lundi 16 septembre 2013

Prière Universelle !

23  T.O. 13 - Lundi      -           (I Tim 2.1-8)

Après les rapides notations sur la mission de Timothée à Ephèse (Cf. 1.5), St Paul va préciser sa pensée selon ce qu'il lui a demandé lors de son départ pour la Macédoine..." (1.3).

"Je recommande avant tout...!". - "Prôton pantô" : avant tout ! C'est, chez St Paul, la formule classique qui introduit à l'objet de ses lettres, à ses souhaits. "Avant tout !". Et cette antériorité d'importance par rapport à toute autre affaire nous concerne fortement : c'est  celle de la prière ! Avant tout ! Prier, c'est donc l'activité fondamentale de la vie de l'Eglise, d'un apôtre !

St Paul prescrit donc de prier pour tous les hommes ; et cet ordre vise la prière personnelle, certes, mais surtout la prière commune dans les assemblées chrétiennes ! Et il appartient à Timothée d'en assurer l'exécution ; c'est le principal devoir de sa charge. Il en a reçu le pouvoir "conformément aux prophéties prononcées sur lui", vient de lui rappeler St Paul !
- "C'est le mandat..." - "paraggelia" : à la fois instruction et charge...
- "C'est le mandat que je te confie" : Il confie la mission apostolique que lui-même a reçue. Cette formule implique déjà l'idée de "tradition apostolique".
- "C'est le mandat que je te confie, mon enfant..." : "Enfant" n'est pas tant une désignation affectueuse que celle d'un disciple et d'un fils auquel le Père transmet son héritage. L'affectivité - chez les Anciens au contraire de nos temps modernes - n'est jamais un but en soi ; elle doit être toujours liée à une réalité... souvent à promouvoir.
- "C'est le mandat que je te confie, en vertu des prophéties jadis émises sur toi". Les actes nous apprennent : "Il y avait dans l'Eglise établie à Antioche des prophètes et des docteurs" (Ac. 13.1).  Ce sont ces "Anciens" qui ont donc "consacré" Timothée pour la charge apostolique ! St Paul le lui rappellera un peu plus loin : "Ne néglige pas le don spirituel qui t'a été conféré par une intervention prophétique accompagnée de l'imposition des mains du collège des presbytres" (4.14).

Ainsi donc, en vertu du "mandat" qu'il a reçu des "prophètes", "docteurs", et "presbytres", Timothée a la "grâce d'état" pour présider, diriger, déterminer la prière liturgique, "principale officium", "principale fonction" dira, dès le 12ème  siècle Hugues de Saint-Cher qui cite la lettre aux Hébreux : "Tout grand prêtre... est établi pour intervenir en faveur des hommes dans leurs relations avec Dieu, afin d'offrir dons et sacrifices pour les péchés". (5.1).

Et Paul de préciser
- les destinataires de cette prière officielle,
- son intention fondamentale qui est le salut universel (peut-être en réaction au particularisme juif). Une prière pour tous les hommes !
- son motif et son appui : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés,
- enfin ses conditions : attitude extérieure et qualités intérieures requises.

Ainsi donc, la vie chrétienne est "avant tout" celle d'un peuple sacerdotal :
"Prêtez-vous, dira St Pierre, à l'édification d'un édifice spirituel, pour un sacerdoce saint, en vue d'offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu".
Car "vous êtes une race élue, un sacerdoce royal, une nation sainte, un peuple acquis, pour proclamer les louanges de Celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière" (I Pet 2.5-9)
La "principale fonction" de ce "peuple sacerdotal" est une perpétuelle "eucharistie" envers Dieu, une action cultuelle : "Priez sans cesse. En toute condition soyez dans l'action de grâces". (I Thes 5.18 - Cf. Eph. 5.19-20; Phil. 4.6; Col. 3.16).

Voilà pourquoi ces prières ne sont pas limitées à des intérêts personnels, à un cercle restreint des fidèles ; elles doivent avoir une application universelle : "pour tous les hommes", sans distinction de race, de nation, de hiérarchie sociale, de religion. Le culte en esprit et vérité ne peut être que "catholique". Et les prières des chrétiens doivent avoir la dimension du cœur de Dieu et de l'oeuvre  rédemptrice du Christ.

