la disparition et la dispersion !
Voilà
l'expérience que Pierre, Jacques et Jean ont faite ce jour-là. Pas étonnant
qu’ils auraient bien voulu en rester là... : “Vite, dressons trois tentes...”.
Mais quand ils se relevèrent,
ils ne virent
plus que Jésus seul.
- Jésus
seul : son visage est celui qu'ils ont toujours vu.
- Jésus
seul : qui prend le chemin cruel de Jérusalem.
- Jésus
seul : que les apôtres verront, torturé, défiguré.
C'est que
le moment de transfiguration ne dure qu'un
instant... il
n'est là que pour éclairer les moments de défiguration. La Transfiguration,
c'est comme une éclaircie qui ne supprime pas la nuit, mais qui l'éclaire.
Mais en quoi ce récit nous concerne-t-il ?
Aujourd'hui,
y a-t-il, pour nous, des moments de transfiguration ?
Et bien, des
chrétiens ont l'audace d'affirmer que Dieu continue de susciter des êtres
radieux qui transfigurent le monde, et des moments lumineux qui percent les
ténèbres.
Oh ! Je ne
le sais que trop : il y a impertinence à parler de transfiguration avec insouciance. Quand on songe à la
somme de douleurs, de malheurs qui s'abattent sur le monde, à toutes les forces
de mort qui le défigurent, comment oser parler de transfiguration ?
Devant un visage miné par la
maladie, les visages apeurés des enfants pris dans les guerres, les visages fermés des époux qui se déchirent, comment oser parler de transfiguration ?
Eh bien !
Les chrétiens, à la suite du Christ, ont l'audace de l'affirmer.
Dieu continue
de susciter des êtres radieux qui embellissent et transfigurent la vie, en tous
lieux de la terre.
Dieu a
confié aux hommes la tâche de transfigurer le monde, d’être des hommes, des
femmes capables de créer de la lumière.
Ne nous
a-t-on pas dit un jour, plus ou moins : “En telle circonstance difficile,
votre présence a ensoleillé ma vie”.
Bien plus, il y a cette grandiose expérience ecclésiale que le chrétien fait plus ou moins : aux heures
difficiles - et nous en avons tous -, ne vous est-il pas arrivé parfois de faire naître ou
renaître chez quelqu’un la paix,
cette paix que momentanément vous aviez perdue vous-même . Et de
la voir, cette paix, comme par ricochet, revenir vers vous, tant il est vrai
que le bonheur que Jésus a souhaité au début de sa vie publique (“Bienheureux…”) est la seule chose au monde que l’on puisse donner sans
l’avoir encore pleinement.
N'y
aurait-il pas des réalités telles qu’on ne puisse s’en approcher qu’en les
donnant ? Ne serait-ce pas l’une des significations du mot de “Jésus”
murmuré à chaque instant depuis vingt siècles sur tous les continents ?
Une
expérience d’Eglise, parce que Jésus ne cesse de la remplir de sa présence
glorieuse, même si certains de ses membres l'assombrissent...
Cela ne
supprime pas la nuit ; mais c’est toujours une éclaircie qui vient d’un
au-delà de la nuit !
Ainsi, ce
texte d'évangile pouvait paraître étrange et étranger à notre vie.
Cet
évangile n'est pas étrange
puisque Jésus,
sur le point de prendre le chemin mortel de
Jérusalem, fait entrevoir à ses apôtres sa résurrection. Autrement
dit, il leur laisse deviner à quelle lumière, à quelle splendeur conduit
l'amour jusqu'au bout. Il mourra en croix certes, mais cette mort se changera
en amour et en vie. Oui, Dieu a bien "les issues de la mort" !
Cet
évangile n'est pas étranger à
notre vie.
C'est même
une "Bonne Nouvelle" pour nous. Si nous voulons embellir la vie,
transfigurer notre vie et la vie de nos proches, nous connaissons le secret :
marcher à la suite du Christ sur le chemin du don de soi…
C'est la
Bonne Nouvelle" de l’Evangile.
Oui, notre
monde est défiguré par la violence, l'égoïsme, la laideur. Impossible de dire
le contraire.
Mais on
peut dire aussi que Dieu suscite toujours des hommes, des femmes, des jeunes
qui embellissent la vie. Ils protestent, ils luttent, ils bâtissent, ils sèment
paix et amour.
Alors la
Transfiguration, c’est
- une
expérience de chaque jour et en tous lieux de la terre ;
- une
expérience lumineuse de bonheur qui annonce la lumière divine du jour éternel.
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