6e
Dimanche du T.O. 18/C
Il nous arrive, à nous chrétiens, de nous tromper de dieu.
Certains semblent croire à un dieu
- qui ne serait jamais venu sur
terre en la personne de Jésus,
- et qui se contenterait de regarder
de loin les "terriens»" en ne s'intéressant à rien d'autre qu'aux
prières qu'ils feraient monter vers lui.
Ces gens-là ont beau se dire
chrétiens, ou même catholiques, ils ont beau fêter Noël et Pâques, ils sont
tout au plus déistes.
Car l'Eglise ne cesse de nous
rappeler
- que le Fils de Dieu est venu sur
terre vivre une vie humaine comme la nôtre en la personne de Jésus,
- qu'il s'est fait pauvre avec
les pauvres pour sauver les pauvres,
- qu'il s'est intéressé à toutes
les situations humaines et sociales de son temps,
- et qu'il invite ses disciples
- nous les chrétiens - à vivre un christianisme enraciné dans ces mêmes
situations humaines et sociales de notre temps.
Si, par l'incarnation, par la
naissance de Jésus dans une étable de Bethléem, le Fils de Dieu s'est fait
solidaire de la condition humaine, c'est pour que nous, ses disciples, nous
vivions de même dans cet esprit de solidarité et de partage dans lequel il a
vécu lui-même le premier.
C'est ce que nous rappelle
l'évangile d'aujourd'hui, qui résume en quelques lignes tout l'essentiel du
message du Christ. Par ces quatre béatitudes que nous rapporte St Luc, Jésus
nous peint en quelque sorte, en quatre ou cinq traits, en quatre ou cinq coups
de pinceau, le portrait idéal du chrétien.
Le
portrait idéal du disciple de Jésus
Et d'abord, le chrétien, tel que
Jésus le désire, doit être un UN HOMME HEUREUX. Oui, Dieu nous veut joyeux,
bien vivants, optimistes, amoureux de notre vie et de notre époque, des gens à
l'amitié rayonnante, des gens dont la foi diffuse la "Bonne Nouvelle".
Heureux ! Heureux
!... Ce mot revient cinq fois en cinq phrases. "Soyez heureux et sautez de joie", nous dit Jésus. Dieu nous appelle au bonheur, et il veut que
nous soyons des semeurs de bonheur partout… Un saint triste est un triste
saint.
Et pour parvenir, à ce bonheur,
cette joie, Jésus apporte quelques précisions !
Et d'abord : "Heureux, VOUS LES PAUVRES, le Royaume des cieux est à
vous !" - L'homme selon le cœur
de Dieu ne cherche pas le bonheur dans les richesses et l'argent. Il sait s'en
servir, les goûter à l'occasion ; mais
il ne court pas après. Au contraire, il sait parfaitement s'en passer, car il
sait que là n'est pas l'essentiel. Et surtout, si par hasard il en
possède, il trouve sa joie en les partageant. "Heureux
les pauvres… !"
"Heureux
VOUS QUI AVEZ FAIM MAINTENANT :
vous serez rassasiés !"
L'homme selon le cœur de Dieu, c'est celui qui aura toujours faim et
soif ici-bas, car il ne se contentera jamais des nourritures terrestres qui le
laisseront toujours sur sa faim.
Heureux vous qui êtes affamés
d'autre chose que de réputation, d'autre chose que de confort, d'autre chose
que d'argent, de renommée ou de gloire !
Heureux vous qui avez faim du
Royaume de Dieu et de sa justice !
Heureux vous qui avez faim d'un
monde plus juste, plus fraternel, d'un monde de paix, d'un monde où tout être
humain puisse vivre sa vie en homme libre…
C'est le grand témoignage des
saints, de St François d'Assise, particulièrement et, à sa suite, me semble-t-il, le témoignage
de notre pape François.
"Heureux
VOUS QUI PLEUREZ MAINTENANT !". L'homme selon Dieu, c'est celui qui
a un cœur sensible aux peines et aux souffrances des autres, qui a le
souci de ne jamais les laisser tout seuls, mais qui pleure avec eux et partage
avec eux leurs peines et souffrances.
Et voici le dernier coup de pinceau
au portrait de l'homme selon le cœur de Dieu : "Heureux êtes-vous, quand les hommes vous haïssent et vous
repoussent... A CAUSE DU FILS DE L'HOMME, A CAUSE DE MOI..."
