dimanche 22 septembre 2013

La richesse !

25e Dimanche T.O. 13/C              

Comme chacun d'entre nous, Jésus a eu à faire avec l'argent.

D'abord, il en a eu besoin : il a donc accepté d'en recevoir d'un groupe de femmes qui le suivaient partout (Lc 8/3 : Jeanne, femme de Chouza, intendant d'Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens).
Il en a aussi distribué en aumônes, par la main de son intendant attitré que semble avoir été Judas (Jn 13/29 : Comme Judas tenait la bourse...).
Un jour, il a même voulu faire un miracle pour payer l'impôt au fisc impérial (Cf. Mt 17/26).
A ses yeux, l'argent, en soi, n'était pas un péché. Ni plus, ni moins.

Mais comme chacun de nous aussi, Jésus a expérimenté le caractère ambigu de l'argent.
Il avait tout de suite discerné que les deux sous de la pauvre veuve pouvait valoir infiniment plus que les espèces sonnantes de quelques riches orgueilleux (Mc 12/43).
Bien plus, l’annonce du Royaume de Dieu s’était, en quelque sorte, heurté au mur de l'argent : le mur qui s’était dressé entre lui et le jeune homme riche, au moment où il l'avait appelé à le suivre sans conditions (Lc 18/23).
Jésus finira lui-même par succomber à cause de l'argent, victime de la cupidité de l'un de ses propres disciples, de celui-là justement qui avait à gérer l'argent du petit groupe des disciples, qui avait trahi par cupidité, pour trente deniers (Mt 26/15).

De cette ambiguïté foncière de l'argent, Jésus a gardé à la fois de bons et de mauvais souvenirs ; ces souvenirs se reflètent aujourd’hui dans l'évangile.

Il y a d'abord la parabole de l'intendant. Cet intendant est plus avisé que malhonnête, Quoique, bien sûr…
Il faut dire que les règles économiques au temps de Jésus n'étaient pas les nôtres. Un régisseur devait au propriétaire du domaine une somme forfaitaire annuelle, le surplus de la production lui revenant comme salaire.
Mais il y avait des malins, comme l'intendant de notre parabole sans doute qui, aujourd'hui encore, a de nombreux émules. Négligeant probablement l'entretien des biens immobiliers, faisant, par exemple, des coupes de bois sans les remplacer, ou ne respectant pas les assolements nécessaires... etc., sa marge de bénéfice était ainsi largement augmentée. Et puis il avait peut-être encore présenter des factures surévaluées - c'est toujours d'actualités -, et que sais-je encore...
En tous les cas, le maître du domaine pouvait être inquiet de ces manières de faire blâmables mais peu contrôlables, tout en étant probablement fort agacé de voir son régisseur devenir aussi riche que lui-même. Aussi s’apprête-t-il à le congédier.

Apprenant cela, cet intendant réduit spectaculairement sa marge de bénéfices afin de mieux assurer son avenir. Il s’assure, en quelque sorte, les bonnes grâces de certains débiteurs, pour le moment de sa disgrâce. Il est beaucoup plus habile, finalement, que foncièrement malhonnête. Voilà pourquoi Jésus loue cet intendant peu délicat pour engager ses disciples à être aussi rapides et intelligents en vue d’acquérir un autre trésor, celui du Royaume de Dieu : “Faites-vous des amis avec le malhonnête argent afin qu'au jour où il viendra à manquer, ceux-ci vous reçoivent dans les tentes éternelles”.

Et Jésus semble insister : la situation est urgente, ne restez pas assis entre deux chaises, et dépêchez-vous de prendre les moyens pour entrer dans le Royaume de Dieu qui est là, imminent. Soyez aussi malins et rapides que ce Monsieur dont on a tant parlé !

Et il continue par une phrase un peu pessimiste : “Les fils de ce monde sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière”. Et puisqu'il s'agit de richesses - quelles qu'elles soient -, c'est le moment de s'apercevoir qu'on n'entre pas encombré dans le Royaume de Dieu : il faut faire le pas et partager généreusement. C'est la vraie manière de gérer toute richesse et d'être digne de confiance pour Dieu.

Oui, finalement, aux yeux de Jésus, il n'y a qu'une seule façon de racheter, de sauver l'argent : c'est de le partager.
Jésus n'est dur que pour ceux qui se font les serviteurs et les esclaves de l'argent, ceux qui l'amoncellent pour eux seuls. Il en a si souvent fait l'expérience : l'argent peut facilement devenir un mur non seulement entre les hommes eux-mêmes, mais encore entre Dieu et les hommes. Or, “nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'argent”.
Tôt ou tard, un choix s'impose, pour que l'argent puisse fructifier en vue de Dieu et en vie éternelle : “Vendez vos biens, dit Jésus en un autre endroit, et donnez-les en aumônes. Faites-vous des bourses qui ne s'usent pas, un trésor qui ne vous fera pas défaut dans les cieux, où ni voleur n'approche, ni mite ne détruit”. Et Jésus ajoute : “Car, où est votre trésor, là aussi sera votre cœur” (Mt 6/19-21).

Cette dernière précision citée par St Matthieu lève l'embarrassante ambiguïté qui s'attache à l'argent. Dans ce domaine (comme en bien d'autres), tout est finalement affaire de cœur : “Où est ton trésor, là aussi sera ton cœur”. C'est comme si, par le biais de l'argent, de cet argent dont chacun de nous dispose, Jésus nous interrogeait : “Mais où donc est ton vrai trésor? Où donc est ton cœur ? Qu'as-tu choisi en vérité ? Et si tu penses m'avoir choisi, moi, jusqu'où va ton choix ?”.

Et si la parabole parle d'argent, nous savons très bien - car nous sommes quand même assez intelligents - qu'il y a d'autres richesses, même modestes, - matérielles, intellectuelles, humaines, spirituelles..., richesses de profession ou de fonction... - qui nous sont confiées et que l'on peut accaparer pour soi sans se poser le moins du monde la question de les partager. Une profession est une richesse ; une fonction - même très modeste - est une richesse, richesse que l'on peut accaparer égoïstement, orgueilleusement ou richesse en vue du bien de ceux, de celles pour qui ces professions-fonctions ont été instituées...

Rien d'étonnant alors si Jésus fait du renoncement à ce que l'on possède pour, en principe, un meilleur partage, une meilleure entraide fraternelle, la condition pour être véritablement son disciple. Tôt ou tard, Jésus nous demande ce partage, celui de nos biens matériels, spirituels, sociaux, ecclésiaux, sous une forme ou une autre. Tôt ou tard ! Et uniquement par amour pour lui, pour Dieu ! Parce que, en dehors de lui, nous n'aurons alors plus d'autre trésor.

En rassemblant ici des paroles que Jésus a sans doute prononcées en des occasions diverses, St Luc les faufile subtilement sur les thèmes de l'argent, de la confiance, du partage, du service exclusif d'un maître. D'où l'impression que le régisseur dont il est question est proposé tantôt comme un modèle, tantôt comme un malhonnête gredin.

C’est que Luc veut illustrer une seule idée : pour suivre Jésus, il faut être libre, libre par rapport à l'argent, à toute richesse, à toute puissance et richesses quelconques. Il faut les distribuer, les partager entre frères d’un même Père, celui des cieux. Et si "Notre Père" des cieux est Maître d'un Royaume, il veut nous le donner en héritage. Ainsi, il ne s'agit pas tant d'être le maître d'un domaine que d'être père. Et, à l'exemple de notre "Père des cieux, un vrai père n'est pas un maître orgueilleusement égoïste ! En notre temps, me semble-t-il, le pape François en donne un fort témoignage !

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