dimanche 1 mai 2011

Miséricorde !

2e Dim. Pâques 11.A :

En ce jour où nous prions avec les chrétiens réunis à Rome pour la béatification du pape Jean Paul II, dirigeons notre regard vers Dieu-Père, sur Dieu plein de miséricorde, terme que ce grand pape affectionnait particulièrement, à la suite de Sr Faustine…

Au nom du Père et du Fils… A cause de la réciprocité parfaite des relations entre le Fils et le Père, nous ne pouvons regarder le Christ, Fils de Dieu, sans contempler en même temps le Père, tel que Jésus nous le révèle quand il nous dit par exemple : “Lorsque vous priez dites : Père !”.
“Père” est un mot qui sonne plus ou moins étrangement aux oreilles de l’homme d’aujourd’hui facilement abusé par certaines caricatures de la paternité ou imbu de théories selon lesquelles la paternité nuirait au développement de la personnalité des fils… Les déviances ont existé et existent, certes ! Cependant, le premier titre que Dieu s'est fait donner par Moïse sur le Sinaï est celui de “Dieu de tendresse et de miséricorde” (Ex 34,6) auquel fait écho la parole de St Paul : “Dieu, Père des miséricordes” (2 Co 1,3).

Le mot “miséricorde”, en hébreu, signifie un sentiment qui monte des profondeurs des entrailles maternelles. Et bien, Dieu-Père est “matriciel”, disait André Chouraqui qui n’hésitait pas à employer ce néologisme. Il sent ses enfants comme une mère sent les siens, à tel point qu'Origène, un des premiers Pères de l’Eglise, va jusqu'à dire : “Personne n'est aussi mère que Dieu Père”.

Cet amour de miséricorde, cet amour “qui a des entrailles maternelles”, qui est “neuf tous les matins” (Lm 3,23), que rien n'altère, court tout au long de la Bible et arrache à l'homme ses cris les plus poignants en invoquant “le frémissement des entrailles divines” (Is 63,15). Toute la vie du Christ manifeste cette “bénignité” (Tt 3,4), cette inlassable miséricorde. On comprend dès lors que St Paul ait invité les chrétiens à “revêtir les entrailles de miséricorde de Dieu” (Col 3,12).

Et depuis la faute du premier homme, devant l’homme pécheur que nous sommes tous, l'amour de Dieu s'est revêtu de l'habit de miséricorde, comme le montre le tableau de Rembrandt : le père qui couvre de ses mains son fils prodigue. Dieu ne peut plus aimer qu'en pardonnant ; aussi, j'ose dire que la plus grande joie de Dieu est de pardonner, puisque sa seule façon de nous aimer, d'être éternellement fidèle à son amour créateur, c’est d'être miséricordieux en pardonnant. Chaque fois que Dieu exerce sa miséricorde, c'est comme s'il recréait l'homme, il le remet à l'état de fraîcheur primitive, avec la bonne odeur des mains du potier qui l'avait façonné.
Quand l'homme pardonne, il ne sait pas oublier. Dieu, lui, n'a pas cette sorte de mémoire. Il permet à l'homme de repartir tout neuf comme au sixième jour de la Genèse. St Ambroise a une parole étonnante ; il cherche à comprendre pourquoi Dieu Créateur ne s’est reposé que le septième jour : “Il a fait les cieux et je ne lis pas qu'il se soit reposé ; il a fait la terre, et je ne lis pas qu'il se soit reposé... Mais je lis qu'il a fait l'homme et qu'alors il se reposa, ayant enfin quelqu'un à qui il put pardonner les péchés”.

Mais ce geste de l’éternel pardon divin n'est pas toujours compris de ceux qui sont épris de justice humaine, de justice distributive : ils ne supportent pas la brûlure du baiser donné par la miséricorde à la justice. Nous le voyons bien dans les pays qui commencent à panser leurs plaies ouvertes à l'occasion de conflits fratricides… Pourtant, loin de s'opposer à la justice, la miséricorde l'exige. Mais elle va plus loin que la justice. Certes, souvent, notre conscience réclame un jugement qui rétribue le bien et sanctionne le mal. Cependant, nous refusons, en même temps, de nous laisser peser sur les balances les plus justes ; car nous sommes convaincus que la vérité de notre être ne peut être saisie que par l'amour de Dieu-Père, riche en miséricorde.

Jean-Paul II qui écrivit une encyclique sur la Miséricorde, disait : “Une terre d'où serait exclue la miséricorde pourrait être juste, mais elle deviendrait vite irrespirable et les hommes y grelotteraient de froid…”. Et nous savons comment ce Pape a manifesté cette miséricorde de Dieu-Père qui n’exclut pas la justice, en pardonnant à son agresseur, en lui faisant visite en sa prison.

Et nous savons également - autre exemple - comment Ste Thérèse de Lisieux avait "une espérance aveugle” en la miséricorde de Dieu-Père. C’était déjà l’expression de Jean-Paul II : “une espérance aveugle…”.

Dans la région de Sablé-Solesmes, on connaît le nom de Marcel Pagnol. Il y séjournait facilement (en la commune de Parcé). Et bien, savez-vous que ce grand auteur a écrit une pièce de théâtre sur Judas (il serait bien à la mode aujourd’hui !). A la question qui le tourmentait : “Selon vous, Judas est-il en enfer ?”, avec humour, il fait dire au Christ lui-même : “Je ne peux pas répondre à votre question, sinon les gens finiraient par abuser de mon indulgence”. Dieu riche en miséricorde !

Et chose curieuse encore : quand l'Église nous appelle à nous confesser, elle nous appelle à confesser notre foi au travers même de nos péchés. Aller se confesser ! Le mot “confession” primitivement servait à indiquer le contenu de la foi. Alors, finalement, confesser Dieu et confesser ses péchés vont ensemble, s'articulent l'un l'autre. St Augustin, qui s'y entendait en “Confessions”, a exprimé cette idée avec force : “Pour louer Dieu, tu t'accuses : en effet, sa grandeur est de remettre tes péchés. Cela fait partie de la louange de Dieu quand tu confesses tes péchés. Et pourquoi ? Parce qu'on félicite le médecin d'autant plus que l'on avait désespéré du malade”.
Confesser ses péchés, sa misère, c'est confesser notre foi, car c’est célébrer la miséricorde du Père.
On comprend alors la formule par laquelle le pénitent se présente normalement devant un prêtre : “Bénissez-moi, mon père, parce que j'ai péché...”. Il faut bien entendre : Bénissez-moi parce que j'ai péché et non malgré mes péchés ! Un comble, diront certains. Non, c’est seulement la joie née du pardon. La joie du fils prodigue mais plus encore du père qui invite tous ses enfants à festoyer, comme le bon Pasteur qui déclare qu'il y a dans le ciel plus de joie pour la brebis retrouvée que pour les quatre-vingt-dix-neuf autres demeurées au bercail.

Et puisque la bonté de Dieu est comparée aux entrailles d'une mère, n'hésitons pas à nous tourner souvent vers la Mère de Dieu, Marie ! Sur le seuil de la maison d'Élisabeth, dans son Magnificat, Marie proclame que la miséricorde de Dieu “s'étend d'âge en âge” (Lc 1,50). Au Père des miséricordes fait écho la Mère de la miséricorde.

Que la Vierge Marie, “mère de miséricorde”, nous aide à dire souvent comme St Paul : “Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, le Père des miséricordes et le Dieu de toute consolation ; il nous console dans toutes nos détresses, pour nous rendre capables de consoler tous ceux qui sont en détresse” (2 Co 1,3).

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