mardi 10 janvier 2012

Prédication - Capharnaüm !

1 T.O. Lundi-Mardi

Ma réflexion aujourd’hui reprendra, avec l’évangile de ce jour, celui d’hier que je n’ai pu commenter. Marc semble vouloir toujours aller très vite. Il passe vite sur les prémisses pour arriver à la conclusion.

Son évangile commence brièvement par l’irruption de Jean-Baptiste qui annonce Jésus, car il lui a été dit : “J’envoie mon messager… Préparez le chemin du Seigneur !“ (1.1-3). Il annonce Jésus ; il le présente rapidement par rapport à lui : “Celui qui est plus fort que moi vient après moi… Je ne suis pas digne de délier la courroie de ses sandales… Moi, je baptise dans l’eau ; mais lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint !“ (1.7-8).

Et aussitôt, c’est le baptême de Jésus et la manifestation de l’Esprit Saint sur lui avec la voix du Père : “Tu es mon Fils bien-aimé !“ (1.11).

Et l’épisode de Jean-Baptiste se referme : il disparaît, arrêté, emprisonné par Hérode… et bientôt décapité !

Jésus reste seul ! Et il affirme : “Le temps est accompli, et le Règne de Dieu s’est approché !“ (1.15).Quand est venu l’accomplissement des temps, reprendra St Paul, Dieu a envoyé son Fils, né d’une femme…“ (Gal 4.4) … Oui, insistera-t-il, “pour mener les temps à leur accomplissement, réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ“ (Ephes. 1.10). Le temps, les temps doivent être accomplis en nous-mêmes pour que nous soyons dans le Christ “à la louange de la gloire de Dieu !“ (Eph. 1.12).

Voilà le but de la venue du Fils de Dieu parmi les fils des hommes, l’objet de toute sa prédication. Mais pour bien l’entendre, il demande : “Convertissez-vous ! Croyez à l’Evangile !“ (1.15). Se tourner vers Dieu ! Entendre sa Parole. Si seulement il pouvait nous être dit à nous aussi : “Nous ne cessons de rendre grâces à Dieu de ce que, une fois reçue la Parole de Dieu…, vous l'avez accueillie, non comme une parole d'hommes, mais comme ce qu'elle est réellement, la Parole de Dieu. Et cette parole reste active en vous, les croyants“. (I Thes. 2.13).

A cet effet, Jésus commence par choisir ses apôtres à qui il dira un jour : “Allez dans le monde entier, proclamez l'Évangile à toute la création Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé !“ (15.16).

Il faut bien le remarquer : Jésus choisit ses apôtres de la façon la plus simple, parmi des gens des plus simples !

Les trois premiers disciples sont de Bethsaïde (dans les états de Philippe, frère d’Hérode). Il y a d’abord Pierre avec son frère André. Un peu plus tard, il y aura Philippe, de Bethsaïde, lui aussi ! Pierre avait dû se marier avec une fille de Capharnaüm. Nous connaissons l’épisode de sa “belle-mère“, malade à Capharnaüm ! Peut-être avait-il hérité, plus ou moins, de l’affaire de pêche de son “beau-père“. Probablement travaillait-il avec un autre habitant de Capharnaüm, Zébédée, le père de Jacques et Jean, qui avait une petite entreprise (une “PME“, dirions-nous) puisqu’il est précisé : ses fils, appelés eux aussi, “laissèrent leur père, avec ses ouvriers“ ! (Mc 1.20).

Il faut bien se rendre compte comment, dans l’humilité de ces vies de travailleurs très simples, va naître la grande Eglise Universelle ! C’est bien là toute la pédagogie de Dieu à l’égard des hommes : partir de toutes petites circonstances, dans un coin caché, qui vont se répercuter à travers le monde entier. Toujours ces promotions étranges que l’on trouve à travers toute la Bible… Depuis Caïn et Jacob, jusqu’à Joseph, David, Osée et bien d’autres… jusqu’à Marie… Il nous faut grandement méditer sur cette façon d’agir de Dieu à travers l’histoire même de l’Eglise, une façon d’agir qu’illustrera l’émerveillement de Jésus devant la fécondité des plus petites semences, le grain de sénevé qui devient un arbre pouvant abriter les oiseaux du ciel !

