vendredi 31 mai 2019

... et notre Ascension !


Ascension 2019

Quand on lit les récits évangéliques concernant l'Ascension de Jésus, on remarque des divergences importantes entre eux.

- St luc, dans son évangile, situe l'Ascension près de Jérusalem, le jour même de Pâque,   
alors que dans les Actes des Apôtres, le même écrivain  date cet événement 40 jours après Pâques.
- Matthieu, lui, situe l'Ascension sur une montagne de Galilée.
- Et Marc en parle sans précision de date ou de lieu,
- tandis que St Jean n'en parle pas.

Ces divergences nous rappellent que l'Ascension de Jésus, ce n'est pas tant un événement historique qu'on peut dater, situer, qu'un mystère de foi.

Et ce mystère de foi, les Evangélistes l'ont exprimé, chacun à sa manière, par des symboles, des images.
+ Le ciel, la montagne, la nuée, ce sont, dans la Bible, des images habituelles de la présence de Dieu.
+ Jésus enlevé au ciel comme le fut le prophète Elie,  c'est, l'image de l'entrée de Jésus dans la gloire et  l'éternité de Dieu.
+ Et pourquoi 40 jours après Pâques ? C'est que le nombre 40, dans l'histoire juive, est le symbole d'un certain temps avant la manifestation de Dieu :
- 40 années des Hébreux au désert avant la manifestation de Dieu en  la Terre promise,
- 40 jours de Jésus au désert avant sa manifestation aux hommes.

A travers ces images diverses, c'est une même vérité de foi qui est exprimée. Et cette vérité veut souligner aujourd'hui l'aboutissement de toute la mission terrestre et visible de Jésus.  

Revenons d'abord au départ : la naissance humaine de Jésus nous montrait comment Dieu est venu nous rejoindre. Il est "descendu" - encore une image  – .
Il est descendu pour épouser notre condition humaine,
Il est descendu pour nous rejoindre dans tous les moments - heureux ou malheureux - de notre existence,
Il est descendu pour nous rejoindre au plus intime de nos misères physiques ou morales,
- non pour les supprimer comme par un coup de baguette magique,
- mais pour les partager avec nous, les prendre sur lui !

Et cela afin que, par notre union profonde avec lui, à son mystère pascal de mort et de vie, nous puissions partager déjà - et parfaitement un jour - la plénitude de sa gloire qui est soulignée par cette fête de l'Ascension.  

L'Ascension, c'est bien cela : Jésus est "descendu" jusqu'à nous, pour "remonter" de cette vie terrestre vers sa gloire divine,
- et y "remonter" non pas seul,
- mais nous tous avec lui, à sa suite, pour que nous soyons glorifiés avec lui.

Oui, la fête de l'Ascension est bien ce mystère de foi que nous célébrons déjà en chaque Eucharistie :
Dieu est venu vers l'homme pour que l'homme puisse aller vers Dieu.
St Irénée osait écrire : "Dieu s'est fait homme pour que l'homme devienne Dieu !".

Mystère de foi ! Mystère d'amour aussi. C'est Dieu qui nous aime, qui nous aime le premier. En Jésus, il est "descendu" nous apprendre à vivre dans l'Amour, dans cet Amour divin qui unit si fortement les personnes divines elles-mêmes, Amour que nous partagerons un jour pleinement.

Mystère de foi ! Mystère d'amour ! Mystère d'espérance encore : l'Ascension donne sens à notre vie. Jésus trace le parcours de notre propre destinée :
il est passé par la mort; nous y passerons également.
Il est ressuscité et glorifié; nous le serons également.

Faut-il en conclure qu'il nous faut mépriser notre vie terrestre, pour mieux nous orienter vers l'au-delà ? Absolument pas ! Même si certains l'ont fait  - par vocation particulière  - pour souligner l'importance de notre union avec Dieu.
Car notre vie en Dieu ne sera pas une seconde vie, une autre vie.
Notre vie en Dieu, ce sera notre vie terrestre qui aura enfin atteint, grâce au Christ, son plein épanouissement, sa pleine libération de toutes les limites et lourdeurs que nous connaissons ici-bas.

En revanche, toutes les valeurs d'amour, de courage, de désintéressement, de don de nous-mêmes dans les plus petites choses comme dans les plus grandes,
tout le positif de notre histoire terrestre, nous le retrouverons transfiguré pour toujours dans le don éternel de nous-mêmes à Dieu et de Dieu à nous.
La Vie éternelle, non seulement nous la préparons, mais elle est déjà commencée.

