dimanche 20 mai 2018

L'Esprit de Pentecôte !


Dimanche de la Pentecôte 18/B

Aujourd'hui, l'Eglise du Mans est réunie en Synode, autour de son évêque, comme les disciples du Christ étaient réunis autour de Pierre, au jour de la Pentecôte, fête de l'Alliance.
             
Déjà la Pentecôte juive fut, au Sinaï, la rencontre de Dieu avec son peuple. Au-delà des éclairs et du tonnerre qui signifiaient l'importance de l'événement, Dieu faisait alliance avec son peuple.
Et chaque année, Israël célébrait cette alliance. On appelait cette fête la "Pentecôte" - du terme grec qui évoque le 5Oème jour : 5O jours après la libération d'Egypte - pour souligner que les deux fêtes - Pâque et Pentecôte - étaient liées. Il avait d'abord fallu que le peuple ait été arraché à l'esclavage pour devenir le peuple libre, saint, le peuple de Dieu. La libération préparait l'Alliance.
             
Dans son récit, St Luc accumule les allusions bibliques (vent, feu) pour suggérer que la Pentecôte, à Jérusalem, fut l'équivalent, mais bien amplifié, de ce que fut l'expérience de l'Alliance au Sinaï. La Pentecôte chrétienne étend à l'humanité l'Alliance entre Dieu et son peuple.
             
Les Juifs avaient l'habitude, en cette fête, de lier les premières gerbes de blé pour les offrir à Dieu qui s'était lié à son peuple. De même, la mission de lier, de regrouper en une grande famille consacrée à Dieu fut confiée aux premiers disciples réunis ensemble : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans les cieux ».
             
Désormais, c'est l'Eglise - donc chacun de nous - qui doit parler à tous les hommes, les rassembler autour d'un seul Sauveur, le Christ. Et c'est bien en vue de cette mission que l'Eglise du Mans s'est rassemblée autour de son Evêque.

Ce rassemblement, cette mission doivent revêtir les mêmes caractéristiques qui furent données à l'Eglise des Apôtres et que  nous proclamons dans notre credo : « Je crois en l'Eglise une, sainte, catholique et apostolique ».

- L'Eglise est sainte ! Non que ses membres sont tous, déjà,  à canoniser (hélas) ; mais tous ils ont reçu un germe de sainteté,
grâce à l'Alliance avec Dieu en Jésus-Christ,
par l'effusion en eux de son Esprit.
Cette sanctification doit aller croissante jusqu'à sa plénitude au ciel.
Sommes-nous conscients de cette sanctification à nous accordée par le sang du Christ ; savons-nous la développer ? Manifestons-nous suffisamment cette alliance divine et sanctifiante pour la proposer à tous les hommes que nous rencontrons ?
Ce sont ces questions que nous posent le Pape François dans sa récente exhortation à "l'appel à la sainteté". Et pour cela, il nous sollicite d'abord à méditer le "programme" du Christ : "LES BEATITUDES" !

- L'Eglise est une ! L'Esprit sanctificateur ne descend sur les fidèles que s'ils sont réunis, et réunis en prière : « Tous, unanimes, étaient assidus à la prière ». Il n'y a pas de "pentecôte" individuelle.
Sommes-nous de ces chrétiens qui aiment à se réunir, à s'unifier au point d'émerveiller jusqu'à intriguer : « Qu'est-ce que cela veut dire? », demandait-on au jour de la Pentecôte. Sommes-nous de ces chrétiens qui ne dispersent pas mais rassemblent, qui ne divisent pas mais unissent, qui étonnent peut-être mais ne troublent jamais ?

- L'Eglise est catholique, c'est-à-dire universelle. Elle doit annoncer l'Evangile à tout homme de bonne volonté, sans distinction aucune. Elle ne peut se refermer sur elle-même, vivre en ghetto. Elle doit parler toutes les langues. Tout chrétien, dit St Paul, doit "se faire Juif avec les Juifs, Grec avec les Grecs, pour les gagner tous à Jésus-Christ".
Sommes-nous de ces chrétiens qui se font tout aux autres, pour que le Christ soit "tout en tous" ?

