3e Dimanche 2018/C
Nous commençons aujourd'hui
l'évangile selon St Luc, qui va se
poursuivre tout au long de cette année.
Nous avons trop l'habitude de
mélanger les quatre Evangiles en un seul. En fait, l'image de Jésus est une
image diversifiée. Et il est très intéressant de regarder chaque Evangile avec
ses particularités. Et puisque nous abordons Luc, essayons de relever les
teintes dominantes de son œuvre : Jésus selon saint Luc.
Relevons d'abord une caractéristique
très intéressante pour nous. Luc n'est pas un Juif d'origine. C'est
un chrétien de la "seconde génération" qui n'a jamais vu Jésus
de ses yeux de chair, comme Matthieu ou Jean. Avec lui, nous entrons dans un
univers culturel nouveau.
Luc était un païen qui habitait une
des plus grandes villes de l'Empire romain, Antioche. C'était un homme cultivé,
dont la langue n'était pas l'hébreu ou l'araméen, mais le grec. Il était
médecin, dit-on.
Il fut converti, adulte, sans doute
par St Paul, après avoir vécu sans doute de Jupiter, de Vénus et surtout d'Esculape,
dieu de la médecine… avant de découvrir le Christ ressuscité, qu'il n'a
jamais rencontré visiblement,… comme
nous ! Comme nous !
Il a été ébloui seulement par la
lumière du Ressuscité, ce qui ne veut pas dire qu'il négligera ses aspects très
humains. Car, étant proche des événements de Jésus, il a recherché le contact
de ceux qui l'avaient connu. Il nous le dit lui-même : "Je me suis informé soigneusement auprès des témoins oculaires…".
Cependant, écrivant pour des
Grecs, Luc expurge soigneusement de l'Evangile de Marc qu'il utilise, tous les
usages juifs qui auraient été incompréhensibles à ses lecteurs. Ainsi
parle-t-il non de "Gethsémani", mais du "jardin des olives"…,
ce qui est compréhensible pour tous. Même le mot "Amen" est supprimé
par Luc. Quand nous le trouvons en Matthieu ou Marc, il est gommé dans les
passages parallèles de Luc.
C'est un très bon exemple que nous devrions
poursuivre aujourd'hui. Il faut que la
"Bonne Nouvelle" du Christ soit dite dans toutes les langues et
dans toutes les cultures. En ce sens, le récit de Luc est très
"moderne". Il nous invite à continuer à «traduire» dans nos mots et
usages actuels cet Evangile qui a d'abord vu le jour en milieu juif, puis en
milieu hellénistique.
Puisse St Luc nous aider à
"traduire" le message de Jésus dans notre propre langue, dans
notre propre culture. Ce fut l'un des buts du Concile Vatican II.
Mais quelles sont les couleurs dominantes que Luc
utilise pour peindre le portrait de Jésus ?
L'Evangile de St Luc est d'abord l'Evangile
de la joie ! Aussi étonnant que cela puisse paraître, Marc ne prononce ce
mot qu'une fois, et Matthieu huit fois. Quant à Luc, vingt-neuf fois il écrit
les mots "kairo", se réjouir, ou "kaira, joie!
Le premier mot de Dieu, dans l'Evangile
de Luc, est adressé à Zacharie : "Ne
crains pas, tu vas avoir un fils, il te donnera beaucoup de joie»"
Le deuxième mot de Dieu aux hommes,
c'est à Marie: "Réjouis-toi,
favorisée de Dieu !".
Et tout l'Evangile de Luc sera comme
une traînée de joie. La joie sera encore son dernier mot : Alors
que les Apôtres venaient de voir Jésus disparaître au jour de l'Ascension, il
écrit : "Ils retournèrent à
Jérusalem, pleins de joie".
Tout ceci n'est pas un hasard. Luc
avait sans doute expérimenté cette joie dans sa propre conversion au
Christ Ressuscité. Notre foi est-elle ainsi ? Sommes-nous heureux de croire ? Voilà ce à
quoi nous invite Luc.
