mardi 17 septembre 2013

L'"Episcope", l'Evêque !

24e T.O. Mardi - 13  -                              (I Tim. 3.1-13)

Si la garde de la Doctrine (ch. 1) et l'organisation de la prière (comme on l'a vu hier) sont les premiers devoirs de Timothée, l'un des plus importants de sa mission est de pourvoir l'Eglise de responsables, d'évêques capables de la représenter dignement. Et si en tout temps les qualités de ceux qui ont autorité sur les fidèles influent sur la vie religieuse des Communautés, combien plus aux époques d'erreurs, d'incrédulité, de persécutions... ! C'est dire qu'il faut toujours prier pour nos évêques, comme on le fait en chaque Eucharistie.  

Leur charge requiert certaines qualités. Celles que St Paul exige sont presque exclusivement morales ; elles n'ont rien de spécifiquement chrétien. Il semble que l'apôtre est surtout soucieux de leur bonne conduite qui doit provoquer respect et non occasion de calomnie ou même de médisance.
St Paul ne fait pas, là, le portrait de l'Evêque-type, du Responsable-idéal. Il énumère seulement des conditions "sine qua non" pour la charge d'Evêque, de Responsable. St Jean Chrysostome explique cette exigence "minimaliste" par un besoin urgent d'évêques. Ainsi St Paul encourage : "Si quelqu'un aspire à l'épiscopat...", s'il est "sans orgueil" insistera-t-il cependant..., et bien, tant mieux ! Car il faut des Responsables ! Aujourd'hui ne dit-on pas : si un jeune homme aspire à la prêtrise, et bien bravo ! Il en manque tant !

Ainsi donc, point n'est besoin pour un évêque d'être un "génie", un "saint" déjà à canoniser. D'ailleurs, aujourd'hui encore, le Droit Canon nomme l'évêque l'"Ordinaire", l'Ordinaire du lieu - "Ordinarius loci", celui qui par sa prudence, sa pondération, par son sens de l'équilibre non porté aux extrêmes, sait mettre de l'"ordre". Et croyez-moi, trouver un tel homme "ordinaire", c'est déjà extraordinaire !

D'ailleurs, la "Didachè" - cet écrit doctrinal à la charnière du 1er-2ème siècle - exige simplement : "Que les évêques et les diacres soient des hommes doux, désintéressés, véridiques et sûrs !" (Did. 15). Ces notations doivent être déjà le fruit de l'expérience. Et Timothée ne l'ignore pas, lui qui sera le cosignataire de la lettre aux Philippiens (1). Et à Milet, avec grande émotion sans doute, il avait entendu Paul sur la route de Jérusalem, Césarée et... Rome, faire ses "adieux" aux Anciens d'Ephèse qu'il avait mandés : "Prenez garde à vous-mêmes et à tout le troupeau !" (Act. 20.28).

Ainsi, l'évêque n'est pas obligatoirement un "charismatique" ; c'est avant tout un homme si "ordinaire" qu'il en devient "extraodinaire", ayant simplement reçu (au jour de sa consécration) un "Pneuma", l'"Esprit" de force, d'amour, de pondération (Cf. 2 Tm 1.7) le rendant à être plus facilement un "modèle du troupeau" (I Pet. 5.3). D'ailleurs St Paul s'est constamment montré préoccupé de l'honorabilité de tout chrétien (2), ce qui est un argument apologétique selon St Mathieu : "Ainsi votre lumière doit-elle briller devant les hommes afin qu'ils voient vos bonnes œuvres et glorifient votre Père qui est dans les cieux" (5.16 ; Cf. I Pet 2.13). Or la charge du Responsable ecclésial le met en telle lumière qu'il devient le représentatif de la doctrine et de la morale chrétienne.

