26e Lundi T.O. 13
Le chapitre 8ème qui termine la
première partie du Livre de Zacharie éveille notre attention sur une "Jérusalem terrestre" dont on
minimise souvent l'importance dans la pensée chrétienne, en nous projetant,
déjà et trop facilement, dans la "Jérusalem céleste" !
Les fêtes juives qui se célèbrent en
Septembre-Octobre, généralement, nous invitent à toujours partir de la
Jérusalem d'ici-bas avec tout ce que cette ville symbolise de terrestre
vers la Jérusalem céleste dont "Dieu
seul est l'Architecte et le Fondateur" (Heb 11).
Jésus nous a dit qu'il n'était pas venu
abolir mais accomplir ! Aussi la "Jérusalem terrestre" restera
toujours - même pour un chrétien - un mystère qui dévoile peu à peu tout le
dessein de Dieu à travers l'histoire des hommes. Autrement dit, Jérusalem
reste, symboliquement et spirituellement, "le
nombril du monde" comme dit Ezéchiel (38.12) en lequel se
récapitulent toutes les destructions et reconstructions accomplis par les
hommes. Et en ce "nombril du
monde", Dieu, selon sa promesse, reste mystérieusement présent ! Dieu
est présent en ce "nombril du
monde" - et par lui au monde entier -, selon sa volonté exprimée, par
exemple, dans le psaume 131ème (v/ 13-14), ce psaume qui fut chanté lors du
transfert de l'Arche d'Alliance à Jérusalem par David :
"Dieu
a fait choix de Sion ; il a désiré ce Lieu pour Lui :
'C'est
ici mon repos à tout jamais, car je l'ai désiré !'".
La "Jérusalem terrestre - et le monde
dont elle est le "centre" - a traversé bien des catastrophes et, comme
tout le laisse penser, en traversera encore ! Cependant en ce Lieu "que Dieu a choisi pour y faire habiter
son Nom" (Dt
12.18,20 ; 16.2 etc),
il y a des promesses d'éternité pour tous les hommes, pour le monde.
C'est dans cette pensée qu'il faut lire le
prophète Zacharie
en la lecture d'aujourd'hui et en celle de demain que nous n'entendrons pas
cependant du fait de la fête de Ste Thérèse de l'Enfant-Jésus, chère au cœur
des chrétiens de France !
Mais je vous invite à méditer ces deux
lectures tout à la fois :
"Ainsi
parle le Seigneur Sabaot. J'éprouve pour Sion un amour jaloux... Je reviens à
Sion et veux habiter au milieu de Jérusalem ! ...
Voici
que je sauve mon peuple des pays d'Orient... Je les ramènerai pour qu'ils
habitent Jérusalem. Ils seront mon peuple ; Je serai leur Dieu dans la fidélité
et la justice...
Viendront
encore des peuples et des habitants de grandes villes. Et les habitants d'une
ville iront vers l'autre en disant : 'Allons donc implorer la face du Seigneur
et chercher le Seigneur Sabaot !' ... En ces jours-là, dix hommes de toutes les
langues des nations saisiront un Juif par le pan de son vêtement en disant :
Nous voulons aller avec vous, car nous avons appris que Dieu est avec vous
!".
Mystère de Jérusalem que tout pèlerin
en Terre Sainte perçoit lorsqu'il s'y trouve, même si Jérusalem est toujours ce
"nombril du monde" en
lequel cohabitent inextricablement - comme en notre propre cœur parfois - :
beauté et laideur ; paix et guerre ; mensonge et vérité ; connaissance et
ignorance... etc. Contexte paradoxale de toute vie humaine !
Nous avons encore à apprendre de ce peuple,
notre "frère aîné" dans la
foi, disaient Jean-Paul II et Benoît XVI à sa suite.
Aussi, dans un esprit œcuménique, à la
suite de St Jérôme que nous fêtons aujourd'hui, il est profitable pour
notre foi, me semble-t-il, de savoir le sens des fêtes que les Juifs célèbrent
en cette période du temps.
La fête de "Rosh Hachana" ("tête de
l'année"),
si elle marque bien le premier jour de l'an nouveau, veut surtout rappeler la
création du monde, la création du premier homme "à l'image et ressemblance de Dieu". Mais la création est
continuelle. La création, c'est "aujourd'hui" ("Yahoum",
souvent répété dans le rituel juif). Avons-nous cette pensée que Dieu veut aujourd'hui
nous créer "à son image et ressemblance" ? "Aujourd'hui, si vous écoutiez sa voix...!", dit le
psaume 94ème qui débute l'office de chaque jour. "Aujourd'hui !". Ecouter la
"Parole" créatrice de Dieu en notre vie !
