lundi 25 novembre 2019

Le Rois de nos vies !


Christ-Roi 19/C

Tout le drame de notre vie est contenu dans une question, une question du Christ à nous-mêmes, à chacun d’entre nous. Et, pour terminer l’année liturgique, l’Eglise nous ramène à cette seule question que le Christ, au suprême moment de sa vie terrestre, a posée par sa seule pré­sence du haut de la croix, à deux hommes. Or un seul a bien répondu : celui que l’on appelle le “bon larron”.

St Augustin, commentant cet page d’évangile, s’étonne de ce que le bon larron ait mieux compris la Bible que les experts, les docteurs de la Loi qui, eux aussi, se trouvaient au calvaire, mais qui se mo­quaient du Christ.
Et il prête à ce bon larron cette réponse : “Non, je n’avais pas étudié les Ecritures ; mais Jésus m’a regardé, et, dans son regard, j’ai tout compris”.

Pour nous aussi, pour chacun de nous, il s’agit non pas de s’imaginer le Christ à notre façon - façon souvent tout humaine - mais de rencontrer le regard du Christ, de rencontrer le Christ lui-même, sa personne. Et aujourd’hui, sachons tirer de l’évangile les conditions in­dispensables pour se préparer à cette rencontre qui sera toujours personnelle..
Nous pouvons en reconnaître trois :
∞ l’humilité : se reconnaître coupable : “Pour nous, c’est juste”, disait le bon larron !
  la foi : “Lui n’a rien fait de mal”. Il est le "Saint" par excellence !
  la prière :  "Jésus, souviens-toi”…, de moi !

La première condition, en effet, pour se préparer à la rencontre du Christ, est simple, immédiate, mais parfois difficile à réaliser, c’est admettre humblement la vérité de notre humble condition de pécheurs devant Dieu. 
Que dit, en effet, le bon larron ? “Pour nous, c’est juste”. C’est le même cri des humbles que nous ren­controns si souvent dans les évangiles :
  C’est Zachée qui, devant Jésus, se reconnaît voleur ;
  c’est la pécheresse qui pleure ses égarements ;
∞ c’est la Samaritaine qui avoue ses diverses situations de vie;
∞ c’est Pierre qui après sa trahison, dit à Jésus : “Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis un pécheur”, et qui aurait pu dire lui aussi :  “dans son regard, j’ai tout compris”.

Et nous pouvons nous demander nous-mêmes : cette vérité-là, l’avons-nous admise ? C’est pourtant dans cette vérité qui souvent nous brûle et fait mal que seulement nous rencontrerons le Christ.

“Pour être sanctifié en vérité, écrit Bossuet, il faut voir la vérité de ses fautes”. Et, à propos de Notre Dame, il ajoute : “les mauvais anges étaient chastes, mais avec toute leur chasteté, parce qu’ils étaient superbes, Dieu les a repoussés jusqu’aux enfers. Il fallait donc que Marie fût humble autant que ces rebelles ont été superbes ; et c’est ce qui lui a fait dire : ‘Je suis la servante du Seigneur’. Il ne fallait rien moins pour la faire ‘Mère de Dieu’”…
“L’humilité suffit pour conduire à Dieu” (St Jean Chrysostome) ; car “l’humilité qui met les choses à l’échelle de Dieu est aussi l’échelle qui permet de monter à Dieu” (Mgr Ghika).

Si l’humilité fait la lumière, la vérité sur notre condition de pécheur, elle nous amène également à rece­voir la lumière, la vérité d’un Autre. C’est cela la foi ! (2ème condition).
Nous reconnaissant incapable d’accéder à la Vérité toute entière, nous sommes prêts cependant à la recevoir. “Pour croire, disait le Pape Paul VI, il faut un principe intérieur qui ne peut venir que de Dieu”, que du Christ en croix : “une fois élevé de terre, j’attirerai tout à moi”.

Mais, il faut bien préciser : la foi n’est pas un “saut dans l’absurde”. Si la foi est bien l’assentiment de notre intelligence (intelligence éclairée par l’Esprit Saint), elle ne doit pas se contenter de cette adhésion, mais méditer sur ce qu’elle perçoit de Dieu lui-même, s’en nourrir, s’en péné­trer de plus en plus, à l’imitation de Notre Dame qui, nous dit St Luc (par deux fois !), “méditait toutes ces choses dans son cœur”. Paul VI écrivait : “La foi risque de périr par asphyxie ou inanition, si elle n’est pas tous les jours alimentée et soutenue, entretenue”.