Voilà l'objet de la fête de l'Ascension en son mystère de foi, d'amour et d'espérance !

C'est tout cela que manifeste le Baptême, que l'on sollicite même pour un tout petit lorsque les parents sont comme poussés par ce mystère de foi, d'amour, d'espérance.
Une richesse spirituelle que l'on désire transmettre,
la richesse d'une union avec Jésus, mort mais ressuscité,
lui qui, au-delà de la mort même, nous entraîne à sa suite, à aimer comme il a aimé. à aimer comme Dieu aime !

C'est tout cela que manifeste le sacrement de l'Eucharistie : le Christ nous fait participer à son mystère pascal ! Pour accueillir sa vie divine !

C'est tout cela que manifeste le sacrement de mariage qui nous aide à purifier notre amour souvent si égoïste, afin de mieux révéler le seul amour véritable : l'amour de Dieu.  Un amour à recevoir humblement et non orgueilleusement.

Pour recevoir l'amour du Christ glorifié et pour le transmettre, qui peut mieux nous en donner l'exemple que Marie, la mère de Jésus,  elle qui avait dit à l'ange de l'annonciation : "Que tout se fasse pour moi selon ta parole !".,

Dire oui à Dieu, humblement, comme Marie !  
Dire oui à l'amour du Christ glorifié !

Vous savez : il y a mille façons de dire "oui" :  
- Il y a le "oui" paisible du vieillard Siméon ("Tu peux laisser partir en paix ton Serviteur ");
- le "oui" de Pierre dans le désarroi  ("Nous avons peiné toute la nuit sans rien prendre, mais sur ta parole, je jetterai mon filet ") ;  
- le "oui" de Pierre qui croit  ("A qui irions-nous, Seigneur, tu as les paroles de la Vie éternelle "); 
- le "oui" du Cen­turion qui, à la mort de Jésus, se convertit ("Celui-là était vraiment le Fils de Dieu!") ; 
- le "oui" de Jean tout jeune qui "vit Jésus, le sui­vit et de­meura avec lui .   
Mille façons !
      
Marie nous aide, en toutes circonstances, à  dire comme elle et en elle : "Je suis la Servante - le Ser­viteur - du Seigneur".

Regardons Marie : après son «"oui", elle va visiter  sa cou­sine Elisabeth pour se mettre à son service
lui appor­ter la présence de Jésus,
chanter avec elle les "merveilles de Dieu": "Mon âme exalte le Seigneur... Il fait en moi de grandes choses " : une profonde union avec Dieu qui est déjà la gloire de l'Ascension !

Comme Marie, avec elle, sachons  porter le Christ : "Ce n'est plus moi qui vis, disait St Paul, c'est le Christ qui est en moi".
Devenir comme Marie des "christophores", des porteurs du Christ pour mieux le donner à nos frères et les entraîner sur la route de l'Ascension.        

Quel ré­confort que d'être dans la certitude de trouver grâce auprès de Dieu par l'intermédiaire de Celle qui entendit, la première : "Tu as trouvé grâce auprès de Dieu". 
Ainsi avec Marie, par Marie, en Marie nous pénétrons, d'une ma­nière certaine, dans le mystère de notre ressemblance au Christ.
Et c'est alors le commencement de notre ascension auprès du Christ glorifié !

Soyons donc totalement à Marie, car Marie, Elle, est au Christ.
Celui qui n'a pas Marie pour Mère ne peut avoir Dieu pour Père.
C'est elle qui nous conduit à son fils, le Christ, qui toujours nous enseigne à dire : "Notre Père… !"



Pour l'accueil d'enfants qui seront prochainement baptisés
Prière à Marie :

Vierge Marie,  vous qui avez présenté votre Fils au Temple,
nous vous présentons ces enfants que Dieu nous a donnés.
Par la grâce de leur baptême, vous deviendrez leur Mère :
Aussi, dès aujourd'hui, nous les confions à votre tendresse et à votre vigilance.

Donnez-leur la santé ;  gardez-les du mal.
Et, s'ils venaient à s'égarer, soutenez-les de votre amour
pour qu'ils obtiennent le pardon et renaissent à la vie.

Et à leurs parents, donnez votre lumière et votre amour.
Apprenez-leur à ouvrir les yeux de leurs enfants à tout ce qui est beau,
leur esprit à tout ce qui est vrai,
 leur cœur à tout ce qui est bien.