- L'Eglise est apostolique ! Cette poignée d'hommes et de femmes, apeurés, désemparés, blottis dans une chambre, le Saint-Esprit, au jour de Pentecôte, les transforme en témoins de Dieu : « Nous ne pouvons pas ne pas dire ce que nous avons vu et entendu », dira Pierre.
Sommes-nous de ces chrétiens dont l'Esprit Saint a pu vaincre toute peur en eux, de sorte qu'ils aiment à proclamer leur identité chrétienne?

Aujourd'hui, l'Esprit Saint nous pose cette question : êtes-vous assez réceptifs à mon action…
- pour manifester la sainteté divine qui germe déjà en vos cœurs,
- pour manifester l'unité divine qui rassemblent tous les hommes,
- pour manifester l'universalité de l'Alliance contractée en Jésus-Christ, Dieu et homme,
- pour témoigner du Christ par toute votre vie?

Telle est la question de notre Eglise réunie autour de son Evêque. Telle est la question que nous devons nous poser en ce jour de la Pentecôte.
                           
 Demandons l'aide de Marie, elle qui était présente - d'une présence essentielle - au jour de la Pentecôte. Il y a un tel lien entre Marie et l'Eglise. Les Evangiles, toujours très discrets sur Marie, mentionnent sa présence à chacune des trois étapes de la fondation de l'Eglise : l'Incarnation, la Passion, la Pentecôte.
Le mystère ecclésial est aussi un mystère marial. La mère qui a veillé sur l'Enfant de Bethléem était présente à la naissance de l'Eglise et veille sur elle. Par l'Esprit-Saint, elle a enfanté Jésus ; par l'Esprit-Saint, l'Eglise enfante les fils d'adoption, frères de Jésus. L'Eglise ne fait qu'imiter Marie.
Et c'est avec grande raison que le Pape François vient de nous demander que toutes les célébrations du Lundi après la Pentecôte soient consacrées  à la gloire de Marie, "Mère de l'Eglise" !             

Confions-nous à Marie, confions notre Eglise à Marie et demandons-lui de lui ressembler toujours davantage afin de pouvoir enfanter le Christ dans le cœur de tout homme.
Telle notre mission de chrétien depuis la Pentecôte.

samedi 12 mai 2018

Deux mondes ! Une vraie vie !


7e Dimanche de  Pâques .B   

“Je ne demande pas que tu les retires du monde”. (Jn 17.15)

L'homme chrétien est comme entre deux mondes.
“L’Eglise connaît deux genres de vies révélées et recommandés par Dieu, écrivait St Augustin.
L’une de ces vies est dans la foi, l’autre dans la vision.
L’une pour le temps du voyage, l’autre pour la demeure d’éternité.
L’une dans le labeur, l’autre dans le repos.
L’une sur la route, l’autre dans la patrie.
L’une dans le travail et l’action, l‘autre dans la récompense de la contemplation”…
Ce monde-ci et un autre. Et il faut parfois beaucoup d’espérance, de connivences intérieures pour aimer ce monde-ci et pouvoir parier de l'“autre monde”.

Rimbaud disait : “La vraie vie est absente”. Qui ne le sent pas ? On peut le sentir lorsqu'une certaine forme de réussite légitime nous échappe totalement : un projet familial, social, professionnel, une relation amicale…, que sais-je ? Qui n’a pas vu un homme, une femme dont la vie était décolorée et le monde éteint, parce qu’une ambition légitime, une affection réconfortante qui semblaient engager son avenir, faisaient place brusquement à un vide abyssal ? 
“La vraie vie est absente”. On a beau répéter partout qu'il faut se contenter de ce monde, ce monde ne nous contente pas. Notre cœur est plus grand que ce monde.

L'hypothèse chrétienne, celle de Jésus, est qu'il y a une présence dans ce monde que l'homme ne perçoit pas du premier coup, qui doit lui être annoncée, révélée. “Convertissez-vous : le Royaume de Dieu est déjà là”. Et beaucoup pressentent, d’une manière ou d’une autre, que ce monde-ci n'est qu'allusion à un autre monde. Le succès de certaines spiritualités - celle d'hier et celles d’aujourd’hui … - et l’homme moderne lui-même avec ses complexités font ressentir que ce monde n’est qu’illusion ou allusion. Allusion, illusion : “La vraie vie est absente”.
Et que dire de la mort elle-même ? Elle qui a l’impudence de faire disparaître tout ce qui a précédé, de discréditer la vie actuelle : tout le passé est englouti de façon aussi rapide qu'un texte d'ordinateur par une erreur de manœuvre. Disparue... non sauvegardée. Est-ce possible ? Où est la vérité ? “La vraie vie est absente”.