Si nos connaissances humaines doivent progresser sans cesse tout au long de notre vie, notre foi doit égale­ment progresser en s’approfondissant, en se structurant, en s’enracinant davantage en Dieu lui-même. Et cela par de simples actes de foi, certes ; mais aussi par la réflexion, l’information. Une foi qui cherche toujours à mieux appréhender, disait St Thomas d’Aquin, à mieux comprendre.
(Pour ma part, j'aime bien cette définition de la foi qu'a donnée un jour le pape Benoît XVI : La foi, c'est l'activité de l'intelligence sur-évaluée par la Charité ! Cette Charité qu'est Dieu lui-même !

Malheureusement, on en reste souvent à des notions rudimentaires, à quelques notions du catéchisme. Et alors, un déséquilibre se produit entre connaissances religieuses rudimentaires et connais­sances humaines qui se développent. Faute de mettre sans cesse notre regard dans celui du Christ, on ne compren­d plus rien. Le Christ ne peut plus régner en nous !

L’humilité, condition de la foi ! Prière également (3ème condition) : “Jésus, souviens-toi de moi quand tu viendras comme Roi!”  La prière, c’est déjà la rencontre de Dieu dans la foi. Prier, c’est veiller dans l’attente de sa venue, c’est avoir soif de la visite du Seigneur, c’est marcher à la rencontre de celui qui vient, qui ne cesse de venir : “Seigneur, souviens-toi de moi, disait le psalmiste, c’est ta face que je cherche”.

L’humilité est déjà comme une prière continuelle. Elle est sans cesse un appel au secours lancé vers Dieu. Elle ne nous permet pas de nous appuyer sur notre propre puissance ou sagesse, ou de nous estimer supé­rieurs aux autres, ce qui arrive dans cette terrible mala­die qu’est l’orgueil.

L’humilité et la prière sont inséparables. Elles sont indispensables pour rencontrer le Seigneur dans la foi, avant de le rencontrer face à face lorsqu’il remettra toute chose à son Père, lorsqu’il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts. Alors son règne n’aura pas de fin.

dimanche 17 novembre 2019

Fin ! ?


33e Dimanche du T.O.  19/C

“Ce que vous contemplez, il n’en restera pas pierre sur pierre” ! Rendez-vous compte ! Paroles provocantes !

Depuis quarante ans, le chantier bourdonne…, bourdonne…
Les gros blocs de pierre ocre se gorgent de soleil.
Sur l'ample esplanade de 225m de large, les portiques s'élèvent.
Le fronton du Temple plaqué d'or rutile.
Et de ce sanctuaire lui-même où, tout au fond, se trouve le “Saint des Saints”, la “Demeure de Dieu”…, de ce sanctuaire et de cet ensemble admirable, Jésus osera dire encore : “Détruisez ce temple…, en, en trois jours, je le rebâtirai”.
  
Pour comprendre notre passage d'évangile, il faut savoir que St Luc l'écrit après la destruction de ce temple. 
Pleinement achevé en 63, il fut anéanti sept ans plus tard, à la chute de Jérusalem, quand un soldat romain jeta - consciemment,  inconsciemment, on ne le sait - sa torche de feu qui embrasera tout l'édifice.
Cette fois, à jamais, le temple est détruit !  De ce sanctuaire, la fierté – nationale, sociale, religieuse… - du peuple juif, il ne reste plus pierre sur pierre. Rien ! On l'avait cru solide, capable de traverser toutes les tempêtes. Puissant monument, il rassurait l'existence, la foi des croyants.
Et voici que la guerre dévastatrice a tout rasé. Tout s'est écroulé !

Premier enseignement : Jésus n'est pas impressionné par les constructions imposantes, même religieuses. Il sait que Dieu n'habite pas dans les édifices où les puissants voudraient - consciemment,  inconsciemment, je ne sais - "enfermer" Dieu en quelque sorte pour mieux disposer de lui. C'était déjà le cri révolutionnaire du prophète Jérémie !
Le regard de Jésus perce les murailles et perçoit la fragilité des œuvres humaines. Il sait que le ressac des houles de l'Histoire brise un jour ou l’autre les édifices les plus altiers. Et que les guerres, les violences, les catastrophes diverses continueront longtemps d'accompagner la marche des hommes.
Jésus nous a donc avertis. Vingt siècles après ces paroles, serions-nous comme les premiers chrétiens ?

