jeudi 29 août 2013

De l'Ancienne à la Nouvelle Alliance

29 Août - Martyre de Jean-Baptiste

Hier, si nous avions poursuivi la lecture de la lettre de St Paul aux Thessaloniciens, nous aurions entendu l'apôtre affirmer avec grande assurance que sa prédication n'est pas une parole d'homme mais la Parole de Dieu qui est à l'œuvre en nous. St Augustin que nous fêtions avait, en quelque sorte, cette même et forte conviction : "Je ne suis que le répétiteur extérieur du Maître intérieur qui seul instruit les cœurs !".
Aujourd'hui, St Paul, tout heureux de la "foi active" en ses chers Thessaloniciens les encourage à échanger "entre eux et à l'égard de tous les hommes un amour de plus en plus intense et débordant comme celui que nous avons, dit-il, pour vous".
Et demain, il se permettra de leur demander avec la même assurance de suivre ses instructions, de l'imiter comme lui-même imite le Christ.

Parlant ainsi, l'apôtre manifeste la conviction que, devenu de plus en plus disciple du Christ, c'est en son nom qu'il parle et que son comportement moral imite celui du Verbe incarné qui, ressuscité, est toujours vivant parmi les hommes !

Il exprime par là l'idéal de la santé morale à chercher et qu'il a héritée du judaïsme. Cette santé morale est tout simplement la sainteté souhaitée par exemple par le Lévitique : "Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint !" (Lv 19.2). Il nous répètera ce souhait demain : "La volonté de Dieu, c'est que vous viviez dans la sainteté, en vous gardant de la débauche... Ainsi, précisera-t-il, celui qui rejette mes instructions, ce n'est pas un homme qu'il rejette, c'est Dieu lui-même, Lui qui vous donne son Esprit-Saint !"

"Pour moi, dira-t-il encore, vivre, c'est le Christ" (Phil 1.21). "Ce n'est pas moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi !" (Gal 2.20). Autrement dit, dans l'Ancien Testament comme dans le Nouveau, la morale c'est d'être sans cesse en relation, en "alliance" avec Dieu, de l'accueillir en nous de sorte que notre manière de vivre, nos mœurs soient déjà divines ! "Soyez saints, car moi, votre Dieu, je suis saint !"

Voilà la morale chrétienne : Vivre déjà de la vie même de Dieu, de "Dieu-Amour", nous disait hier St Augustin ! Pour cela, Dieu nous donne sa "grâce" qui nous permet de redevenir "à son image et ressemblance", tels qu'il nous a pensés au matin de la création. Voilà l'important, semble nous dire St Paul ! Cette "vie-avec-Dieu", cette vie de relation, d'alliance avec Dieu-Amour, par grâce, est infiniment supérieure à la vie morale des préceptes de la Loi, insistera-t-il.

Cependant la prédication de la "grâce" divine - caractéristique de l'Alliance Nouvelle -, de cette grâce qui nous appelle à être saints comme Dieu est saint, peut être mal interprétée et favoriser une licence qui serait une caractéristique de la véritable liberté. Hier, St Augustin aurait pu nous en parler, lui qui se disait "amoureux de la beauté spirituelle, non plus comme des esclaves sous la loi, mais comme des êtres libres dans un régime de grâce". Et nous connaissons sa règle d'or : "Aime et fais ce que tu veux !". Encore faut-il bien comprendre : Aime, aime d'abord, aime de l'amour même de Dieu... ; c'est à l'intérieur de cet amour - s'il est authentique - que s'exerce la liberté, que l'on peut faire ce que l'on veut !
Aristote que suivra St Thomas d'Aquin, avait raison de définir la liberté : non pas une volonté arbitraire, autocratique de faire ce que l'on veut, mais "le pouvoir de se déterminer soi-même vers le bien qui nous convient". Or le bien suprême qui nous convient est à n'en point douter l'Amour même de Dieu en nous, cet Amour que nous essayons de partager déjà ici-bas et qui nous unira parfaitement au jour éternel. C'est à l'intérieur de cette sphère de l'Amour divin que doit s'exercer totalement et parfaitement notre liberté ! St Jean ne dira pas autre chose, à sa façon.

Quand St Paul oppose la grâce à la Loi (surtout dans ses lettres aux Galates et aux Romains), il le fait souvent sur un ton polémique que lui imposent ses contradicteurs. Il faut le savoir ! St Jacques, l'évêque de Jérusalem, dans la lettre qui lui est attribuée, se permettra de faire des précisions morales mais qui découlent du même principe : l'Amour de Dieu ! Et St Pierre dans sa seconde lettre écrit : "Notre cher frère Paul vous a aussi écrit selon la sagesse qui lui a été donnée... Il se rencontre... dans ses lettres... des points obscurs que les gens sans instruction et sans fermeté détournent de leur sens - comme d'ailleurs les autres Ecritures - pour leur propre perdition" (II Pet 3.15).

Des gens qui détournent de leur sens même les Ecritures ! Cela est arrivé dans l'histoire de l'Eglise. Bien des fois ! C'est dire que le témoignage de la vie des saints - Paul, les apôtres et bien d'autres - est encore plus important que leurs paroles et écrits.
Hier, nous avions St Augustin. Sa vie fut toute tournée vers le Christ et l'Amour de Dieu...
Aujourd'hui, nous célébrons Jean-Baptiste. 
A sa naissance on a voulu l'appeler Zacharie, nom traditionnel dans la famille, qui veut dire : "Dieu se souvient". Il se souvient de sa fidélité à son alliance comme le chantera Marie. Il se souvient aussi des infidélités du peuple élu à cette alliance. Mais son père refuse et, encore muet, il écrit : "Son nom sera Jean !", ce qui veut dire : "Dieu fait grâce !", car le Dieu fidèle est toujours miséricordieux !

Et Jean sera le précurseur de Dieu qui s'incarne pour faire grâce ! Formé dans la tradition sacerdotale (son père était "grand-prêtre !), Jean-Baptiste est à la charnière de l'Ancien et du Nouveau Testament ; et les évangiles ne nous cachent pas qu'il aura du mal à faire le passage du premier au second, au Nouveau Testament.
Il faut souvent invoquer le précurseur du Christ. Il nous montre comment doit être vécu tout "passage" dans l'Eglise et dans notre propre vie, tout "passage" qui doit se traduire par une sorte de métamorphose avec le paradoxe des dépassements et des continuités tout à la fois. Avec ce grand Saint, bien des situations s'éclairciraient, même si légitimement on se pose des questions, comme lui-même qui, de sa prison, demande à Jésus : "Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ?".

Oui, plusieurs fois dans les évangiles, est évoqué le désarroi de Jean-Baptiste, celui qui est pourtant au somment de l'Ancien Testament et dont Jésus, apprenant sa mort, fait un magnifique panégyrique :
"Qu'êtes-vous allés voir au désert ? Un roseau agité par le vent ? ... Un homme vêtu de façon délicate ? ...  Un prophète ? Oui, je vous le dis, et plus qu'un prophète. C'est celui dont il est écrit : 'Voici que moi j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route devant toi !'.
En vérité je vous le dis, parmi les enfants des femmes, il n'en a pas surgi de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit dans le Royaume des Cieux est plus grand que lui.
Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu'à présent, le Royaume des Cieux souffre violence, et des violents s'en emparent.
Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont mené leurs prophéties jusqu'à Jean.
Et lui, si vous voulez m'en croire, il est cet Elie qui doit revenir.

Que celui qui a des oreilles entende !" (Mth 11.7-15).

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