Et avec cette fête juive et pendant deux
jours, il est répété que Dieu juge les hommes - juif ou non - pour leurs
bonnes ou mauvaises actions. C'est une occasion de nous rappeler que chacun "a du prix aux yeux de Dieu" (Cf. Is 43), qu'il a reçu un
appel, une "vocation" particulière ! Y pensons-nous suffisamment ?
Les jours qui suivent la "fête de
l'an" sont appelés "Jours
terribles" (Yamin Noraïm") : chacun est appelé à faire
pénitence pour les fautes commises et à se réconcilier avec son prochain...
Jésus ne disait-il pas qu'il n'y a qu'un seul commandement : Aimer Dieu et
son prochain ?
Enfin, cette période festive juive se
termine solennellement par le "Yom
Kippour" ("Jour
du pardon")
: chacun demande le pardon de Dieu et
son inscription au Livre de la vie ! Le jour de notre baptême - il faut
savoir s'en souvenir -, n'avons-nous pas été inscrits au "Livre de la vie" ?
Il y a donc toute une perspective d'un commun
cheminement de la foi entre Juifs et chrétiens.
On m'a dit que les coutumes juives tendent malheureusement
- même à Jérusalem - à se formaliser, à se ritualiser. C'est le danger, à toute
époque et chez les chrétiens aussi, évidemment !
Voyez ! Au temps de St Jérôme et de St
Augustin, on ne baptisait les jeunes gens qu'une fois passées les frasques
de la jeunesse. Et même, certains ne voulaient recevoir ce sacrement que sur
leur lit de mort, pensant ainsi parvenir immaculés devant la face de Dieu, au
jour du jugement. Aujourd'hui, c'est plutôt l'inverse - et c'est la souffrance
de bien des prêtres -- : des parents demandent le baptême pour leurs enfants
sans trop savoir pourquoi : c'est comme "une assurance tous risques"
devant Dieu... !
Le formalisme ! Dans tous ces cas, c'est
abuser de la confiance que l'on doit avoir dans la puissance régénératrice du
sang rédempteur versé par le Christ sur la croix ! Ce que rappelle pourtant
toute Eucharistie !
Aussi, avec humilité, nous avons tous -
Juifs et chrétiens - à nous interroger sur la profondeur de notre foi en tous
domaines..., à propos, par exemple, de la "Parole
de Dieu" puisque nous fêtons aujourd'hui St Jérôme.
Sa vie fut l'accomplissement de
l'exhortation de St Pierre qui, se souvenant de la Parole de Dieu au jour de la
Transfiguration, écrivait : "Ainsi
nous tenons plus ferme la parole prophétique : vous faites bien de la
regarder, comme une lampe qui brille dans un lieu obscur, jusqu'à ce que le
jour commence à poindre et que l'astre du matin se lève dans vos cœurs"
(2 Pet
1.19).
L'"astre
du matin" fait allusion, bien sûr, à l'Incarnation du Verbe de Dieu...
Dès lors, on peut dire : si nous rabaissons la "Parole de Dieu" à
une simple écriture - l'écriture d'une "histoire sainte",
l'écriture d'une pensée théologique... et que sais-je encore -, c'est que,
inconsciemment, nous voilons ce grand mystère de notre foi : "Et le Verbe s'est fait chair".
Le "Verbe" ! La
"Parole" de Dieu !
Cette importance de la "Parole de
Dieu" comme l'importance du mystère de l'Incarnation, St Jérôme en avait
bien conscience, lui qui est le modèle de ceux qui ont consacré leur vie à
l'interprétation des Ecritures.
Et un soir de Noël, à Bethléem, il disait,
passant de l'Ecriture au mystère : "Nous
avons assez argumenté...! Prenons-Le (l'Enfant
de la crèche) en nos bras et
adorons le Fils de Dieu ! Ce Dieu grand qui tonna si longtemps dans le ciel (comme au Sinaï) sans pouvoir nous sauver, il vagit dans son berceau et
nous sauva !".
Accueillir Dieu qui naquit à Bethléem, qui veut
naître en nos cœurs, c'est également accueillir sa Parole "plus tranchante qu'aucun glaive à
double tranchant" (Heb 4.12). Accueillir un "Enfant"...
Accueillir une "Parole"... ! C'est dire avec St Jérôme que ce n'est
jamais la superbe qui sauve, mais c'est l'humilité qui sauve ! Accueillir
humblement... et respectueusement !
Le tempérament assez fougueux de St Jérôme,
ou du moins assez étranger à l'onction ecclésiastique ou religieuse - si
conventionnelle -, avait besoin de trouver près de la crèche de Bethléem, le silence,
la paix et... l'humilité !
Demandons-lui cette même grâce !
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