Car, pour la première génération chrétienne, ces événements  accablants de la fin de Jérusalem ne sont-ils pas signe de la fin …, de la fin du monde ? (Question toujours actuelle !!!) Le Royaume de Dieu annoncé par Jésus n'est-il pas tout proche ? Le Fils de l'Homme ne va-t-il pas apparaître d'un moment à l'autre dans sa gloire, sur une nuée ?
Et si la question devient obsédante, passé le temps de cette attente fiévreuse, la déception risque de ronger les cœurs d'amertume. Ne va-t-elle pas tuer l'espérance ? St Luc le craint.

Alors, il précise - 2ème enseignement - :  Jésus n'est pas venu prédire la fin comme tant de prophètes de malheur. Il dénoncera au contraire les faux prophètes. “Ce sont des imposteurs, dira-t-il. lls vous déclarent  : “C'est la fin !” Surtout, ne vous y laissez pas prendre !”  Les guerres, les révoltes, les cataclysmes et les crises ne sont pas des signes précurseurs.
Au travers des événements, c'est vrai, un certain monde se meurt, mais un autre naît. Si on cessait d'attendre, il n'y aurait plus d'espérance, il n'y aurait plus de foi car il n'y a pas de foi sans espérance. Aussi, dans le déroulement effréné et mouvementé de l’histoire, restez toujours en tenue de service, comme un bon serviteur qui attend son maître !

Bien plus, Jésus voit encore plus loin : Toute proche, il voit la persécution qui s'abattra sur celles et ceux qui seront devenus ses disciples. Jusque dans les familles, on se divisera et l'on se trahira. Et la mécanique implacable des tribunaux et des condamnations se mettra en route. Les persécutions mettront à grande épreuve tous les croyants. Elles seront une traversée très difficile. La foi des disciples passera-t-elle par ce couloir obscur des persécutions, avec seulement la faible lumière d'un ciel trop lointain ? Tiendra-t-elle mieux que les murs du Temple ?
Seule, pourtant, la foi qui espère se glisse et s'épanouit au-delà des goulots d'étranglement.  Troisième enseignement qu est une question : notre foi va-t-elle tenir contre les bourrasques diverses qui l’assaillent en notre propre vie ?

Mais déjà pointe la réponse - 4ème enseignement - Car on a expérimenté la force d'autres paroles de Jésus : “Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.” Il avait dit ailleurs qu'ils étaient tous comptés ! Comment mieux exprimer l'extrême attention aimante de Dieu envers chacun ? … Il y a aussi ces mots qui donnent tant d'assurance : “Mettez-vous dans la tête que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront opposer ni résistance ni contradiction.”  L'humble et lumineuse vérité…, infusée en notre vie de croyant !

Jésus appelle donc à la confiance. Mais où trouver la solidité du roc quand tous les éléments déchaînés se livrent bataille pour une destruction générale, quand les murs des édifices dans lesquels on se met en sécurité se fendent de haut en bas et s'effondrent ? Jésus dit simplement : L'Esprit est là ! Vraie lumière dans les pires moments d'obscurité, vraie force qui soutient sur les vagues des temps de grosses tempêtes ! Ceux qui embarquent le Seigneur avec eux s'en vont, rassurés, vers la haute mer.

L'invitation de Jésus à la confiance, à la constance, est une invitation à vivre l'histoire, notre histoire présente, personnelle ou communautaire.
Invitation à entrer dans l'histoire pour y vivre du ferment évangélique.
Invitation à “perdre sa vie pour la sauver”.
Certains exégètes traduisent ainsi le mot final de Jésus : “C'est par votre constance que vous gagnerez vos vies.” Notons la force du verbe ! Jésus déploie ainsi de façon inouïe l'avenir de chacun, et celui de l'humanité.

Alors, finalement, jusqu'où porte le regard de Jésus ?
Ce n'est pas quelque calendrier de fin du monde qui retient son attention, mais la condition humaine, risquée, tragique, précieuse, notre existence d’aujourd’hui, en notre monde mouvementé.
Les vrais “vivants” seront ceux qui tiendront, ceux qui porteront la charge sans faiblir, les êtres d'inébranlable espérance. Car, aujourd'hui encore, le Temple de pierres vivantes, c'est eux !

