23 T.O. 13 - Lundi - (I Tim 2.1-8)
Après les rapides notations sur la mission
de Timothée à Ephèse (Cf.
1.5),
St Paul va préciser sa pensée selon ce qu'il lui a demandé lors de son départ
pour la Macédoine..." (1.3).
"Je
recommande avant tout...!". - "Prôton
pantô" : avant tout ! C'est, chez St Paul, la formule classique qui
introduit à l'objet de ses lettres, à ses souhaits. "Avant tout !". Et cette antériorité d'importance par
rapport à toute autre affaire nous concerne fortement : c'est celle de la
prière ! Avant tout ! Prier, c'est donc l'activité
fondamentale de la vie de l'Eglise, d'un apôtre !
St Paul prescrit donc de prier pour tous les hommes ; et cet
ordre vise la prière personnelle, certes, mais surtout la prière commune
dans les assemblées chrétiennes ! Et il appartient à Timothée d'en assurer l'exécution
; c'est le principal devoir de sa charge. Il en a reçu le pouvoir "conformément aux prophéties
prononcées sur lui", vient de lui rappeler St Paul !
- "C'est
le mandat..."
- "paraggelia" : à la fois instruction et charge...
- "C'est
le mandat que je te confie" : Il confie la mission apostolique que
lui-même a reçue. Cette formule implique déjà l'idée de "tradition
apostolique".
- "C'est
le mandat que je te confie, mon enfant..." :
"Enfant" n'est pas tant une désignation affectueuse que celle d'un
disciple et d'un fils auquel le Père transmet son héritage. L'affectivité -
chez les Anciens au contraire de nos temps modernes - n'est jamais un but en
soi ; elle doit être toujours liée à une réalité... souvent à promouvoir.
- "C'est
le mandat que je te confie, en vertu des prophéties jadis émises sur
toi".
Les actes nous apprennent : "Il y avait dans l'Eglise établie à Antioche des
prophètes et des docteurs" (Ac.
13.1). Ce sont ces "Anciens" qui ont donc
"consacré" Timothée pour la charge apostolique ! St Paul le lui
rappellera un peu plus loin : "Ne
néglige pas le don spirituel qui t'a été conféré par une intervention
prophétique accompagnée de l'imposition des mains du collège des
presbytres" (4.14).
Ainsi donc, en vertu du "mandat" qu'il a reçu des
"prophètes", "docteurs", et "presbytres",
Timothée a la "grâce d'état" pour présider, diriger, déterminer la
prière liturgique, "principale
officium", "principale
fonction" dira, dès le 12ème siècle Hugues de Saint-Cher
qui cite la lettre aux Hébreux : "Tout
grand prêtre... est établi pour intervenir en faveur des hommes dans
leurs relations avec Dieu, afin d'offrir dons et sacrifices pour les
péchés". (5.1).
Et Paul de préciser
- les destinataires
de cette prière officielle,
- son intention
fondamentale qui est le salut universel (peut-être en réaction au
particularisme juif). Une prière pour tous les hommes !
- son motif et son
appui : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés,
- enfin ses conditions
: attitude extérieure et qualités intérieures requises.
Ainsi donc, la vie chrétienne est "avant tout" celle d'un peuple
sacerdotal :
"Prêtez-vous,
dira St Pierre, à
l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue
d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu".
Car "vous êtes une
race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour
proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son
admirable lumière" (I
Pet 2.5-9)
La "principale
fonction" de ce "peuple sacerdotal" est une perpétuelle "eucharistie"
envers Dieu, une action cultuelle : "Priez
sans cesse. En toute condition soyez dans
l'action de grâces". (I Thes 5.18 - Cf. Eph. 5.19-20; Phil.
4.6; Col. 3.16).
Voilà pourquoi ces prières ne sont pas limitées à des
intérêts personnels, à un cercle restreint des fidèles ; elles doivent avoir
une application universelle : "pour
tous les hommes", sans distinction de race, de nation, de
hiérarchie sociale, de religion. Le culte en esprit et vérité ne peut être que
"catholique". Et les prières des chrétiens doivent avoir la dimension
du cœur de
Dieu et de l'oeuvre rédemptrice du
Christ.
