mardi 23 novembre 2010

Combat !

Mardi - 34 T.O. - Combat ! Apoc. 14. 14-19

Avec le chapitre 14ème, commence la “finale“ de l’Apocalypse. Longuement, Jean a décrit par diverses images la lutte impitoyable qui se déroule au long de l’histoire entre la “Bête“ (Satan) et l’Agneau immolé mais debout qu’est le Christ, entre ceux qui l’accueillent et ceux qui le refusent.

C’est le “combat de Jacob“ qui se poursuit. Au lieu de son combat, Jacob devenu “Israël“ (= “Tu as été fort…“) donne le nom de “Penouel“ (= “face de Dieu“) ; Pour voir la face de Dieu, il y a obligatoirement un combat (1), ce même combat que le Christ a mené jusqu’à la croix, le combat dans l’amour de Dieu et des hommes ! (2)

Et l’Eglise sait qu’elle rejoint son Seigneur en passant par où il est passé ! Aussi, nous faut-il acquérir cette vertu que décrivent St Paul et l’Apocalypse : l’“upomonè“ : la constance-endurance, la faculté de “tenir le coup“ (3). Car viendra le temps de la vendange. C’est l’objet de notre lecture.

Précédemment (14.9sv), trois anges avaient annoncé le jugement divin avec l’écroulement de tous les totalitarismes, de toutes les idolâtries. C’est donc maintenant le temps de la vendange. Voici venir comme un “Fils d’homme“ (cf. Apoc. 1.13. Voir Daniel : 7.13-14), personnage mystérieux venant du ciel pour accomplir le dessein de Dieu.
La moisson, la vendange fait penser, bien sûr, à la fin du monde annoncée par Jésus lui-même : “La moisson, c’est la fin du monde“ (4). Ce passage de l’Apocalypse s’inspire du prophète Joël (ch. 4) qui juxtapose les images de la moisson et du pressoir pour exprimer le jugement de Dieu.

“Jette la faucille et moissonne ! Jette la faucille et vendange !“. Car voici qu’arrive le Royaume de Dieu en plénitude ! “Vendange, est-il demandé à ce Fils d’homme, la vigne de la terre !“. Dans la Bible, le peuple de Dieu est souvent comparé à une vigne (Ex. : Is. 5). Et Jésus a repris ce symbole pour se désigner comme “tête“ d’un nouveau peuple : “Je suis la vraie vigne et mon Père est le vigneron“ (Jn 15.1).

Mais pourquoi cette expression : “Et il jeta la vendange dans la cuve de la colère de Dieu“ ? Et il est précisé après notre péricope : “On foula la cuve hors de la cité. Et de la cuve, il en sortit du sang qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de 1600 coudées“.
L’image de la cuve provient du prophète Joël et surtout du prophète Isaïe (63.1-6) : “Qui est donc celui-ci qui vient d'Edom (5), avec du cramoisi sur ses habits… ? - Pourquoi y a-t-il du rouge à ton vêtement, pourquoi tes habits sont-ils comme ceux d'un fouleur au pressoir ? - La cuvée, je l'ai foulée seul ; personne n'était avec moi ; alors je les ai foulés, dans ma colère ; je le les ai talonnés, dans ma fureur ; leur jus a giclé sur mes habits et j'ai taché tous mes vêtements. Dans mon cœur, c'était jour de vengeance, année de rédemption …“. Ce texte sera encore utilisé par St Jean (19.13.15) pour signifier que c’est le Christ lui-même qui foule la cuve “hors de la cité“, ce qui rappelle le sang que le Christ a été répandu sur le pressoir de sa croix plantée au lieu dit “Le Golgotha“, hors des murs de Jérusalem (6).

Dans le cadre des réflexions de l’Apocalypse, le sang répandu est celui des martyrs ; “la vigne de la terre“ désigne ceux qui refusent d’adorer l’image de la Bête (du démon) au prix de leur vie (Cf.13.15), à l’exemple de leur Maître.
Le P. Feuillet a raison d’expliquer : “C’est par la vendange des martyrs que se prépare le vin de la colère divine ; et c’est en s’enivrant du sang des martyrs que les ennemis de Dieu et du Christ se condamnent eux-mêmes à boire la coupe de la colère divine“. …
Du sang, “il en sortit qui monta jusqu’au mors des chevaux sur une étendue de 1600 coudées“. Allusion, bien sûr, au passage de la mer rouge ! “Le bain de sang provoqué par la persécution est donc le moyen dont le Fils de l’homme se sert pour châtier les ennemis de Dieu, exactement comme lui-même a personnellement triomphé des puissances mauvaises par son sang répandu sur la croix“ (P. Feuillet). Mais c’est une colère d’amour qui va jusqu’au don de soi !

Dans ce “beau combat“, demandons tous cette vertu de l’endurance, la faculté de “tenir le coup“. Car vient le temps de la vendange pour le Royaume de Dieu !

(1) “le beau combat de la foi“ dira St Paul (I Tm 6.12 ; II Tm 4.12)

(2) On peut également lire tout le livre des psaumes à travers cette grille : La vie est un combat, une impitoyable guerre. Et pour ce combat, il y a deux ennemis : le “Révolté“ et l’“Innocent“. Chacun a son sentier de guerre : la route des ténèbres ou la route de la lumière.
Ces deux routes se partagent l’universalité du réel et elles coexistent dans le temps et dans l’espace où elles définissent la frontière de tous les combats. Et c’est sur cette ligne d’affrontement que s’inscrivent tous les déchirements de l’histoire. C’est toujours la guerre entre l’“Innocent“ et le “Révolté“ ! L’un refuse la voie de la lumière ; l’autre celle des ténèbres. L’un dit non à l’iniquité du monde ; l’autre à la pérennité de Dieu. Mais viendra le moment de la “plénitude des temps“ où Dieu enverra l’“Innocent“ par excellence, le Christ, Dieu et homme. Et ce sera, comme dit l’Apocalypse, le moment de la victoire, de “la vendange de Dieu“ !

(3) (Cf. Apoc 2.13 ; 3.11 ; et par contraste : 21.7-8)

(4) Mth 13.39. Cf. aussi la parabole de l’ivraie : Mth 13.36-43

(5) Le mot “Edom“ vient de la racine “rouge“

(6) A ce propos, il est intéressant de savoir qu’en hébreu le vin se dit parfois : “le sang de la grappe“. Il faut se rappeler ce détail quand on lit, par exemple, l’épisode des noces de Cana (de Jean également).

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