dimanche 25 août 2019

La "porte étroite"


21e Dimanche du T.O. 19/C


“Seigneur, n'y aura-t-il que peu de gens qui seront sauvés ?”,

La question surgit de la curiosité, peut-être de l'inquiétude.
Elle était passionnément débattue par les intellectuels du temps de Jésus.  Et depuis lors, cette question a fait couler beaucoup d’encre ! Slogan des sectes à la mode, elle fut sous-jacente au jansénisme qui fit tant de mal en notre Eglise de France !

Mais que veut donc dire Jésus ?

D’abord, il ne se laisse pas entraîner, lui, par ce jeu des questions sans doute excitantes pour l'imagination, mais stériles pour la vie. Il répond malicieusement : “Efforcez-vous donc d'entrer par la porte étroite !”, par cette porte étroite que votre question suggère ! Et vous verrez ! Et Jésus de s’en expliquer par la parabole qui suit.

Il fait ainsi, car il ne veut pas
+ qu’on se réfugie dans d'interminables débats théoriques,
+ qu'on s'évade de ses responsabilités concrètes,
+ qu'on se projette dans l'avenir pour mieux fuir le présent. L'important n'est-il pas de savoir ce que chacun fait ou ne fait pas aujourd'hui, pour entrer dans le Royaume ? L'avenir, c'est surtout le présent. Il se construit maintenant.

Car il y a des questions dont on peut discuter indéfiniment pour se dispenser de vivre le quotidien :
+ “La fin du monde, quand sera-t-elle ?
+  Avec le nucléaire, la pollution…, n'est-ce pas pour bientôt ?
+ Et l'enfer, le ciel, qui ira ? Qui n'ira pas?...”.

Avec légèreté, les réponses sont formulées, ridiculement souvent, alors que la réponse divine a été donnée depuis longtemps. Isaïe (1ère lecture) la rappelle. Il  annonce l’intention de Dieu : “Je viens rassembler les hommes de toutes nations et de toutes langues”.

En Dieu, un seul désir : voir toute l’humanité parvenir à la réussite. Hors de cette volonté unique de salut universel, toute supposition d’une quelconque ségrégation de la part de Dieu ne peut être que blasphématoire.

Si nous voulons à tout prix que Dieu soit un juge sévère qui trie et exclut pour privilégier un petit nombre, cela vient de nous et de notre incapacité à entrer nous-mêmes dans un amour universel, dans cet amour divin qui veut rassembler toutes les nations.

Un tel amour, nous avons du mal à l’imaginer. Et c’est nous qui mettons une “porte étroite”.

Même dans nos vies familiales, à plus forte raison dans nos rencontres sociales, nous sentons combien notre égoïsme, nos petitesses perturbent nos relations : si ce n’est le règne de la jalousie,  des rivalités, l’attrait du pouvoir quel qu’il soit, c’est le souci d’une tranquillité, la peur d’un engagement dérangeant.

Et inconsciemment, nous trions avec soin nos relations. Et, en l’occurrence, trier consiste à exclure, à poser une "porte étroite" ;. Et nous disons que les amis se comptent toujours sur les doigts d’une main et que la réussite d’un couple tient de la loterie, et que sais-je encore…  La "porte étroite" de notre existence nous sécurise !

Et très abusivement, c’est bien cette douloureuse expérience-là que nous projetons facilement sur Dieu lui-même ! Nous le voudrions incapable, lui aussi, d’amour universel pour pouvoir le rendre responsable du “petit nombre d’élus”…

Et Jésus de lancer avec un humour grinçant : “Efforcez-vous donc d’entrer par cette porte étroite”. Et c’est vous qui ferez des exclusions. Alors que beaucoup viendront de l’orient et de l‘occident, du nord et du midi !

En Dieu, il ne peut en être qu’ainsi !  D’ailleurs Jésus, lui, accueille tous les hommes, même les pécheurs ; il accueille avec compréhension et exigence tout à la fois. A la femme adultère, par exemple, qui n’entre certes pas par notre "porte étroite", il dit : “Moi non plus je ne te condamne pas”. Cependant il ajoute : “Va et ne pèche plus !”.

