25e Lundi T.O. 13/C (Esd 1, 1-6)
Soixante-dix ans après la ruine de Jérusalem, Cyrus de Perse,
ayant pris le pouvoir, l’exil de Babylone prit fin pour le peuple juif,
comme Jérémie l’avait prédit :
"Ainsi
parle Le Seigneur : Puisque vous n'avez pas écouté mes paroles, voici que
j'envoie chercher toutes les familles du Nord - autour de Nabuchodonosor roi de
Babylone - ; et je les amènerai contre ce pays et ses habitants ... ; Je ferai disparaître chez eux les cris de
joie et d'allégresse, les appels du fiancé et de la fiancée, le bruit des deux
meules et la lumière de la lampe. Tout ce pays sera réduit en ruine... Ils
seront asservis au roi de Babylone pendant soixante-dix ans.
Mais
quand seront accomplis les soixante-dix ans, je visiterai le roi de Babylone et
cette nation ..., pour en faire une désolation éternelle". etc... (Jr 25, 8-13).
Ce retour de Babylone à Jérusalem fut
regardé, dans la Bible, comme un second exode, semblable à celui qui
avait fait sortir le peuple élu de l’esclavage d’Egypte pour le faire entrer en
"Terre Promise".
Toute l’Histoire Sainte, finalement, est perçue sur cette
alternance d’"exil et de retour", toute l’histoire sainte ;
notre propre histoire se déroule sur ce rythme.
Créés à l’image de Dieu pour être en voyage vers Lui, nous
sommes partis comme l’enfant prodigue dans les terres lointaines, dans
l’exil de la dissemblance ; et il nous faut, comme lui, faire, une "Téshouva"
– תשׁובה - un "retour" (réponse, réplique).
Dans quelques jours, en Israël, le Schofar, la trompette
du Nouvel An juif, va inviter le peuple à ce "retour" vers Dieu, à
cette "Téshouva", par une purification qui doit permettre de reprendre
la route que Dieu nous a proposée en nous créant à son image et
ressemblance.
Ce rythme d’"exil et de retour" est allé crescendo dans le temps au long de l’histoire. La sortie d’Egypte
n’est que l’archétype des délivrances que le Dieu Vivant, le Dieu des
délivrances, ce Dieu qui a les issues de la mort, va opérer jusqu’à ce que la
Passion et la Résurrection du Christ, accomplissant les Ecritures, mette un
accord final à cette grande symphonie dans laquelle nous sommes tous engagés.
L’histoire ne fait que se répéter mais en progressant.
Et, au cours de l’histoire, on voit ce rythme d’"exil
et de retour", passer peu à peu, de la géographie à la morale.
Quand le peuple élu entre en Terre Promise, il a été
averti par Moïse qu’il n’y entrait que pour accomplir la Loi et devenir ainsi
la "Lumière des nations".
S’il garde son identité, le Dieu Vivant demeurera "dans le Lieu"
("haMakom",
selon l'expérience de Jacob : "Dieu
est dans "le Lieu" ; et je ne le savais pas" - Gen. 28.16)...,
le Dieu Vivant demeurera dans le Temple bâti au "Lieu que Dieu a choisi pour y faire
habiter son Nom", Jérusalem.
Si le peuple élu est infidèle, si son cœur s’éloigne de
Dieu, il n’a plus de raison d’habiter ce "Lieu", ce "Temple",
cette "Terre promise". Il part en exil et la terre est la proie des
envahisseurs. Et selon Ezéchiel surtout, Dieu Lui-même part en exil.
L’exil se réalise selon trois dimensions : Le cœur du
peuple s’éloigne de Dieu. - Le peuple est alors déraciné du "Lieu", de la "Terre promise". - Et Dieu
lui-même quitte son Temple.
En sens inverse, le retour se réalise aussi en trois
dimensions : - Le cœur du peuple se retourne vers Dieu, du fond de l’exil. - Le
peuple, alors, peut revenir au "Lieu" que Dieu a choisi, en "Terre
Promise" ; - et Dieu revient habiter dans son Temple.
