22e
Dimanche T.O. 13/C
"Quand
tu es invité à une noce, ne va pas te mettre à la première place, car on peut
avoir invité quelqu'un de plus important que toi"
Il n'est pas défendu de penser que Jésus
nous donne ici une leçon de savoir-vivre et de bienséance. Mais derrière
cet appel à l'humilité et à la modestie que nous rappelle d'ailleurs la
première lecture - "Mon fils,
accomplis toute chose dans l'humilité ! -, le Christ nous livre en même
temps un enseignement qui va beaucoup plus loin.
Devant une noce, devant un grand festin, souvent
pour ne pas dire toujours, Jésus pense immédiatement au Royaume de Dieu qui
rassemblera un jour tous ses disciples dans une joyeuse unité. Il y pensait, il en parlait de ce repas
dans le Royaume de Dieu et certainement avec un tel talent de descriptions
que ses auditeurs ne s'y trompaient pas : c'était tellement enthousiasmant qu'à
la suite immédiate de notre évangile d'aujourd'hui, l'un d'entre eux de
s'écrier avec gourmandise : "Heureux
celui qui prendra part au repas dans le Royaume de Dieu !". Il en
avait déjà l'eau à la bouche, si je puis dire !
"Quand
tu es invité à une noce…" - Il s'agit donc de
nous qui sommes invités à entrer dans le Royaume de Dieu, ou à laisser entrer
le Royaume de Dieu en nous. Nous sommes tous invités ! C'est Dieu qui a
l'initiative. Si nous sommes chrétiens, ce n'est pas nous qui l'avons mérité.
St Paul le disait à ses chrétiens d'Ephèse (2.8-9) : "C'est
par pure bonté que Dieu vous a appelés ; vous n'y êtes pour rien ; c'est le don
de Dieu ; cela ne vient pas de vos mérites ; personne ne doit en tirer orgueil
!".
Ce qui était vrai pour les chrétiens du
temps de St Paul, l'est à plus forte raison pour nous aujourd'hui. Pourquoi
avons-nous eu cette "chance", si je puis dire, de connaître Jésus
Christ et son Evangile, alors que des centaines de millions d'hommes, de femmes
et d'enfants n'auront jamais cette "chance" ?
Tout simplement parce que Dieu nous a
comblés de ses grâces.
Par une grâce tout à fait particulière,
personnelle et permanente. Ou par des grâces qui se sont insérées réellement et
plus ou moins fortement au cours de notre existence.
Certains peuvent penser à l'éducation qu'ils
ont reçue en famille ; d'autres se souviennent de rencontres marquantes : prêtres,
religieux, chrétiens de toutes sortes qui nous ont initiés sur le chemin de la
foi... Oui, nous sommes vraiment des privilégiés ! Il faut que nous en
prenions conscience, que nous exprimions notre reconnaissance et notre action
de grâces.
Que faut-il en conclure ? Que nous sommes
meilleurs que les autres ? Que nous avons droit aux premières places au banquet
du Royaume éternel ?
Et bien non ! Et c'est ici la grande leçon
de l'Evangile d'aujourd'hui : quand on a conscience d'avoir été à ce point-là
aimé par Dieu, il faut en tirer les conséquences. Si Jésus a pris l'initiative
de nous appeler à Lui, de nous aimer, de nous choisir, ce n'est pas pour que
nous en tirions orgueil, c'est parce qu'il attend quelque chose de nous. "Ce n'est pas vous qui m'avez choisi,
disait-il à ses Apôtres, c'est moi qui
vous ai choisis, pour que vous alliez et que vous produisiez du fruit, et
que votre fruit demeure !".
Cette chance que nous avons d'être
chrétiens, c'est un privilège qui nous donne des responsabilités
particulières : il nous faut porter du fruit et un fruit qui demeure !
A nous comme aux Apôtres, Jésus a dit (au jour de notre
Baptême)
: "Je ne vous appelle pas
serviteurs, je vous appelle mes amis, car je vous ai fait connaître tout ce que
j'ai entendu de mon Père !"
