jeudi 19 mai 2011

Jean-Marc

Pâques 4 Jeudi (Ac. 13, 13-25)

Naturellement, les lectures liturgiques ne peuvent pas suivre en détail tous les événements des voyages missionnaires de Paul. Nous passons subitement aujourd’hui d’Antioche de Syrie (hier) à Antioche de Pisidie. Mais entre ces deux lieux, il y eut le passage de nos missionnaires en l’île de Chypre où Paul convertit, après une péripétie avec un magicien, “le proconsul Sergius Paulus, homme intelligent“ (Ac 13.7).
Est-ce par sympathie pour cet homme, son premier converti, que l’apôtre changea son nom ? Désormais de Shaoul, de la tribu de Benjamin - qui rappelait pourtant le premier roi d’Israël, lui aussi de la tribu de Benjamin -, il devient “Paul“, nom romain. Luc ne le désignera désormais que sous ce vocable. Par sympathie ? Possible ! En tous les cas, ce changement de nom souligne “officiellement“ que l’apôtre désire se consacrer à l’évangélisation du monde païen. Et, à sa façon toujours discrète, Luc de souligner que c’est bien lui, maintenant, qui prend la tête de cette nouvelle mission : de dernier de liste (comme le texte le soulignait dans la lecture d’hier), il devient chef d’une nouvelle équipe : Paul, Barnabé et le petit Jean-Marc.

Cette nouvelle situation pourrait expliquer, en partie, le début de notre lecture d’aujourd’hui : revenu de l’île de Chypre sur le continent, Jean les quitta pour retourner à Jérusalem“. Que s’est-il passé ? Le neveu de Barnabé a-t-il été meurtri de voir son oncle passer à un second plan ? Et puis, ce Paul, désormais, où va-t-il les emmener ? Vers le nord ? Peut-être que la perspective de traverser le Taurus, dans un climat souvent déprimant, a-t-il découragé le tout jeune Marc ? Quoi qu’il en soit, le jeune homme préfère retourner chez sa maman à Jérusalem où, semble-t-il, elle était propriétaire d’un petit jardin, à Gethsémani. Peut-être, d’ailleurs, que Marc avait été le jeune garçon qui s’était enfui tout nu lors de l’arrestation de Jésus, épisode qu’il est le seul à raconter en son évangile (Mc 14.52).

De ce départ, de cette séparation, il en résultera une “brouille“ entre Paul et Marc et même avec Barnabé. Après le Concile de Jérusalem qui approuve les activités apostoliques de Paul et Barnabé, ceux-ci décident de repartir pour une seconde mission. Mais voilà qu’une dispute éclate entre les deux apôtres à propos du petit Jean-Marc que Barnabé voulait reprendre avec lui (Que voulez-vous : l’oncle devait bien aimer son neveu. Cela arrive. Ce n’est pas encore du népotisme… ; mais enfin !). Paul, se souvenant sans doute de son abandon en Pamphylie, refuse catégoriquement. Il va encore nous “laisser tomber“, doit-il penser. “Et leur désaccord s’aggrava tellement qu’ils partirent chacun de leur côté !“ (Ac. 15.39). Le terme employé, surtout sou la plume de Luc, est très fort “paroxusmos“ ; ça dut “barder“, si je puis dire !

Il ne faut surtout pas s’étonner que, dans l’histoire de l’Eglise, il y ait des désaccords - c’est normal - voire des dissensions (fortes parfois), même entre saints, même entre moines ; je pense, par exemple, à la dispute qu’il y eut entre l’ardent St Bernard et le si aimable Pierre le Vénérable (j’avoue avoir un “faible“ pour ce dernier dont naguère j’ai lu la correspondance). De même entre Bossuet et Fénelon… et bien d’autres exemples ! Il ne faut pas trop s’en étonner surtout quand ce sont l’ardeur de la foi ou le zèle apostolique qui en sont les causes, et non, bien sûr, la suffisance d’une mission, d’une fonction qui empoisonne tout, épouvantablement ; là encore il y a des exemples qui furent des désastres !

Oui, il y a parfois des désaccords qui, dans l’“économie“ divine (la pédagogie divine à notre égard, pourrait-on dire), deviennent profitables. En la circonstance, il y eut deux missions au lieu d’une seule… ! Tandis que Barnabé retournera à Chypre avec son neveu, Paul, avec un nouveau compagnon, Sylas, entreprend un nouveau voyage ; ce sera l’occasion d’une première Communauté chrétienne en Europe, lorsque l’apôtre entendra cet appel : “Passe en Macédoine, viens à notre secours“ (Ac. 19.9).

Il faut ajouter qu’entre des hommes animés de l’amour de Dieu, il y a toujours réconciliation. Paul écrira plus tard à son disciple Timothée : “Prends Marc et amène-le avec toi, car il m’est précieux pour le ministère“ (Tim 4.11). Le fougueux Paul qu’il n’était certainement pas toujours facile de suivre savait montrer un cœur plein d’humilité et de véritable tendresse - celle qui vient de Dieu notre Père -.

Pour terminer, je me permets de souligner que l’ensemble du discours de Paul que la lecture d’aujourd’hui nous présente vient corroborer la remarque émise hier : l’incessante méditation de Paul fut la Bible et encore la Bible. Son discours, certainement très abrégé, résumé par Luc reprend toute l’histoire sainte pour la faire “récapituler“ en Jésus, Sauveur !

Nous-mêmes, en écoutant Paul, en lisant la Bible, puissions-nous faire “récapituler“ toute l’histoire avec l’histoire même de notre vie en Jésus-Sauveur !

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