L'espérance est le navire fragile de la vie que Jésus nous offre pour passer les caps de toutes nos crises tourmentées. Il est là avec nous ; il est notre force !

lundi 11 novembre 2019

Après la mort... !


 32 e Dimanche 19/C

La mort dont il est question aujourd'hui, comme elle nous rejoint parfois avec cette cruauté particulière lorsqu'elle fauche des êtres en pleine jeunesse. Et en ce mois de Novembre où l'on pense à nos défunts, vous êtes peut-être habités par le souvenir d'un visage trop jeune pour avoir quitté ce monde.
Il y a une véritable provocation dans la mort d'un être jeune. La vie ne doit-elle pas se prolonger en ceux qui nous suivent ? Et, au cimetière, devant la dureté des pierres tombales qui séparent comme un mur les morts des vivants, une question lancinante monte de nos cœurs : où sont-ils donc ?

La Parole de Dieu nous apporte aujourd'hui force et  douceur.
Elle seule est capable de rejoindre en nous-mêmes le scandale de la mort.
Elle nous affirme que notre vie a plusieurs dimensions :
- Une dimension familiale : on a tous des parents, des enfants, un conjoint…
- Notre vie a aussi une dimension professionnelle : on est étudiant, menuisier, cultivateur… et que sais encore !
- Elle peut avoir aussi une dimension artistique : on joue de la flûte, on chante, on danse, on fait de la peinture…
- Elle peut avoir encore une dimension sportive…

Mais notre vie a aussi une dimension spirituelle, religieuse. Une vie d'homme, c'est quelque chose de beau, de riche… Mais nous savons bien, en même temps, que cette vie, ce n'est pas nous qui nous la sommes donnée. Nous l'avons reçue par nos parents, avec un capital de santé, d'intelligence, de courage, de talents. Tout cela est à nous, mais tout cela vient d'ailleurs et nous dépasse.

Et tout cela, en même temps, est fragile, à la merci d'un échec, d'un accident. Nous sommes limités dans nos possibilités, dans notre intelligence, notre santé…
- Notre vie est bien à nous sans être totalement à nous. Nous n'en sommes pas les maîtres absolus. Elle vient d'ailleurs
- Et n'est-elle pas faite aussi pour aboutir ailleurs ?  C'est le sens de cette parole de Notre Seigneur, aujourd'hui: "Dieu n'est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants, car tous ont par lui la vie". Notre vie, même si nous la menons comme nous l'entendons, vient de Dieu et va ailleurs : c'est ce que l'on appelle la "résurrection des morts", la "résurrection de la chair".

Eternelle question qui divise les hommes : "Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas", comme dit le poète  (Louis Aragon). Éternelle question : les lectures de cette messe en témoignent; et Paul le dit : "Tous n'ont pas la foi !".
Certains Sadducéens, au temps de Jésus, ne croyaient pas à la résurrection.
Il en est de même chez nous !
Et pourtant, la première lecture nous montre la foi admirable de Juifs persécutés deux siècles avant Jésus-Christ. L'extrait que nous avons entendu mériterait d'être prolongé : "Ce n'est pas moi, disait une mère à ses fils qu'on allait tuer, ce n'est pas moi qui vous ai gratifiés de l'esprit et de la vie… Aussi bien, le Créateur qui a opéré la naissance de l'homme et qui préside à l'origine de toutes choses, vous rendra-t-il et l'esprit et la vie…".

"Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas !"… 
Oui, éternelle question qui nous est posée à nous aussi : où sont-ils les amis que l'on aimait tant ?
La réponse, c'est le cœur même de la foi chrétienne, l'essentiel du christianisme. La réponse, c'est la foi en Jésus ressuscité, toujours vivant, et en sa parole : "Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra !".
         
Mais que signifient au juste ces mots: "résurrection des morts"? - Il serait ridicule d'y voir un phénomène biologique, comme un retour en arrière… Non, la résurrection des morts n'est ni un phénomène biologique, ni un retour en arrière, comme l'imaginaient les Sadducéens.
C'est une réalité toute spirituelle. C'est un bond en avant vers une plénitude de vie qui nous dépasse ac­tuellement.
Il n'y aura plus de limites à nos affections, à nos amitiés, à nos connaissances… "Dieu essuiera toute larme de nos yeux, dit l'Apocalypse… De mort, de pleurs, de cris ou de peines, il n'y en aura plus!"..