Et quand ils ne seront plus là pour les entourer de leur affection,
soyez sans cesse auprès d'eux afin qu'un jour nous soyons tous élevés dans la gloire du Père.

lundi 20 mai 2019

La gloire du Christ


5e Dimanche de Pâques 19/C

“Quand Judas fut sorti...”  On a l'impression que Jésus est libéré, comme si la présence de Judas lui donnait la nausée, et qu’il peut enfin parler d'amour, du véritable….
           
Oui, tout le monde en parle de “l'amour ” ! C'est le mot le plus usé de tout notre langage au point d'avoir perdu, parfois, toute signification… : on lance ce slogan :“Aimons-nous les uns les autres”;  mais on continue à manifester égoïsme, haine, injustice. N'oublions pas dans quelles circonstances, avec quelles nuances, Jésus en parle?
           
Les circonstances ne sont pas celles d'un "bel amour", facile quand tout va bien entre gens qui pensent de la même manière, quand il n'y a pas de conflits.
La situation humaine du petit groupe est dramatique : l'un d'entre eux vient de “TRAHIR”. C'est le visage le plus hideux du non-amour : dénoncer des amis, livrer à la mort celui avec qui on a vécu et qui vous a fait toutes ses confidences.
           
Par ailleurs, Jésus prend bien soin de nous dire qu'il ne s'agit pas de n'importe quel amour. Le commandement qu'il nous donne est “nouveau”.

l) L’amour dont parle Jésus est un amour qui va jusqu'au bout.     
Dès que le processus de la Passion est commencé par le départ du traître, Jésus parle de sa “GLOIRE” et de la “Gloire du Père” .Maintenant, dit-il, le Fils de l'homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui.” Nous avons toujours beaucoup de mal à admettre que la “croix”  est “la gloire”  de Jésus... et que c'est la plus parfaite révélation de Dieu !
           
Quand Jésus parle de la croix, il parle toujours de son élévation. “Quand j'aurai été élevé de terre, j'attirerai tous les hommes à moi”.  Et l'“heure” de Jésus par excellence, c'est cette heure-là, qui commence par le départ de Judas : “Père, l'heure est venue, glorifie ton Fils, afin que ton Fils Te glorifie” (Jean 17 1).
Cette heure de gloire, nous, nous l'avons “détaillée” en quatre aspects : la croix, la résurrection, l'ascension, et le don de l'Esprit... Et cette séparation nous permet de nous apitoyer sentimentalement sur la Passion, et de tout effacer de la croix au matin de Pâques, comme si le Vendredi-Saint n'avait pas eu lieu. Jean nous dit que c'est le “VENDREDI-SAINT”, aussi, QUI EST GLORIEUX. C'est le “CRUCIFIE”, et pas seulement le “Ressuscité”, qui donne “GLOIRE AU PERE” ! 
           
Il nous faut bien comprendre la “mort” de Jésus, ne pas la prendre comme une chose abominable qu'il faudrait supprimer. “Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime.” 
Telle est la signification que Jésus lui-même donnait de sa croix. Ce n'est pas abominable d'aimer à ce point ! La croix mène, normalement, au sacrifice de soi. “Celui qui ne veut pas prendre sa croix, ne peut pas être mon disciple”. 
Non, l'amour n’est pas une rengaine facile. Le commandement de Jésus est bien “nouveau” : l'amour qu'il nous demande, c'est d'aimer tellement “l’autre” qu'on soit prêt, effectivement, à “se sacrifier soi-même” pour celui qu'on aime.
            La GLOIRE de Jésus, c'est bien la CROIX.
            Le SOMMET de l'amour, c'est bien le SACRIFICE.
Ce sont des aspects de l'amour qui ne se démontrent pas. Celui qui s'aime soi-même aura toujours du mal à comprendre cela ; et c'est souvent notre cas à chacun de nous... Mais, celui qui aime quelqu'un, vraiment, comprend tout de suite.
Pour savoir si on aime vraiment, il suffit de se demander : qu'est-ce que je suis capable de sacrifier pour mon amour ?

