mercredi 11 septembre 2013

La Morale (1)

T.O. 23  Mercredi             -            La Bonne Morale ! (1)                  (Col. 3. 1-11)

Aujourd’hui, St Paul nous parle de morale. Sachons, une fois pour toutes, que St Paul ne parle de morale qu’après s’être étendu sur l’enseignement, les données fondamentales de l’Evangile, bref, la "connaissance" du Christ dont il vient de parler. La morale chrétienne découle des certitudes de la foi ; et la foi, dira-t-il, suppose la prédication : “Comment croire sans avoir entendu ? Et comment entendre sans prédication ?“ (Rm 10,14-17). La foi naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ (et surtout de la Parole de Dieu vécue dans une vie, ce qu'on appelle le "témoignage" !).

Autrement dit, n’enseigner que les exigences de la morale chrétienne en faisant l’économie de la prédication des vérités premières de l’Evangile est grave. Car cela n’a pour résultat, le plus souvent, que de mettre les gens dans l’impasse. St Thomas d’Aquin lui-même dit que les commandements du Nouveau Testament seraient occasion de chute, plus encore que ceux de la Loi ancienne, s’ils n’étaient pas enseignés dans le cœur par l’Esprit Saint.

Aussi, St Paul s’est justement étendu longuement dans la première partie de sa lettre sur la connaissance de la primauté du Christ ressuscité en qui habite corporellement la plénitude de la divinité.
Ainsi donc, la morale dont il nous parle aujourd’hui est une morale de ressuscité. La "connaissance du Christ" n’est pas une “gnose“ qui se perd dans les spéculations creuses, nous a-t-il dit, c’est une incorporation au Christ. Nous sommes appelés non seulement à l’imiter comme un maître que l’on admire, mais à vivre ses mystères.

St Jean Eudes avait magnifiquement compris et exprimé cette réalité. Il écrivait : “Considérez que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef et que vous êtes ses membres…. Il est à vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous, son esprit, son cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et glorifier Dieu.
Voilà bien le fondement de la morale chrétienne !

Non seulement, écrivait-il encore, le Christ est à vous, mais il veut être en vous, y vivant et y régnant, comme le chef est vivant et régnant dans ses membres. Il veut que tout ce qui est en lui soit vivant et régnant en vous : son Esprit dans votre esprit, son cœur dans votre cœur, toutes les puissances de son âme dans les facultés de votre âme, afin que la vie de Jésus paraisse visiblement en vous.
… Tout ce qui est en vous doit être incorporé en lui et recevoir vie et conduite de lui. Il n’y a de véritable vie pour vous qu’en lui seul qui est l’unique source de la vraie vie ; hors de lui, il n’y a que mort et perdition pour vous. Il doit être le seul principe de tous les mouvements, usages et fonctions de votre vie ; vous ne devez vivre que de lui et pour lui…“ (Cf. T.P. 19 août & vendredi 33e semaine T.O.).

C’est ainsi que Paul a été jusqu’à dire : “…Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son corps qui est l’Eglise" (Col 1,24). Par le baptême (qu'actualise tout sacrement et principalement l'Eucharistie), à tout instant, nous sommes plongés dans sa mort et à tout instant, nous sommes déjà ressuscités. Aussi, dès ici-bas, nous sommes appelés à vivre une vie de ressuscités, rejetant ce qui ne peut que vieillir et revêtant l’homme nouveau qui va se renouvelant sans cesse à l’image du Créateur.

...A l'image du Créateur ! C'est ainsi que St Thomas d’Aquin met ce mot “image“ au point de départ de la seconde partie de sa “Somme théologique“ consacrée à la morale. “Dieu a créé l’homme à son image“ (Gn 1,26).  Ce qui se ressemble s’assemble, comme l'on dit !.

L’homme est en voyage vers Dieu, ce Dieu dont il a traité dans la première partie de sa Somme. La morale consiste à adopter les mœurs divines. La vie humaine est une marche progressive au terme de laquelle nous verrons Dieu et jouirons d’une connaissance dont la puissance transformante nous divinisera.
Le péché a ralenti et ralentit encore cette marche de l’homme vers Dieu, de sorte que l’humanité et tout l’univers dont elle est solidaire retourne parfois vers le désordre du chaos, du “tohu-bohu“ d’avant la création !

Dieu a empêché et empêche cette chute, ce vertige du néant : Il a envoyé son Fils Unique, qui est l’"Image" parfaite de sa Gloire (He 1,3), qui, de toute éternité, est "Elan" vers le Père dans l’Esprit-Saint. Et cet "Elan", cette éternelle relation subsistante du Fils vers le Père, est passé parmi nous : "Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous". Ainsi, la trajectoire de ce passage, de cette pâque parmi nous, ramasse la condition humaine au plus profond de sa détresse.  “Il est passé si bas, disait le P. de Foucault, que personne ne se trouve en dehors de cette trajectoire“.

Possibilité est donc donnée à chacun d’être rencontré, à l’être le plus misérable et à l’univers entier d’être saisi par le Christ et emmené par Lui, dans l’"Elan" eucharistique de l’Esprit Saint, vers son Père devenu "notre Père". Dans cet "Elan", tout redevient harmonieux.

St Paul, aujourd’hui, met justement l’accent sur l’harmonie dans laquelle les chrétiens sont appelés à s’ouvrir à cette vie nouvelle de ressuscités quel que soit le genre de communauté auquel ils appartiennent. “Maintenant débarrassez-vous de tout cela : colère, emportement, méchanceté etc… Débarrassez-vous des agissements de l’homme ancien…, revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait toujours à neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. Alors il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païen, il n’y a plus de barbare, de sauvage, d'esclave, d’homme libre ; il n'y a que le Christ : en tous, il est tout".

Voilà la véritable morale ! 

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