Dieu sera tout en tous, et l'amour sera tout en chacun. Nous serons parfaitement transparents les uns aux autres. Ce sera joie d'aimer, de comprendre, de découvrir tant de ri­chesses insoupçonnées en ceux que nous avions cru bien connaître ici-bas. Tel sera le monde de Dieu auquel nous sommes appelés à naître, le jour de notre mort.                    

Je sais bien : la vie d'un homme se prolonge en ses propres enfants ; et c'est pourquoi la mort de l'un d'eux est un contre-sens. C'est vrai. Mais écoutons Jésus : "Les enfants de ce monde se marient. Mais ceux qui ont été jugés dignes d'avoir part au monde à venir et à la résurrection d'entre les morts ne se marient pas car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu étant héritiers de la Résurrection".

En ce texte un peu énigmatique, il y a d'abord cette affirmation : la vie d'un homme vaut par elle-même et n'a nul besoin d'être justifiée par une descendance, comme le pensaient les Sadducéens. Chacun de nous a une identité personnelle dont le destin dépasse les limites du monde présent. Le vrai problème de la vie dépasse nos divers engendrements. Et, si cruelle qu'elle soit, la mort de l'un des nôtres, en est un signe provocant.

De plus, je pense à ceux, à celles qui choisissent, dès ce monde-ci, de ne pas se marier pour témoigner de ce Royaume de Dieu où chacun de nous est destiné à vivre autrement que dans les conditions de la vie actuelle.

Celui qui croit en Jésus vivant, qui croit en la vie éternelle au-delà de la mort, celui-là vit autrement sur la terre : il sait que la vie sur la terre est un pèlerinage dont le but est ailleurs. Il sait, celui-là, que le véritable trésor, ce n'est ni l'argent, ni le pouvoir, ni les honneurs, c'est l'amour ; l'amour désintéressé,
l'amour qui s'oublie et se sacrifie,
l'amour qui pardonne et reconstruit,
l'amour  qui sauve et fait vivre,
l'amour pur, noble, fort !

C'est cela la valeur suprême, l'amour même dont Jésus nous a aimés. C'est cela qui nous fait déjà vivre de la vie divine, par-delà notre propre mort. Car la vie éternelle est déjà commencée pour celui qui croit au ciel ; il en vit, dès maintenant. Et quand vient sa dernière heure, il ne s'agit pas tant de sa mort que de sa naissance en Dieu en qui tout l'amour de son cœur s'épanouit. Oui, pour celui qui croit au ciel, la mort est un passage : une Pâque vers la résurrection.

Où sont-ils donc les parents, les amis qu'on aimait tant ? Ils sont en Dieu, dans la mesure où ils ont aimé comme Jésus et ont cru en sa parole : "Celui qui croit en moi, fût-il mort, vivra !".
Après la purification nécessaire, ils vivent en Dieu, de la vie de son Esprit.

"Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas !"… 
La mère admirable de foi avec ses sept fils, méprisant la mort…
et les Sadducéens, sceptiques…

Et qu'en est-il pour nous ? Serions-nous gagnés par le scepticisme qui escamote la mort parce qu'on ne croit pas au ciel?

Le Concile Vatican II nous demande d'être chaque jour témoins d'une vie autre que celle d'ici-bas. Ce dimanche nous rappelle qu'un chrétien, c'est celui qui a choisi de croire au ciel, et qui vit en conséquence.

lundi 4 novembre 2019

Aujourd'hui


31e Dim. T.O. 19.C  :


Chez St Luc tout particulièrement, depuis la Transfiguration où Jésus s’est entretenu avec Moïse et Elie de l’"exode" (mot employé en grec) qu’il devait accomplir, Jésus entraîne ses disciples en avançant sur la route de Jérusalem.
(Là encore, le grec fait allusion à une citation d'Isaïe à propos du "Serviteur souffrant : "Il durcit son visage vers Jérusalem")
Et il ne cesse d’annoncer, de préciser le mystère de sa mort et de sa résurrection : “Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu”.
Et ce dont il est justement question dans l’évangile d’aujourd’hui, c'est de cette mission de Jésus Sauveur, c'est de Jésus accomplissant son "exode" vers le "jour de Pâque" pour arracher à sa perte notre humanité (de son esclavage du péché) car tous les hommes restent destinés à devenir la demeure de Dieu - chacun étant appelé à devenir membre du Corps glorieux du Christ ressuscité -.

