lundi 23 septembre 2013

Exil et retour

25e Lundi  T.O. 13/C                  (Esd 1, 1-6)

Soixante-dix ans après la ruine de Jérusalem, Cyrus de Perse, ayant pris le pouvoir, l’exil de Babylone prit fin pour le peuple juif, comme Jérémie l’avait prédit :
"Ainsi parle Le Seigneur : Puisque vous n'avez pas écouté mes paroles, voici que j'envoie chercher toutes les familles du Nord - autour de Nabuchodonosor roi de Babylone - ; et je les amènerai contre ce pays et ses habitants ...  ; Je ferai disparaître chez eux les cris de joie et d'allégresse, les appels du fiancé et de la fiancée, le bruit des deux meules et la lumière de la lampe. Tout ce pays sera réduit en ruine... Ils seront asservis au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.
Mais quand seront accomplis les soixante-dix ans, je visiterai le roi de Babylone et cette nation ..., pour en faire une désolation éternelle". etc...  (Jr 25, 8-13)

Ce retour de Babylone à Jérusalem fut regardé, dans la Bible, comme un second exode, semblable à celui qui avait fait sortir le peuple élu de l’esclavage d’Egypte pour le faire entrer en "Terre Promise".

Toute l’Histoire Sainte, finalement, est perçue sur cette alternance d’"exil et de retour", toute l’histoire sainte ; notre propre histoire se déroule sur ce rythme.

Créés à l’image de Dieu pour être en voyage vers Lui, nous sommes partis comme l’enfant prodigue dans les terres lointaines, dans l’exil de la dissemblance ; et il nous faut, comme lui, faire, une "Téshouva"תשׁובה - un "retour" (réponse, réplique).

Dans quelques jours, en Israël, le Schofar, la trompette du Nouvel An juif, va inviter le peuple à ce "retour" vers Dieu, à cette "Téshouva", par une purification qui doit permettre de reprendre la route que Dieu nous a proposée en nous créant à son image et ressemblance.

Ce rythme d’"exil et de retour" est allé crescendo dans le temps au long de l’histoire. La sortie d’Egypte n’est que l’archétype des délivrances que le Dieu Vivant, le Dieu des délivrances, ce Dieu qui a les issues de la mort, va opérer jusqu’à ce que la Passion et la Résurrection du Christ, accomplissant les Ecritures, mette un accord final à cette grande symphonie dans laquelle nous sommes tous engagés. L’histoire ne fait que se répéter mais en progressant.

Et, au cours de l’histoire, on voit ce rythme d’"exil et de retour", passer peu à peu, de la géographie à la morale.

Quand le peuple élu entre en Terre Promise, il a été averti par Moïse qu’il n’y entrait que pour accomplir la Loi et devenir ainsi la "Lumière des nations". S’il garde son identité, le Dieu Vivant demeurera "dans le Lieu"
("haMakom", selon l'expérience de Jacob : "Dieu est dans "le Lieu" ; et je ne le savais pas" - Gen. 28.16)...,
le Dieu Vivant demeurera dans le Temple bâti au "Lieu que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom", Jérusalem.

Si le peuple élu est infidèle, si son cœur s’éloigne de Dieu, il n’a plus de raison d’habiter ce "Lieu", ce "Temple", cette "Terre promise". Il part en exil et la terre est la proie des envahisseurs. Et selon Ezéchiel surtout, Dieu Lui-même part en exil.

L’exil se réalise selon trois dimensions : Le cœur du peuple s’éloigne de Dieu. - Le peuple est alors déraciné du "Lieu", de la "Terre promise". - Et Dieu lui-même quitte son Temple.

En sens inverse, le retour se réalise aussi en trois dimensions : - Le cœur du peuple se retourne vers Dieu, du fond de l’exil. - Le peuple, alors, peut revenir au "Lieu" que Dieu a choisi, en "Terre Promise" ; - et Dieu revient habiter dans son Temple.

Mais, à la "plénitude des temps", avec la venue du Christ, c’est le sens spirituel qui l’emporte sur le sens géographique.
Jean-Baptiste reprend bien le langage des "exils et des retours"... "Je suis la voix de celui qui crie : dans le désert rendez droit le chemin du Seigneur, comme a dit Isaïe, le prophète" (Jn 1,23). "Que les collines s’abaissent, que les vallées s’élèvent" (Is. 40.4 - Lc 3.5)... Dieu revient avec son peuple...!
Mais quand le peuple interroge Jean Baptiste sur le sens profond de ce langage du retour d’exil qu’il reprend aux prophètes qui l’ont précédé, il transpose dans sa réponse la géographie en morale.
"Et les foules l'interrogeaient : "Que faut-il donc faire ?".  Il leur répondait : "Que celui qui a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi manger fasse de même". Des publicains aussi vinrent se faire baptiser et lui dirent : "Maître, que nous faut-il faire ?". Il leur dit : "N'exigez rien au-delà de ce qui vous est prescrit". Des soldats aussi l'interrogeaient, en disant : "Et nous, que nous faut-il faire ?". Il leur dit : "Ne molestez personne, n'extorquez rien, et contentez-vous de votre solde". (Lc 3, 10-14).

Aussi, nous-mêmes réfléchissons, méditons :
Le Christ est sorti d'auprès du Père - "Je suis sorti du Père, disait-il, et je viens dans le monde !" (Jn 16.28 ; Cf. 8.42 ; 13.3 ; 16.27) - Et ayant pris sur lui les péchés du monde, après avoir réalisé en son humanité l'Alliance éternelle entre Dieu et l'homme, il est "retourné" vers "son Père" devenu, grâce à lui, "Notre Père" (Jn 20.17 ; Cf. 13.3 ; 7.34-35 ; 16.28). Il a fait sa "Téshouva", son "retour" vers le Père !

Mais il ne veut pas être seul dans ce "retour" vers Dieu. Il priait : "Père, je veux - c'est la seule fois dans les évangiles où Jésus s'adresse à son Père en lui disant : "Je veux..." !) - Père, je veux que là où je suis, ceux que tu m'as donnés soient eux aussi avec moi et qu'ils contemplent la gloire que tu m'as donnée...!" (Jn 17.24). Il est devenu la "Tête" de ce "Corps" qui est un "Temple nouveau" - "Il parlait du temple de son Corps" (Jn 2.21) - qu'est l'Eglise, ce nouveau "HaMakom", le "Lieu" de la présence divine, le "'Lieu'" que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !".

Oui, nous sommes désormais les membres de son Corps. Et nous sommes en marche vers le "Lieu", le "HaMakom" éternel, la Cité dont "Dieu seul est l'architecte et le fondateur" (Heb 11.10).

Et en marche vers cette demeure éternelle, nous attendons la venue du Seigneur comme les anges de son "retour" vers le Père nous l'ont annoncée : "Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l'avez vous s'en aller vers le ciel" (Ac. 1.11).
Il reviendra nous prendre avec Lui, parfaire pour chacun de nous et pour son Corps tout entier la "Teshouva", le "retour" plénier du pays de la dissemblance au pays de la ressemblance. "Nous le savons, dit St Jean, lorsqu'il paraîtra, nous lui serons semblables puisque nous le verrons tel qu'il est !" - "esometha" - "opsometha", dit l'apôtre dans un jeu de mots : nous serons (semblables) parce que nous verrons !


Entre l’exil et le retour, le peuple de Dieu, l'Eglise vit dans la foi, l’Espérance et l'Amour divin. C'est sa position d’attente pour ce grand "retour" de notre exil !

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