Mais, à la "plénitude
des temps", avec la venue du Christ, c’est le sens spirituel
qui l’emporte sur le sens géographique.
Jean-Baptiste reprend bien le langage des "exils et
des retours"... "Je
suis la voix de celui qui crie : dans le désert rendez droit le chemin du
Seigneur, comme a dit Isaïe, le prophète" (Jn 1,23). "Que les collines
s’abaissent, que les vallées s’élèvent" (Is. 40.4 - Lc
3.5)... Dieu revient avec son peuple...!
Mais quand le peuple interroge Jean Baptiste sur le sens
profond de ce langage du retour d’exil qu’il reprend aux prophètes qui l’ont
précédé, il transpose dans sa réponse la géographie en morale.
"Et
les foules l'interrogeaient : "Que faut-il donc faire ?". Il leur répondait : "Que celui qui
a deux tuniques partage avec celui qui n'en a pas, et que celui qui a de quoi
manger fasse de même". Des publicains aussi vinrent se faire baptiser et
lui dirent : "Maître, que nous faut-il faire ?". Il leur dit : "N'exigez
rien au-delà de ce qui vous est prescrit". Des soldats aussi l'interrogeaient,
en disant : "Et nous, que nous faut-il faire ?". Il leur dit : "Ne
molestez personne, n'extorquez rien, et contentez-vous de votre solde". (Lc 3, 10-14).
Aussi, nous-mêmes réfléchissons, méditons :
Le Christ est sorti d'auprès du Père - "Je suis sorti du Père, disait-il, et je viens dans le monde !" (Jn 16.28 ; Cf. 8.42 ; 13.3 ; 16.27) - Et ayant pris sur
lui les péchés du monde, après avoir réalisé en son humanité l'Alliance
éternelle entre Dieu et l'homme, il est "retourné" vers "son
Père" devenu, grâce à lui, "Notre Père" (Jn 20.17 ; Cf. 13.3 ; 7.34-35 ; 16.28). Il a fait sa "Téshouva",
son "retour" vers le Père !
Mais il ne veut pas être seul dans ce "retour"
vers Dieu. Il priait : "Père, je
veux - c'est la seule fois dans les évangiles où Jésus
s'adresse à son Père en lui disant : "Je veux..." !) - Père, je veux que là où je suis,
ceux que tu m'as donnés soient eux aussi avec moi et qu'ils contemplent la
gloire que tu m'as donnée...!" (Jn 17.24). Il est devenu la "Tête" de ce "Corps" qui est un
"Temple nouveau" - "Il parlait
du temple de son Corps" (Jn
2.21) - qu'est l'Eglise, ce nouveau "HaMakom", le
"Lieu" de la présence divine, le "'Lieu'"
que Dieu a choisi pour y faire habiter son Nom !".
Oui, nous sommes désormais les membres de son Corps. Et nous
sommes en marche vers le "Lieu", le "HaMakom" éternel,
la Cité dont "Dieu seul est
l'architecte et le fondateur" (Heb 11.10).
Et en marche vers cette demeure éternelle, nous attendons
la venue du Seigneur comme les anges de son "retour" vers le Père
nous l'ont annoncée : "Ce Jésus qui
vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l'avez vous
s'en aller vers le ciel" (Ac. 1.11).
Il reviendra nous prendre avec Lui, parfaire pour chacun
de nous et pour son Corps tout entier la "Teshouva", le
"retour" plénier du pays de la dissemblance au pays de la
ressemblance. "Nous le savons,
dit St Jean, lorsqu'il paraîtra, nous lui
serons semblables puisque nous le verrons tel qu'il est
!" - "esometha" - "opsometha", dit l'apôtre dans
un jeu de mots : nous serons (semblables) parce que nous verrons
!
Entre l’exil et le retour, le peuple de Dieu, l'Eglise
vit dans la foi, l’Espérance et l'Amour divin. C'est sa position d’attente pour
ce grand "retour" de notre exil !
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