C’est ici que l’on mesure la grande liberté de Jésus. Il ne condamne pas, il n’exclut pas ! Mais il invite à un effort vers plus de vérité, cette vérité qui est l’une des autoroutes du ciel et que nous voulons rétrécir par la porte de notre existence étriquée qui oblige à une sélection. Et Jésus semble dire à chacun : "si vous voulez entrer par cette porte, c’est vous qui excluez !".

A un autre niveau de notre cœur rétréci, nous sommes encore piégés par notre propre expérience mesquine.
Lorsque, malgré tout, nous voulons aimer tout le monde, nous sommes tentés de tout aseptiser dans nos relations en évitant très soigneusement les sujets difficiles, les questions qui "fâchent".. C’est si facile ! Nous refusons la vérité qui exige souvent discussions légitimes, affrontements nécessaires, et cela, parfois, au prix de beaucoup de démissions.
Nous a vons le sentiment d’aimer tout le monder ; mais c’est une illusion ; en fait, la “porte étroite” de notre cœur est si bien verrouillée que peu de monde ose la franchir.  On reste dans un monde imaginaire où plus personne, bien sûr, ne condamne personne, puisque personne n’est véritablement reçu !

Alors, - pire aveuglement -, nous voulons imaginer un Dieu à notre image qui, pour nous aimer tous, nous blanchirait artificiellement et refuserait de tenir compte de tout ce qui en nous est un obstacle à aimer “en vérité”, comme Dieu aime !
“Il suffit d’aimer”, disait Ste Bernadette ; il suffit de lutter pour plus de vérité et de la chercher inlassablement, largement, ensemble, en Eglise !.

Aussi Jésus répète : “Efforcez-vous donc de passer par la porte étroite” de votre cœur. Et vous serez rejetés selon les critères que vous disposez vous-mêmes ! Car vous n’entrerez pas dans le Royaume grâce à des recommandations, titres, diplômes, à des savoir-faire,  ni même à des dévotions multiples ! Ni parce que vous êtes de telle catégorie sociale ou religieuse : traditionaliste ou progressiste, et que sais-je encore ! “Je ne sais d’où vous êtes”, nous sera-t-il dit ! Car la terre avec ses catégories aura disparue, nous dit déjà l’Apocalypse. Dieu sera tout en tous !

Quand Jésus invite ainsi ses disciples à “passer par cette  porte étroite”, lui-même est en route vers Jérusalem. La ville est à l'horizon. Elle sera pour lui la ville de la souffrance, de la mort et de la résurrection. Il y sera victime des cœurs trop étroits. Mais il sera surtout témoin de son immense amour pour Dieu, son Père, et pour les hommes.

La voilà bien la véritable porte : "Je suis la porte des brebis", avait-il dit. Porte de lumière qui ouvre sur l'humanité entière et sur Dieu que Jésus appelle "son Père" et "notre Père", tandis que la porte étroite reste de notre côté, à cause de nos lenteurs, de nos refus, de notre égoïsme.  N’en accusons pas Dieu lui-même.

Les élus et les non-élus dont parle Jésus, ils sont chez nous, sur notre terre et nous sommes tous du nombre. Tous appelés à emprunter les chemins du courage et de la recherche de la vérité, de l’amour. Soyons nombreux à nous décider pour ce chemin-là, à la suite de Jésus.

Et allons crier comme le proclame la 2ème lecture :
"Redonnez de la vigueur aux mains inertes et aux jambes qui fléchissent ;
Nivelez la piste pour y marcher.
Aini celui qui boite ne se tordra pas le pied ; bien plus, il sera guéri".

jeudi 15 août 2019

Conseils de Marie !


ASSOMPTION  2019

La fête de l'Assomption signifie que, selon la foi de l'Eglise catholique, Marie
a été glorifiée par Dieu immédiatement après sa mort,
qu'elle est entrée pour toujours dans la gloire éternelle.

C'était également le but auquel aspirait si ardemment St Paul, auquel nous devons, nous chrétiens, aspirer profondément : "Je voudrais bien m'en aller, disait-il, pour être avec le Christ, avec le Christ en gloire".           
           
Mais, pour nous, la mort n'est que l'avant-dernière étape de notre vie ; c'est l'entrée dans la gloire éternelle qui sera la dernière. Pour Marie, Mère de Jésus, ces deux étapes se confondent ; elles n'en font qu'une seule!
           