Mais elle existe ! Je ne connais pas d'homme qui n'ait pas envie d’y croire. Même celui qui affirme ne pas croire comme cet homme embarqué par des amis pour un séjour à Lourdes et qui honnêtement reconnaissait : “Oui, j’ai écouté et bien entendu… Tout cela, je le reconnais : on dirait que ces discours décrivent mon pays d’origine que je voudrais retrouver. Mais voilà, je ne crois pas”.
Oui, il peut y avoir en un homme la nostalgie de Dieu en lequel il pourrait croire simplement. Mais il y a ce détersif puissant, ce virus spirituel du doute qui fait disparaître Jésus et son message.

Ceux que j'évoque ici sont tout près de nous. Nous les connaissons. Les croyants ne devraient jamais les oublier. Si Jésus envoie ses disciples - “comme le Père m'a envoyé, à mon tour je vous envoie” -, c'est justement pour eux... Ils font partie de notre vie.

Quant à eux ils ne devraient jamais croire qu'ils ont ainsi réglé la question une fois pour toutes. Il faut toujours persévérer dans l'“attente”, l'attente de Dieu. Car si l’on va criant douloureusement parfois : “La vraie vie est absente”, on ne perd cependant jamais son temps à paraître “loin de Dieu”. C'est nous qui nous imaginons que nous sommes “loin de Dieu”, parce que Lui nous sollicite sans cesse, nous cherche dans les mouvements de notre liberté.

Mais il y a aussi - il faut le reconnaître - ceux qui ont réglé la question qu'ils se posaient dès leur adolescence : ils sont passés depuis longtemps à autre chose. Si nous pouvions leur demander - parce que le bonheur est peut-être à fleur de terre et que c'est trop bête de marcher dessus - de douter un peu de leurs évidences humaines.

Autre réflexion encore : Si l’on se dit, si l’on s’affirme croyants, c'est parce que, souvent, on a eu près de soi de vrais témoins de la foi. Peut-être déjà dans sa famille ou un ami… Bien plus, même s'il s'agit de quelqu'un de désagréable - mauvais caractère - cela ne fait rien à l'affaire. Quelqu'un dont on a senti qu'il y avait dans sa vie une netteté, une droiture, un courage à vivre malgré les épreuves. Une existence qui, par sa densité, a été la découverte du mystère de l'homme, d’un sens de la vie et de son orientation vers Dieu. Sans ces témoins, on ne serait pas le même !

Et bien, pour moi, c'est cela l'Église. C'est ce que les apôtres ont été, tous, les uns pour les autres. C'est pourquoi nous disons que l'Église est “apostolique”, fondée sur le témoignage des apôtres. Peut-être avez-vous été vous-mêmes ces témoins pour d'autres. N'est-ce pas cela une communauté chrétienne ? Elle est “force de témoignage” qui semble contredire, malgré les apparences contradictoires, cette affirmation lancinante : “La vraie vie est absente !”.    
Oui, nous ressentons toujours vivement la “force d’un témoignage”.  J’ai rencontré une personne très équilibrée, peu encline à de rapides emballements. Elle avait rencontré Mère Térésa. Lorsqu’elle en parlait, sa voix changeait de ton. La “force du témoignage” !

Mais, malheureusement, nous ne savons guère nous arrêter pour laisser la “force d’un témoignage” - la force d’une présence - faire en nous son œuvre. Pourtant, nous avons la chance, la grâce d’avoir un Dieu irréfutable… ; je veux dire qu'il est sans défense, “innocent” comme disait Claudel lors de sa conversion, si loin du Dieu des puissances, des hiérarchies et des démonstrations péremptoires. Saurons-nous le reconnaître pour ne plus dire : “La vraie vie est absente !”.

Il suffit de lire le récit simple de la vie du Christ, de ses rencontres et finalement de la passion. Alors nous pourrons proclamer un Dieu à qui le dernier des derniers - je pense à ce larron tout près de Jésus en croix - peut avoir envie de dire : “souviens-toi de moi quand tu seras dans ton paradis” où la vraie vie n’est pas absente ! Un Dieu qui ne prétend à rien qu'à ouvrir un avenir pour sortir l'homme de ses contradictions. Voilà la divine présence qui contredit cette affirmation : “La vraie vie est absente !”.

