dimanche 28 juin 2020

hospitalité

 13e Dimanche du T.O. 20
           
"Qui vous accueille m'accueille; et qui m'accueille, accueille Celui qui m'a envoyé".
Arrêtons-nous sur cette invitation de l'Evangile que nous aurons peut-être à mieux pratiquer en ces semaines d'été qui arrivent.

L'accueil, l'hospitalité, sans même faire référence à l'Evangile, est d'abord une grande réalité humaine. Depuis très longtemps, on y voit un des traits marquant d'un peuple civilisé. On peut dire que la conception de l'hospitalité que se fait un peuple marque le degré de sa civilisation. Il est intéressant d’ailleurs de remarquer que dans beaucoup de langues primitives, le même mot signifiait à la fois étranger et ennemi. (En latin  « hostis » et « hospes » ont même racine !). Et la civilisation  a franchi un pas décisif le jour où l'"étranger", d'ennemi est devenu un "hôte", c'est-à-dire le jour où la communauté humaine a été créée.

La civilisation et essentiellement un ordre de choses où l'homme est respecté et aimé, et où il est d'autant plus aimé qu'il est plus faible, plus isolé, plus malheureux. Au contraire tout ordre de choses où le faible, où l'étranger est méprisé, rejeté, supprimé n'est pas une vraie civilisation, quand bien même on u trouverai tous les raffinements de la technique moderne.

Ainsi, tout homme doit s'efforcer de supprimer le cri de Caïn, au seuil de l'histoire humaine, après son meurtre : "je serai errant et fugitif sur la terre (je serai un étager); et quiconque me rencontrera me tuera"; car l'"étranger" est l'intrus, et instinctivement on veut l'écarter. Le renversement, c'est le jour où on l'accueille comme un "hôte".

Mais à partir de la Révélation, l'hospitalité prend une nouvelle signification, une dimension plus profonde, car dans l'inconnu, dans l'étranger, dans celui que l'on accueille, réside un mystère, le mystère de sa véritable personnalité, de son origine : il est une créature de Dieu, il est enfant de Dieu ; il est, en un sens, l'envoyé de Dieu. Et nous devons l'accueillir comme tel ; Dieu se cache en lui.
Vous vous rappelez certainement le merveilleux épisode raconté dans la Bible où Abraham accueille avec un empressement plein de bonté et de délicatesse ces trois hôtes mystérieux qui étaient des anges représentant Dieu lui-même. Et l'épître aux Hébreux, se référant à cet épisode biblique, demande aux premiers chrétiens : "N'oubliez pas l'hospitalité. Quelques-uns, en la pratiquant, ont, à leur insu, accueilli des anges".

Rien ne rend Dieu proche comme le prochain. Pour qui voit Dieu lointain, le prochain ne sera jamais bien proche ; pour qui ne voit pas le prochain bien proche, Dieu restera toujours lointain. Et pour celui-là l'étonnement sera grand au jour du jugement suprême : "Mais, Seigneur, quand nous est-il arrivé de vous voir étranger et de ne pas vous avoir accueilli"? - Car, en Jésus Christ, Dieu s'est fait plus proche de nous encore : il s'est fait l'un de nous. Jésus affirme que tout ce qui est fait au plus petit d'entre les siens, c'est à lui qu'on le fait : "j'étais un étranger et vous m'avez recueilli". Parole bouleversante qui nous montre Jésus lui-même dans cet étranger devant lequel nous serions tentés de passer sans faire attention.

Bien sûr, cela n'empêche pas une certaine prudence. Et un auteur des 1ers siècles (Didachè 1-13) demandera qu'on mette à l'épreuve les visiteurs inconnus. S'ils ne travaillent pas, leur séjour sera court ; s'ils demandent de l'argent ou des vivres pour les pauvres, on tiendra compte de leur demande ; mais s'ils demandent pour eux-mêmes, on rejettera leur supplique.
Prudence, oui ! Mise à l'épreuve de visiteurs suspects, oui ! Mais sans oublier le sens profond de l'hospitalité ; car l'hospitalité dépasse celui qui en est le bénéficiaire : ce geste atteint Jésus et celui-là même qui l'a envoyé : Dieu lui-même.

Un autre motif à l'hospitalité généreuse, à la charité attentive à tous les besoins, c'est notre propre condition d'étrangers ; car nous sommes tous des étrangers sur cette terre. Les chrétiens ne peuvent que répéter ce que David disait dans sa prière : "Devant toi, Seigneur, nous sommes des étrangers et des résidants, comme le furent tous nos pères". St Paul et St Pierre poursuivront : "Domiciliés dans le corps, nous restons en exil loin du Seigneur", "tels des étrangers ou des exilés qui ne résident que passagèrement dans un pays qui n'est pas le leur". - C'est pourquoi les chrétiens ne s'installent pas ici-bas ; ils ne doivent pas aimer ce qui est dans le monde. En profondeur,, ils n’ont qu'un désir : "partir pour être avec le Christ", comme disait St Paul, "aller prendre domicile près du Seigneur",  lui qui leur a promis qu'il y avait de nombreuses demeures dans la vaste Maison du Père; et que là où il serait, ils y seraient eux aussi.

Dès lors, la vie présente, délai ou séjour provisoire avant la rencontre définitive ne peut être envisagée que comme une pérégrination. Les croyants sont des pèlerins, des "paroissiens", c'est-à-dire des étrangers qui résident loin de chez eux. Dès lors, ils doivent s'entraider les uns les autres.

Voilà pourquoi le chrétien aura un culte de l'hospitalité. Etranger lui-même sur cette terre, il aura souci d'accueillir l'étranger. Dans la mesure où il se fait accueillant, Dieu l'accueillera dans la patrie céleste : "c'est la mesure dont vous vous servez qui servira aussi de mesure pour vous" (Lc 6/38). "Qui vous accueille m'accueille et qui m'accueille accueille Celui qui m'a envoyé" ; et alors, Celui-ci vous accueillera, lui aussi.