T.O.
23 Mercredi - La
Bonne Morale ! (1) (Col. 3. 1-11)
Aujourd’hui, St Paul nous parle de morale. Sachons, une fois pour toutes,
que St Paul ne parle de morale qu’après s’être étendu sur l’enseignement, les
données fondamentales de l’Evangile, bref, la "connaissance" du
Christ dont il vient de parler. La morale chrétienne découle des
certitudes de la foi ; et la foi, dira-t-il, suppose la
prédication : “Comment croire sans avoir entendu ? Et comment
entendre sans prédication ?“ (Rm 10,14-17). La foi
naît de la prédication et la prédication se fait par la Parole du Christ (et
surtout de la Parole de Dieu vécue dans une vie, ce qu'on appelle le
"témoignage" !).
Autrement dit, n’enseigner que les
exigences de la morale chrétienne en faisant l’économie de la prédication des
vérités premières de l’Evangile est grave. Car cela n’a pour résultat, le plus
souvent, que de mettre les gens dans l’impasse. St Thomas d’Aquin lui-même dit
que les commandements du Nouveau Testament seraient occasion de chute, plus
encore que ceux de la Loi ancienne, s’ils n’étaient pas enseignés dans le
cœur par l’Esprit Saint.
Aussi, St Paul s’est justement étendu
longuement dans la première partie de sa lettre sur la connaissance de la primauté du Christ ressuscité
en qui habite corporellement la plénitude de la divinité.
Ainsi donc, la morale dont il nous
parle aujourd’hui est une morale de
ressuscité. La "connaissance du Christ" n’est pas une “gnose“
qui se perd dans les spéculations creuses, nous a-t-il dit, c’est une
incorporation au Christ. Nous sommes appelés non seulement à l’imiter comme
un maître que l’on admire, mais à vivre ses mystères.
St Jean Eudes avait magnifiquement compris
et exprimé cette réalité. Il écrivait : “Considérez que Jésus Christ notre Seigneur est votre véritable Chef et
que vous êtes ses membres…. Il est à
vous comme le chef est à ses membres ; tout ce qui est à lui est à vous,
son esprit, son cœur, son corps, son âme, et toutes ses facultés, et vous devez
en faire usage comme de choses qui sont vôtres, pour servir, louer, aimer et
glorifier Dieu.
Voilà bien le fondement de la morale chrétienne !
Non
seulement, écrivait-il
encore, le Christ est à vous, mais il
veut être en vous, y vivant et y régnant, comme le chef est vivant et régnant
dans ses membres. Il veut que tout ce qui est en lui soit vivant et régnant en
vous : son Esprit dans votre esprit, son cœur dans votre cœur, toutes les
puissances de son âme dans les facultés de votre âme, afin que la vie de Jésus
paraisse visiblement en vous.
…
Tout ce qui est en vous doit être incorporé en lui et recevoir vie et conduite de lui. Il n’y a de véritable vie pour
vous qu’en lui seul qui est l’unique source de la vraie vie ; hors de
lui, il n’y a que mort et perdition pour vous. Il doit être le seul principe de
tous les mouvements, usages et fonctions de votre vie ; vous ne devez vivre
que de lui et pour lui…“ (Cf. T.P. 19 août & vendredi 33e
semaine T.O.).
C’est ainsi que Paul a été jusqu’à
dire : “…Je complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour
son corps qui est l’Eglise" (Col 1,24). Par le baptême (qu'actualise tout
sacrement et principalement l'Eucharistie), à tout instant, nous sommes plongés
dans sa mort et à tout instant, nous sommes déjà ressuscités. Aussi, dès
ici-bas, nous sommes appelés à vivre une vie de ressuscités, rejetant ce qui ne
peut que vieillir et revêtant l’homme nouveau qui va se renouvelant sans cesse
à l’image du Créateur.
...A l'image du Créateur ! C'est ainsi que St
Thomas d’Aquin met ce mot “image“ au point de départ de la seconde
partie de sa “Somme théologique“ consacrée à la morale. “Dieu a créé
l’homme à son image“ (Gn
1,26). Ce qui se ressemble s’assemble, comme l'on
dit !.
L’homme est en voyage vers Dieu, ce Dieu
dont il a traité dans la première partie de sa Somme. La morale consiste à
adopter les mœurs divines. La vie humaine est une marche progressive au
terme de laquelle nous verrons Dieu et jouirons d’une connaissance dont la
puissance transformante nous divinisera.
Le péché a ralenti et ralentit encore cette
marche de l’homme vers Dieu, de sorte que l’humanité et tout l’univers dont
elle est solidaire retourne parfois vers le désordre du chaos, du “tohu-bohu“
d’avant la création !
Dieu a empêché et empêche cette chute, ce
vertige du néant : Il a envoyé son Fils Unique, qui est l’"Image"
parfaite de sa Gloire (He
1,3),
qui, de toute éternité, est "Elan" vers le Père dans l’Esprit-Saint.
Et cet "Elan", cette éternelle relation subsistante du Fils vers le
Père, est passé parmi nous : "Le Verbe s’est fait chair et il a habité
parmi nous". Ainsi, la trajectoire de ce passage, de cette pâque parmi
nous, ramasse la condition humaine au plus profond de sa détresse. “Il
est passé si bas, disait le P. de
Foucault, que personne ne se trouve en dehors de cette trajectoire“.
Possibilité est donc donnée à chacun d’être
rencontré, à l’être le plus misérable et à l’univers entier d’être saisi par le
Christ et emmené par Lui, dans l’"Elan" eucharistique de l’Esprit
Saint, vers son Père devenu "notre Père". Dans cet "Elan",
tout redevient harmonieux.
St Paul, aujourd’hui, met justement
l’accent sur l’harmonie dans laquelle les chrétiens sont appelés à s’ouvrir à
cette vie nouvelle de ressuscités quel que soit le genre de communauté
auquel ils appartiennent. “Maintenant débarrassez-vous de tout cela :
colère, emportement, méchanceté etc… Débarrassez-vous des agissements de
l’homme ancien…, revêtez l’homme nouveau, celui que le Créateur refait
toujours à neuf à son image pour le conduire à la vraie connaissance. Alors
il n’y a plus de Grec et de Juif, d’Israélite et de païen, il n’y a plus de
barbare, de sauvage, d'esclave, d’homme libre ; il n'y a que le Christ : en
tous, il est tout".
Voilà la
véritable morale !
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