Aussi, écoutons aujourd'hui, comme pour nous-mêmes, trois paroles que Marie a prononcées et qui résument bien toute sa vie, vie qui, pour nous, est modèle, si nous voulons parvenir à la gloire de son divin Fils!

1.         LE JOUR DE L'ANNONCIATION, quand elle a compris qu'elle serait la mère du Messie, elle a dit : "Je suis la servante du Seigneur. Qu'il me soit fait selon sa Volonté!"
               
Maire a toujours dit OUI à Dieu, à tout ce que Dieu attendait d'elle.
Elle faisait partie du petit peuple de Nazareth, de ces gens tout simples, habitués à s'entr'aider mutuellement. C’est à remarquer : aussitôt l’Annonciation ( !!!) elle se rend chez sa cousine Elisabeth qui attendait, elle aussi, un enfant, celui qui serait Jean-Baptiste. Que vient-elle faire?  Tout simplement l'aider, comme une amie qui se fait aide-familiale, femme de ménage ou bonne-à-tout-faire pour rendre service à sa voisine ! Dans le plan de Dieu, ce geste est encore bien plus grand… Mais sur le plan simplement humain - celui que nous vivons -, il est à bien souligner !
           
Oui, Marie a été la toute première collaboratrice de Dieu en vue du salut du monde. La toute première collaboratrice, mais sans prétentions, comme une humble servante, dans l'ombre de Jésus. Elle faisait également partie, parfois, de ce groupe de femmes qui suivait le Christ et les Apôtres pour pourvoir à leurs besoins: Marie, Mère de Jésus, était là, parmi les autres, comme elle sera au pied de la croix sur le Calvaire, toujours disponible, prête à tout, gratuitement, amoureusement.
           
Oui, Marie est le modèle du chrétien, et plus spécialement le modèle de la femme chrétienne. Jésus dira plus tard : "Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir". Il était donc convenable que le Fils tienne de sa Mère. Soyons également fils de Marie-Servante pour être véritablement frère de Jésus-Sauveur!

2.         Femme de service, nous retrouvons Marie aux NOCES CE CANA, non pas assise à la première place auprès des mariés, mais dans les cuisines, si je puis dire, du côté des domestiques : on la retrouve parmi ceux qui servent. Et elle est attentive aux besoins de la noce! Or, elle s'aperçoit qu'il n'y a plus de vin ! Elle le dit à Jésus, puis, se tournant vers les serviteurs : "Faites tout ce qu'il vous dira", ordonne-t-elle!
           
C'est ce que Marie nous dit à nous aussi quand nous la prions, quand il nous arrive de ne plus avoir de vin avec toute la richesse et la joie qu'il symbolise.
           
Marie nous renvoie sans cesse à Jésus, parce qu'elle a été créée pour Jésus. Oui, Dieu l'a préparée, un peu comme on prépare un berceau : ce qui compte, c'est l'enfant ! En Marie, ce qui compte, c'est Jésus. Marie ne veut pas qu'on la prie pour elle-même, mais pour que nous écoutions davantage Jésus et que nous nous attachions à Lui.
           
Parfois, on a eu tendance à exalter Marie pour elle-même, on oubliant que son rôle a été de nous donner Jésus et qu'elle nous renvoie sans cesse à Jésus. La manière traditionnelle de représenter Marie a toujours été de la représenter avec Jésus, nous montrant Jésus, nous donnant Jésus. "Le culte de Marie n'est pas un but en lui-même, écrivait naguère le Pape Paul VI, mais le chemin qui nous conduit à Jésus-Christ".
           
Dans les divers services qui sont les nôtres, prions Marie-Servante et Mère de Jésus. Ecoutons-la nous dire : "Faites tout ce qu'il vous dira"!

3.         Faisant ainsi, nous pourrons accomplir notre service ici-bas, en disant et répétant comme Marie : "Mon âme exalte le Seigneur, et mon esprit exulte de joie en Dieu mon Sauveur !"
           
Dieu nous a créés pour la vie. Dieu nous a créés pour la joie. Marie a goûté durant sa vie toutes les joies des jeunes filles, des fiancées, des femmes, des mamans.

Elle fut certainement une petite jeune fille pleine de rires et de chansons, pleine de gaieté, vive et joyeuse !

Elle fut une fiancée toute remplie d'amour pour Joseph, celui qu'elle aimait, et rêvant avec lui de tendresse partagée !

Elle fut une Maman pleine d'admiration pour son enfant Jésus, qu'elle estimait être, comme toutes les mamans, le plus beau de tous les enfants du monde!
           
Elle connut, bien sûr, des moments de souffrance; elle a suivi Jésus jusqu'au Calvaire. Mais sa foi l'a aidée, soutenue, et, bien que ce ne soit pas dit dans l'évangile, on peut supposer sa joie quand elle a retrouvé Jésus ressuscité après Pâques !
           
Et maintenant, elle connaît la joie éternelle!
           
Nous aussi, nous sommes faits pour la joie !  En cette période de vacances
où nous goûtons les joies de la détente,
où nous nous attardons volontiers à contempler les merveilles de la nature,
où nous nous sentons plus disponibles pour nous aider mutuellement,
nous nous surprenons à rêver d'une vie
où les soucis auraient complètement disparu,
où ce serait toujours la paix, l'entente et l'amitié fraternelle avec tous,
où nous pourrions découvrir la beauté parfaite, la pureté parfaite, l'amour parfait !
           
Et bien, ce rêve ne vient pas du besoin de nous évader d'un monde trop dur ! Il surgit en nous tout simplement parce que c'est là notre avenir,
l'avenir pour lequel Dieu nous a faits,
l'avenir que nous devons préparer dès maintenant dans notre vie quotidienne,
l'avenir qui est devenu pour la Vierge Marie le présent, le présent éternel et définitif.
           
Oui, Marie, c'est une femme de chez nous, une femme semblable à toutes les femmes de tous les temps, qui, la première, est entrée dans ce monde de Dieu, où seront réalisées d'une manière définitive toutes nos aspirations à la vie, à la beauté, au bonheur et à l'amour.
           
Marie nous en indique le chemin : servir ! "Je suis la servante du Seigneur."  et suivre Jésus : "Faites tout ce qu'il vous dira" !

Avec elle, rendons grâce au Seigneur : "Mon âme exalte le Seigneur, exulte de joie en Dieu mon Sauveur !"

dimanche 11 août 2019

Marche !


Dimanche 19/C

Au 13e siècle, un enfant, élevé dans un monastère, entendait les moines parler de Dieu ; alors, il demandait : "Qui est Dieu ?" L'histoire ne dit pas les réponses ! Mais elles ne furent pas satisfaisantes car l’enfant reprit la question sa vie durant : "Qui est Dieu ?"
                 
Cette question, nous nous la posons tous. Car nul n'a jamais vu Dieu. Mais comment se fait-il alors que nous l'aimions? Qu'est-ce que cette foi qui nous met en relation avec Dieu ?

La 2de lecture – la lettre aux Hébreux – fait allusion aux premiers croyants. Dans un monde très différent du nôtre, eux non plus n’avaient pas vu Dieu !  Pourtant, ils avaient élevé des temples à des divinités nombreuses. Et, sans doute, Dieu reconnaissait-il dans leurs prières malhabiles la démarche tâtonnante d'une humanité en recherche.
         
C'est alors que Dieu parla à Abraham. Il lui dit : "Marche en ma présence et trouve ton bonheur"  (litt. "Va pour toi" !). Marche, parcours le monde, regarde : partout tu es dans mon domaine. Car c’est moi le Créateur de tout ce que tu vois ! Partout tu es chez moi. – Alors, va, marche en ma présence, car je t’ai créé non pas seulement pour regarder le monde, mais pour me connaître, et…, finalement, pour vivre avec moi, comme un ami.  "Marche en ma présence pour trouver le vrai bonheur"
         
"Abraham obéit à l'appel de Dieu. Il partit sans savoir où il allait...". Et le texte poursuit : "C'est dans un campement qu'il vivait...".  Dieu lui fit quitter les villes pour devenir nomade. Et non seulement lui, mais aussi son fils Isaac et tous les fils après lui… Ils vivaient sous la tente, n’ayant pas ici-bas de demeure permanente.

