3ème semaine de Carême – Mardi
La lecture
tirée du livre de Daniel nous fait
retrouver, comme au début de la semaine dernière, le plus beau langage de liturgie
pénitentielle qu’on puisse trouver dans la Bible.
Dans sa prière, Daniel se fait
l’interprète, auprès de Dieu, du peuple élu ; au plus profond de sa
détresse, ce peuple - il est en exil - a
pris conscience, à l’école des prophètes, que sa situation d'exilé à Babylone, est
sans doute la cause du châtiment qu'il subit ! Il a été infidèle à l'Alliance avec Dieu !
Mais cette situation déplorable doit
se présenter également comme une preuve d’un Dieu qui, Lui, reste
fidèle à l'Alliance avec ce peuple ; et que Dieu veut par ce moyen, que cette
Alliance soit un jour restaurée.
Et si Israël est devenu le plus
petit d’entre les peuples, cela ne l’empêche pas de croire qu’il est la
descendance des ancêtres auxquels Dieu a promis qu’elle deviendrait aussi
nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable sur le rivage de la mer.
Et tout cela le met dans la
disposition la plus fondamentale de la prière ainsi que le rappelle le
Catéchisme de Vatican II, à la fin de sa dernière partie consacrée à la
prière.
§
2559 : "La prière est l’élévation de l’âme vers Dieu ou la
demande à Dieu des biens convenables" (St Jean Damascène,
f.o.3,24). De
quoi parlons-nous en priant ? De la hauteur de notre orgueil et de notre
volonté propre, ou des "profondeurs" (Ps 130,14) d’un cœur humble et
contrit ? C’est celui qui
s’abaisse qui est élevé. (Cf. Lc 18,9-14). L’humilité est le fondement de
la prière. "Nous ne savons que demander pour prier comme il faut"
(Rm
8,26).
L’humilité est la disposition pour recevoir gratuitement le don de la
prière : l’homme est un mendiant de Dieu. (Cf. St Augustin, ser. 56,6,9).”
Au fond
de sa détresse, le peuple est dans cette situation où il risque souvent de se laisser
glisser dans un formalisme très courant qui donne facilement une assurance de
la conscience.
Mais, avec
humilité, il peut trouver également des accents qui, des profondeurs de sa
vie, s’élèvent irrésistiblement jusqu’au trône de la miséricorde
divine ; cette miséricorde qui domine sa justice : "et misericordiae
ejus super omnia opera ejus" - et sa miséricorde est sur toutes ses
œuvres" (Ps
145,9).
Le peuple
en a la certitude : Dieu renouvellera un jour ses merveilles, il opérera dans
l’avenir des délivrances qui dépasseront, à l’étonnement du monde entier,
celles qui ont déjà jalonnées son histoire dans le passé, depuis l’exode et la
sortie d’Egypte. Mon missel fait
précéder cette lecture de ce souhait : "Puisse la prière des
chrétiens n’être pas inférieure à cette magnifique supplication de l’Ancien
Testament".
L’Evangile, dans le langage simple d’une
parabole, nous montre quel est le moyen le plus simple de trouver et de
cultiver cette humilité qui est la disposition fondamentale de la prière
: Se mettre sous le regard de Dieu qui
sonde les reins et les cœurs doit causer en nous, en plus de cette humilité, un
sentiment de pitié et d’indulgence envers les autres.
On peut
facilement rejoindre les compagnons du débiteur impitoyable : voyant son
comportement (après sa remise d’une forte dette - 10.000 talents -, il, est
prêt à étrangler celui qui n’a envers lui qu’une modeste dette - 100 deniers -)
ses propres compagnons sont profondément
dégoûtés à son égard.
On est
amené à méditer profondément sur une des demandes de la prière par excellence
que Jésus nous a enseignée : "Pardonne-nous nos offenses comme nous
pardonnons à ceux qui nous ont offensés.
A propos
de cet évangile on m'a transmis une
phrase d’un philosophe juif, Henri Bergson, qui est mort très proche du
christianisme. Il n’a pas voulu être baptisé, car, pendant la période de la
persécution nazie, cela aurait pu être considéré comme une rupture avec son
peuple ; mais, il a voulu qu’un prêtre catholique soit présent à ses
funérailles.
Dans un
de ses livres les plus célèbres, "les deux sources de la morale et de
la religion", il dit ceci : "on mettrait longtemps à
devenir misanthrope si on se bornait à l’observation des autres".
Autrement dit, dans ce style condensé, il dit qu'on ne remarque en fin
de compte chez les autres que les défauts que nous avons nous-mêmes - que
nous en ayons conscience ou non - ; et que par conséquent, une bonne
analyse et un bon examen de conscience, sous le regard de Dieu, doivent nous
amener à une attitude de bienveillance à priori et d’indulgence. Le Seigneur
nous fait un devoir de nous réconcilier avec les autres avant d’apporter notre
offrande à l’autel. Si nous avons parfois quelques difficultés à faire cette
demande, surmontons-la, en nous examinant sous le regard de Dieu.
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