Retenons cette grande leçon de la façon d’agir de Dieu, leçon que nous lègue avec insistance St Benoît en sa règle à propos de l’humilité. Souvent, Dieu regarde ce qui est humble et même humilié pour accomplir de grandes choses ! Si Catherine de Sienne disait : “L’humilité est la nourrice et la gouvernante de la charité“, le pape Paul VI, faisant allusion à Ste Thérèse de Lisieux, aimait à répéter : “L’humilité est l’espace de l’Amour“ ! Aussi, il nous est peut-être bon, pour nous religieux, d’entendre le grand St Augustin : “Les chrétiens qui mènent la vie conjugale, s’ils sont humbles, sont meilleurs que les chastes orgueilleux !“

Mais si, comme disciples du Christ, l’humilité est absolument nécessaire pour proclamer l’Evangile du Christ, notre intelligence ne doit pas en être inhibée pour autant. Il nous est dit aujourd’hui que Jésus arrive à Capharnaüm. Matthieu précisera : “Il vint habiter Capharnaüm !“ (Mth 4.13). Cette ville sera, en quelque sorte, le “Q.G.“, le quartier général de sa prédication ! Pourquoi ? Pourquoi n’est-il pas resté à Nazareth ? On peut avancer plusieurs raisons :
- D’abord Nazareth est un “trou“, si je puis dire. Rappelons-nous la réflexion de Nathanaël : “Que peut-il sortir de bon de Nazareth ?“ (Jn 1.46). Si Jésus voulait donner à son enseignement un minimum de retentissement - même sans faire de propagande intempestive, comme c’est de coutume aujourd’hui -, il fallait qu’il se mette sur un grand axe de circulation. Or Capharnaüm se trouve sur la célèbre autoroute “via maris“ (“Terre de Zabulon, terre de Nephtali, route de la mer“ - Mth 4.15).
- De plus, Jésus n’était pas très bien considéré à Nazareth. Dès le début, on a voulu le précipiter du haut d’un sommet… (Cf. Lc 4.29). Et sa parenté n’a pas tellement cru en lui. On le poursuit jusqu’à Capharnaüm en pensant qu’“il a perdu la tête“ (Mc 3.21).
- Dans le même sens, il y a sans doute une troisième raison. Jésus a sans doute pratiqué le conseil qu’il donnera à ses apôtres : si dans une maison, dans une ville, on ne vous accueille pas, et bien secouez la poussière de vos pieds et allez ailleurs (Cf. Mth 10.4). C’est aussi simple que cela ! Or Capharnaüm était à la frontière des états d’Hérode Antipas et de ceux de son frère Philippe. Or Hérode que Jésus avait qualifié de renard (Lc 13.32) et dont il fallait, disait-il se méfier (“Gardez-vous bien du levain d’Hérode“ - Mc 8.15), apprenant ce qui se passait, “cherchait à le voir“, dit Luc très poliment (Lc 9.9). Autrement dit, la police de ce monarque despote est à ses trousses ! “Va-t-en d’ici, lui dira-t-on un jour, car Hérode veut te faire mourir ! (Lc 13.31). Alors, de Capharnaüm, la frontière n’était pas loin pour aller se réfugier dans les états de Philippe. Il est bon de se rappeler que Jésus n’avait pas ou “reposer la tête !“ (Mth 8.20).

Même à Capharnaüm, la mission de Jésus, dès le début, ne fut pas très confortable. D’ailleurs Marc note que ce sont les esprits mauvais qui se manifestent et reconnaissent qui il est. Cette manifestation des démons est toujours un “bon signe“. Le Curé d’Ars l’avait bien compris : “Le démon ne tente que les âmes qui veulent sortir du péché et celles qui sont en état de grâce. Les autres sont à lui : il n’a pas besoin de les tenter !“. Sachons-le !

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