mardi 10 septembre 2013

Plénitude de connaissance !

23e Mardi T.O. 13                                                           (Col 2.6-15)

Toujours, à toute époque et partout dans le monde, il y a, dans l’atmosphère que nous respirons, des mots, des slogans qui se colportent, qui créent des mentalités. Ces mentalités sont souvent des prisons pour la pensée ; on y manipule tellement les intelligences. Ainsi, aujourd'hui, les mots "dignité", "égalité" mis à toutes les sauces des élucubrations rationnelles ! Ou encore les mots "modernité", ou au contraire "coutumes" etc... Et encore le mot "gender" avec sa fameuse théorie négative de l'espèce humaine. Le caractère souvent très vague de ces mots et mentalités favorise les amalgames si pernicieux pour la pensée. -
Cependant on peut aussi se servir de ces mots et de ces mentalités à la mode pour leur infuser une signification plus dense et plus profonde au profit d'une recherche incessante de la "Vérité" et d'une existence que cette Vérité implique, loin des coutumes et habitudes qui sclérosent si facilement, rejetant tout approfondissement.

Dans le milieu où baigne St Paul quand, d’Ephèse, il envoie Epaphras et d’autres compagnons d’apostolat évangéliser Colosses, Laodicée, Hiérapolis et autres cités de l’Asie mineure, il y a deux mots qui remplissent l’atmosphère intellectuelle, deux mots qu’on trouve souvent dans les lettres dites "de la captivité" : les mots "connaissance" et "plénitude". Nous les rencontrons dans nos lectures du temps ordinaire.

La connaissance dont on parle beaucoup du temps de St Paul, est ce qu’on appelle la "gnose", des spéculations fuligineuses assez décrochées du réel. St Paul ne s’attarde pas à discuter avec les adeptes des intellectualismes au rabais. L’expérience de l’aréopage l’a marqué…
Et puis, surtout, il a gardé son identité juive et la méfiance de celle-ci pour cet intellectualisme velléitaire et stérile que l’on considère chez les rabbins comme à la frontière du pathologique. On n’estime les sages que s’ils sont capables de se servir de leurs mains. Un père de famille est gravement coupable s’il n’apprend pas un métier manuel à sa progéniture. Paul faisait des tentes avec Priscille et Aquilas. Il ne se consacre entièrement à la Parole que quand Silas et Timothée l’ont rejoint et qu’il peut être sûr de n’être à charge à personne (cf. Ac 18, 1-5) et de pouvoir garder son indépendance.

La connaissance pour St Paul n’est pas un ensemble de considérations qui restent extérieures au réel ; c’est une pénétration du réel qui se traduit par une transformation du comportement. Si l’écoute est première en Israël (« Shema Israël ») (« …Tu m’as creusé des oreilles » Ps 40,7), c’est la mise en pratique qui fait que l’arbre porte du fruit – Cf. Lc 8, 19-21 et // -. Pour savoir ce que connaître veut dire chez St Paul, il faut relire, dans une autre lettre de la captivité, la lettre' aux Philippiens, le passage suivant 
"Mais tous ces avantages dont j'étais pourvu, je les ai considérés comme un désavantage, à cause du Christ. Bien plus, désormais je considère tout comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ Jésus mon Seigneur.  A cause de lui j'ai accepté de tout perdre, je considère tout comme déchets, afin de gagner le Christ, et d'être trouvé en lui, n'ayant plus ma justice à moi, celle qui vient de la Loi, mais la justice par la foi au Christ, celle qui vient de Dieu et s'appuie sur la foi ; le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection et la communion à ses souffrances, lui devenir conforme dans sa mort, afin de parvenir si possible à ressusciter d'entre les morts. Non que je sois déjà au but, ni déjà devenu parfait ; mais je poursuis ma course pour tâcher de saisir, ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. Non, frères, je ne me flatte point d'avoir déjà saisi ; je dis seulement ceci : oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l'avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but, en vue du prix que Dieu nous appelle à recevoir là-haut, dans le Christ Jésus" (Ph 3, 7-14)

Paul est saisi par le Christ. Il s’est trouvé incorporé à Lui. Il a, dans la lettre aux Colossiens, cette phrase mystérieuse : "…je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps qui est l’Eglise" (1,24). Cette connaissance fait que l’existence du chrétien, pour lui, devient conformité au Christ, laquelle se perfectionne tout au long de l’existence. On ne devrait rien faire sinon que comme membre du Christ, de son Corps mystique.

Le style de Paul traduit cette "connaissance" qui est une expérience perpétuelle. Beaucoup de verbes, dans le langage de Paul, comportent le préfixe "sun " qui veut dire "avec". Nous faisons tout par le Christ, avec Lui et en Lui, dans l’élan d’une continuelle Eucharistie vers le Père, dans l’Esprit Saint. Cette connaissance est loin des papotages de ceux qui, à son époqsue, se piquaient de philosophie et qui faisaient autorité. Paul est sévère pour les "philosophes". "Prenez garde qu’il ne se trouve quelqu’un pour vous réduire en esclavage par le vain leurre de la "philosophie", selon une tradition toute humaine selon les éléments du monde et non selon le Christ" (Col 2,8).

Puissions-nous, chrétiens, trouver et toujours retrouver dans toute sa santé cette connaissance dans le Christ. Et, par exemple, à propos de la théorie du genre - slogan pernicieux à la mode -, Paul affirmerait sans doute que c'est le Christ, lui, Dieu et homme à la fois - qui accomplirait parfaitement cette théorie. Il est l'"Homme" ("ecce Homo", avait involontairement prophétisé Pilate - Jn 19.5) qui mène tout à la fois l'homme (au sens de "vir") et la femme en la plénitude de la Vie divine, en cette Vie où "on ne prend ni femme ni mari, mais où on est comme des anges dans le ciel" (Mth 22.30), c'est-à-dire tout préoccupés de servir et louer Dieu, l'amour conjugal - parvenu à sa plénitude - restant le grand et éternel témoignage de l'amour pour tout homme !

Quant au mot "plénitude" ou "plérome", il est aussi très à la mode à l'époque de St Paul..., dans le panthéisme Stoïcien. Mais pour l'apôtre, l’incarnation a placé la nature humaine du Christ à la tête, non seulement de toute la race humaine, mais encore de tout l’univers créé, indirectement intéressé au salut comme il l’a été par la faute.
Le P. Benoît commentait : "Le vrai Christ que doivent professer les Colossiens n’est pas un être mythique, plus ou moins perdu au milieu des hiérarchies angéliques auxquelles s’intéressent les faux docteurs de Colosses, mais le personnage historique, Jésus, qui s’est vu élever par sa Résurrection au rang suprême de "Seigneur", au-dessus de tous les êtres créés". (BJ Fasc. p. 59 note c).

Que St Paul nous aide à parvenir de plus en plus à cette "plénitude" de la "connaissance", dans le Christ, connaissance qui est déjà VIE en Dieu !

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