“Père, priait Jésus, je ne te demande pas de les retirer du monde !".
Alors, l'homme chrétien entre deux mondes ?
Peut-être, mais il y a une présence dans ce monde que l'homme ne perçoit pas du premier coup : “Je parle ainsi, en ce monde, pour qu'ils aient en eux ma joie. Je ne demande pas que tu les retires du monde mais que tu les gardes du Mauvais”. La vraie vie n’est pas absente !

Le chrétien sait que ce monde est “habité” à cause d’une secrète et permanente résurrection par la présence du Christ comme ce matin dans le signe simple du pain et du vin. Voilà sa joie. Elle nous fait comprendre la phrase de Bernanos : “Quand je serai mort vous irez dire au doux royaume de la terre que je l'ai aimé plus que je n'ai jamais osé dire”.

“Je ne demande pas que tu les retires du monde mais que tu les gardes du Mauvais”.

vendredi 11 mai 2018

Où Jésus va-t-il ?


Ascension 18/B -

“Pourquoi restez-vous à regarder le ciel ?”,
C'était ce qui était demandé aux apôtres lors de l'ascension de Notre Seigneur en la gloire divine.
Comme si Dieu était au-delà des nuages ! 
Cependant, il est vrai : Dieu ! Il est si difficile de parler de lui ;
il est si difficile de parler des choses de Dieu avec nos mots humains ! Alors, pour parler du retour de Jésus dans la gloire divine, les textes d'aujourd'hui utilisent des images, comme Jésus lui-même le faisait souvent (Cf. paraboles)

Ainsi donc, il est donc question du Ciel, il est question de Jésus qui MONTE au ciel ! C'est l'image de Jésus qui entre dans la gloire éternelle de Dieu.
Ces images, d'ailleurs, nous les retrouvons dans notre “Je crois en Dieu” et dans la prière que Jésus lui-même a apprise à ses apôtres, à nous-mêmes : “Notre Père qui es aux cieux”, comme si le Ciel de Dieu était un lieu situé dans l'espace au-dessus de nos têtes, au-delà des nuages.

Depuis longtemps, nous avons compris que ce ne sont là que des images. Car Dieu, s’il est Dieu, ne peut pas être localisé. Dieu, s’il est Dieu, est partout ; nous respirons en lui, nous vivons en lui ; il est la Vie, il est notre vie ; il est la source de ce qu'il y a de meilleur en nous.

Alors, quel est le sens de ce mystère de l'Ascension, de cette montée de Jésus au ciel ?
C’est dire, avant tout, que Jésus vit maintenant à la manière de Dieu. Et si Dieu est partout, Jésus ressuscité est partout, lui aussi. Nous n'avons pas à le chercher au ciel derrière les nuages. Nous avons à discerner sa présence par la foi dans tous les aspects de notre vie quotidienne qu’il connaît bien puisqu’il a vécu notre condition d’homme !

Et si Dieu est partout, si Jésus est partout depuis qu’il vit à la manière de Dieu, il n'est pas n'importe où. Il est là où il y a le plus de vie, d'amour, de cœur. Le ciel de Jésus aujourd'hui, c'est le cœur de l'homme, la conscience de l'homme.

Et  si nous reposons la question : où est-il donc aujourd'hui, ce Jésus que nous célébrons ? On peut répondre :
Il est là dans toutes nos tâches familiales ou professionnelles, pour que nous y mettions toute notre compétence, tout notre amour, tout notre soin.  
Il est là dans toutes nos tâches caritatives, il est la source de notre dévouement.
Il est là quand nous sommes inquiets pour l'avenir, toujours prêt à nous redonner courage et confiance.
Il est là quand nous le rejoignons dans la prière, c'est même lui qui nous suggère de penser à lui.
Il est là dans toutes nos joies familiales comme dans tous nos soucis.
Il est là dans ce geste de pardon et de réconciliation que nous décidons de faire à l'égard d'une personne.
Il est toujours là comme une force de vie, une force de courage et d'amour, comme un appel au plus profond de nos consciences.