Ce faisant, ils répondaient à l'appel de Dieu et ils étaient comme des voyageurs à la recherche d'une patrie. Marche mystérieuse, d'autant que le texte précise : "Tous, ils sont morts sans avoir vu la réalisation des promesses. Mais, dans la foi, ils l'avaient vue et saluée de loin, affirmant que sur la terre ils étaient des étrangers et des voyageurs".

Le texte que je viens de commenter brièvement nous indique bien : Plutôt que de nous dire comment on connaît Dieu, il souligne comment des hommes ont vécu dans la foi : ils vivaient comme tous les hommes fondant des familles de bergers ou de rois, de prophètes ou d’artisans et que sais-je encore…. Mais leur vie répondait à l'appel adressé à Abraham : "Marche en ma présence et tu seras heureux, parfaits".  ls vivaient sur la terre, et cependant, leur regard atteignait plus loin que ce que les yeux pouvaient voir. Ils vivaient comme s'ils voyaient l'invisible…, cette "cité dont Dieu seul est l’architecte et le fondateur".
                 
L'auteur de ce texte évoquait cette nuée de témoins. Il vivait, lui, quelques années après la résurrection de Jésus, et, déjà, il voyait de ses yeux une première réalisation des promesses faites jadis à Abraham.
Et pour nous, tous ces témoins, ce sont encore patriarches et prophètes, mais, bien plus, les légions de chrétiens qui se sont succédé depuis les Apôtres et les martyrs. Et cette foule immense de chrétiens dont nul jamais n'écrira la vie, ont bien appliqué cette consigne de Dieu : "Marche en ma présence et sois heureux, parfaits". Eux aussi, savaient que Dieu les appelait, et ils se sont efforcés de vivre comme s'ils voyaient l'invisible.
                 
D'eux, comme des patriarches, on peut dire : "Dans la foi ils moururent sans avoir, sur terre, obtenu la réalisation des promesses ; mais dans la foi ils l'avaient vue et saluée de loin...". Aussi Dieu est leur Dieu. Et Jésus, le Ressuscité, les accueillera.
                 
Les paroles de Jésus dans l'Evangile ravivent en nous cette espérance que la foi enracine en nos cœurs.
"Soyez sans crainte, petit troupeau, car votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume"  "Soyez comme des gens qui attendent leur maître à son retour de noces".

Nous vivons dans l'attente. Certes, nous avons une tâche à remplir sur la terre, surtout auprès de ceux qui sont près de nous. Mais, quelle que soit l'importance de cette mission, nous attendons plus et mieux. Etrangers et voyageurs sur terre, nous attendons "ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce qui n'est pas monté au cœur de l'homme…" (I Co. 2. 9). Nous attendons l'heure où le Seigneur paraîtra, et nous redisons les paroles du Psaume : "Notre âme attend le Seigneur. Il est notre aide, notre protection".

Et je repense à l’enfant dont je vous parlais. Il demandait : "Qui est Dieu ?". Quelques années plus tard, cet enfant était devenu un grand théologien. Il s'appelait Thomas d'Aquin. Et même alors, il ne cessait de se demander: "Qui est Dieu ?"
Car nul - si savant ou si saint qu'il soit - n'a jamais vu Dieu. Mais, parce qu'il appartenait à cette immense famille des enfants d'Abraham, il continuait de chercher Celui qui l'avait appelé.

Qui est Dieu? Il est celui qui nous appelle et qui nous guide, celui qui a, un jour, éveillé votre cœur et le mien ; Il est là encore ; il nous presse, sachant que si "il presse, il n’oppresse jamais",, disait le grand François de Sales, se démarquant en cela de la doctrine janséniste avec leur aberration de la prédestination quelle qu’elle soit. Dès lors, je ne puis que redire avec vous le mot du psalmiste : "Mon âme a soif du Dieu vivant !".(Ps 41)


Et pour témoigner moi-même, je dirais avec humour : Qui est Dieu ? C'est celui qui m'appelle, qui vous appelle… Et vous pourriez dire comme moi, à quelques nuances près…

Le jour de ma naissance, le secrétaire de mairie mit ses lunettes et inscrivit mes nom et prénom sur le registre d'état civil. J'avais père et mère, des aïeux paysans à perte de vue ; et les cellules de mon corps nouveau-né portaient déjà une programmation précise.

