T.O.
22 imp. Vendredi - (Col. 1. 15-20)
La lecture d’aujourd’hui est l’une des
pages les plus remarquables de St Paul, bâtie comme un hymne, une louange à la
dignité suréminente, à la suprématie, à la primauté
du Christ.
Certains pensent que cet hymne était
antérieur et que Paul l’aurait intégré dans son écrit. Mais pourquoi ce texte
ne serait-il pas de l’Apôtre lui-même, lui qui, devant le mystère de Dieu, a
parfois de tels élans quasi mystiques propres à confondre les enthousiasmes
sentimentaux, les spéculations obscures et hasardeuses de tous ceux qui se
croient investis d’une lumière supérieure venant des esprits, fussent-ils des
anges, dira-t-il (Cf.
Ga 1.8) ?
Sans s’attarder aux nombreux bavardages qui
courent sur ce sujet et dont sont victimes certains de ses compatriotes juifs
qui subissent l’influence de la philosophie grecques ou des religions ésotériques,
Paul, lui, va droit au but, à l’essentiel, cet essentiel qui lui tient à
cœur : maintenir la primauté du Christ en toutes choses, lui qui
accomplit le dessein d’amour de Dieu pour les hommes. Aussi ne veut-il plus
se compromettre avec tous ces soi-disant maîtres qui semblent faire autorité
autour de lui, vénérant obscurément le monde ancien, juif ou païen.
Il remarque seulement que l’on parle
beaucoup de “connaissance“, de gnose. Et bien, semble dire Paul,
parlons-en ! Et il va formuler en quoi consiste la vraie connaissance,
celle du Christ qui, à “la plénitude du temps“ (au moment de
l’Incarnation) est venu accomplir le dessein éternel de Dieu dans l’histoire.
Et avec force, il clame la suprématie du
Christ Jésus, Maître et Seigneur sur tout l’univers, sur les êtres visibles
ou invisibles, sur les hiérarchies célestes, angéliques à propos desquelles on
spécule tant. Au milieu du fatras des idées à la mode, Paul affirme
simplement ! D’ailleurs, il sait désormais - depuis son expérience à
Athènes - la vanité des beaux discours qu'il est pourtant capable de
faire ; il le dira aux Corinthiens :
“Quand
je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu
avec le prestige de la parole ou de la sagesse. Non, je n'ai rien voulu savoir
parmi vous, sinon Jésus Christ, et Jésus Christ crucifié. Moi-même, je me suis
présenté à vous faible, craintif et tout tremblant, et ma parole et mon message
n'avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c'était une
démonstration d'Esprit et de puissance,
pour que votre foi reposât, non sur la sagesse des hommes, mais sur la
puissance de Dieu“. (1 Co 2, 1-5).
Donc,
délaissant les procédés de séduction de la rhétorique, s’appuyant uniquement
sur l’Esprit-Saint et la puissance de Dieu, il va droit au but : le
Christ, mort et ressuscité, est le chef de toute la création. Il en est la
cause formelle, efficiente, finale... - et que sais-je encore - puisqu’il était
avant toutes choses et que tout fut créé en lui, par lui, pour lui. Tout ce
qui existe a son accomplissement plénier en lui. - Bien plus, il est la
tête du Corps qu’est l’Eglise. Il est le commencent ou mieux le principe,
c’est-à-dire non seulement le début mais la source, la raison d’être de toutes
choses au point de ne pouvoir s’étonner qu’il soit le premier-né d’entre les
morts, puisqu’en tout il a la primauté !
Oui,
le Christ a bien cette prééminence en tout,
- dans l’ordre métaphysique par sa
divinité,
- dans l’ordre de la nature en tant que
Créateur,
- dans l’ordre de la grâce et du salut en
tant que rédempteur, réconciliateur,
- dans l’ordre morale et mystique comme
chef d’un Corps en lequel il infuse la vie divine, éternelle,
- dans l’ordre eschatologique, inaugurant l’avenir
par sa résurrection glorieuse.
Et pour ne rien oublier, si je puis dire,
St Paul n’hésite pas à employer un mot à la mode dans la philosophie de
l’époque, le mot de “plérôme“.
“Dieu a voulu que, dans le Christ, toute
chose ait son accomplissement (plèrôma) total. Il a
voulu tout réconcilier par Lui et pour Lui, sur la terre et dans les
cieux, en faisant la paix par le sang de sa croix“.
C’est
la fin de notre lecture. Quand un chrétien parle de paix, quand dans les
conversations il est question de paix, on ne devrait jamais perdre de vue ce
que ce mot de paix signifie en langage chrétien. "Je vous laisse la paix ; je vous donne ma paix", disait Jésus !
C’est,
dans un sens plénier que doit être
compris ce mot de paix : l’achèvement du dessein de Dieu, déjà opéré
par le Christ, mort et ressuscité, qui se poursuit actuellement dans son Corps
mystique, l'Eglise, et qui aura son couronnement, son accomplissement, son
"plérôme" dans la gloire du Ressuscité ! C’est, dans ce sens plénier
du mot de paix en langage chrétien, que nous sommes appelés à garder le
cap, sans nous laisser distraire, sans laisser ce mot s’affadir dans de vagues
idéologies pacifistes.
C’est une invitation à situer tous nos efforts
qui montent d’en bas, si je puis dire, à les situer dans le grand élan qui, par
le Christ, avec Lui et en Lui, entraîne tout l’Univers réconcilié vers le Père.
Pensons à cela quand nous célébrons sans nous lasser, quotidiennement,
l’Eucharistie.
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