3ème
Dim. Carême 08.A
Dieu
est-il avec nous ou bien n'y est-il pas ?
Avec les Hébreux - on vient
d’entendre le récit -, cette interrogation court à travers
la Bible.
Je n’en prendrai qu’un exemple.
Après l’entrée en Terre promise, les Hébreux cultivent la terre, font prospérer
leurs troupeaux. Mais régulièrement, leurs voisins, (Madianites) ravagent,
anéantissent les produits de leur travail.
Un jour, l’ange du Seigneur apparaît
à un certain Gédéon pour lui confier une mission de délivrance : “Gédéon était en train de battre le blé pour
le soustraire à Madian. L’ange du Seigneur lui dit : ‘Le Seigneur est avec
toi’ !”. Et Gédéon de répondre du tac au tac : “Pardon, Mon Seigneur, si le Seigneur est
avec nous, pourquoi tous ces malheurs sur nous ? S’il est vrai que le Seigneur
nous a fait monter d’Egypte, pourquoi ? ne nous a-t-il pas abandonnés ?”
Cette question traverse le cœur des
croyants eux-mêmes : Dieu est-il avec nous ou bien n'y est-il pas ?
Qui n'a pas prononcé cette phrase un jour ou l'autre ?
Quand on est accablé de malheurs
divers,
quand, jeune étudiant, on est affronté
à un scepticisme ambiant,
quand une maman apprend que son
cancer ne lui laisse que quelques mois à vivre..., …
…et plus habituellement, quand on
regarde notre monde qui va mal,
la question se pose : “Dieu est-il vraiment avec nous ?”. Où est Dieu ? Pouvons-nous encore
nous appuyer sur ce Dieu qui semble sourd et muet ?
Je ne dis pas cela pour semer le
doute, mais pour que nous puissions fortifier notre foi.
Je le dis en pensant à beaucoup qui
nous entourent : ils se posent cette question et n'arrivent pas à
répondre.
Je le dis parce que les textes
d’aujourd’hui éclairent cette question de la foi. Prenons seulement le premier texte.
L’histoire se passe en plein désert.
Moïse guide la marche du peuple, de point d'eau en point d'eau. Mais à l'étape
de Rephidim, l'eau manque. En plein désert, en pleine chaleur ! C'est
dramatique.
Le peuple est pris de panique.
Et comme il faut toujours un
responsable, on s'en prend à Moïse.
“Le
peuple murmura : "Pourquoi nous as-tu fait sortir d’Egypte ?
Est-ce pour nous faire mourir de soif, moi, mes enfants et mes
bêtes ?”.
Cette phrase est grammaticalement
curieuse, mais significative : Il s’agit du peuple qui murmure : “Pourquoi
nous as-tu fait sortir ?”. Et
voilà que le texte souligne fortement la réflexion de tout un chacun : “moi, mes enfants, mes
bêtes !”. On passe facilement du "nous" au “moi".
On dirait qu’au fur et à mesure que l’insécurité grandit, l’égocentrisme
se renforce, chacun se recroquevillant sur lui-même.
C’est la multiplication des “moi” (et
non plus la globalité du "nous") qui se rebelle non pas tellement
contre Moïse, mais contre Dieu :
“Ce
Dieu dont tu nous as rappelé les prodiges, ne va-t-il pas faire mourir “moi,
mes enfants, mes bêtes ?”.
Cet égocentrisme bien
compréhensif est de toujours en temps de crise. On ne pense plus aux
autres ; on ne pense qu’à soi ! Cela est à remarquer !
(On le voit à chaque crise, et même à chaque grève importante : chacun s'approvisionne
abondamment en sucre, denrées diverses, gas-oil …et)
Le récit continue. Le narrateur dit
que Moïse crie vers Dieu. Que vais-je faire ? Ils vont me lapider !
Moïse lui-même ne pense plus qu’à sa sécurité ! Dieu répond :
“Prends ton bâton, frappe le rocher
sur lequel je suis. Il en sortira de l'eau”.
Dans le récit analogue, au livre des
Nombres, il est dit que Moïse frappa deux fois le rocher. Pourquoi deux
fois ?
La tradition juive explique :
Moïse et Aaron n’entrèrent pas en Terre Promise parce qu’ils ont manqué de
foi (en
frappant le rocher deux fois ! Une seule fois aurait dû suffire pour manifester
leur confiance en Dieu) ! Cette histoire du rocher, c’est donc
bien d’abord une histoire de doute… : Dieu est-il avec nous ou bien n'y
est-il pas ? D’un doute qui peut
atteindre parfois jusqu’à des responsables comme Moïse ! Et oui !