Nous avons la grâce d'être les amis de
Jésus-Christ, bien plus, d'être, par adoption, des "fils de Dieu"
en ressemblant à Lui le plus possible, à Lui, "Fils de Dieu" par
nature ! Aussi nous a fait-il connaître le projet, le dessein de Dieu sous
l'image d'un Royaume qui vient, Royaume éternel d'amour, de justice et de
paix, Royaume qui doit grandir ici-bas en attendant sa réalisation plénière à
la fin des temps. Jésus compte sur nous, là où nous vivons, pour devenir sel de
la terre, lumière du monde, ferment d'amour, de justice et de paix, afin de
transformer peu à peu ce monde et d'y faire grandir dès ici-bas son Royaume.
C'est une grande responsabilité. N'est-ce pas le moment d'y penser en ce début
d'année de travail qui commence après un temps de repos qui a été, je l'espère,
bénéfique pour chacun d'entre vous !
Quand on a été tant favorisé par Dieu, on
ne peut plus se contenter d'être des chrétiens corrects, honnêtes…, chrétiens
de nom, simplement ! Prenons-en de plus
en plus conscience : "A celui qui a
reçu davantage, disait Jésus, on
demandera davantage !". Notre pape François qui emploie facilement,
comme Jésus, des images suggestives, amusantes parfois, mais bien
significatives, disait dernièrement : "le
baptême, ce n'est pas simplement mettre de la crème sur un gâteau !".
Alors, pratiquement, qu'est-ce que Jésus
attend de nous ?
Quels fruits nous demande-t-il de produire ?
Ce n'est pas à moi de vous le dire ; c'est
à chacun de vous à trouver, selon sa situation de famille, son travail, ses
dons et talents personnels et le temps dont il dispose…
Mais la seconde partie du texte de notre
évangile d'aujourd'hui nous suggère dans quel esprit chercher. "Quand tu donnes un déjeuner ou un
dîner, n'invite pas tes amis, ni tes frères, ni de riches voisins… ; au
contraire, invite des pauvres, des estropiés, des boiteux et des
aveugles…".
Autrement dit, il ne faut pas rester enfermé
dans son petit monde ! Il faut sortir de son petit univers où l'on a
toujours tendance à se confiner frileusement, parce qu'il est favorable à nos
affaires familiales, privées, publiques…, où l'on entend toujours les mêmes
sons de cloche qui nous plaisent, où l'on ne voit que les gens qui nous
approuvent.
Le monde de Dieu est beaucoup plus grand
que notre petit monde à nous. Si l'on veut être chrétiens, il faut se souvenir
qu'on n'est pas chrétiens simplement pour soi-même, pour "sauver son âme" comme on le chantait au temps de mon
enfance - expression affreuse -, mais pour apporter sa pierre au grand chantier
du Royaume de Dieu !
Et puis souvenons-nous de cette parole de
Jésus : "Heureux vous les pauvres,
car le Royaume des Cieux est à vous". Il ne s'agit pas là de pauvreté
matérielle simplement, il s'agit encore de cette sorte de pauvreté qui rend le
cœur ouvert à l'amour de Dieu et à l'amour de nos frères.
Oui, on peut penser qu'il y aura bien des
surprises dans le Royaume de Dieu à la fin des temps : "Qui s'élève sera abaissé, et qui s'abaisse sera élevé".
Tout l'évangile le crie : le "premier", socialement, humainement,
sera peut-être le dernier dans le Royaume des cieux, parce qu'il lui
manquait cette parcelle d'amour et de désintéressement sans laquelle on ne fait
rien de valable et de grand ici bas. Tel autre au contraire - c'est un simple
exemple -, que personne ne remarquait, mais qui, tous les jours, soignait son
enfant infirme ou son voisin malade, et cela durant des années, avec le
sourire, sans jamais se plaindre, s'entendra dire à l'heure de sa mort quand il
paraîtra devant Dieu : "Mon ami,
viens, avance, monte plus haut !"
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