En second lieu, l'Evangile de Luc
est un Evangile social où les petites gens, les défavorisés de l'époque
sont mis en valeur: les femmes, les
enfants, les pauvres, les pécheurs, les exclus. Jésus, selon Luc, est l'ami des
pauvres, des petits, "l'ami des
publicains et des pécheurs" (Luc 7/34).
Et nous avons entendu comment, dans
son premier sermon, Jésus déclarait : "L'Esprit
de Dieu est sur moi… Je suis venu… pour libérer les opprimés, rendre la
liberté à ceux qui sont en prison, dire une joyeuse nouvelle aux pauvres…".
Jésus, par Luc, nous demande de
transformer la société dans laquelle nous vivons pour qu'elle améliore le sort
des plus délaissés de nos frères. Cela signifie que l'Evangile a des
implications profondes dans la société. Notre foi est-elle ainsi ? Sommes-nous
attentifs aux plus pauvres ?
Une troisième caractéristique de
l'évangile de Luc, c'est la miséricorde de Dieu. Bien sûr, tous les
Evangiles nous parlent de cette tendresse inépuisable de Dieu pour les
pécheurs.
Pourtant, c'est un fait, Marc ne
nous raconte qu'une seule fois un "pardon de Jésus", et encore
c'était à un homme paralysé qui ne demandait pas d'être pardonné.
Luc, lui, nous transmet neuf fois
des "paroles de Pardon" de Jésus. Seul Luc nous rapporte la
scène où Jésus pardonne à une prostituée (Luc 7/36-50). Seul Luc nous raconte la scène de
Zachée, cet exploiteur public qui se
convertit dans la joie (Luc
19/1-10).
Seul Luc nous dit que Jésus a pardonné au bon larron. Seul Luc nous rapporte
trois paroles essentielles, comme si elles n'avaient pas frappé Matthieu, Marc
et Jean, qui n'en disent rien : La Brebis perdue, la Drachme perdue, et
l'Enfant prodigue. "Il y a plus de
joie au ciel pour un pécheur qui se convertit que pour un juste qui n'a pas besoin
de pénitence". Avec Luc, nous savons que Jésus présentait Dieu comme
ce merveilleux père qui accueille son enfant parti au loin vivre une vie de
débauche.
Enfin, l'Evangile de Luc est l'Evangile
de la prière. Marc ne nous montre que deus fois Jésus en train de prier : à
la multiplication des pains et à la dernière Cène. Luc, lui, en plus de ces
deux cas, nous montre Jésus en prière : - A son baptême - Avant de faire le choix de ses apôtres - Au
jour de la Transfiguration - Avant la Confession de Pierre à Césarée - Au
retour des disciples de leur première mission - Avant de donner le "Notre
Père" - Au repas avec les disciples
d'Emmaüs.
Pour Luc, la prière n'est pas
d'abord un sujet dont Jésus "parle", c'est un "acte"
qu'il accomplit. Quand Jésus parle de la prière, c'est à partir de sa propre expérience.
La parabole de l'ami importun qui finit par obtenir ce qu'il demande, seul Luc
nous la rapporte.
Ces quelques notations nous auront
fait découvrir combien l'Evangile de Luc est original. Evangile de joie, de
promotion sociale, de miséricorde et de prière…
N'est-ce-pas une extraordinaire invitation
qui nous est faite de "traduire", à notre tour, à notre manière à
nous, la "Bonne Nouvelle". Qui que nous soyons, nous avons à
transmettre la "Bonne Nouvelle" de Notre Seigneur. il devrait y avoir
mille et mille Evangiles : l'Evangile écrit par un médecin, comme Luc ; celui
du païen converti, de la sténodactylo; de la mère de famille; l'Evangile du conducteur d'engins, de
l'étudiant, de l'agriculteur, du professeur, du commerçant etc…
Que St Luc nous apprenne à dire
l'Evangile avec toute notre vie… et avec nos mots, avec ceux de nos contemporains.