Christ-Roi 19/C
Tout le
drame de notre vie est contenu dans une question, une question du Christ à
nous-mêmes, à chacun d’entre nous. Et, pour terminer l’année liturgique,
l’Eglise nous ramène à cette seule question que le Christ, au suprême moment de
sa vie terrestre, a posée par sa seule présence du haut de la croix, à deux
hommes. Or un seul a bien répondu : celui que l’on appelle le “bon larron”.
St
Augustin, commentant cet page d’évangile, s’étonne de ce que le bon larron ait
mieux compris la Bible que les experts, les docteurs de la Loi qui, eux aussi,
se trouvaient au calvaire, mais qui se moquaient du Christ.
Et il
prête à ce bon larron cette réponse : “Non,
je n’avais pas étudié les Ecritures ; mais Jésus m’a regardé, et, dans son
regard, j’ai tout compris”.
Pour nous
aussi, pour chacun de nous, il s’agit non pas de s’imaginer le Christ à notre
façon -
façon souvent tout humaine - mais de rencontrer le regard du Christ, de
rencontrer le Christ lui-même, sa personne. Et aujourd’hui, sachons tirer de
l’évangile les conditions indispensables pour se préparer à cette rencontre
qui sera toujours personnelle..
Nous
pouvons en reconnaître trois :
∞
l’humilité : se reconnaître coupable : “Pour
nous, c’est juste”, disait le bon larron !
∞ la foi : “Lui
n’a rien fait de mal”. Il est le "Saint" par excellence !
∞ la prière :
"Jésus, souviens-toi”…, de
moi !
La
première condition, en effet, pour se préparer à la rencontre du Christ,
est simple, immédiate, mais parfois difficile à réaliser, c’est admettre
humblement la vérité de notre humble condition de pécheurs devant Dieu.
Que dit,
en effet, le bon larron ? “Pour nous,
c’est juste”. C’est le même cri des humbles que nous rencontrons si
souvent dans les évangiles :
∞ C’est Zachée qui, devant Jésus, se reconnaît
voleur ;
∞ c’est la pécheresse qui pleure ses égarements
;
∞ c’est la
Samaritaine qui avoue ses diverses situations de vie;
∞ c’est
Pierre qui après sa trahison, dit à Jésus : “Seigneur,
éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur”, et qui aurait pu dire lui
aussi : “dans son regard, j’ai tout compris”.
Et nous
pouvons nous demander nous-mêmes : cette vérité-là, l’avons-nous admise ? C’est
pourtant dans cette vérité qui souvent nous brûle et fait mal que seulement
nous rencontrerons le Christ.
“Pour être sanctifié en vérité, écrit
Bossuet, il faut voir la vérité de ses
fautes”. Et, à propos de Notre Dame, il ajoute : “les mauvais anges étaient chastes, mais avec toute leur chasteté,
parce qu’ils étaient superbes, Dieu les a repoussés jusqu’aux enfers. Il
fallait donc que Marie fût humble autant que ces rebelles ont été superbes ; et
c’est ce qui lui a fait dire : ‘Je suis la servante du Seigneur’. Il ne fallait
rien moins pour la faire ‘Mère de Dieu’”…
“L’humilité suffit pour conduire à Dieu” (St Jean
Chrysostome) ; car “l’humilité qui met
les choses à l’échelle de Dieu est aussi l’échelle qui permet de monter à Dieu”
(Mgr Ghika).
Si
l’humilité fait la lumière, la vérité sur notre condition de pécheur, elle nous
amène également à recevoir la lumière, la vérité d’un Autre. C’est cela
la foi ! (2ème condition).
Nous
reconnaissant incapable d’accéder à la Vérité toute entière, nous sommes prêts
cependant à la recevoir. “Pour
croire, disait le Pape Paul VI, il
faut un principe intérieur qui ne peut venir que de Dieu”, que du Christ en
croix : “une fois élevé de terre,
j’attirerai tout à moi”.
Mais, il
faut bien préciser : la foi n’est pas un “saut dans l’absurde”. Si la foi
est bien l’assentiment de notre intelligence (intelligence éclairée par
l’Esprit Saint), elle ne doit pas se contenter de cette adhésion, mais méditer
sur ce qu’elle perçoit de Dieu lui-même, s’en nourrir, s’en pénétrer de plus
en plus, à l’imitation de Notre Dame qui, nous dit St Luc (par deux fois !), “méditait toutes ces choses dans son cœur”. Paul VI
écrivait : “La foi risque de périr
par asphyxie ou inanition, si elle n’est pas tous les jours alimentée et
soutenue, entretenue”.
Si nos
connaissances humaines doivent progresser sans cesse tout au long de notre vie,
notre foi doit également progresser en s’approfondissant, en se structurant,
en s’enracinant davantage en Dieu lui-même. Et cela par de simples actes de
foi, certes ; mais aussi par la réflexion, l’information. Une foi qui
cherche toujours à mieux appréhender, disait St Thomas d’Aquin, à mieux
comprendre.
(Pour ma
part, j'aime bien cette définition de la foi qu'a donnée un jour le pape Benoît
XVI : La foi, c'est l'activité de l'intelligence sur-évaluée par la Charité !
Cette Charité qu'est Dieu lui-même !
Malheureusement,
on en reste souvent à des notions rudimentaires, à quelques notions du
catéchisme. Et alors, un déséquilibre se produit entre connaissances
religieuses rudimentaires et connaissances humaines qui se développent. Faute
de mettre sans cesse notre regard dans celui du Christ, on ne comprend plus
rien. Le Christ ne peut plus régner en nous !
L’humilité,
condition de la foi ! Prière également (3ème
condition) : “Jésus, souviens-toi de
moi quand tu viendras comme Roi!” La
prière, c’est déjà la rencontre de Dieu dans la foi. Prier, c’est veiller dans
l’attente de sa venue, c’est avoir soif de la visite du Seigneur, c’est marcher
à la rencontre de celui qui vient, qui ne cesse de venir : “Seigneur, souviens-toi de moi, disait le psalmiste, c’est ta face que je cherche”.
L’humilité
est déjà comme une prière continuelle. Elle est sans cesse un appel au secours
lancé vers Dieu. Elle ne nous permet pas de nous appuyer sur notre propre
puissance ou sagesse, ou de nous estimer supérieurs aux autres, ce qui arrive
dans cette terrible maladie qu’est l’orgueil.
L’humilité
et la prière sont inséparables. Elles sont indispensables pour rencontrer le
Seigneur dans la foi, avant de le rencontrer face à face lorsqu’il remettra
toute chose à son Père, lorsqu’il reviendra dans la gloire pour juger les
vivants et les morts. Alors son règne n’aura pas de fin.