dimanche 21 novembre 2010

Christ-Roi

Nous célébrons aujourd’hui la fête du Christ, Roi de l'univers. Cette fête nous met en face d'un mystère que nous n'aurons jamais fini de découvrir : le mystère de Celui qui est mort par amour pour nous sur une croix, comme vient de rappeler l’évangile.

Dans cet évangile, il est étonnant de voir la violence que la mort du Christ a provoquée.
- Les chefs ricanent : “II en a sauvé d'aubes, qu'il se sauve lui-même !”
- Les soldats se moquent : “Si tu es le roi, sauve-toi toi-même !”
- Et tous sous-entendent : comment reconnaître un roi en ce Jésus ?

Il est vrai qu'il n'avait plus rien d'un roi selon nos critères humains. Pour les hommes, le roi est celui qui s'impose par sa puissance, peut-être par la peur qu'il inspire, en tous les cas par les pouvoirs qu'il peut exercer. Mais cela n'a rien à voir avec ce Jésus qui meurt sur une croix dans la plus grande solitude.
Bien plus, la déchéance apparente de Jésus sur la croix déchaîne une violence encore plus grande que d'habitude, tant il est vrai qu’on ne supporte pas, inconsciemment et instinctivement, de voir un roi, un responsable sans défense. On ne peut respecter un roi, un responsable quelconque, qu'à condition qu'il soit à part, sinon on cherche à se venger sur lui de tous les pouvoirs, les prestiges qu'il a pu avoir et dont il n’a pas profité.
Oui, il n'est pas étonnant de voir, dans l’évangile, cette foule, déchaînée par la violence, venue voir ce prétendu roi mourir. C'est tout le péché de l'homme qui nous est révélé dans cette histoire, dans ces attitudes. Et nous quels sont nos réflexes en circonstances analogues ? Il est si facile de critiquer, condamner…

Pourtant, c'est vraiment là, sur la croix, que nous est révélée la royauté de Jésus. Oui, c'est sur la croix que nous est manifestée la toute-puissance de l'Amour de Dieu. Les hommes attendaient qu'il s'impose par la crainte, la force, mais Jésus a préféré nous faire pénétrer dans ce mystère de l'Amour qui renvoie chacun à la vérité sur soi-même.
Car la force royale de Jésus c'est de vouloir que l'homme soit libre, que l'homme marche librement à sa suite, et de l’aimer jusque dans cette liberté qui peut s’égarer. Jésus n'a pas voulu que nous soyons des esclaves acceptant de le suivre par peur, mais au contraire que notre choix soit libre, qu'il soit une réponse d'amour.
Et c’est là toute la question. Il y a en ce moment peut-être, dans le monde, au fond de quelque église, ou même dans une maison quelconque, ou encore au tournant d’une chemin désert, un pauvre homme, un pauvre, qui joint les mains au fond de sa misère, sans bien savoir ce qu’il dit ou sans rien dire, et qui remercie Dieu de l’avoir fait libre et donc capable d’aimer. Et il y a aussi peut-être, quelque part ailleurs, je ne sais où, un homme comblé, puissant, mais dont l’orgueil est contrarié par quelque incident mineur et qui crie son amertume et sa vengeance vers le ciel, pour n’être pas suffisamment reconnu en ce qu’il fait.
C'est bien ce qu'avait compris l'un des malfaiteurs près de Jésus sur la croix. Cet homme, juste avant de mourir, a perçu combien la mort de Jésus était le signe même de son amour pour les hommes, créés à l’image de Dieu, libres et donc capables d’aimer. Il a compris que la force de Jésus était dans sa capacité à donner librement sa vie par amour pour ses frères. C'est pourquoi cet homme dit à Jésus : “Souviens-toi de moi quand tu viendras inaugurer ton Règne”.

Aujourd'hui encore, tout cela est peut-être difficile à accepter. Beaucoup de personnes disent : “Mais si Dieu existait, il n'y aurait plus de guerres, plus de violence, plus de détresse...”. Ces personnes pensent que Dieu doit supprimer tous les problèmes des hommes par puissance humaine ; et comme il ne le fait pas, c'est la preuve qu'il n'est pas tout-puissant, et donc qu'il n'est pas roi. Nous restons dans une logique humaine sans entrer dans la logique même de Dieu.

Pour les hommes, le roi est celui qui doit être le plus fort ; pour Jésus, être roi c'est aimer, c'est devenir le serviteur de tous, c'est donner sa vie pour ceux dont la liberté s’égarent, c'est pardonner toujours sans se décourager ; être roi, c'est vouloir le bonheur de l'autre avant le sien, en faisant découvrir cette grande capacité de la liberté, moteur de tout amour.

Pour entrer dans le Royaume de Dieu, il nous faut donc suivre le chemin de Jésus. Il faut que nous sortions de notre logique de pouvoir, d'argent, pour découvrir une autre logique : celle du Christ qui respecte en aimant et qui aime en respectant.

Il n'est pas facile dans notre monde d’avoir des responsabilités, d'exercer un pouvoir sur les autres. Nous le savons bien, car chacun de nous, un jour ou l'autre, a fait l'expérience de sa fragilité. Or le pouvoir fait souvent de l'homme un esclave, l'esclave d'une image, un homme seul, sans véritable ami, obligé de toujours correspondre à l'image que l'on attend de lui.

Jésus, aujourd'hui, nous invite à entrer dans son Royaume, à croire en la logique de l'Amour plus fort que tout, à devenir libre devant les pressions du monde...

Tout à l'heure, nous allons dire ensemble la prière du “Notre Père” et nous dirons : “que ton règne vienne”. Que notre prière de ce matin soit vraiment l'expression de notre désir le plus profond de voir advenir ce règne d’une véritable liberté au service d’un amour des uns et des autres pour plus de paix et de justice. Et nous dirons avec justesse : “Que ton Règne vienne, Seigneur Jésus”.

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