Et il est là, bien sûr, quand nous nous rassemblons pour l'Eucharistie :
il est là sous le signe de la Parole de l’Evangile, car il a toujours quelque chose à nous dire ;
Il est là sous le signe du Pain consacré que nous recevons par la communion, car il est toujours prêt à se donner, à nous tendre la main pour nous entraîner à sa suite.

Et de plus, ne l'oublions pas : l'ascension du Seigneur Jésus dans la vie éternelle de Dieu nous rappelle le but et l'issue finale de notre propre vie. Car notre vie ne se terminera pas à la mort ; comme pour Jésus, Dieu nous attend dans sa gloire divine.
Et toutes les valeurs d'amour, de courage, de travail, de don de nous-mêmes aux autres, tout cela prendra une valeur éternelle dans le cœur de Dieu. Grâce à l'Ascension de Jésus, nous avons déjà une place auprès de lui, en lui-même. Tel est le sens final de la vie, de notre vie actuelle avec ses joies et ses difficultés !

L'Ascension n'est pas un départ de Jésus. C'est sa présence avec nous et en nous qui devient universelle et que nous discernons par la foi.
Présence de Jésus que rien ne peut arrêter, ni nos doutes, ni les persécutions, ni la souffrance, ni la mort.
Nous ne sommes jamais seuls : il est toujours là, au plus profond de nos consciences. Un jour, nous le rejoindrons dans la plénitude de la vie en Dieu.
Finalement, Dieu est tellement AMOUR en lui-même et au-delà de lui-même que l'on peut dire : la gloire de Dieu, c'est la gloire de l'homme ! Et la gloire de l'homme, c'est la gloire de Dieu !

Tel est - je le souhaite - le sens de la démarche religieuse que nous accomplissons aujourd'hui !

mardi 8 mai 2018

Paix à toujours construire


 8 Mai 2018 -

Célébrer l'anniversaire du 8 mai, c'est d'abord se souvenir de ce que nos anciens ont vécu : une guerre effroyable avec, souvent, ses bombardements sur des populations impuissantes, les exodes, les camps de concentration, les massacres et bien des malheurs… Et cela d'une façon organisée, à une échelle épouvantable : la seconde guerre mondiale a coûté la vie à cinquante millions de personnes dont onze millions ont été fusillées, torturées, exterminées par une mort infâme. Et cela par un des états les plus avancés culturellement et scientifiquement, mais qui était devenu la nation la plus barbare de l'histoire, mais qui depuis longtemps, s'en est heureusement relevé avec grandeur et honneur.
Il faut se souvenir de cela. Un philosophe a écrit : "Ceux qui perdent le souvenir du passé sont condamnés à le répéter". Puissions-nous ne pas oublier ce passé afin de ne pas le répéter.
Dans la Bible, pour ne jamais oublier la libération d'Egypte, Dieu demande à Moïse de célébrer chaque année l'anniversaire de cet événement : ce sera la fête de la Pâque juive.
Nous-mêmes, par l'Eucharistie, avec le Christ qui a voulu porter en lui-même les horreurs de notre humanité, faisons mémoire de tous nos morts pour la France, ceux qui sont connus et aussi de ces innombrables inconnus qui nous permettent d'exister avec liberté, mais d'une liberté que nous avons sans cesse à construire personnellement, socialement, nationalement pour qu'elle soit le plus possible universelle (ce qui n'est pas le cas encore).
Et nous pouvons aujourd'hui faire mémoire du Cel Beltramme et de tous ceux qui, aujourd'hui, donnent leur vie, d'une manière ou d'uneautre, pour leurs frères

Fête du souvenir et aussi fête de reconnaissance. Notre présence ici et devant nos monuments aux morts doit être une dette sacrée de reconnaissance envers tous ceux qui se sont dressés pour nous libérer. C'est à eux que nous devons de pouvoir vivre en exerçant une certaine liberté.
Et ici, en cette église, notre merci passe par Jésus Christ qui peut apparaître pour les croyants et pour les incroyants comme l'homme libre par excellence. Face à tous les pouvoirs, tous les préjugés, toutes les exclusions, il a été l'homme de l'amour sans frontières, nous appelant tous à vivre en frères unis. Au moment de mourir, il a voulu unir en lui-même, avec lui, ses deux compagnons d'infortune, celui qui croyait et celui qui ne croyait pas. Le combattant pour la liberté est toujours l'homme d'une foi, d'un sursaut spirituel, d'un dépassement de lui-même. C'est aussi cela la reconnaissance.
             