2) L’amour dont Jésus parle est un amour qui le rend présent au monde.
Certes, il n’est pas besoin d'être chrétien pour aimer. Heureusement ! Sachons reconnaître loyalement que beaucoup de non-chrétiens savent “aimer”, et même, parfois, mieux que nous. Mais il ne s'ensuit pas que nous ayons le droit de nous contenter d'en rester à ce niveau social, humanitaire, si important qu'il soit...
Ce qui est propre au chrétien, c'est la dimension théologale de l'amour. Pour faire court, disons que “DIEU est AMOUR”  et que “quand nous aimons vraiment, nous rendons DIEU présent au monde”. C'est, en tout cas, ce que Jésus dit, dans ce dernier adieu, à la veille de “partir”.
Le Lectionnaire officiel omet un verset au centre de la lecture de ce jour. Le texte intégral dit, en effet, ceci: “Mes petits enfants, je ne suis plus avec vous que pour un peu de temps. Vous me chercherez, et, comme Je l'ai dit aux juifs : "Là où je vais, vous ne pouvez pas venir." “
Jean est un théologien; il ne raconte pas seulement des anecdotes sur Jésus. Il a des “thèmes”, des “insistances” ; ainsi  la “GLOIRE“, “l’HEURE DE LA GLOIRE”. 
Ici, nous retrouvons une autre idée théologique qui lui est chère, le thème de “CHERCHER”  Jésus. Nous avons tous en mémoire l'admirable mot de Jésus à Marie-Madeleine, au matin de Pâques :“Femme, pourquoi pleures-tu, QUI CHERCHES-TU ?”
Or, que lisons-nous, dans l'évangile d'aujourd'hui, sur cette “recherche” de Jésus ? “Où je vais, vous ne pouvez pas venir!” Étrange parole. Étrange condition “nouvelle” de Jésus ! Quand on sait que, quelques lignes plus loin, Jésus va dire, apparemment le contraire : “Père, je veux que là où je suis, ils soient avec moi.”  (Jean 17, 24.)
La réponse à cette recherche du “lieu” de Jésus, elle est précisément dans ce “commandement nouveau” qu'il donne, au moment de “PARTIR”... Jésus affirme, au fond, que ce n'est pas un “adieu” sans retour : j'aurai parmi vous un nouveau mode de présence, et c'est votre “amour mutuel”. “Père, je t'en prie, fais que là où je suis, ils soient AVEC MOI.”   Or, Jésus est dans le Père, en Dieu, dans l'AMOUR. “Si nous nous aimons les uns les autres, DIEU DEMEURE EN NOUS.” (I Jn 4, 12.) Pour Jésus, l'amour n'est pas une rengaine humaine si belle soit-elle... l'amour est sa “nouvelle présence”. Il part. Mais il reste présent “quand deux ou trois sont réunis” dans la prière et dans l'amour...

3) Le véritable amour est un amour “comme” celui de Jésus.        
C'est cette petite “conjonction”, “COMME”, qui est essentielle. L'amour “jusqu'au bout”, l'amour “théologal qui rend Dieu présent”, c'est un amour “comme” , “à cause de”  Jésus.
C'est la réponse à donner à quelqu'un : veux-tu aimer, comme je te le demande, personnellement, moi, Jésus ? C'est “mon” commandement. Je te commande de faire “comme” moi !
Le petit mot “comme” bouleverse toutes nos rengaines d'amour. C'est une vraie bombe cachée dans nos amours trop faciles.  Aimer “comme”  Jésus, c'est “laver les pieds de nos frères”,  c'est nous mettre à leurs pieds, à leur service pour les tâches les plus humbles... c'est “prendre notre croix et le suivre”, c'est “donner notre vie pour ceux que nous aimons”..  Le “comme”  n'indique pas seulement une “comparaison”, mais une “conformité” profonde. Un amour qui ressemble à celui de Jésus.
           
“C'est à cela que tous vous reconnaîtront”  Quand Jésus s'en va, lui qui se disait “le chemin” vers ce Dieu que “nul n'a jamais vu”... où va désormais être “ce chemin”  qui conduit à Dieu ? Où va être le “signe” ? Jésus répond : “Dans votre communauté d'amour fraternel.” Il faut prendre la relève de moi qui m'en vais. Si vous vous aimez les uns les autres, vous serez “mon SIGNE” dans le monde jusqu'à la fin des temps.

Si nous avons compris à quelle profondeur Jésus nous invite, nous devinons, maintenant, pourquoi Jésus parle de “commandement NOUVEAU”. Et cela ne nous dispensera pas, évidemment, d'incarner très concrètement, très quotidiennement, cet amour, très familialement, très professionnellement, très socialement...
MAIS, aussi chrétiennement. C'est un amour “comme”  Jésus !