Quoi qu’il en soit, l’eau jaillit du
rocher. C’est que même au désert, l'eau peut jaillir.
Même en nos déserts où nous nous croyons
seuls, Dieu est avec nous.
Même dans le désert terrible de la
maladie,
dans le désert brûlant de la mort,
dans le désert glacial de la
solitude,
la source de la vie n'est pas tarie.
Voilà la certitude de foi ! Dès
que l’on croit en la présence de Dieu, malgré parfois les événements apparemment
contradictoires, on avance sur le chemin de vie. Sinon on reste en nos déserts
de soif.
Dieu
est toujours présent !
Voilà pourquoi, selon une tradition
juive, le “rocher” (symbole
de cette présence salvifique de Dieu) se déplace et accompagne les
Hébreux tout au long de leurs étapes ! Car ce “rocher”, c’est Dieu
toujours présent qui se déplace avec son peuple ! Tous les psaumes le
diront : “Seigneur, tu es mon roc,
mon rocher ! "
Mais, pour nous, l’histoire de ce
rocher n’est pas terminée. St Paul fera nettement allusion à cette tradition du
rocher qui se déplace, en y apportant une explication essentielle : “nos pères passèrent, comme par un baptême,
à travers la mer rouge. Tous mangèrent une même nourriture spirituelle. Tous
burent le même breuvage spirituel ; car ils buvaient à un "rocher"
spirituel qui les suivait : et ce "rocher", c’était le
Christ ! "(I Co.)
Paul est d’un radicalité extrême
dans ses raccourcis ! “Un rocher qui les suivait !”. Le rocher va
conduire le peuple jusqu’en Sion, “ce
lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom”, Nom de délivrance, de
bienfaisance.
Bien sûr, ce "rocher" ne
revêt plus une réalité historique, mais une signification aux harmoniques
multiples :
+ Ce "rocher" à Sion
devenu Jérusalem, sera la pierre angulaire du temple, lieu de tous les
sacrifices après celui d’Abraham au même endroit appelé alors ‘Mont Morrya’ qui
veut dire “mont de la vision”, ce sacrifice lui ayant permis de "voir celui qui nous voit sans
cesse" …
+ C’est sur ce même "rocher"
que, par son sacrifice, le Christ, devenu pierre angulaire d’un Temple nouveau,
rétablit l’union de Dieu avec les hommes. Aussi, à sa mort, le voile de
l’ancien temple se déchire, le Christ nous permettant déjà de "voir Celui qui nous voit sans cesse".
+ C’est de ce même "rocher",
à Jérusalem, “Mont de la vision”, qu’Ezéchiel avait vu jaillir une eau
abondante qui, se jetant dans le Jourdain, allait purifier les eaux de la Mer
morte, symbole du péché du monde. Aussi, au moment de la mort du Christ, nouveau
"Rocher", pierre angulaire du vrai Temple de Dieu, la lance du soldat
frappera ce "Rocher, le Christ. Il en sortira, dit St Jean, “du sang et
de l’eau”.
* du sang, parce que Dieu souffrait
du manque de foi de son peuple, de nous tous…, comme au temps de la rébellion,
au désert…
*
de l’eau parce, plus encore que le fleuve dont parlait Ezéchiel, cette eau qui
sort du côté du Christ, (vrai temple de Dieu), devient un immense fleuve. Et le
monde entier en est purifié, comme le chantait naguère une hymne du Vendredi
Saint.
Et il n’est pas étonnant que tous
les Pères de l’Eglise virent en cette eau qui sort du côté du Christ la source
de tous les sacrements, et principalement celle du baptême, cette source qui vient
nous purifier, nous restaurer. Et nous chanterons à Pâques : “J’ai vu l’eau vive jaillissante du cœur du
Christ, j’ai vu la source devenir un fleuve immense ; tous ceux que lave
cette eau seront sauvés. J’ai vu le Temple s’ouvrir à tous ; tous ceux qui
croient en son Nom seront sauvés et chanteront Alleluia !".
Il y avait toutes ces harmoniques de
signification dans la conversation de Jésus avec la Samaritaine. Jésus lui dit
que Dieu est le “Rocher d’Israël”
d’où sort une eau qui permet de rendre à Dieu un culte en Esprit et Vérité. La
Samaritaine y croit.
Suivons son exemple en répétant :
“Amen”, ce mot qui signifie : Oui, je crois ; c’est ferme comme un
rocher ; j’y crois dur comme pierre. Et il nous est bon, en cette
Eucharistie, de répéter avec St Paul : "Cette
pierre du Temple nouveau, c’est un rocher spirituel qui nous suit. Car ce
rocher, c’est le Christ !".
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