vendredi 27 mai 2011

La joie

Pâques 5 - Vendredi - (Jean 15.12-17)

Hier, l’évangile se terminait ainsi : “Je vous dis cela pour que ma joie soit en vous et que vous soyez comblés de joie“. Or s’il n’y a plus de joie profonde en notre vie, c’est que, peut-être, nous ne savons plus la trouver là où est sa source. Aussi, Notre Seigneur nous répète aujourd’hui : “Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés !“. St Thomas d’Aquin écrivait : “La joie n’est pas une vertu distincte de la charité ; elle en est un acte ou un effet ; et c’est à ce titre qu’elle est nommée parmi les « fruits du Saint-Esprit »“ (2a 2ae q.28). Alors même que Paul et Barnabé sont chassés d’Antioche de Pisidie, il est dit que “les disciples, eux restaient remplis de joie et d’Esprit-Saint ! (Ac 13.52).

A notre époque, les hommes ont pourtant une chance inouïe : par les progrès de la technique, ils ont la faculté de “communiquer“ facilement, largement, d’être proches les uns des autres, et ainsi de pourvoir mieux réaliser ce projet de Jésus d’une manière de plus en plus universelle : “aimez-vous !“ ; tant il est vrai que l’amour, disait le vieil Aristote, est “un désir de bienveillance mutuelle fondé sur la communication des personnes“. Communiquer ! L’humanité, désormais, ressemble de plus en plus, dans son ensemble, à une grande famille sans barrières et sans frontières. Aussi est-il urgent de “communiquer“, de savoir communiquer pour mieux s’aimer et trouver la vraie joie de vivre ! Je ne sais plus qui priait ainsi : “ Apprends-nous à aimer, Seigneur. Et la joie, par surcroît, fera sa demeure en nous“.

Malheureusement, au moment où nous pouvons plus facilement communiquer - pour mieux aimer, réaliser le grand rêve de Jésus sur le monde entier -, nous voyons parfois la désespérance s’installer, et de nouvelles barrières, de nouveaux conflits déchirer l’humanité… Nous voyons se multiplier les oppressions, les entreprises d’exploitation de l’homme par l’homme.

Et même certains chrétiens, sceptiques, de se demander alors : “qu’est-ce que cela change d’être chrétien ?“. Et bien, il me semble que cela change tout de croire que Dieu est Amour et que nous sommes faits pour aimer - “espérant contre toute espérance“ (Rm 4.18) - et que ce grand mouvement d’amour inauguré au matin de la création, pleinement accompli par le Christ, doit s’achever parfaitement dans l’humanité. C’est l’objet même de notre foi.

Si notre époque a de plus grands moyens de véritablement communiquer, les sciences humaines - et certains courants philosophiques aussi – affirment également que la relation interpersonnelle est constitutive de la personnalité : c’est dans la reconnaissance mutuelle des personnes que celles-ci s’accomplissent et s’épanouissent. Le mythe de l’heureux solitaire “Robinson Crusoë“ est une fable.
Et si l’homme est ainsi constitué - nous le savons par Jésus -, c’est que Dieu lui-même est ainsi. La communication dans l’amour est le mystère même de Dieu qui est à l’œuvre au cœur de tous ceux qui aiment…
“Dieu est Amour !“ (I Jn 4.16) : Le Père aime le Fils de toute éternité ; et le Fils aime le Père ; et de cet amour mutuel jaillit le Saint-Esprit qui est comme le “baiser d’amour“ du Père et du Fils (disent les mystiques). Le Père n’est que “communication“ au Fils ; le Fils n’est que “communication“ au Père ; et leur “communication“ commune est le Saint-Esprit. En Dieu, le Père et le Fils ne sont, dans l’Esprit-Saint, qu’un seul élan l’un vers l’autre. Tous les trois ne sont tellement qu’un seul partage d’amour qu’il n’y a qu’un seul Dieu !

Cette logique de vie divine est bien abstraite, diront certains. Et pourtant, elle est, doit être magnifiquement illustrée dans cette “trinité humaine“ qu’est une famille, laquelle constitue la plus belle parabole de l’éternelle Trinité (malgré les “avatars“ qu’elle peut parfois rencontrer) :
- un homme qui est un regard vers son épouse,
- une femme qui est un regard d’amour vers son époux,
- un père, une mère qui sont un regard d’amour vers leur enfant, lequel est, lui aussi, est un regard d’amour vers ses parents ! (Je peux l’affirmer car j’ai eu la grâce de vivre dans une telle famille !)

Et la joie n’est-elle pas justement ce commun “regard“ d’amour en lequel chacun se voit dans l’autre et pour l’autre. Et cela dans une harmonie indivisible et unique, car alors
- le père ne peut pas dit : “C’est moi qui suis le centre, la source, l’origine“.
- la mère ne peut pas davantage monopoliser l’unité et l’amour,
- ni l’enfant… de sorte que l’amour n’existe qu’en circulant, qu’en se communiquant dans une désappropriation continue.

Ainsi, de toute famille chrétienne quelle qu’elle soit d’ailleurs, on devrait pouvoir dire : “Voyez comme ils s’aiment !“. C’était la joie de Jésus que de le savoir et de nous le dire.

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