St Jean Chrysostome a un magnifique commentaire : "Un prêtre (chaque baptisé avec caractère sacerdotal) est comme le père du monde entier. Il doit avoir soin de tous comme Dieu lui-même dont il est le prêtre... Il résulte deux biens de cette prière :
- d'une part, la haine que nous avons pour les étrangers se dissipe, car personne ne peut haïr celui pour qui il intercède ;
- d'autre part, ceux pour qui l'on prie deviennent meilleurs et perdent la haine qu'ils avaient contre nous. Car rien ne dispose à recevoir une doctrine comme d'aimer et être aimé. Pensez dans quelles dispositions pouvaient entrer ceux qui tendaient des embûches, flagellaient, déchiraient, tuaient (les chrétiens), lorsque ceux-ci qui souffraient tous ces maux priaient pour ceux qui les leur infligeaient".   Paul devait se souvenir que St Etienne avait prié pour lui !

L'apôtre demande donc "des supplications, des prières, des intercessions, des actions de grâces pour tous les hommes" : quatre termes en partie synonymes. C'est comme une manière d'accentuer les multiplications, la permanence et l'urgence de ces appels à Dieu !

Il faut prier spécialement pour ceux qui détiennent l'autorité ! Une demande qui signale la rapide diffusion du Christianisme au temps de Paul, et, peut-être, une certaine appréhension de l'apôtre devant certaines persécutions, tracasseries ou suspicions des autorités officielles.
Il faut dire aussi que l'intercession pour les détenteurs du pouvoir, pratiquée par les Israélites même en captivité (1) restera traditionnel parmi les Juifs (Cf. Esdras 6.10 ; I Mac 7.33). Dans le temple de Jérusalem, on sacrifiait deux fois par jour en l'honneur de "César et du peuple romain". Aussi, une semblable coutume se pratiqua naturellement chez les premiers chrétiens. C'était une manifestation de loyalisme envers l'Etat et de la foi en l'origine divine de l'autorité.
Mais prier pour les autorités, leur obéir n'est pas flagornerie. Il faut savoir discerner ; et les chrétiens sauront, au prix de leur vie parfois, s'opposer aux adorations dont l'empereur était l'objet. L'intercession des chrétiens doit replacer celui qui a autorité dans sa condition humaine ; lui-même ne doit pas se soustraire aux lois, à la volonté et au jugement de Dieu.
Première étape, sans doute, d'une théologie en la matière.

"Voilà  ce qui est beau est agréable aux yeux de Dieu, notre Sauveur, qui veut que tous les hommes soient sauvés". Paul insiste : l'universalité de la prière est celle de la volonté divine salvifique. Le Dieu de St Jean est "Agapè" - "Amour". Celui des lettres Pastorales est "Sôter" - "Sauveur". St Paul s'oppose là à l'ostracisme juif qui affirmait que seuls les circoncis seront sauvés !

St Jean Chrysostome de commenter merveilleusement : "Imite Dieu... S'il veut sauver tous les hommes, toi aussi tu dois le vouloir ; si tu le veux, prie ; car prier est l'expression de ce que l'on désire". Ainsi quiconque prie devient le collaborateur de Dieu, s'associe présentement à son intervention salvifique qui est permanente.
Et puis, "il n'y a qu'un seul Dieu !". Il est unique ! Il est donc nécessairement le Dieu de l'humanité tout entière. (Cf Rm 3.29-30 ; I Cor 8.6 ; 12.13 ; Eph. 4.5-6 - Cf. Heb 2.10-11 ; Act 17.24-25).


(1) Cf. Jer. 29.7 "Recherchez la paix pour la ville où je vous ai déportés ; priez Dieu en sa faveur, car de sa paix dépend la vôtre" ; Bar. 1.10-13 : "Priez pour la vie de Nabuchodonosor, roi de Babylone, et pour la vie de Balthazar son fils".).

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