Fête du souvenir, de reconnaissance, fête aussi de l'engagement. Aujourd'hui, célébrer la paix revenue et toujours la désirer, la préparer pour la ivre autour de nous, c'est prendre notre part dans la construction de l'avenir. Devant certaines violences verbales ou réelles en certains pays proches, et chez nous aussi, face à certains courants de pensées qui s'affrontent et s'exaspèrent, face à certains gestes d'intolérance, de racisme, d'inconscience, parfois nous avons peur.
Pourtant, nous voudrions une société fraternelle, ouverte sur l'avenir où les jeunes puissent trouver un travail, où les jeunes aient envie de travailler, où les jeunes puissent circuler en une Europe de plus en plus réconciliée pour la prospérité de chaque pays, de notre pays, la France qui, au cours de son histoire, a été souvent inspiratrice, instigatrice de liberté, de générosité, de paix.
             
Oui, que notre 8 Mai soit fête du souvenir, de la reconnaissance, et surtout d'engagement.
Et comme signe de ce souvenir reconnaissant et prometteur pour l'avenir, je vous propose un moment de prière silencieuse. Prions le Christ pascal pour tous ceux qui ont sacrifié leur vie pour nous, prions pour qu'à leur suite, nous sachions nous engager pour le service et le bien de tous.

Dans un moment de recueillement, que chacun puisse exprimer une prière, une espérance, un engagement...
Que le chrétien puisse souvent dire : Seigneur, nous te prions pour tous les morts de toute guerre, connus ou inconnus. - Si tu donnes la vie aux hommes, Seigneur, ce n'est pas pour qu'ils meurent à jamais.
Seigneur, nous écoutons chaque jour, angoissés et impuissants, les bruits des armes qui se font encore entendre aujourd'hui. - Regarde cependant nos efforts, Seigneur, insuffisants certes mais sincères, nos institutions internationales, nos projets et nos négociations de paix.
Seigneur, nous te prions pour que nous sachions construire un monde plus juste et fraternel, à où nous vivons.

lundi 7 mai 2018

Aimer de quel amour ?


6e Dimanche de Pâques  18.B             

"Ce que je vous demande, c'est de vous aimer les uns les autres".

Il y a des formules dont il faudrait n'user qu'avec modération. Elles deviennent insipides à force d'être galvaudées. Ce sont des formules passe-partout. On les chante, on les affiche. Et même, on les porte comme une croix autour du cou.

Quelle est donc cette demande de Jésus ? Son sens, son ton, sa couleur, sa force ? Et d'abord sa place ?
Elle vient après le lavement des pieds, avant l'arrestation de Jésus. Judas vient de sortir, et Jésus prend la parole.
  
Il sait où en est la situation. Et ce message qu'il délivre à ses apôtres est le dernier avant le grand passage : sa mort et sa résurrection.
Ce moment a une couleur : celui du sang qu’il va verser : “Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime”.
Et le ton est pressant, pressé, comme haletant.
C'est ainsi qu'il faut lire ce texte. Il y a urgence. Jésus donne à la fois des consignes, des explications, une mission, comme jetées à la volée, sans presque souci de les lier ensemble. Mais encadrées par ce commandement : “aimez-vous les uns les autres”.

Un amour exigeant
Ce commandement de l'amour est en effet exprimé deux fois. La première fois, il est accompagné de la précision : "Aimez-vous ( ... ) comme je vous ai aimés".

Or c'est tout un programme. S'il y a des amours, de fausses amours, qui anesthésient sous prétexte de prévenances et de petits soins, l'amour de Jésus est tout autre : il réveille et révèle à eux-mêmes ceux qu'il a choisis. Il les fait sortir d'eux-mêmes.
- Jésus a fait sortir ses disciples de leur situation sociale et professionnelle : adieu maisons, adieu filets, adieu vie balisée.
- Il les a fait sortir de leurs préjugés, de leurs égoïsmes, de leur racisme : bonjour les lépreux, les aveugles, les pécheresses, les solliciteurs de toutes sortes et les petits enfants.
- Il les a fait sortir d'une religion toute faite pour une aventure religieuse qui paraissait sacrilège aux yeux de beaucoup.
- Il les a fait sortir du petit groupe chaud qu'ils formaient pour s'aventurer en pays de mission et annoncer que le Royaume de Dieu était arrivé.
   