St Jean Chrysostome a un magnifique commentaire : "Un prêtre (chaque
baptisé avec caractère sacerdotal) est comme le père du monde entier. Il doit avoir soin de tous comme
Dieu lui-même dont il est le prêtre... Il résulte deux biens de cette prière :
- d'une
part, la haine que nous avons pour les étrangers se dissipe, car personne ne
peut haïr celui pour qui il intercède ;
- d'autre
part, ceux pour qui l'on prie deviennent meilleurs et perdent la haine qu'ils
avaient contre nous. Car rien ne dispose à recevoir une doctrine comme d'aimer
et être aimé. Pensez dans quelles dispositions pouvaient entrer ceux qui
tendaient des embûches, flagellaient, déchiraient, tuaient (les chrétiens),
lorsque ceux-ci qui souffraient tous ces maux priaient pour ceux qui les leur
infligeaient". Paul devait se
souvenir que St Etienne avait prié pour lui !
L'apôtre demande donc "des
supplications, des prières, des intercessions, des actions de grâces pour
tous les hommes" : quatre termes en partie synonymes. C'est comme
une manière d'accentuer les multiplications, la permanence et l'urgence de ces
appels à Dieu !
Il faut prier spécialement pour ceux qui détiennent
l'autorité ! Une demande qui signale la rapide diffusion du Christianisme
au temps de Paul, et, peut-être, une certaine appréhension de l'apôtre devant
certaines persécutions, tracasseries ou suspicions des autorités officielles.
Il faut dire aussi que l'intercession pour les détenteurs du
pouvoir, pratiquée par les Israélites même en captivité (1) restera
traditionnel parmi les Juifs (Cf. Esdras 6.10 ; I Mac 7.33).
Dans le temple de Jérusalem, on sacrifiait deux fois par jour en l'honneur de "César et du peuple romain".
Aussi, une semblable coutume se pratiqua naturellement chez les premiers
chrétiens. C'était une manifestation de loyalisme envers l'Etat et de la foi en
l'origine divine de l'autorité.
Mais prier pour les autorités, leur obéir n'est pas
flagornerie. Il faut savoir discerner ; et les chrétiens sauront, au
prix de leur vie parfois, s'opposer aux adorations dont l'empereur était
l'objet. L'intercession des chrétiens doit replacer celui qui a autorité dans
sa condition humaine ; lui-même ne doit pas se soustraire aux lois, à la
volonté et au jugement de Dieu.
Première étape, sans doute, d'une théologie en la matière.
"Voilà ce qui est beau est agréable aux yeux de
Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés".
Paul insiste : l'universalité de la prière est celle de la volonté divine
salvifique. Le Dieu de St Jean est "Agapè"
- "Amour". Celui des lettres Pastorales est "Sôter" - "Sauveur". St Paul s'oppose là à
l'ostracisme juif qui affirmait que seuls les circoncis seront sauvés !
St Jean Chrysostome de commenter merveilleusement : "Imite Dieu... S'il veut sauver tous
les hommes, toi aussi tu dois le vouloir ; si tu le veux, prie ; car prier est
l'expression de ce que l'on désire". Ainsi quiconque prie devient le
collaborateur de Dieu, s'associe présentement à son intervention salvifique qui
est permanente.
Et puis, "il n'y a
qu'un seul Dieu !". Il est unique ! Il est donc nécessairement le Dieu
de l'humanité tout entière. (Cf Rm 3.29-30 ; I Cor 8.6 ; 12.13 ; Eph.
4.5-6 - Cf. Heb 2.10-11 ; Act 17.24-25).
(1) Cf. Jer. 29.7 "Recherchez
la paix pour la ville où je vous ai déportés ; priez Dieu en sa faveur, car de
sa paix dépend la vôtre" ; Bar. 1.10-13 : "Priez pour la vie de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et pour la
vie de Balthazar son fils".).
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