dimanche 14 novembre 2010

Attente active

33e Dimanche 2010/C : L'Attente

Dimanche prochain, la fête du Christ-Roi évoquera le jour où le Christ, tout en tous, remettra le monde pacifié à son Père.
Et aujourd'hui, l'Evangile précise quel doit être le dynamisme de notre foi pour parvenir à ce jour glorieux et final, malgré les tentations de toutes sortes.

Et la première de toutes les tentations, n'est-ce pas la lassitude d'attendre ce magnifique Royaume promis par le Christ ? Depuis deux mille ans que l'Eglise attend, espère…, ne sommes-nous pas parfois fatigués d'espérer? C'est à cette lassitude du cœur que les textes d'aujourd'hui voudraient répondre.

Quand le temps se fait long et l'attente apparemment vaine, s'installe alors en notre cœur la "mélancolie", “cette ardeur retombée“ (Gide), cette “acédie“, sorte de dépression spirituelle que combattaient si fortement les Pères du désert et St Benoît lui-même. Le temps qui passe use les fidélités, rabote les enthousiasmes : nous en avons tous l'expérience.
Ce temps de découragement et d'apathie spirituelle est passé également sur les premières générations chrétiennes.
- Le Christ vient, disaient certains ; et bien laissons tout tomber et attendons patiemment. Il n’y a qu’à attendre !
- Le Christ vient, disaient d'autres, mais c'est bien long ; et nous sommes persécutés ; le monde est de plus en plus mauvais.
Aux premiers, Paul répond : Travaillez !
Aux seconds, Luc adresse une page d'Evangile : Témoignez !

Cette longue attente a engendré dans l'histoire de l'Eglise jusqu'à nous, deux attitudes, deux comportements.
- La première est une sorte d'installation patiente dans une sorte de piété qui n’est qu’un abandon passif à la volonté de Dieu, censée se faire toute seule. Oh certes ! On ne fait rien de mal, au contraire. Mais on laisse, on se laisse faire, si je puis dire !
- La seconde est plus active : Puisque Dieu se fait attendre, organisons le monde, avec ou sans lui. Et nous verrons bien.

Aujourd'hui encore, les uns écrivent et annoncent partout : “Jésus revient“. Mais le lieu de leur engagement n'est pas le monde, mais une sorte de repliement sur soi. Ce retour au “piétisme“ n'est pas nouveau. Il existait en Israël, au retour de l’exil, par exemple…
Les autres veulent écrire l'histoire du monde, remettant parfois à plus tard de savoir si ce monde sera, oui ou non, celui de Dieu. Et souvent, c'est plutôt celui de l'Homme-Dieu !

Aujourd'hui encore, Paul fait remarquer aux premiers son propre exemple : l'attente du Christ ne l'empêche pas de travailler. - Aux seconds, Luc demande de témoigner du Christ.

Et comme il convient de ne pas s'y tromper, il faut préciser que c'est en chacun de nous qu'il y a
- et celui qui aimerait attendre le monde de Dieu sans engagement véritable…
- et celui qui organise sa vie comme si cela ne concernait pas le retour du Christ.

Il faut donc, certes, attendre, mais attendre activement. Et comment cela ? Notre Seigneur nous le dit clairement : “Vous serez livrés, trahis, condamnés, détestés…, à cause de mon nom (et comme c’est d’actualité en certains pays !). Cela vous donnera l'occasion de porter témoignage“.

Voici l'attente active que le Christ attend de nous : que nous portions témoignage. Certes par la parole ; mais surtout, à l’intérieur de nos communautés, à l’intérieur de nos familles chrétiennes, en faisant exister les Béatitudes : Justice, Douceur, Pauvreté, Vérité, Liberté, tous ces différents noms de l'Amour qu’est Dieu. Il s'agit, nourris du Christ, de faire exister un monde qui soit le sien. Il s'agit d'enfanter un monde où l'homme puisse avoir déjà visage du Christ. N’est-ce pas la vocation de toute communauté chrétienne, de la famille chrétienne elle-même ?


Cette attente active aura alors comme deux dimensions :
- une prise de conscience de la présence du Christ.
- et notre collaboration à cette présence di­vine.

Quelle mère serait assez inattentive pour ne pas écouter l'enfant qui bouge en elle ? Quel serait ce chrétien qui pourrait ne pas porter attention au Christ qui bouge en lui et soulève ses pesanteurs ? Cette attention au Christ en nous, cette "veille" pour scruter les événements même minimes et discerner le Seigneur qui vient, c'est la prière. C’est cela d’abord prier : être attentif à la présence du Christ. “Le problème de la présence du Christ à l'homme ne se pose pas, disait Jean Paul II, naguère ; le problème, c'est celui de la présence de l'homme au Christ !

La seconde dimension, nécessaire à cette attente active, c'est de rejoindre le Christ perçu dans la prière, de le rejoindre à l'œuvre dans le monde, en nos frères, là où on se trouve. Si nous percevons, dans la prière que le Christ est en train de changer le monde pour qu'il devienne le sien, comment n'irions-nous pas travailler avec lui ? N’est-ce pas l’appel de notre évêque par l’élan missionnaire qu’il veut imprimer en chacun de nous : “Quo vadis ?“ Où vas-tu Seigneur pour que j’aille avec toi ?

En modelant, par nos pensées, nos décisions, notre mode de vie un monde de justice, de vérité, un monde de Béatitudes, c'est le Corps même du Christ que nous préparons pour ce retour.

L'action qui donne corps à la prière, la prière qui donne sens à l'action : voilà les deux urgentes nécessités de toute vie chrétienne qui attend en vérité, son Seigneur.

Naturellement, on entend : “Comment tenir et tenir encore dans l'espérance quand si peu de choses changent en nous et autour de nous ?“
“Mettez-vous bien dans la tête, nous dit le Christ, que vous n'avez pas à préparer votre défense. Moi-même, je vous inspirerai une sagesse et un langage“.

Voilà l'origine de la force de celui qui tente l'aventure de la prière comme de celui qui tente l'aventure de l'engagement - ou plutôt des deux à la fois - : la force nous vient du Christ lui-même.

Et si nous doutons de cet incessant mouvement entre prière et action, regardons ce que nous faisons en célébrant l'Eucharistie chaque dimanche ou même chaque jour :
- Nous nous reconnaissons pécheurs fatigués et ouvriers improductifs afin d’entendre la Parole divine qui sera efficace en nos cœurs purifiés.
- Alors, nous apportons le pain et le vin de nos travaux, des œuvres de toute l'humanité afin que nos actions, notre vie même acquièrent plus de vérité, plus de sainteté.
- Et, dans l'action de grâce pour tant de merveilles que Dieu fait par la main des hommes, il nous donne encore en nos mains ce que nos dons doivent signifier : le Christ ressuscité. Afin de porter témoignage !

Aussi est-t-il important de demander à Dieu d'être vigilants, de savoir demeurer dans la prière, de nous te­nir debout dans le témoignage et de savoir trouver notre joie dans la fidélité.

Aucun commentaire: