dimanche 22 mai 2011

Ne craignez pas !

5e Dim. De Pâques 11.A

"Ne soyez donc pas bouleversés" !

Comme le Seigneur connait bien le fond du coeur de l'homme toujours prompt à s'inquiéter, guetté sans cesse par le trouble, l'anxiété, le désarroi.

Il faut reconnaître pourtant qu'il y avait bien des raisons pour les Apôtres d'être bouleversés, au moment où Jésus leur adressait ces paroles.
- Il venait de leur annoncer la trahison de Judas : quel est le cœur qui ne serait pas meurtri par une défection ?
- Il venait de leur annoncer le reniement de Pierre : quel est le cœur qui ne serait pas blessé par un abandon ?
- Il venait de leur annoncer sa propre mort imminente : quel est le cœur qui ne serait pas broyé par la mort d'un être cher ?

Oui, Il leur annonçait sa mort, ou plutôt son départ vers une destination mystérieuse - “là où je vais, vous ne pouvez venir“ -, départ qui, apparemment, allait les laisser seuls : une solitude douloureuse après trois années d'intimité avec ce Maître incomparable ; une solitude redoutable, car, après son départ, il leur incomberait une mission difficile à remplir dans un monde indifférent et hostile (Et n’est-ce pas encore ore la situation de bien des chrétiens ?).

Vraiment, les Apôtres avaient bien des raisons de s'affliger, de s'inquiéter, de se troubler ! Et Jésus le voyait bien sur leurs visages ! Alors, avec l'exquise délicatesse de son cœur d'homme, Notre Seigneur comprend les questions angoissées de ses amis ! Et la délicatesse et la hâte qu'il met à dissiper la tristesse de ses Apôtres trahissent à quel point il les aime, traduisent la compréhension de nos propres souffrances de cœurs d'hommes !

Car, c'est à nous qu'il répète encore aujourd'hui, avec une infinie tendresse : "Ne soyez donc pas bouleversés" ! N'est-ce-pas la première parole que Dieu adresse toujours à tous ceux qu'il appelle : "Ne crains pas", avait-il dit à Moïse au buisson ardent ! "Ne crains pas", avait-il dit à bien des prophètes. "Ne crains pas", avait dit l'Ange à Marie, puis à Joseph ! "Ne soyez donc pas bouleversés", nous dit-il toujours ! “Ne craignez pas !“, avait répété le Bx pape Jean-Paul II, au début de son pontificat !

Jésus ne veut pas de disciples tristes et inquiets, même dans les circonstances douloureuses, dramatiques. "Pourquoi craignez-vous, hommes de peu de foi ?" avait-il dit, très souvent, à ses Apôtres?

Et pourquoi ce conseil ? Pourquoi ne pas craindre ? Parce que l'heure est venue pour les Apôtres - comme pour chacun d'entre nous - de faire cet acte de foi : "Vous croyez en Dieu ; croyez aussi en moi !" La foi ! C'est la grande leçon de ce passage d'Evangile que nous venons d'entendre ! "Croyez en moi"! C'est la foi seule qui peut sauver les disciples, à cette heure de la séparation et dans les terribles heures qui vont suivre, et tous les jours de leur vie. "Croyez en moi"!

Et ces paroles s'adressent à nous comme aux Apôtres. La foi seule peut nous faire dominer la crainte, surmonter les épreuves de toute vie humaine, et surtout nous faire percevoir le sens de cette vie, de notre vie, son but, malgré les larmes qui, parfois, peuvent troubler l'œil intérieur de notre foi ! “Accueillir la foi !“, comme les disciples dont il est question dans la 1ère lecture.

Car Notre Seigneur ajoute : "Je pars vous préparer une place ! Et là où je suis, vous y serez aussi". Il s'agit donc de croire en Jésus comme en quelqu'un qui a pouvoir sur la mort elle-même - et il le prouvera au matin de Pâques ! – et il a ce pouvoir sur tout ce qui est signe de "mort" en nos vies, sur nos souffrances -. Il nous donne rendez-vous au-delà de tout cela. C'est le fondement même de notre foi chrétienne : "si le Christ n’est pas ressuscité, disait St Paul, notre prédication est vide et vide aussi votre foi“ (I Co. 15.14). Mais non ! Le Christ est ressuscité des morts“ (Id. 20).
Bien davantage ! L’apôtre ne dira pas : “Considérez-vous comme si vous étiez morts et comme si vous étiez ressuscités avec le Christ“ ; mais il dira bien : “Vous êtes morts et vous êtes ressuscités avec le Christ !“ (Rm 6.11). Déjà ! Par la foi : “Croyez en moi !“. Disant ainsi, l’apôtre présente le même réalisme audacieux de Jésus qui n’a pas dit : “Considérez ceci comme mon corps !“, mais qui a dit : “Ceci est mon corps !“. Nous avons le Christ vivant en nous ! La foi en Jésus vivant ! Dès lors, il ne faut surtout pas atténués le réalisme des sacrements de la nouvelle Alliance qui véhiculent, à travers le temps et l’espace, la réalité même de ce qu’ils signifient : par le baptême, nous sommes déjà morts et ressuscités avec le Christ. Par l’Eucharistie, nous entretenons la vie du Christ ressuscité en nous, au point que St Paul dira : “Ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi !“.

Notre vie d'ici-bas ne débouche pas sur le néant, sur le vide, malgré ce terrible passage qu'il nous faudra accomplir de la mort à la vie, terrible passage comme celui du Christ lui-même, terrible passage qu'annoncent et préparent tous ces passages que nous faisons - bon gré, mal gré, parfois - du mal au bien, de la tristesse à la joie, bref, tous ces passages de tout ce qui est "mort" à nous-mêmes et en nous-mêmes à une plus grande plénitude de vie. Oui, "il nous faut marcher, comme Lui-même, le Christ a marché", disait St Jean. Lui, le premier, il a marché vers sa Pâques, il a fait le "passage". Et maintenant, il nous attend; il nous prépare une place au lieu de son "passage"!

Mais comment le Seigneur peut-il nous préparer une place près de son Père? St Augustin nous donne une réponse qui retourne les perspectives, comme Notre Seigneur lui-même le faisait si souvent, avec son humour paradoxal : "Le Christ prépare les demeures de ses disciples en préparant des habitants pour ces demeures. Car n'a-t-il pas dit : si quelqu'un m'aime, il gardera ma Parole et mon Père l'aimera ; et nous viendrons chez lui ; et nous ferons chez lui notre demeure. Vous le voyez bien, ajoutait St Augustin: il y a un lien très profond entre ces deux "demeures" dont parle Jésus : entre la demeure qui nous attend dans la maison du Père, au ciel où il nous prépare une place, et la demeure intime de la Sainte Trinité en nos âmes, sur la terre. C'est bien par cette demeure réalisée en nos âmes, dans l'obscurité de la foi, que le Seigneur nous prépare des demeures éternelles, dans la maison du Père".

Autrement dit, c'est dans la mesure où, ici-bas, nous accueillons le Christ, en nous efforçant de vivre comme Lui, en fils pour le Père et en frères pour tous les hommes, que nous serons accueillis près de Lui au ciel, près de son Père, parce que nous construisons alors, dès ici-bas, la demeure céleste dont la pierre angulaire est le Christ lui-même (Cf. 2ème lecture). Et cette seconde demeure est le Corps tout entier du Christ, tête et membres.

Oui, en accueillant le Christ en nous, nous goûterons avec joie, avec intelligence, malgré les épreuves de nos vies, nous goûterons ces paroles de vérité et de vie : "Ne soyez donc pas bouleversés! Vous croyez en moi ! Alors, vous croyez aussi en Dieu !“ - Vous m'accueillez ! C'est déjà Dieu que vous accueillez ! - Vous me voyez ! Alors, vous voyez aussi le Père ! - Et nous serons dans la paix, car, déjà, nous comprendrons que voir le Père, c'est l'unique nécessaire ; et "cela nous suffit !"

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