Cependant quand je regarde ma carte d'identité, quand je pense à mon héritage de chromosomes, je me dis : C'est moi et ce n'est pas moi. Car mon identité est aussi devant moi. Mon identité "personnelle", je suis en train de la bricoler, tout au long des jours, sans idée absolument précise… Les rencontres, les événements, les recherches avec d'autres, tout concourt à ébaucher ce pauvre "visage d'éternité" qui recueillera un jour, je l'espère, ce que ma vie voulait être. J'espère qu'à l'heure même de la mort, je serai encore à attendre et espérer, enfant d'un avenir que Dieu m'offrira pour être vraiment à son "image et ressemblance", avec toute une foule fraternelle et jubilante.
         
Et aujourd’hui, je voudrais suivre Jésus, même de loin, même en traînant les pieds. C'est lui, le prince des vagabonds. Ne lui demandez pas ses papiers d’identité. Ce serait déplacé ! Il n'a pas d'identité identifiable avec nos mots et nos cases. Les sbires qui l'ont arrêté un jeudi soir devaient bien savoir à peu près quel était son gabarit et s'il pesait lourd quand on le tabassait, mais son regard était insoutenable... et le dimanche matin, impossible de le retenir.
         
Et depuis lors, à toutes les cartes d'identité, je préfère les déclarations d'exode. Et je ne suis pas seul. Comme Abraham ! Son livret de famille, c'était "les étoiles du ciel" et "les grains de sable sur le rivage de la mer".

Et puis, si je déclinais mon "identité chrétienne", avec tous les signes particuliers éthiques et dogmatiques, spirituels et ecclésiaux, j'aurais peur de "faire honte" à Dieu !…

A ceux qui parfois me demandent aimablement: "Comment allez-vous ? je réponds malicieusement et simplement : "Je vais… !".
Bien sûr, j'ai mon baluchon, il est encombré de bricoles et de moi-même. Mais je vais et c'est ce qui est le plus important. Je vais vers ma nudité dernière que Dieu réveillera de sa lumière éternelle… devenant pleinement frère de Jésus, l’artisan de Nazareth, celui qui a dispersé son identité sur les visages des affamés, des persécutés, des prisonniers, des malades... pour les siècles des siècles. Vaste famille de Celui qui est "Notre Père", non pas en engendrant mais en libérant.

Alors, avec foi, à la suite de nos ancêtres, donnons-nous rendez-vous auprès de Celui qui sans cesse me dit et vous dit : "Marche en ma présence pour être heureux et parfait". Marche vers cette cité dont Dieu seul est l’architecte et le fon,dateur… Et au jour éternel, nouus verrons, dit St Jean, "nous serons semblables à Dieu parce que nous le verrons tel qu’il est".

lundi 5 août 2019

Argent - Richesse !


18e Dimanche T.O. 19/C


Parler de la richesse n'est jamais facile ; les textes de ce dimanche cependant nous y invitent.

Les problèmes économiques sont partout : et les informations ne manquent pas
- sur le monde avec son cortège de misères et d'opulences ;
- sur notre pays lancé dans l'aventure de l'Europe avec le problème d’immigrations importantes ;
- sur nos villes et villages traversant difficultés diverses.
Et nous surveillons le mieux possible les affaires qui sont nôtres ! Evidemment !

Or, aujourd’hui, si la Parole de Dieu nous dérange quelque peu quand nous reconnaissons que la facilité, le plaisir, la consommation des loisirs... nous sollicitent exagérément,
- il est cependant légitime de nous demander de quoi nous allons vivre aujourd'hui et demain,
- il est louable de prévoir l'avenir de ceux et celles que nous aimons.
Et ces interrogations légitimes nous renvoient facilement à des situations dramatiques de personnes connues qui ne peuvent assurer facilement une vie décente : que ce soit pour un jeune au sortir des études ou lorsque le chômage frappe ici ou là !