L'“aujourd'hui” qui, dans le récit de Zachée, vient par deux fois sur les lèvres de Jésus, désigne évidemment le jour où eut lieu, pour le véritable bonheur d'un homme, sa rencontre avec son Sauveur, Jésus.

Mais cet “aujourd'hui” (de l'"exode" jusqu'à la gloire de Pâques)
c'est l'”aujourd'hui” de l'histoire du Salut,
c'est l'“aujourd'hui” de l'Église,
c'est l'“aujourd'hui” de notre vie à chacun et à chacune, quels que soient notre âge et notre condition, quelles que soient les joies et les peines qui tissent notre existence.

Aujourd'hui, le salut est arrivé”.
Alors “aujourd’hui écouterez-vous sa voix ?”.
Aujourd'hui, il nous faut être sur la trajectoire de Dieu qui passe en nos vies, comme pour Zachée.

Combien de fois, devant les malheurs, les inquiétudes qui accablent notre monde, combien de fois n'avons-nous pas entendu, n'avons-nous pas dit : “Mais où allons-nous, où va notre terre ?”.
Dans ces questions, on peut lire comme en filigrane la question qui, au-delà de tous les aléas de l'histoire, au-delà de toutes les duretés de la vie, traduit quelque chose du mystère même de notre humanité : “Ce monde, qui finalement va à sa perte, peut-il être sauvé ? L'homme peut-il être libéré de sa capacité à vouloir le mal ?”.

Et voilà que ce récit évangélique de Zachée peut nous faire poser la question autrement, d'une manière quasi absurde : “Y aurait-il une relation possible entre
les souffrances de notre humanité, le mal que les hommes se font les uns aux autres, l'obscurité qui voile notre avenir,
et cette petite histoire de Zachée, le percepteur, sans doute indélicat et pris au jeu de son heureuse curiosité ?
Entre ceci et cela, pourrait-il exister une relation ?”.

La réponse inimaginable à cette interrogation est proposée à notre foi : “Le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu”.

Hier, c'était Zachée qui “cherchait”. Il “cherchait à voir qui était Jésus”. Ainsi l'Évangile nous présente-t-il souvent un homme, des hommes, les hommes, à la recherche de Dieu, à la recherche du Christ.
Et, en même temps, l'Évangile nous donne toujours à comprendre que ces mêmes hommes sont d'abord cherchés,
cherchés par “le Fils de l'homme”,
cherchés par le Père qui va à la rencontre du fils prodigue,
cherchés par le Maître de la vigne qui veut embaucher des ouvriers à toute heure du jour.

Depuis qu'au jardin de la Genèse, Dieu, pour la première fois, “appela l'homme et lui dit : où es-tu ?”, il n'a pas cessé de chercher de tout son amour prévenant, patient, inlassable. Et “aujourd'hui il faut” que Jésus “aille demeurer” chez Zachée, car des temps nouveaux sont là, la recherche a pris un tour totalement neuf : “Il est venu chercher et sauver ce qui était perdu”.

On comprend l'urgence dans laquelle Jésus interpelle Zachée : “Vite... Il faut que j'aille demeurer…”. Car là est la place du Fils de Dieu : au cœur des misères et des péchés des hommes. C'est là que doit demeurer l'amour du Christ  Sauveur. La mission de l'Église commençait ainsi chez Zachée : manifester que demeure cet amour divin chez tous les Zachée, de toutes les générations et de toute la terre.

Sachons-le, ici, à Solesmes et tout près de nous, au milieu des gens qui circulent, des hommes et des femmes cherchent le Christ parce que le Christ les cherche.

Soyons-en persuadés et sachons nous situer au point de rencontre entre la certitude que le Christ est en recherche de nos contemporains et notre société qui oscille entre l'errance et la recherche.
Et lorsque nous venons à l’église, ce que nous avons à manifester, à chanter ensemble, c’est, avant tout, la joie du Salut, le bonheur de recevoir “aujour-d'hui” Celui qui est venu loger chez les pécheurs. “Il faut que j’aille demeurer chez toi”. “Aujourd’hui”.