lundi 22 novembre 2010

Sainte Cécile

22 Novembre - Ste Cécile
Il faut franchement le reconnaître (malgré les travaux de M. de Rossi, ami de Dom Guéranger, des historiens modernes), nous ne savons pas grand-chose sur Ste Cécile, tant les légendes et la dévotion populaire ont brouillé les pistes de l’histoire !
Le culte de Ste Cécile s’est développé en deux endroits privilégiés qui auraient successivement abrité son corps : les catacombes de Calliste et la basilique du Transtevere.

1. Les catacombes. Après les travaux archéologiques des 19ème-20ème s., on peut conclure que la “crypte“ de Ste Cécile était en quelque sorte une partie des sépultures de la famille des “Caecilii“, grande famille romaine convertie au Christianisme. L’endroit qui devait abriter le corps de Ste Cécile était le plus important, le plus digne. C’est à peu près tout ce que l’on peut dire. La Sainte aurait vécu au 2ème-3ème siècle (contemporaine du pape Calliste… ?).

2. La basilique du Transtevere. Elle est l’une des “églises-titre“ attribuées désormais aux cardinaux. Le mot “Titre“ désigne dans l’antiquité chrétienne ce que nous appellerions “paroisse“. (1) - Le Transtevere était le quartier de la ville (très commerçant) situé sur la rive droite du Tibre. Les “Caecilli“, riches patriciens, y avait acquis, sans y demeurer, une propriété (2) ; ils - Cécile elle-même peut-être - en firent don à l’Eglise. Ce fut le “Titre Caecilia“.
Le culte des martyrs s’organisa à Rome à la fin du 3ème. Les auteurs ecclésiastiques (Damase, Ambroise, Prudence…) chantèrent leurs louanges. Mais on ne trouve nulle trace de “Sainte Cécile“. Ce n’est qu’au 5ème siècle que tout changea brusquement avec la parution d’une “Passion de Sainte Cécile“ qui jouit immédiatement d’une grande popularité.

3. “La Passion de Ste Cécile“
La jeune Cécile gardait toujours l’Evangile sur elle, conversant sans cesse avec le Christ. On lui avait donné comme fiancé Valérien. Le jour des noces, “pendant que jouait l’orgue, elle chantait dans son cœur pour le Seigneur seul : « Que mon cœur et mon corps restent immaculés pour que je ne sois pas confondue » (Ps 118.80). Durant la nuit, Cécile confie à Valérien son secret : un ange l’avait averti qu’il la gardait pour Dieu, corps et âme. Valérien vit cet ange et se convertit ! Bien plus, Cécile et Valérien convertirent le frère de celui-ci, Tiburce !
Dénoncés au préfet, Valérien et Tiburce furent emmenés au supplice. Mais ils trouvèrent le moyen de convertir leur bourreau. Finalement les trois hommes furent exécutés, ce qui provoqua la conversion de beaucoup. Cécile qui avait encouragé les trois martyrs fut à son tour arrêtée. Professant hardiment sa foi, elle fut emmenée dans sa “salle de bain“ pour être brûlée vive ; mais les flammes ne lui firent aucun mal. On envoya un soldat pour la décapiter. Celui-ci s’y reprit à trois fois sans y parvenir parfaitement. Perdant son sang, elle mourut en demandant de confier tous ses biens à l’Eglise.

Les critiques de ce récit sont sévères : c’est un récit imaginé qui emprunte des clichés hagiographiques courants (conversion, virginité, martyr…), afin de favoriser la dévotion, la fidélité, la foi… Et les historiens de conclure : Ste Cécile a fondé au 3ème siècle un “titre“ dans une maison lui appartenant, mais où elle n’habitait pas. Mourut-elle vierge ? Probable. Mourut-elle martyre ? Rien de certain. Si elle l’avait été, on l’aurait su au 3ème, 4ème siècles.
Ce qui et sûr, c’est qu’à partir du 5ème s., le culte de Ste Cécile, sous l’influence du récit de “La Passion“ ne fit que grandir. Au 6ème s. Cécile entre dans la liste des saints nommés durant la messe.
Par ailleurs, “la Passion“ disait que pendant ses noces, alors que l’orgue jouait, Cécile chantait dans son cœur une prière… (objet du 1er répons de Matines). Mais à la fin du Moyen-Age, on raccourcit ce répons pour en faire une antienne ; on supprima : “dans son cœur“. Alors on comprit que Cécile chantait en s’accompagnant elle-même sur l’orgue. C’est ainsi qu’elle devint “patronne des musiciens“ au 15ème s. seulement ! Ce patronage devait lui valoir une nouvelle popularité.

De tout cela que faut-il retenir ? L’essentiel. Fi de l’histoire qui, en bien des circonstances, ne peut être précise. La piété des fidèles, de l’Eglise, tout au long de son histoire, retient ce qui élève vers Dieu. La “Passion de Ste Cécile“ présente les vertus importantes, toujours d’actualité :
- la chasteté : être tout à Dieu, corps, esprit, âme. “Je voudrais vous voir..., disait St Paul…, ayant seulement souci des affaires du Seigneur“ (I Co 7.32). “Aussitôt que je crus qu’il y avait un Dieu, écrivait Ch. de Foucault, je compris que je ne pouvais faire autrement que de ne vivre que pour lui !“.
- le martyre : être martyr, c’est “témoigner“ jusqu’au prix de sa vie, s’il le faut. “Il y a des hommes, connus de Dieu seul, qui sont déjà pour lui des martyrs au témoignage de leur conscience, parce qu’ils sont prêts, si on le leur demande, à répandre leur sang pour le nom de Jésus Christ“ (Origène). - “Certains subissent le martyre une bonne fois par le glaive, disait encore Jean Tauler, d’autres connaissent le martyre qui les couronne de l’intérieur“. - Et puis, la vie monastique n’a-t-elle pas été comprise, après la période des grandes persécutions, comme le succédané du martyre ?
- Chanter ! Faire de toute sa vie un chant, une louange à Dieu. Personnellement, j’aime ce verset du psaume 118e : “Non je ne mourrai pas, je vivrai et je chanterai les merveilles du Seigneur !“

(1) L’emploi de ce mot “Titre“ témoigne d’une époque où l’Eglise - pas reconnue ou même persécutée - plaçait ses biens sous des noms de personnes privées qui détenaient légalement les “titres“ de propriété. Cette fiction juridique (qui ne trompait personne) amena l’usage de désigner les “titres“ sous le nom de leur propriétaire légal. Le pape Calliste joua un rôle important dans la fondation des premiers “titres“ (l’un d’eux portait son nom !). - L’usage encore actuel de cette dénomination est sans doute désuet. Mais il rappelle que, dans certains pays qui ne reconnaissent pas l’Eglise, voire la persécutent, ce procédé juridique existe encore !!! Occasion de prier pour ces Eglises plus ou moins rejetées !

(2) non pas seulement une “domus“ (une maison), mais une “insula“, immeuble de rapport (magasins, appartements, bains… Au 4ème siècle, il y avait au Transtevere, pour 150 “domus“, 4 405 “insulae“ et 86 bains.

Aucun commentaire: