24e
T.O. Mardi - 13 - (I Tim. 3.1-13)
Si la garde de la Doctrine (ch. 1) et l'organisation de
la prière (comme
on l'a vu hier)
sont les premiers devoirs de Timothée, l'un des plus importants de sa mission
est de pourvoir l'Eglise de responsables, d'évêques capables de la
représenter dignement. Et si en tout temps les qualités de ceux qui ont
autorité sur les fidèles influent sur la vie religieuse des Communautés,
combien plus aux époques d'erreurs, d'incrédulité, de persécutions... ! C'est
dire qu'il faut toujours prier pour nos évêques, comme on le fait en
chaque Eucharistie.
Leur charge requiert certaines qualités. Celles que St
Paul exige sont presque exclusivement morales ; elles n'ont rien de spécifiquement
chrétien. Il semble que l'apôtre est surtout soucieux de leur bonne conduite
qui doit provoquer respect et non occasion de calomnie ou même de médisance.
St Paul ne fait pas, là, le portrait de l'Evêque-type,
du Responsable-idéal. Il énumère seulement des conditions "sine qua
non" pour la charge d'Evêque, de Responsable. St Jean Chrysostome explique
cette exigence "minimaliste" par un besoin urgent d'évêques. Ainsi St
Paul encourage : "Si quelqu'un
aspire à l'épiscopat...", s'il est "sans
orgueil" insistera-t-il cependant..., et bien, tant mieux ! Car il
faut des Responsables ! Aujourd'hui ne dit-on pas : si un jeune homme aspire à
la prêtrise, et bien bravo ! Il en manque tant !
Ainsi donc, point n'est besoin pour un
évêque d'être un "génie", un "saint" déjà à canoniser.
D'ailleurs, aujourd'hui encore, le Droit Canon nomme l'évêque
l'"Ordinaire", l'Ordinaire du lieu - "Ordinarius
loci", celui qui par sa prudence, sa pondération, par son sens de l'équilibre
non porté aux extrêmes, sait mettre de l'"ordre". Et croyez-moi,
trouver un tel homme "ordinaire", c'est déjà extraordinaire !
D'ailleurs, la "Didachè" - cet
écrit doctrinal à la charnière du 1er-2ème siècle - exige
simplement : "Que les évêques et les
diacres soient des hommes doux, désintéressés, véridiques
et sûrs !" (Did. 15). Ces notations doivent être déjà le fruit
de l'expérience. Et Timothée ne l'ignore pas, lui qui sera le cosignataire de
la lettre aux Philippiens (1). Et à Milet, avec grande
émotion sans doute, il avait entendu Paul sur la route de Jérusalem, Césarée et...
Rome, faire ses "adieux" aux Anciens d'Ephèse qu'il avait mandés : "Prenez garde à vous-mêmes et à tout le
troupeau !" (Act. 20.28).
Ainsi, l'évêque n'est pas obligatoirement un
"charismatique" ; c'est avant tout un homme si
"ordinaire" qu'il en devient "extraodinaire", ayant
simplement reçu (au jour de sa consécration) un "Pneuma",
l'"Esprit" de force,
d'amour, de pondération (Cf. 2 Tm 1.7) le rendant à être plus facilement un "modèle
du troupeau" (I Pet. 5.3). D'ailleurs St Paul s'est constamment montré préoccupé de l'honorabilité de
tout chrétien (2), ce qui est un argument apologétique selon St Mathieu : "Ainsi votre lumière doit-elle briller
devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père
qui est dans les cieux" (5.16 ; Cf. I Pet 2.13). Or la charge
du Responsable ecclésial le met en telle lumière qu'il devient le représentatif
de la doctrine et de la morale chrétienne.
Et la "Didachè" de conclure : "Elisez des évêques et diacres dignes
du Seigneur, car ils remplissent, eux aussi, près de vous, le ministère des
prophètes et des Docteurs... !" (Ch. 15). Il semblerait cependant que ceux qui "ont
la parole" ou qui "savent" sont plus appréciés et vénérés que ceux
qui ont "charge" ! Aussi St Paul se sent peut-être obligé de
"ré-évaluer", si je puis dire, cette charge d'épiscope apparemment
peu enviable parce que difficile et onéreuse. Aux Théssaloniciens, il évoque "les présidents qui peinent...!"
(I Thess. 5.12) ; et la lettre aux Hébreux parle de ces Responsables qui "gémissent !" (Heb. 13.17).
Ce que l'on demande avant tout, dit St Paul,
c'est que "le Responsable soit
sans reproche". Le "defectus
bonae famae" - non pas une "mauvaise réputation", mais simplement une "absence
de bonne réputation" - est depuis toujours un empêchement canonique aux
ordinations. "Cherchez parmi vous
des hommes de bonne réputation", disent les Actes des Apôtres (Ac. 6.3), car celui qui
gouverne doit être un "modèle du
troupeau", dit St Pierre (3).
Il serait trop long de poursuivre en expliquant
chacune des recommandations que fait Paul aux Responsables. Je n'en retiens que
trois pour terminer.
1. Le Responsable - évêque - doit être "capable d'enseigner".
Ce n'est point qu'il soit nécessairement éloquent, ni même qu'il ait des
grades, mais qu'il connaisse son Evangile, qu'il soit capable d'exposer la
doctrine de l'Eglise et d'Interrompre les litiges doctrinaux (4). Un bon pasteur ne se
contente pas d'administrer, de donner des leçons de piété ; il doit garder
l'esprit ouvert aux problèmes doctrinaux, se tenir informé, être apte à se
faire une opinion.
2. Le Responsable doit être
"epieikè", dit St Paul. Mot difficile à traduire que notre texte
liturgique interprète par "bienveillant". L'épikie (5) évoque modération,
mesure, finesse et aussi bonté, gentillesse, générosité, ce qui est le propre
d'un homme "bien équilibré". Cette qualité est facilement attibuée aux
"gens de bien" (selon Sénèque), aux chrétiens doux,
conciliants, mesurés, gentils et bienfaisants dans leurs rapports réciproques,
aux orateurs dont l'intégrité morale suscite la confiance, et surtout
aux détenteurs d'un pouvoir, aux législateurs chez qui elle modère
et teinte de bonté l'exercice du pouvoir.
Cette qualité doit être propre à tout
Responsable, car elle évoque une personne abordable et accueillante,
conciliante et indulgente, voire même magnanime lorsqu'il s'agit de juger avec
"épikie". Car, à l'exemple de Dieu, le Responsable doit toujours
envisager des solutions de miséricorde. St Benoît qui n'emploie pas ce mot en
possédait, me semble-t-il, tout l'esprit.
3. Le Responsable ne doit pas être "aveuglé par l'orgueil".
Le mot employé par St Paul est amusant : Il dérive de "tuphos", fumée
ou vapeur qui monte au cerveau. Il signifie alors : être rempli ou enveloppé de
fumée... et donc aveuglé. Car lorsqu'on est en cette "fumée", on ne
voit plus rien, on ne sent plus rien que soi-même ! L'orgueilleux pourrait
encourir, dit notre texte liturgique, "la
même condamnation que le diable". Qui donc a déjà parlé des
"fumées de Satan" ? Que le Seigneur nous en écarte.
1. Paul et Timothée, serviteurs du
Christ Jésus, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, avec
leurs épiscopes et leurs diacres..." - Phil. 1.1)
2. I Thess.
4.12 ; I Co. 10.32 ; Phil. 2.15 ; Col. 4.5 ; Tite 2.5,8; etc
3. I Pet. 5.3 et nombreuses citations : 2 Thess. 3.9 ;
Phil. 3.17 ; Heb 13.7 etc.
4. Cf. Tite 1.9
: "ne
doit-il pas être capable, à la fois, d'exhorter dans la saine doctrine et de
confondre les contradicteurs ?".
5. Ce mot - que naguère j'affectionnais et employais, ce qui provoquait des taquineries
fraternelles à mon égard - n'est même plus dans certains dictionnaires français
! ! !
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