Et la "Didachè" de conclure : "Elisez des évêques et diacres dignes du Seigneur, car ils remplissent, eux aussi, près de vous, le ministère des prophètes et des Docteurs... !" (Ch. 15). Il semblerait cependant que ceux qui "ont la parole" ou qui "savent" sont plus appréciés et vénérés que ceux qui ont "charge" ! Aussi St Paul se sent peut-être obligé de "ré-évaluer", si je puis dire, cette charge d'épiscope apparemment peu enviable parce que difficile et onéreuse. Aux Théssaloniciens, il évoque "les présidents qui peinent...!" (I Thess. 5.12) ; et la lettre aux Hébreux parle de ces Responsables qui "gémissent !" (Heb. 13.17).

Ce que l'on demande avant tout, dit St Paul, c'est que "le Responsable soit sans reproche". Le "defectus bonae famae" - non pas une "mauvaise réputation", mais simplement une "absence de bonne réputation" - est depuis toujours un empêchement canonique aux ordinations. "Cherchez parmi vous des hommes de bonne réputation", disent les Actes des Apôtres (Ac. 6.3), car celui qui gouverne doit être un "modèle du troupeau", dit St Pierre (3).

Il serait trop long de poursuivre en expliquant chacune des recommandations que fait Paul aux Responsables. Je n'en retiens que trois pour terminer.

1. Le Responsable - évêque - doit être "capable d'enseigner". Ce n'est point qu'il soit nécessairement éloquent, ni même qu'il ait des grades, mais qu'il connaisse son Evangile, qu'il soit capable d'exposer la doctrine de l'Eglise et d'Interrompre les litiges doctrinaux (4). Un bon pasteur ne se contente pas d'administrer, de donner des leçons de piété ; il doit garder l'esprit ouvert aux problèmes doctrinaux, se tenir informé, être apte à se faire une opinion.

2. Le Responsable doit être "epieikè", dit St Paul. Mot difficile à traduire que notre texte liturgique interprète par "bienveillant". L'épikie (5) évoque modération, mesure, finesse et aussi bonté, gentillesse, générosité, ce qui est le propre d'un homme "bien équilibré". Cette qualité est facilement attibuée aux "gens de bien" (selon Sénèque), aux chrétiens doux, conciliants, mesurés, gentils et bienfaisants dans leurs rapports réciproques, aux orateurs dont l'intégrité morale suscite la confiance, et surtout aux détenteurs d'un pouvoir, aux législateurs chez qui elle modère et teinte de bonté l'exercice du pouvoir.
Cette qualité doit être propre à tout Responsable, car elle évoque une personne abordable et accueillante, conciliante et indulgente, voire même magnanime lorsqu'il s'agit de juger avec "épikie". Car, à l'exemple de Dieu, le Responsable doit toujours envisager des solutions de miséricorde. St Benoît qui n'emploie pas ce mot en possédait, me semble-t-il, tout l'esprit.

3. Le Responsable ne doit pas être "aveuglé par l'orgueil". Le mot employé par St Paul est amusant : Il dérive de "tuphos", fumée ou vapeur qui monte au cerveau. Il signifie alors : être rempli ou enveloppé de fumée... et donc aveuglé. Car lorsqu'on est en cette "fumée", on ne voit plus rien, on ne sent plus rien que soi-même ! L'orgueilleux pourrait encourir, dit notre texte liturgique, "la même condamnation que le diable". Qui donc a déjà parlé des "fumées de Satan" ? Que le Seigneur nous en écarte.

1. Paul et Timothée, serviteurs du Christ Jésus, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, avec leurs épiscopes et leurs diacres..." - Phil. 1.1)

2. I Thess. 4.12 ; I Co. 10.32 ; Phil. 2.15 ; Col. 4.5 ; Tite 2.5,8; etc

3. I Pet. 5.3 et nombreuses citations : 2 Thess. 3.9 ; Phil. 3.17 ; Heb 13.7 etc.

4. Cf. Tite 1.9 : "ne doit-il pas être capable, à la fois, d'exhorter dans la saine doctrine et de confondre les contradicteurs ?".

5. Ce mot - que naguère j'affectionnais et employais, ce qui provoquait des taquineries fraternelles à mon égard - n'est même plus dans certains dictionnaires français ! ! !

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