4ème semaine de
Carême -
Lundi
Vous avez certainement remarqué dans la lecture la répétition du mot "créer".
Is
65,17-18 : "Car voici que je vais créer des cieux nouveaux
et une terre nouvelle ; on ne se
souviendra plus du passé, il ne reviendra plus à l'esprit. Mais soyez pleins
d'allégresse et exultez éternellement de ce que moi, je vais créer : car
voici que je vais faire de Jérusalem une exultation et de mon peuple une
allégresse".
Ce
mot "bara" est connu en hébreu par tous ceux qui ont fait ne fut-ce
qu’un tout petit peu d’hébreu biblique. C’est le 2éme mot du premier
chapitre de la Genèse :
"Bereshit BARA" - "Au commencement Dieu créa le
ciel et la terre".
Ce
mot qui se trouve aux origines, apparaît également dans l’histoire.
Le
peuple élu fait, tout au cours de son histoire, l’expérience de merveilles, de
délivrances que Dieu seul, dans sa toute puissance illimitée, peut opérer,
"créer".
Au
temps de l’exil à Babylone, lorsque le peuple n’est plus qu’ossements desséché
et que Dieu le ressuscite pour le faire revenir à Jérusalem, cette délivrance
est si déconcertante qu’elle prend l’allure d’une nouvelle création.
C’est alors que le mot "Bara" est employé.
Le
texte que nous avons entendu en notre lecture est d’un disciple d’Isaïe
contemporain de ce retour miraculeux. Il ne trouve pas de mot plus expressif -
"bara" - pour parler de ce que Dieu opère, crée) et continuera d’opérer
(de créer) dans l’histoire au profit du peuple élu.
A
remarquer : C’est l’époque où Jérémie et Ezéchiel parlent d’une "Nouvelle
Alliance" qui ne sera rien moins qu’une nouvelle création.
Jérusalem dévastée va ressusciter. Alors que beaucoup de peuples, plus
importants que la tribu de Juda, ont complètement disparu dans le "méli-mélo"
des empires qui se sont succédé, la petite
tribu de Juda, qui a été victime d’un véritable anéantissement, contre toute
espérance humaine, par une véritable résurrection des morts, va être objet
d’une nouvelle création ; et son histoire qu’on aurait pu croire
définitivement interrompue, reprend de plus belle dans une espérance
universelle:
"Oui,
je vais créer un ciel nouveau et une terre nouvelle, on ne se rappellera
plus le passé, il ne reviendra plus à l’esprit".
Ce
langage de création aux
origines, de recréation collectivement
vécu par le peuple élu au cours de son histoire, va se transférer sur le plan individuel.
On le trouve dans la bouche de David, après son adultère avec Bethsabée. Dans
sa repentance, il reprend ce langage de recréation. (Ps 50,12)
"Crée en moi un cœur pur".
(Lev tahor bera li Elohim)
"Renouvelle en ma
poitrine un esprit de générosité"
(Va rouah nahon rodesh beqirbi)
Ce
mot de "bara" exprime l’expérience que fait le peuple élu
d’un
Dieu créateur,
d'un
Dieu re-créateur collectivement,
et,
bien plus, d'un Dieu sans cesse créateur de chaque individu, en fusse-t-il
indigne.
"Notre
Dieu est un Dieu de délivrance, à Lui sont les issues de la mor".
Les
professeurs nous disent que le 1er chapitre de la Genèse est tardif.
Dans sa perfection stylistique et sa parfaite construction mathématique, il
doit être de l’époque Perse.
Les
juifs, pendant l’exil à Babylone, ont vécu sous la domination de l’Empire des Perses.
Ceux-ci avaient une religion dualiste. Pour rendre compte du mal, ils posaient
que deux principes étaient en lutte dans l’histoire du monde, un principe bon
et un principe mauvais. Les écoles juives de scribes, à cette époque, ont jugé
bon de rompre avec ce dualisme. La phrase "Dieu vit que cela était
bon" revient comme un refrain, dans les jours de la création.
La
Bible - Parole de Dieu - veut accompagner la condition humaine jusqu’au fond
des problèmes que pose le mystère du mal - pensons à Job, Qohélet, à certains
psaumes - , pensons surtout aux
anéantissements du Verbe Incarné qui meurt sur la croix, de la mort des
esclaves.
Ainsi,
le Carême qui nous invite à la repentance, nous invite à le vivre dans la joie
de l’Espérance en le Dieu des délivrances, qui "a les issues de la mort", qui peut récréer comme il nous a créés, à qui nous remettrons un jour notre
dernier souffle, dans la certitude qu’il nous le rendra.
Ps 104, 29-30 : "Tu caches ta face, ils
s'épouvantent,
tu retires leur souffle, ils expirent ;
à leur
poussière ils retournent.
Tu
envoies ton souffle, ils sont créés ;
tu renouvelles la face de la terre".
Vivons notre Carême
dans
cet esprit de création depuis le début de notre existence,
dans
cet esprit de re-création tout au
long de notre vie au milieu des diverses difficultés, de signes de destruction,
dans
cet esprit de résurrection qui se manifestera au seuil de notre éternité
!
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