"A
cause du Fils de l'homme, à cause de moi…". Voilà les
mots importants. Autrement dit : Heureux celui qui s'attache à moi, même quand
ça va mal, même quand on l'insulte, même quand on se moque de lui, même quand
tous ses amis le repoussent... à cause du Christ, Fils de Dieu fait homme … et
qui lui reste fidèle quand même et
toujours, quoiqu'il arrive ! Oui, ce jour-là, sautez de joie, soyez heureux,
car "votre récompense sera grande
dans les cieux !"
Tel est le portrait du disciple de
Jésus selon le cœur de Dieu.
Le
portrait de Jésus
Ce portrait, vous l'avez compris,
c'est celui de Jésus lui-même. Au fond, Jésus seul l'a réalisé parfaitement.
Lui seul a été parfaitement pauvre,
lui qui est né dans une étable, qui n'avait pas ou reposer la tête, sauf, un
jour, sur une croix.
Personne
n'a su comme lui pleurer avec ceux qui pleurent et prendre sur lui leurs peines
et souffrances, lui qui ne cessait de guérir, de relever, de rendre la vue aux
aveugles et de réhabiliter les marginalisés.
C'était là, disait-il, la volonté de
son Père : que pas un seul de ces petits ne se perde ! Pour lui, la faim qui le
torturait, c'était cela : "faire la
volonté de son Père ". C'était là sa mission, et il l'a remplie
jusqu'au bout, jusqu'à être rejeté par les siens et condamné par son peuple….
Notre
portrait à nous ?
Et pour nous, ce portrait du
chrétien dépeint par Jésus ne doit-il pas être l'idéal vers lequel nous
avons à tendre ?
- Proximité avec les pauvres, ce qui
signifie : ne pas faire de notre niveau de vie, de nos revenus, de notre avoir,
le centre de nos préoccupations. Mais savoir nous faire solidaires de nos
frères, partager avec eux, donner et nous donner nous-mêmes.
- Proximité avec ceux qui pleurent,
qui souffrent, qui sont dans la peine. Ne jamais laisser qui que ce soit seul
avec ses larmes, seul avec sa souffrance.
- Avoir faim et soif d'autre chose
que des nourritures terrestres : faim de justice, de fraternité, de paix, pour
nous et pour les autres. En sachant qu'à
travers tout progrès dans la justice, la fraternité et la paix, c'est le
Royaume de Dieu lui-même qui progresse invisiblement sur terre.
Et tout cela, même si c'est dur,
même si nos amis nous critiquent ou nous rejettent... Car L'EVANGILE N'EST PAS
NEUTRE, et le chrétien ne peut pas rester neutre devant ceux qui souffrent,
ceux qui pleurent et ceux qui ont faim.
On nous dit parfois, à nous les
prêtres : "Parlez-nous donc de Dieu,
c'est cela votre rôle, - et c'est vrai - ; mais on ajoute : au lieu
de toujours nous parler des pauvres et des malheureux !"
Il faut répondre : Dieu est amour.
Jésus Christ est son Fils. Il s'est fait pauvre et solidaire des pauvres et de
tous ceux qui souffrent. Il nous appelle à cette même solidarité. Tel est le
chemin pour parvenir à lui.
Et puis, pour terminer, une remarque
importante. On dit souvent – et c’est vrai – que l’essentiel de la vie, du
message du Christ, c’est d’aimer. Et le Christ a dit : "Aimez-vous come je vous ai
aimés". Mais il a dit également :
"Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés". Ce désir
d’aimer est dans le cœur de beaucoup d’hommes, c’est la consigne de bien des
religions. Mais aimer comme Dieu aime, voilà bien la nouveauté de l’Evangile.
Cela suppose qu’on contemple le cœur du Christ ouvert sur la croix, et qu’on
médite ce mystère de la Sainte Trinité où les Personnes n’existent que comme pures
relations d’amour (Thomas d’Aquin, Su.th.
Ia, q. 29 ss) et où tout égoïsme est comme exorcisé, supprimé.
C’est toute la nouveauté du N.T.,
qu’on oublie facilement. Le commandement nouveau, c’est : "aimez-vous comme je vous ai aimés". Et c’est
alors que l’on puise en Dieu la force d’aimer même ses ennemis… ; et cette
force, on ne la trouve pas ailleurs … qu’en Dieu pour aimer comme Dieu !