jeudi 19 septembre 2013

La "Lecture" !

24e T.O. Jeudi 13/C                        (1 Tm 4, 12-16)

"En attendant que je vienne, dit St Paul à Timothée, consacre-toi à la lecture, à l’exhortation, à l’enseignement !". La première place est donnée à la lecture dans les obligations de ceux que Paul établit à la tête des églises qu’il a formées et que, dans sa vieillesse, il se préoccupe de structurer pour assurer leur permanence dans la durée.

Encore faut-il préciser le sens qu’avait le mot de "lecture" à l’époque de Paul et de Timothée.
Quand on parle de "lecture" aujourd'hui, surgit l’image d’un chrétien studieux, attentif, qui se plonge solitairement dans un des livres bibliques...
Quand on parle de "lecture" au temps de St Paul, on fait allusion à la "lecture publique" des textes sacrés dans les Assemblées, selon l’usage emprunté à la Synagogue. Ce qu’on appelle "liturgie de la Parole" au début de nos Eucharisties, est la continuation de cet usage synagogal. Et à la suite de Paul (et de la tradition tant juive que chrétienne), le Concile Vatican II a remis en honneur cette "liturgie de la Parole", sollicitant de lui donner l’importance, l'application qu’elle mérite. Peu à peu cette application est observée... !

On n’est plus à l’époque, que j’ai connue dans mon enfance, où un bon chrétien pratiquant estimait avoir rempli son obligation d’assister à la messe dominicale (sous peine de péché mortel, s'il vous plaît) s’il arrivait à l’église au moment de l’Offertoire, au moment précis où, d’après les casuistes - toujours éternellement présents -, le prêtre découvrait le calice avant de le remplir. Les lectures liturgiques étant ainsi estimées comme facultatives, la "Parole de Dieu" était mise à une place secondaire !

Dans le Nouveau Testament, la proclamation de la "Parole de Dieu" a une importance première et primordiale ; on vient de le voir dans la lecture d'aujourd'hui. Mais, on peut le constater en bien d’autres passages du Nouveau Testament. Le plus connu est la scène inaugurale de la vie publique de Jésus dans la synagogue de Nazareth. Il est bon de s'en souvenir.
"Il vint à Nazareth, entra dans la synagogue et se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe et, déroulant le livre, il trouva le passage où il était écrit : « L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a consacré par l'onction, pour porter la Bonne Nouvelle aux pauvres... etc. ». Il replia le livre, le rendit au servant et s'assit. Tous tenaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd'hui s'accomplit à vos oreilles ce passage de l'Écriture »" (Lc 4, 16-21). Brève homélie mais qui suscita questions et réponses à propos de la "Parole de Dieu" !

Lors du premier grand voyage missionnaire que nous racontent les Apôtres, on assiste à une semblable scène à Antioche de Pisidie : "Après la lecture de la Loi et des Prophètes, les chefs de la synagogue envoyèrent dire (à Paul et Barnabé) : « Frères, si vous avez quelque parole d'encouragement à dire au peuple, parlez ! ». Paul alors se leva…". Et il résuma alors toute l’Histoire Sainte en montrant son aboutissement dans la "Bonne Nouvelle" qu’il était chargé d’annoncer et vers laquelle converge toute la révélation scripturaire, "secundum scripturas" … "Et, à leur sortie, on les invitait à parler encore du même sujet le sabbat suivant". (Ac 13,42). Heureux bénéfice d'une bonne lecture de la "Parole de Dieu" !

La "Liturgie de la Parole" de nos Eucharistie comme l'"Office des lectures" plongent leurs racines dans l’usage synagogal. Il est bon de le souligner.
Cette coutume synagogale est d'ailleurs très ancienne. Il suffit de se rapporter au livre de Néhémie qui nous montre comment, au retour de l’exil de Babylone, se pratiquait solennellement la "Lecture".
"Le scribe Esdras se tenait sur une estrade de bois... Il ouvrit le livre au regard de tout le peuple et le peuple se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le grand Dieu ; tout le peuple, mains levées, répondit : « Amen! Amen ! » ; puis tous s'inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre. Puis... pendant que le peuple demeurait debout, Esdras lut dans le livre de la Loi de Dieu, traduisant et donnant le sens : ainsi l'on comprenait la lecture" (Ne 8, 4-8). Il lisait de façon à être entendu et compris de tous !

Dans la 2ème lettre à Timothée, quand Paul parle de la "lecture" des Ecritures, le Nouveau Testament, faut-il le rappeler, n’existait pas encore.
"Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude...  C'est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Lettres. (Bel exemple !) Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l'homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne". (2 Tm 3, 14 - 17)

Il n’est pas insignifiant de remarquer encore que la “Constitution dogmatique sur la Révélation divine“ (DEI VERBUM) du Concile Vatican II commence par citer St Jean : "Nous vous annonçons la Vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous est apparue : ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous soyez en communion avec nous et que notre communion soit avec le Père et avec son Fils Jésus Christ" (Jn 1, 2-3). Ce que nous avons entendu, nous l'annonçons pour que vous soyez en communion avec Dieu !

Autrement dit :
La BIBLE n’est pas un LIVRE ou des livres, mais “QUELQU’UN“ : le VERBE de DIEU, le FILS de DIEU qui donne VIE ETERNELLE !  Et si une seule phrase de la Bible, entendue un jour providentiellement, par un homme - manant ou puissant, ignorant ou savant, peu importe ! - le met en communion avec le Père et avec son Fils, il obtient l’essentiel : LA VIE !
La BIBLE n’est pas un LIVRE ou des livres, mais “QUELQU’UN“ qui s’est manifesté “à maintes reprises et sous maintes formes“ à nos Pères et aux prophètes (cf. Heb 1.1) tout au long des siècles pour donner VIE aux hommes !
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui, se révélant dans toute la création, devient “miroir de Vie“ (Cf. Imit. J.-C II.4), “Soleil du salut qui porte la guérison dans ses rayons“ (Ml 3.20).
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui s’approche au cours de tous les événements de la vie. Il est intéressant de noter qu'en hébreu le terme “dâbâr“ signifie autant “parole“ que “événement“. Dieu crée toujours : "Dieu dit et cela fut !".
Et peut-être que l’événement douloureux lui-même contient cette présence de QUELQU’UN qui sait transformer nos souffrances en espérances, en leçons de vie (“pathèmata-mathèmata“ - souffrances-leçons“, disait la Sagesse grecque). Le Christ lui-même “apprit, de ce qu'il souffrit“, dit l’épître aux Hébreux (cf..5.8). [“Et peut-être que Dieu partage notre faim et que tous ces vivants et ces morts sur la terre ne sont que des morceaux de sa grande misère. Dieu toujours appelé, Dieu toujours appelant“, et qui donnera toujours VIE… ! (J. Supervielle)].
La BIBLE, c’est QUELQU’UN qui, près de nous, en nous, se fait, par respect, “bruissement d’un souffle léger“, comme avec le prophète Elie (I R. 19.12 -  Lit. : “éclatement de silence, poussière de silence“). Pour l'entendre il faut avoir un "cœur noble et généreux" (lc Lc 8.15), un "cœur qui écoute" (I R. 3.9). Oui, “souvent il faut se taire : les mots sacrés nous font défaut ; les cœurs battent, et pourtant le langage reste en arrière“ (F. Hölderlin).

Oui, la BIBLE, c'est QUELQU'UN.
Et la "Lecture" ne devrait jamais être débitée comme une "note d'épicerie" à communiquer obligatoirement, en reposant ensuite négligemment le Livre devenu encombrant.

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