Aussi, n’ayons pas crainte de le dire : une certaine richesse est un bien, pour notre dignité  d'hommes et de femmes.
Il faut souhaiter que chaque homme soit suffisamment riche pour vivre dignement.
Et, beaucoup de par le monde, s'emploient à lutter contre la pauvreté matérielle ; de nombreuses associations tentent de faire disparaître des inégalités criantes, sans pouvoir évacuer totalement les drames de la misère.

Cependant, il est intéressant de percevoir les réflexions de Notre Seigneur à travers l’évangile d’aujourd’hui. Jésus ne veut pas entrer simplement dans une polémique d'héritage.

Dans la parabole de l’évangile, il n'y a pas qu’une affaire d’héritage ; il y a une richesse à gérer ! Or si cette richesse n’est pas mauvaise l’important, c’est de savoir ce que l'homme devient avec sa richesse, ce qu'il en fait.

Le riche de la parabole dialogue avec lui même, il pense uniquement à lui, il est seul au monde, il prépare sa sécurité, comme si demain était en son pouvoir. Et là, Jésus dit : "tu es fou". Cette folie rejoint ce que disait l'Ecclésiaste : L'homme ne trouve pas son repos, disons son bonheur, dans la richesse.

Le Christ dénonce cette folie qui peut gagner chacun, à quelque niveau qu’il se trouve, lorsque l’âpreté au gain envahit tout son horizon, risque de faire de sa richesse un “dieu”, c'est-à-dire l’unique centre d’organisation de sa vie, le but de son existence.

Et puis, avec Notre Seigneur, regardons plus profondément : Jésus est venu nous apprendre ce que c'était que devenir fils de Dieu. Par sa vie au milieu de nous, "il nous a montré le Père"“Notre Père” - ; il nous a révélé que nous étions frères, frères devant notre Dieu-Père, tous riches d'un appel paternel.
Il a donné sa vie pour cela. Dès lors, la vie de l'homme a trouvé un sens supérieur et plus noble. Là où l'Ecclésiaste dit “vanité”, Jésus dit “fraternité”, lui qui veut nous nous donner part au même héritage.

Alors nous ne pouvons plus regarder les autres comme s'ils n'existaient pas : ils deviennent nos frères promis au même appel, au même héritage. Le chrétien se doit d'avoir les yeux ouverts - ceux du corps et du cœur - ; il voit celui qui est dans le besoin, comme le Samaritain voit l'homme blessé.
s'enracine l'appel au partage d’un même héritage, dès ici-bas et éternellement : "Vous avez reçu gratuitement donnez gratuitement (Mt (10/8) . C'est bien le moyen "d'amasser des trésors dans le ciel" ( 6/19).

Depuis le Christ, aucun croyant ne vit plus pour lui tout seul ; il donne ce qu'il a décidé en son cœur ; et ce n'est pas la quantité qui importe : l'obole de la veuve est d’un prix infini. Le peuple que nous sommes appelés à former est un peuple de frères, un peuple du partage, quelque richesse que nous ayons, matérielle, intellectuelle, spirituelle.

Faire disparaître la pauvreté de notre monde, travailler à une meilleure répartition des richesses, quelles qu’elles soient, c'est un des points majeurs de l'enseignement social de l'Eglise aujourd’hui. Il ne s’agit pas de se faire pauvre, d’une radicale pauvreté – vocation particulière -, il s’agit de ne pas se considérer tout seul comme le riche de la parabole et de favoriser, autant que nous le pouvons, là où nous vivons, ceux qui sont dans un quelconque besoin plus grand que nous.
Et pour ceux qui participent aux décisions politiques, économiques, l’Eglise rappelle souvent que le bien commun a pour base la solidarité familiale, nationale, internationale.

“Recherchez donc les réalités d’en haut, disait St Paul ; c’est là qu’est le Christ. Le but de votre vie est en haut, et non pas sur la terre !”
Puissions nous ré-écrire cette belle page de St Paul
en nous souvenant de ce que nous sommes devenus en Jésus Christ,
en fixant notre regard sur lui, lui qui s'est fait pauvre afin de nous enrichir.
Puissions-nous transmettre à notre tour cette richesse sans l’ombre de quelque pouvoir qui nous sollicite à accaparer. Il s’agira toujours d’accueillir en frères ceux qui nous entourent et leur dire qu'entre baptisés, la justice peut s'appeler charité !