On peut ajouter à cette liste d'autres changements radicaux. A chacun de le faire dans sa méditation pour soi-même. Jésus veut toujours nous faire sortir pour nous libérer.

Or si Jésus a "décoiffé" ainsi les apôtres, ce n'est pas par goût du pouvoir et de la séduction. Il les a emportés loin de leurs habitudes parce qu'il les aimait : rude et tendre amour.
Quand on aime véritablement, on veut le meilleur de celui et pour celui qu'on aime. Et quand on aime, on donne le meilleur de soi à l'autre : juste et tendre retour. C'est de cet amour-là que Jésus veut que nous nous aimions, ajoutant même : "Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis", et "vous êtes mes amis", ajoute-t-il en substance. Cette amitié se signe par le sang.

Amis de Jésus
"Amis", dit-il ! Mais à qui Jésus s'adresse-t-il quand il déclare : "Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande " ? ou encore : "Maintenant je vous appelle mes amis", ? S’adresse-t-il aux seuls apôtres restés autour de lui à la table du Jeudi Saint ?
 
Nous aurions alors tendance à nous retirer en nous excusant : ce que j'entends ne s'adresse pas à moi ; je vous laisse entre amis.

Or Jésus donne la clef, la clef de son amitié, la clef de son discours : "Je vous appelle mes amis, car tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître ".

C'est donc la connaissance, la reconnaissance de Dieu-Père, par l'entremise de Jésus, qui fonde notre amitié avec Jésus. Par l'Evangile, connu et vécu, nous sommes, nous aussi, amis de Jésus, parce que fils d’un même Père…

Et c'est ainsi que le cercle des amis de Jésus s'élargit. Formé d'abord de seuls juifs, il s'étend ensuite à des non-juifs tels que Corneille. Il faut d'ailleurs que l'Esprit-Saint apporte un puissant renfort à Pierre pour que les juifs chrétiens acceptent que des "païens" se joignent à eux ! L'amitié de Jésus se répand donc sans exclusivité.

Amis des hommes
Mais de la part de Jésus, l'amitié est un sentiment exigeant : "Faites ce que je commande". Ce que Jésus a demandé aux apôtres, il nous le demande à nous aussi : se laisser déranger dans son mode de vie et de pensée. Aller au-delà de ses frontières naturelles, ce qui n'est pas forcément aller très loin :
- de l'autre côté de la rue pour s'enquérir d'un voisin âgé ou solitaire ;
- donner de soi, de son temps, visiter des malades, réconforter celui, celle qui n’en peut plus… ;
- écouter celui que personne n'entend ;
- dire oui, dire non, selon les cas, à haute et claire voix ;
- sacrifier de son superflu, partager de son nécessaire.

A chacun de faire l'inventaire et de choisir. Qui n'entend pas dans sa conscience cette voix ? Cette voix qui dit : tu aimes chichement ; tu es moins bon que tu en as l'air ; va plus loin. Et cette voix est celle de Jésus, notre ami.

Et en retour de ce don de soi ? Le don de Dieu : "tout ce que vous demanderez au Père en mon nom, il vous l'accordera". Si j'ose dire, avec Jésus, l'amitié est un superbe placement.

Aimer, c'est aimer Dieu
Et pourtant la situation peut laisser insatisfait : car enfin les autres, tous ceux qui ne connaissent ni le Père, ni le Fils, ni l’Esprit-Saint, sont-ils tenus à l'écart des dons de Dieu ?
La réponse vient de Jean : "Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour".

Cette parole inspirée par l'Esprit renverse bien des murs. C’est dans et par l’amour véritable que Dieu est connu. Jésus nous conduit à Dieu. Or Dieu est Amour ! Et ceux qui s’exercent à cet amour connaissent Dieu.

Mais comment témoigner d'un amour invisible si, visiblement, nous ne nous aimons pas entre chrétiens ? Jésus sait ce qui menace à la fois son Eglise et le message qu'elle a mission de porter. C'est pourquoi, dans la hâte des derniers moments, il nous supplie !
Prière ultime : "Aimez-vous les uns les autres".